« - J'y crois pas, j'y crois pas ! » J'étais arrivée dans la boutique quinze minutes après l'appel de Marcel. Il était d'ailleurs en train de souffler dans un sac en carton, me fixant avec des yeux paniquer. Qu'est-ce qui s'était passé ? Oh, rien. Justement, rien ! Je retirais mes hauts talons que je balançais sans le moindre problème dans un coin de la boutique alors que je me dirigeais vers l'arrière, là où se trouvait les machines et les commandes en cours. En arrivant, le mannequin était là, sans la robe. Sans cette foutu robe blanche. Il fallait que je reste, oui, que je respire, une petite seconde. Ce matin encore, j'étais là, assise. Je finissais une broderie en perle qui se trouvait au dos de la robe de mariée. J'avais demandé à l'une de mes couturières de vérifier chaque centimètre de cette robe puisque je devais rejoindre ensuite mes chers parent pour manger. Parent qui vivent à New York et donc je ne pouvais pas faire attendre mon jet privée. J'avais clairement spécifié à Marcel qu'à la fin de son boulot, il devait ranger toutes les robes, dans l'ordre de leurs apparitions. Je lui avais donné une liste, je lui avais aussi dit de ranger la boutique pour les clients de demain, d'appeler le traiteur pour les sachets surprises ainsi que Chanel, parce qu'on avait toujours pas reçu les produits. Mais passons, la vie de Marcel était mouvementée et pleine de tâche à accomplir. Ce qui en soi n'était rien de nouveau parce que ce type é tait une perle et qu'il n'avait ô grand jamais fait la moindre bourde. Jusqu'à maintenant. La dernière robe, celle qu'on présente à la toute fin comme étant la pièce maitresse, celle que les stars veulent à tout prix, celle qui représentait tout... n'était plus là. Ok. Ok, pas de panique. Pas de panique.

« - Tu...Tu as appelé... Sophia ? Qu'est-ce qu'elle a foutu cette conne ? » J'avais toujours autant de mal avec les prénoms, mais il me semble que c'était bien elle qui était là ce matin. L'ancienne mannequin reconverti dans la couture. Cette fille était bizarre, mais son travail était toujours propre et soignée. Bref, elle n'était pas nouvelle. Elle travaillait pour moi depuis deux ans maintenant. Elle m'avait suivi jusqu'à Huntington Beach, comme Marcel. « - Elle n'a pas la robe, c'est pas elle. » « - Alors qui bon sang ! Qui a pris ma robe ! Répond Marcel ! » « - P... P... Personne. » Je fronçais les sourcils. « - Oh joue pas avec moi Marcel. J'étais en route pour voir un client bordel ! Et tu m'appelle paniqué en disant que ma robe s'est envolé ! Crache le morceau nom de dieu ! » Ce con repris son sac en carton pour souffler dedans, plusieurs fois. Sac que je lui arrachais furieusement, parce que j'en avais marre d'attendre. Si personne n'avait pris ma robe, que s'était-il passé ? « - J'ai menti, elle a brulé, enfin non, pas complètement, c'est juste qu'une cliente est venue et l'a essayé et son amie à fait tomber sa cigarette et du coup il y a un trou... » Et là je fixais Marcel, avec un regard qui voulait dire : « - C'est une blague ? C'est une PUTAIN de grosses blagues ?! Où est ma robe ! » Marcel s'en alla en courant, cherchant la robe qui se trouvait bien caché derrière un tas de tissus. J'avançais doucement vers l'horreur. Un trou, créait par une cigarette. Une simple cigarette. Et le pire, c'est que c'était irremplaçable. Le trou se trouvait en plein milieu du corsage en dentelle. Ma robe était foutu. J'étais foutu. Vera allait me tuer. Et en quelques secondes, j'étais out. Ouais, adieu monde cruel. Voilà que je tombe tout simplement dans les pommes.

La vie est dure quand même.

