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 [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)

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MessageSujet: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptySam 31 Mai 2014 - 4:05

It feels like years.

- ALL THE CRACKS IN THE WALLS REMINDS YOU OF THINGS WE SAID, AND I COULD TELL YOU THAT I WON'T HURT YOU THIS TIME BUT IT'S JUST SAFER TO KEEP YOU IN THIS HEART OF MINE. -
“ And the boys go on and on and on and on. And there's gold falling from the ceiling of this world, falling from the heartbeat of this girl, falling from the things we should have learned, falling from the things we could have heard.  ”

Assis sur une banquette dans un petit café situé juste en face du bar qu'il avait fréquenté la veille, Donovan fixait la tasse de café posée devant lui. Il était ailleurs. La gueule de bois, ça faisait longtemps qu'il ne l'avait plus. À force de boire comme un trou, il avait fini la tête à l'envers plus d'une fois dans ses jeunes années mais désormais il gérait plutôt pas mal. Lui et son foie se portaient à merveille et ensemble, ils se croyaient invincibles. En tous cas, Donovan ne craignait presque jamais les lendemains de soirée. La seule véritable peur qu'il pouvait avoir, c'était de se réveiller dans le lit d'une fille pas aussi jolie au réveil que dans ses souvenirs. C'était toujours la petite déception capable de vous ruiner une journée et Dieu sait que les siennes étaient trop précieuses pour être perdues comme ça. Fort heureusement, même avec un coup dans le nez, il avait toujours bon goût et ça faisait bien des années qu'il n'avait pas ouvert les yeux seulement pour découvrir un thon échoué à ses côtés. La nuit passée avait été mouvementée. Depuis qu'il avait pris la route il y a quelques mois de cela, il n'avait pas connu beaucoup de nuits paisibles. En fait, des nuits calmes, ça faisait un long moment qu'il n'en avait plus eu. Alors, plutôt que de se laisser tourmenter, Donovan avait pris l'habitude d'errer de bar en bar, de fille en fille. À sa grande surprise, il n'en avait encore mise aucune enceinte et surtout, oui surtout, il n'avait pas chopé de MST. Tout allait bien dans le meilleur des mondes. La belle vie, tout ça, tout ça. Ce matin, il était parti en douce de l'appartement dans lequel il avait passé la nuit. Il n'avait pas pris la peine de rester pour le petit déjeuner, ni même de laisser un mot. Il était parti comme un voleur et avait même hésité à prendre l'échelle de secours histoire de se donner encore plus l'impression de vivre une grande aventure, mais s'y était finalement refusé en voyant le piteux état de l'escalier. De toute façon, ce n'était pas comme s'il cherchait le grand amour. Il n'avait pas vraiment retenu son prénom et déjà, il avait oublié à quoi elle ressemblait avec précision. Il fixa une horloge accrochée au mur alors qu'une serveuse venait lui apporter une assiette remplie de bacon et d'oeufs brouillés. Peut-être que la fille était justement en train de s'éveiller et que d'un instant à l'autre, elle se rendrait compte que les draps dans lesquels elle était enroulés étaient désespérément vides. Donovan se demanda alors si ça lui ferait quelque chose à elle de ne pas le trouver lui à ses côtés. Il balaya rapidement cette idée de son esprit. C'était ridicule. Ils avaient couché ensemble la nuit passée, ça n'allait pas plus loin et les choses avaient été claires dès le départ. Il était loin d'être un prince charmant, ni même un prince tout court. Les filles bien l'auraient sans doute qualifié de connard, tout simplement. Les filles avec moins de scrupules semblaient quant à elles beaucoup plus à l'aise pour jouer avec lui. Il ne cherchait rien de sérieux et la plupart de celles qu'il se tapait étaient dans le même état d'esprit. À leur âge, il n'y avait rien de mal. On est pas sérieux quand on a dix sept ans et quand on a en vingt neuf, non plus.