« - Mais appel les urgences putain ! J'suis à terre ! Je peux pas respirer, oh mon dieu... » Ma robe - parce que j'en portais une, une verte émeraude simple et courte - m'étouffait. J'avais envie de la déchirer et de l'ouvrir pour que j'arrive à respirer. Mes cheveux attachaient en chignons partaient déjà en bataille. Bon sang, ma robe quoi ! Ma belle robe ! Elle était tellement parfaite. J'étais sur le point de pleurer. J'avais réussi à dégotter un contrat pour une collection exceptionnelle avec Vera Wang. Nous avions convenu des modèles ensemble, des mois de travail et de recherche pour ensuite couper les ensembles en deux, chacun faisant sa part pour créer la collection au complet. Le défilé était dans trois jours. Tout devait être expédié demain. Et j'allais me faire avoir par un manque de professionnalisme certain. Marcel, quel con ! Il est trop gentil ce type, trop. Comment as-t-il pu laisser cette... c'était qui la cliente. « - MARRCELLLLLLLL » ma voix était fatiguée, j'étais en train de mourir - enfin j'exagérais, mais dans a tête tout était vrai. « - C'était qui cette pétasse ! Dit son nom ! JE VAIS LA BANIR. AHHH je peux pas respirer ! » Marcel semblait être au téléphone, mais il raccrocha très vite. « - Nicole Kdnman. » « - SALLOPPPPPPPPPEUH. Des ciseaux, vite, ah, mon coeur. » Il fallait que je coupe ce truc qui me montait jusqu'à la gorge, que j'arrange un peu ça, que j'ouvre. Je sentais le parquet en bois froid dans mon dos. Mon échancré, je le haïssais là tout de suite. Pourquoi moi ? Pourquoi tant de haine. J'inspirais fortement, j'expirais ensuite. J'avais besoin d'air, de médocs et de pleurer. Là par terre, je devais avoir l'air d'une femme désespérée, mais je l'étais ! Marcel arriva à moi alors, des énormes ciseaux dans les mains. Il découpa en ligne droite en partant de mon coup jusqu'à ma poitrine. En quelques secondes, j'avais étiré chaque côté, gémissant : « - Ma robe.... »

« - Je ne vais pas être viré ? » Je me retourne alors vers Marcel, il était sérieux ? « - Je suis en train de mourir et tu te demandes si je vais te virer ? Va chercher de l'aide au lieu de me regarder crevé ! » Ma respiration devenait forte, mon rythme cardiaque accéléra. J'étais foutu, j'étais foutu !

_ « On a une urgence au centre commercial ! Une femme entrain de s’asphyxier apparemment ou quelque chose comme ça, dit l'infirmière à l'accueil.
_ Ok, j'y vais avec l'ambulance.

_ Je suis le Docteur Grey, je vais m'occuper de vous. Comment est-ce que vous vous appelez ? Demanda-il tout en  prenant le pouls de la jeune femme.

_ Qu'est-ce qui s'est passé ? Elle est comme ça depuis longtemps ?

Mon monde était en train de s'écrouler. C'était aussi simple que ça. Une erreur de merde avait anéanti le plus gros projet de l'année. Inutile de dire combien de femmes attendaient avec impatience cette collection capsule avec Vera. Autant dire que ma carrière allait se prendre une sacrée claque. Sauf qu'il était hors de question que Madame Diaz s'en sorte indienne ! Je devais réfléchir à un moyen de lui faire payer. De me venger comme il se doit. Un truc qui allait la coller à vie et qui allait lui faire pleurer des larmes de crocodiles ! Un truc bien machiavélique... rho pourquoi je n'ai pas d'idée ! Que m'arrives-t-il ! c'est une catastrophe. Mon coeur battait trop vite, ma température augmentait, j'avais du mal à respirer et le pire de tout : mon esprit de vengeance était out ! Génial ! J'allais faire quoi par terre en attendant les secours moi ? Chanté ? Non, mieux, j'allais pleurer ! Ouais, aller, je pouvais le faire... bordel, j'ai vraiment zéro émotion en moi. C'était aussi simple que ça. Pas la moindre larme, juste une affreuse envie de meurtre ! Oh oui, j'allais lui faire ravaler sa chevelure blonde à cette pétasse ! C'est alors que j'entendis du bruit, une voix. Marcel était allé chercher les secours, en voilà une bonne chose de faite ! A peine avait-il laissé le médecin entré qu'il était retourné à son sac en plastique - que j'avais jeté dans un coin. Il me faisait rire parfois. Si fragile... si naïf... si obéissant.

« - Comment je m'appelle ? C'était une blague ! Vous ne regardez pas la télé vous ? Hein ? Lorelai Daniels, bon sang ! » Oh, fallait pas jouer au mec ignorant avec moi. Ma tête était partout, j'étais connue voyons ! Et puis dans ma tête Grey = ce livre érotique débile ! Alors, forcément, j'ai l'impression d'être dans un épisode de blague à la con. Ma respiration était toujours très rapide, j'allais mourir ! De l'aide merde ! Il attendait quoi ? Je le vois en train de poser une question à Marcel qui d'un coup, répondit dans sa classe habituel :

« - E... Elle... sa robe... Vera... Je... » « - Tu ne sers à rien Marcel ! Ah ça me fait mal ! » Je vous jure qu'à chaque fois que j'ouvrais la bouche, j'avais l'impression que mon coeur était en train de se compresser. Je faisais une putain de crise de panique, en quoi c'était difficile à raconter ! Tout d'un coup, Marcel enchaîna super vite comme si sa vie en dépendait : « - La tenue finale pour la collection avec Vera Wang à prit légèrement feu à cause d'une cliente et on devait envoyer toutes les robes demain à la première heure, le défilé étant dans trois jours ! C'est la panique, on est foutu ! On est foutu et Madame Daniels s'est évanouie et puis d'un coup elle avait du mal à respirer, je ne savais pas quoi faire ! » Et hop, il retourna à son sac en carton comme si sa vie en dépendait. Est-ce que le docteur Grey avait saisi l'énorme problème qui se trouvait sur ma route ? Avait-il compris à quel point j'étais en train de mourir !

« - Je peux pas respirer, je n'en peux plus.... » J'écartais un peu la brèche de ma robe, avant de me rendre compte que ces messieurs avaient une trop belle vue sur ma poitrine ! « - Eh bah alors ?! Au lieu de mater, donnez-moi un truc ! J'en sais rien moi ! Vous ne voyez pas que je suis en train de mourir ! Faite quelques choses bon sang.... Aahhh, mon coeur ! »

_ Vous êtes pas sérieux j'espère ? Une crise d'angoisse pour une robe ?

_ Ok, bon on va la ramener à l'hôpital, lui faire passer des examens et la garder en observation pour la nuit, dit-il calmement.

_ Elle est toujours comme ça ou c'est exceptionnel ? Parce que si c'est le cas, dans 10 ans elle vous fait une bonne crise cardiaque, voir peut-être dans un peu moins longtemps, demanda-t-il en arquant un sourcil tout en voyant les ambulanciers la placer sur la civière.

_ On est bons Doc, dit l'un des ambulanciers.

_ Vous venez avec nous ? Demanda-t-il à Marcel, car il n'avait vraiment pas envie d'être le seul à devoir supporter les jérémiades.

_ C'est pour vous détendre et faire descendre votre rythme cardiaque à la normale.

Ma Robe. Ma belle robe. Une partie de moi était en train de pleurer intérieurement pour cette catastrophe. Je n'aurais pas dû partir, pas à un moment si crucial. J'avais confiance en Marcel, mais le souci, c'était les clients. En réalité, je ne faisais pas de malaise, j'étais juste fatiguée de tout ça ! Fatiguée et dégoutée. Je venais de passer des jours et des jours à travailler sur une collection d'enfer. Un véritable tremplin dans ma carrière et une première pour Vera. Et là, tout était gâché parce qu'il était impossible que je refasse cette robe en trois jours ! Impossible ! J'allais jamais y arriver, je m'en rendais compte et ça me faisait mal. J'étais triste, tellement ! Et j'avais des envies de meurtres. J'allais tuer cette nana, sérieusement. J'avais chaud d'ailleurs, tellement chaud !

« - Je suis un putain de poulet roti ! C'est pas possible ! » Je roulais de droite à gauche, avant d'arracher un peu plus le haut de ma robe - ce qui n'était pas une bonne idée, mais j'avais de très beau-survêtement, donc j'en avais rien à cirer. C'est là que l'urgentiste dit une chose que je n'apprécie pas du tout, d'ailleurs, je me relève presque en lui disant très simplement : « - Ce n'est pas n'importe quelle robe ! C'est LA robe ! Celle qui logiquement sera vendue le plus avec le prix le plus élevé. Celle que toutes les futures mariées voudrons absolument cette saison ! Cette robe peut me couter ma carrière, crétin ! » Bah quoi ? Il devait me sauver la vie quoi qu'il arrive, donc je pouvais dire ce que je veux, non ? Marcel avait fait les gros yeux, n'aimant pas la façon dont les choses tournaient, moi je m'en fichais et mon coeur continuait à battre trop vite. C'est à ce moment-précis que je décide d'hurler une nouvelle fois et de dire au monsieur de faire quelque chose. Bon, au moins j'allais partir à l'hosto... rho, non, j'aimais pas ça l'hôpital. C'était le genre d'endroit qui me rendait malade, tout simplement. Je fixais calmement mon plafond, pensant à ma robe, pensant à mon travail. Je ne pensais qu'à ça, quoi qu'il arrive en fait. Je me laissais faire alors que j'essayais d'entendre ce que disait Marcel, plus loin. Arrêtant avec son sac en carton, il fixait l'ambulancier.