Après une longue gorgée de café descendue et quelques morceaux de bacon dévorés avec entrain, Donovan releva le nez de son assiette. Une sirène de pompier retentissait au dehors et il aurait pu reconnaitre ce son parmi n'importe quelle autre sirène. Il nE se trompait jamais entre la police, l'ambulance et les pompiers. Jamais. Une pointe d'angoisse s'empara soudainement de lui. Le regard vide, la mine fatiguée, il tourna la tête pour regarder par la fenêtre du café. Il n'entendit même pas la serveuse s'approcher de lui pour lui proposer de lui remplir à nouveau sa tasse. Obnubilé par la sirène, il avait posé une main sur sa cuisse et resserra ses doigts sur le tissu de son jean en apercevant un gros camion rouge passer devant à toute allure. Ils avaient sorti la grande échelle, c'était forcément plus grave qu'un chaton coincé dans un arbre.  "Monsieur?" Donovan resta encore un instant le regard figé vers la rue avant de revenir à lui et de regarder la jeune femme qui se tenait debout à côté de sa table, une cafetière dans les mains et un large sourire sur les lèvres. "Est-ce que ça va? Je vous ressers un peu de café?" Donovan la regardait sans un mot. Il avait sans doute l'air d'un débile profond mais il n'y pensait même pas. Il avait encore l'image de ce camion resplendissant, la sirène retentissante et cette échelle, qui un jour lui avait semblait être assez haute pour atteindre les nuages. Un pincement au coeur s'empara de lui, relâchant finalement le pli de son jean, il porta sa main sur le haut de son torse. Tout allait bien. "Tout va très bien, oui. Et je veux bien un refill, merci.  " La jeune femme s'exécuta, l'informa qu'il pouvait toujours la rappeler s'il désirait autre chose et s'éloigna enfin. La sirène résonnait encore dans la tête de Donovan. Parfois, il regrettait vraiment sa vie d'avant. Non, en fait ce n'était pas juste 'parfois', il fallait bien être honnête, il y pensait constamment et les regrets qui accompagnaient toujours les souvenirs douloureux étaient eux aussi omniprésents. S'il était parti de Chicago c'était bien pour oublier, mais la tâche s'avérait plus compliquée que prévu. La peine causée par le drame qu'il avait vécu était encore tellement présente en lui, et dans ses jours les plus sombres il n'avait toujours pas appris à gérer les sentiments violents et brutaux qui le traversaient trop souvent à son goût.

Sa voiture était stationnée juste devant le café. Elle était restée là cette nuit. Sans bouger de sa place, Donovan y jeta un oeil. Il pouvait visualiser sa veste de pompier trônant sur la banquette arrière. C'était la seule chose qu'il avait pris avec lui, le seul témoin d'un passé révolu. Il n'avait pas son casque, ce dernier avait été abandonné sur le bureau de son supérieur le jour où il avait donné sa démission. Il n'avait même pas osé remettre cette fichue veste, régulièrement il se demandait pourquoi il l'avait prise avec lui. Ce n'était pas comme si elle pourrait lui servir à nouveau un jour. En fait, il évitait même de trop la regarder. Elle lui donnait toujours cette impression désagréable d'être un putain de lâche. Rien que d'y penser, ce n'était plus tellement de café dont il avait envie. À partir de quelle heure exactement était-il considéré comme acceptable de demander à se faire servir de l'alcool? Dix heures du matin, était-ce encore trop tôt? Pour lui, il n'y avait pas vraiment d'heure spécialement plus convenable qu'une autre, après tout on lui avait un jour appris que c'était toujours l'heure de l'apéro quelque part et que par conséquent il n'était jamais ni trop tôt, ni trop tard pour trinquer. Depuis il ne se privait pas, mais il voyait déjà la serveuse lui jeter un drôle de regard et ça l'embêtait un peu quand même, parce qu'elle était mignonne et qu'il n'était pas contre l'idée de passer une nuit supplémentaire à Memphis, si vous voyez ce que je veux dire.