« - Oh non... elle... parfois ça lui arrive, mais là c'est... c'est grave quoi. » Il pris une grande respiration avant de reprendre. « - Elle va pas mourir, hein ? » Le pire c'était qu'il était sérieux. Marcel m'avait depuis New York. Il était mon bras-droit depuis très longtemps. Je l'avais déniché, comme ça, alors qu'il ne trouvait pas de boulot et qu'il ressortait tout juste diplômé d'une petite école paumé de mode. Mais passons, il s'inquiétait. Pour moi. A côté, je n'avais qu'une envie : hurler. Entre l'impossible tâche de devoir refaire la même robe et celle que je venais de détruire pour que je puisse de nouveau respirer, je me rendais compte que le monde était en train de s'effondrer. « - Non, non... » D'une part il ne voulait pas parce qu'il connaissait mon sale caractère et d'une autre parce qu'il ne pouvait pas laisser les robes sans surveillance, pas après l'erreur de tout à l'heure. Du moins, vu mon regard, il ne pouvait pas faire autre chose que rester !

J'étais désormais dans l'ambulance et je respirais fortement et rapidement. Jusqu'à ce que j'aperçois l'aiguille de monsieur, et ceci n'est pas une métaphore pour ce qu'il y a sous sa ceinture.

« - Wow, Wow, on va se calmer. J'ai pas besoin de votre... bidule. » Elle essayait de s'écartait, avec beaucoup de mal. « - J'vous ai pas appeler pour que vous me droguiez, hein. Rangez ce truc ! »

_ Vous me la mettez en chambre pour examen du cœur et des voies respiratoires.

C'était une catastrophe. Personne ne réalisait à quel point j'étais dans la merde la plus total. Ce projet, cette robe, c'était la clef vers un sommet encore plus haut. Quand on a une carrière comme la mienne, c'est un peu difficile de croire qu'on peut encore avancer, encore aller plus loin dans sa vie professionnelle et j'avais enfin trouvé une opportunité de garder ma réputation, mon niveau et d'aller même encore plus loin en touchant une toute nouvelle clientèle. Une collection avec Vera Wang c'était de la pure folie ! C'était magique tant c'était irréelle. La collaboration de mes rêves qui jusqu'ici s'était admirablement passé. Jusqu'à ce que cette conasse vient briser mon pauvre petit coeur. J'étais doué pour avoir les pires réactions du monde, mais là je touchais le fond surtout. Il fallait que je me repose un instant, que je respire et que j'arrête de paniquer à l'image de la tête qu'allait faire les gens dans trois jours sans voir la robe finale. J'allais mourir, la presse allait se moquer de moi comme une débutante et surtout j'allais perdre pas mal de client à cause d'une bêtise pareil. Là tout de suite j'avais des envies de meurtre, de vrais meurtres. Du genre ou j'imagine la meilleure façon de tuer quelqu'un. Le crime parfait. J'étais sans doute pas assez intelligente pour ce genre de choses, mais j'avais une belle imagination et personne ne pouvait m'enlever ça. D'ailleurs, j'étais bien là, dans l'ambulance, à imaginer ce genre de truc. Mais il fallait que monsieur devant-moi décide de me piquer. Et vous savez quoi ? J'ai même pas mon mot à dire qu'il attrape mon bras et me pique immédiatement. Mais alors qu'il se concentre, moi je balance le truc le plus pourri du monde.

« - On s'est déjà rencontré, non ? » Je fronçais les sourcils, oubliant très vite la piqure. J'étais insensible à la douleur de toute façon. J'étais aveugle ou quoi ? Le mec devant-moi était quand même plutôt beau ! Dieu m'envoyer un mec digne des clubs de striptease mal famé et moi je ne remarque pas le potentiel sex-appeal du gars ? Mon travail allait finir par me tuer. Sans comprendre pourquoi, j'essaye de me rapprocher de lui pour le fixer un peu mieux. Ma respiration était beaucoup plus calme et ma voix toute douce... qu'est-ce qu'il m'arrive ? « Vous avez de très beaux yeux, vous savez. » Sérieusement, je le pensais. Mais j'avais pour autant l'intention de le dire à voix haute. Oh, mon dieu. La piqure, c'était un calmant, c'est ça ? Il m'avait drogué ! Je vais porter plainte ! Il va s'en prendre plein la gueule celui-là ! « Oh, vos mains sont si douce... » J'avais attrapé sa main que je caressais doucement... Plus ridicule tu meurs. J'avais l'impression que le monde était tout moue d'un coup. Au final, je fis une mine boudeuse. « - Le monde est si cruel. Il vous donne une belle tête et vous souriez même pas. Quel gâchis. Je suis persuadée en plus que vous devez être pas mal foutu. Y'a une femme qui partage votre vie ou vous êtes du genre éternel célibataire... grincheux ? »

J'avais envie de rire d'un coup, sans vraiment savoir pourquoi. Oh si, attendez, je savais. Je me l'imaginais à poil et ça, c'était drôle. Un sourire aux lèvres, je me repose un peu en fixant le plafond. Je crois que durant le trajet j'ai dû sortir pas mal de connerie. Comme un commentaire sur ses cheveux que je trouvais très séduisant. C'était comme si tout d'un coup j'étais tout ce qu'il y avait de plus léger. Je senti un truc sur le visage - un masque - et de mes gros yeux j'observais ce qui se passait autour de moi. Après que quelques infirmières me posent des questions et qu'un médecin me remarque, je finis par lancer un très simple :

« - Vous voulez pas rappelez le gentil ignorant de tout à l'heure. J'suis certaine qu'il a besoin d'un ou deux conseilles en matière de mode. » J'étais sérieuse, c'était ça le pire. Outre le fait que je me le ferais bien au petit déjeuner, il avait une mine horrible. « - Et ensuite, si j'pouvais rentrer chez moi, j'ai du boulot. Enfin, vous savez quoi. Je suis Lorelai Daniels ! » Je ne disais même pas ça à en hurlant, j'étais même plutôt calme et presque euphorique. Je n'avais rien, normal. J'avais simplement exagéré c'était tout. Un peu d'eau aurait fait l'affaire. Mais maintenant, je crois qu'avec cette piqure je nétais sûrement pas en mesure de rentrer chez moi toute seule.

« - Heyyyyyyy ! Docteur Grey. » Mon sourire était passé d'idiote à ultra sexy de femme en manque d'affection. La honte pour moi. « - Une session relooking, ça ne vous tente pas ? Et vous ne voulez pas me ramenez chez moi... On pourrait partager un bon croissant demain matin. »

_ Je sais pas… A voir. Mais dans ce cas là, ce sont tous les uniformes de l'hôpital qu'il faudrait revoir, dit-il en arborant un air faussement sérieux.

_ On vous garde en observation pour la nuit, mais je serais ravis de partager un croissant un de ces quatre, ajouta notre homme en se retourna pour regarder la patiente. Bien, maintenant, dites moi, étant donné qu'on peut avoir une conversation à peu près correcte, est-ce que vous prenez des médicaments pour le cœur ou autre ?

Un rien était suffisant pour que je m'énerve, mais là, ce n'était pas un rien. C'était la fin du monde en lui-même. Je sais que mon travail - ou plutôt mes responsabilités - sont difficiles à gérer seule. Pourtant, je n'ai jamais baissé les bras et j'ai toujours su faire preuve d'une force presque surhumaine. Je n'ai jamais eu besoin de l'aide de qui que ce soit. J'ai affronté des situations horribles, accumulant parfois problème sur problème. Après toutes ses années j'avais fait de ma faculté à survivre une force visible à l'oeil nu. Et quand je me rendais compte qu'une toute petite chose gâchait tout une année de travail, je pétais un plomb. Il ne fallait pas me demander d'être patiente, je pense que je n'y arriverais jamais. Moi et le silence, ce n'était pas une bonne combinaison. J'aimais m'exprimer, argumenter et c'était ce qui faisait de moi une bonne présentatrice télé. Je savais m'imposer, sans pour autant voler la vedette aux stars qui étaient à mes côtés. J'avais assez de cran et d'audace pour les faire parler de façon à ce qu'il m'avoue des choses qu'ils auraient normalement gardées pour eux. J'étais douée. En matière de mode, j'étais une perfectionniste qui n'avait pas de limite, alors cette crise était légitime. Et maintenant... maintenant je ne sais clairement plus ou j'en suis. D'ailleurs, j'ai presque du mal à réaliser que je suis à l'hôpital. Il y a quelques minutes, je me croyais encore sur le parquet de mon atelier et là d'un coup, je crois bien que je suis dans une chambre d'hôpital.