Un homme, qui était assis à la table juste à côté de celle de Donovan, se leva et quitta le café. La serveuse, plus rapide que son ombre, était déjà en train de nettoyer pour laisser la place à un futur client. Ne pouvant s'empêcher de lui jeter quelques petits coups d'oeil en coin, Donovan remarqua un journal que l'homme avait abandonné avec la monnaie qui réglait son donut et son café. "Je peux? " Il pointa du doigt le journal en question à la jeune femme qui acquiesça avant de le lui tendre. Leurs mains s'effleurèrent brièvement et il l'aperçu en train de rougir. De prime abord, elle n'était pas vraiment son genre, mais il lui trouvait quelque chose de mignon et c'était suffisant pour lui. Elle avait l'air toute gentille, toute innocente, et il imaginait très bien le plaisir qu'il aurait pu prendre à la rendre, et bien un peu moins innocente justement. Donovan ne s'attarda même pas sur la première page du journal. Les gros titres lui importaient peu. Il n'était pas vraiment le genre de mec qui lit les nouvelles pour se tenir informé, en fait il n'était pas vraiment le genre de mec qui lit tout court. Il tourna les pages jusqu'à atterrir dans la section sport. Hier il avait loupé le match des Chicago Bulls contre les Los Angeles Clippers, il devait bien s'assurer que son équipe avait gagné avant de pouvoir partir vivre sa petite vie de roadtripeur. C'était quand même la base. Son poing vint frapper la table lorsqu'il prit connaissance du score. 84-76 pour les Clippers. Putain. Ces enfoirés de californiens, tous des salauds! Un peu agacé, il referma le journal et fourra machinalement une fourchette remplie de bacon et d'oeufs dans sa bouche. En fait, ça lui avait coupé l'appétit. Ses yeux se posèrent sur la dernière page du journal, il y avait une espèce d'annonce concernant un musée. Définitivement pas le genre d'endroit où il avait l'habitude de mettre les pieds. Sans vraiment le vouloir, il s'était tout de même mis à lire ce qui était écrit. Ce n'était pas un musée comme les autres, enfin il ne traitait ni de peinture, ni d'histoire, ni d'une autre connerie du genre. En fait, c'était le musée d'Elvis. "Vous devriez y aller, c'est vraiment super!" Il releva la tête pour apercevoir la serveuse qui avait visiblement lu par dessus son épaule. Il força un sourire, soudainement plus très intéressé par cette fille qui semblait un peu trop envahissante. Lire par dessus l'épaule de quelqu'un, ça ne se fait pas. Y'a rien de plus irritant! Ou peut-être que Donovan était encore un peu trop sur les nerfs pour l'histoire du match de basket, allez savoir. Il força un sourire, sorti son porte-feuille et déposa un billet sur la table avant de partir comme une fusée.

Planté devant une vitrine remplie de certains des costumes les plus célèbres d'Elvis Presley, Donovan semblait particulièrement concentré sur une veste plutôt très (trop?) scintillante. Plusieurs photos du chanteur étaient visibles ici et là pour pouvoir témoigner du fait qu'il avait véritablement porté tout ça. Donovan ne pu retenir un haussement de sourcils. Putain, mais qu'est-ce qu'il foutait là en fait? Il avait conduit jusqu'au musée, s'était garé sur le parking seulement pour piquer un somme sur la banquette arrière de sa voiture et s'était réveillé avec l'envie débile de rentrer à l'intérieur voir de lui même si ça en valait vraiment la peine. Après tout, il était à Memphis, il fallait bien faire un effort! Mais Elvis ou pas Elvis, il se sentait toujours très con dans ce genre de lieu. Ça restait un musée quand même, et lui il était plus à l'aise assis au comptoir d'un bar avec un verre entre les mains qu'à essayer de déchiffrer des lettres manuscrites rédigées par des légendes du rock. Donovan se souvenait très bien d'un soir de noël où son père ivre mort lui avait demandé d'allumer la radio, Love Me Tender s'était alors répandue dans toute la maison. Il devait avoir onze ans à l'époque et depuis ce soir-là, cette chanson avait beau lui rappeler une époque qu'il n'appréciait pas particulièrement, voire pas du tout, elle lui foutait toujours la chair de poule à chaque fois qu'il l'entendait.

Se décidant finalement à bouger de devant la vitrine, la seule chose qui obsédait encore Donovan, c'était les pattes immondes que le King avait arboré pendant des années. Putain, mais c'était vraiment moche. Enfin, à l'époque ça devait être cool mais Dieu merci, aujourd'hui c'était totalement dépassé. De toute façon, même si ça avait été "cool", Donovan n'aurait jamais pu s'y résoudre. Il trouvait ça juste abominable, un véritable scandale capillaire qui aurait dû être puni par la loi! (Comment ça il était un peu trop excessif?!) En plein débat avec lui-même sur le pourquoi du comment, un type avec une coiffure pareille avait bien pu plaire à autant de femmes à travers le monde, le jeune homme n'aperçut pas tout de suite la femme qui se trouvait non loin de lui et qui était aussi la seule personne présente aux alentours. Elle était en train de regarder un truc que Donovan avait du mal à apercevoir de là où il se tenait. Il aurait pu passer son chemin et ne pas lui prêter plus d'attention mais il y avait quelque chose d'intriguant chez elle. Petite, brune, pas très grosse (pas grosse du tout même), même sans rien faire elle dégageait un certain charisme qui avait appelé son attention et qui l'empêchait soudainement de regarder ailleurs. Peut-être que ça venait de sa manière de se tenir, ou de la façon avec laquelle elle avait remis ses cheveux en arrière… Il ne pouvait pas trop voir de là où il était mais elle avait l'air plutôt jolie. Un petit sourire en coin, il fit craquer son cou, et plein d'assurance, avança vers elle. "Salut." Son putain de "salut" habituel, celui-là même qu'il utilisait toujours pour saluer n'importe laquelle de ses conquêtes potentielles. Accompagné de son air charmeur, ça passait toujours comme une lettre à la poste. Il le savait et il n'hésitait pas à en user et abuser. Comme si ce simple mot et un sourire étaient la clé de la réussite, la réponse à tout, la solution à n'importe quoi. Confiant, il n'attendait rien d'autre qu'une réponse positive à son égard. Cette fille allait forcément tomber sous son charme, elle ne serait pas différente des autres.


Dernière édition par Donovan R. Halvey le Dim 13 Juil 2014 - 22:39, édité 1 fois
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[2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) Empty
MessageSujet: Re: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptyDim 22 Juin 2014 - 0:36

    It feels like years
    And the boys go on and on and on and on. And there's gold falling from the ceiling of this world, falling from the heartbeat of this girl, falling from the things we should have learned, falling from the things we could have heard.

    code broadsword.

A l’arrière d’un vieux van légèrement déglingué, une jeune femme ouvre les yeux.
Il fait chaud à Memphis, Tennessee. Jagger Dickens passe une main sur son visage, dégage ses cheveux de sa vue. Elle est très légèrement brumeuse, sans savoir si elle doit attribuer la chose aux cadavres de bouteilles de whisky qui traînent sur le sol du van, ou aux culs de joints alignés dans le cendrier. Le soleil a déjà commencé à filtrer au travers des fenêtres – elle se retourne sur le ventre pour tenter de se cacher de la lumière, mais la manœuvre est a priori un peu inutile. Putain ça va être duuuuur… Du plat de la main, elle tâte le matelas jusqu’à dénicher son téléphone. Rouvre un œil. Sept heures. Croyez-le ou non, mais c’est déjà extrêmement tard pour elle. Trop tard en tous cas pour reprendre la route et savourer ce moment où elle est seule, seule à voyager, seule à vivre intensément et librement. Tant pis. Sur neuf ans de roadtrip, on peut se permettre de déroger un peu à ses habitudes. Elle repose le téléphone. Baille. Essaye de s’étirer – et à ce moment là, se rend compte qu’il y a de la vie à côté d’elle. Hein ? Quoi ? Putain. Elle se redresse. Ha oui, tiens. Un parasite. Humain. Encore un qui a pas tout à fait compris le sens des mots « et t’as intérêt à t’être barré à mon réveil », a priori. Enfin, ça peut potentiellement être expliqué par le fait qu’elle a vraiment des horaires à la con.
La jeune femme, nue comme au jour de sa naissance, se redresse. Elle écarte les petits rideaux de la fenêtre arrière – jette un regard sur cette ville encore à moitié endormie, sur Memphis au petit matin. Il fait beau. Pas un nuage à l’horizon. C’est un jour parfait, un jour de plus à passer partout et nulle part à la fois. Un jour de plus pour une bonne vieille aventure. A force d’auto-motivation, elle parvient à poser un pied au sol, puis un autre, et à se lever. Elle a envie de café. Elle a la flemme d’en faire, et puis le café qu’elle produit a quand même une très légère tendance à être dégueulasse. Il reste un peu de bière. Elle la lorgne du coin de l’œil, avant de s’en emparer et d’en descendre deux longues gorgées. C’est peut-être pas forcément très recommandé de bon matin, mais la bière fait son effet – elle la désaltère un peu. Le type, dans le lit de fortune, pousse un long grognement. Elle le regarde brièvement, hausse un sourcil, avant de lancer le plus naturellement du monde « Cool. Tu te réveilles. Ca veut dire que tu vas bientôt pouvoir te barrer, c’est pas tout mais j’ai autre chose à foutre de ma journée. ». Pour la diplomatie, elle repassera. Elle cale un reste de joint dans sa bouche, tâtonne dans ses fringues abandonnées au sol jusqu’à dénicher un briquet, l’allume. Crache un long volute de fumée.
Quand le mec, dont elle a oublié le nom depuis un bout de temps déjà, referme derrière lui la porte du van, elle ne lui adresse même pas un regard. Elle a allumé la radio – si son vieux combiné lecteur de disque hérité de son adolescence et de sa vie à Huntington Beach mérite encore le nom de radio tant il a été rafistolé – et ce sont les éternels Rolling Stones qui diffusent leur musique dans cet endroit qui est devenu, au fil des années, sa seule maison. Une autre journée à Memphis, donc. Elle ne sait pas vraiment quoi faire. Elle n’a, pour autant, aucune envie de se faire royalement chier. Pendant une demi-seconde, elle est bouffée par le besoin urgent d’appeler son frère, d’entendre sa voix – mais elle chasse cette idée, probablement qu’il est en train de se préparer pour aller donner un cours. La vie a continué, à l’autre bout du pays. Elle le sait. Probablement que tous les visages qui ont peuplé son adolescence ont changé, probablement que tous ces gens qu’elle a pu aimer ont construit une existence qui leur est propre. Ils sont devenus des gens raisonnables. Et elle ? Elle fume un joint dans un coin des Etats-Unis, et paresseusement se demande ce qui va bien pouvoir lui arriver aujourd’hui.
Il y a une certaine lassitude.
Elle préfère ne pas y penser.
Alors elle se penche pour dénicher sous le lit les quelques boîtes qui renferment l’intégralité de sa collection de fringues – vivre dans un espace réduit, bah c’est un peu contraignant parfois -, parvient à en extraire un vieux short en jean et l’une de ses chemises. C’est en chantonnant qu’elle les enfile. Le jour se lève tout juste sur Memphis, Tennessee, et Jagger Dickens écoute Sympathy for the Devil.