Sérieusement, je pense que je ne vais pas tenir longtemps avant de 1) hurler comme une folle pour qu'on me laisse enfin sortir ou 2) m'endormir. Comme toutes personnes humaines, la fatigue pouvait parfois m'être fatale. Et je ne sais pas pourquoi, je me sens... paisible. Heureuse aussi. Le sourire que j'ai sur le visage ne semble pas vouloir disparaitre ce qui en soi m'énerve réellement. Et je crois que ce cher docteur s'amuse bien de la situation. En même temps... j'ai l'air ridicule !

« - Oh mais oui ! Une collection capsule pour rendre nos médecins à la pointe de la mode. Mais pourquoi n'y avait-je pas pensé ! C'est du génie ! » Même pas en rêve. Je faisais dans la haute couture, pas dans la blouse blanche facilement lavable. Quoi que si je pouvais changer les tenus des patients... ils sont si désagréable ! Je fis une petite moue, peu ravie à l'idée de ne pas pouvoir rentrer chez moi et de ne pas pouvoir partager un croissant demain matin avec lui. Je ne passais pas mon temps à sauter sur tout ce qui bougais, mais je dois avouer qu'il a un petit côté sexy non-négligeable.

« - Je ne prends pas de médicament. » Et je pouffe de rire. Je ne pense pas qu'il puisse comprendre, donc je reprends. « - En fait, j'ai un peu peur de tout ça, alors à part prendre un cachet d'aspirine contre un mal de tête, j'y touche pas. Par contre.... Par contre... » Je lui fait signe de se rapprocher doucement, pour que je lui chuchote quelque chose. « - Je connais ce coin dans le nord de l'Inde. Leur boisson son excellente. Un délice. » Je n'ai pas osé ? Quoi que... c'est légal la drogue là-bas, donc de quoi je me plaint ? Je ne suis pas certaine que ma réponse lui soit très utile en fait, puisque je ne suis pas partie en Inde depuis trois mois, voire quatre.

« - Je sais ce que vous allez me dire. Je travaille trop et c'est vrai ! C'est bien pour ça que je m'éclipse au Mexique une fois de temps en temps pendant deux longues semaines. » Je soupire, comme si je m'étais enfin calmée, reposée. « - Le problème c'est cette robe. Puisque vous n'êtes clairement pas familier avec mon travail je vais vous expliquer. La robe de mariée sur laquelle je travaillais, allait clouer le défilé. C'était LA tenue. La dernière pièce du puzzle. Pour votre information, les robes de mariée Vera Wang se vendent des millions. C'est la styliste que toute femme moderne s'arrache. Et j'avais enfin conclu un partenariat avec elle. Cela fait des mois que l'on bosse sur chaque vêtement de la collection. Le défilé est dans trois jours... C'est ma carrière qui est en jeu... C'est comme si.... » Je cherchais un exemple, un truc de docteur pour que ça rentre dans sa boite crânienne.

« - C'est comme si vous deviez remplacer le coeur de quelqu'un, mais que le coeur que vous avez reçu n'est pas bon ! Et que c'est votre faute ! »

_ Je comprends parfaitement, vous avez fait un black out, dit-il sur un ton plus professionnel. Le problème, c'est qu'à ce rythme, vous risquer d'avoir des problèmes cardiaques. Et à terme c'est plus que votre carrière qui sera en jeu. Votre corps va pouvoir encore supporter ça un certain temps, mais pas indéfiniment.

_ Une journée de repos ne sera pas de trop, conseillait-il. J'ai conscience que ce que je vous demande est inimaginable étant donné votre travail, mais moi je ne peux pas vous laisser repartir dans cet état et vous gaver de médicament n'est pas la solution. Ça sera l'occasion de voir ce que valent vos employés. Voyez ça comme une expérience.