« Ouais, maman. Dans deux mois, je pense. Dis-le aux Paternels et à Drix. » Jagger remonte ses lunettes de soleil sur son front, et, calant d’une façon extrêmement précaire son téléphone portable entre son oreille et son épaule, allume une cigarette. « Je dormirai dans le van, t’emmerde pas. Fin ça dépend. Je peux le larguer dans le jardin de Drix à ton avis ? » Elle laisse éclater un grand rire quand sa mère prononce exactement les même mots que ceux qu’elle aurait formulé pour une telle question « on s’en tape de son accord, non ? ». Quelques personnes la regardent étrangement en rentrant dans le café auquel elle s’est accoudée pour passer ce coup de fil. Peut-être parce qu’elle bouche un tantinet le chemin et qu’elle squatte allègrement. Ca aussi, elle s’en tape. « Memphis. Ouaip, je suis dans le Tennessee. Plutôt cool.  Fin je voulais me tailler ce matin mais je me suis pas levée assez tôt. Du coup je vais peut-être me faire un peu chier aujourd’hui. » Un peu ? Grandement, ouais. Si elle avait su, elle aurait cherché un bébé-job sur place histoire de meubler un peu la journée. C’est mignon, Memphis, mais pour le coup ça manque un peu d’action pour elle. C’est le problème quand on passe trop de temps à droite ou à gauche. Parfois, on se retrouve avec des temps morts à la con, sans pote sur place, et Jagger n’a jamais été du genre à se dire qu’elle allait passer une journée à pantoufler dans son canapé. D’abord parce qu’elle n’a pas de pantoufles. Ensuite parce qu’elle n’a pas de canapé. Ouais, directement, ça limite. Et puis merde, elle est pratiquement fauchée en ce moment. Ouais, elle aurait dû dénicher un job. « Un musée ? Tu te fous de ma gueule, j’ai l’air du genre à aller au musée ? ». Parfois, sa mère a des idées vraiment étranges. Mais elle comprend grosso-modo le concept – si elle est à ce point désespérée de ne rien branler de sa journée, elle peut tant qu’à faire chercher à se cultiver un peu. Y’a pas de mal à essayer de briller en société. « Un musée Elvis Presley. Wow. D’accord. Putain, les gens ont vraiment des idées à la con parfois. Ouais, non, t’as raison, ça peut au moins être fun. Je sais pas. C’est gratuit ? ». Un grand type sort du café, elle le suit paresseusement des yeux, plongée dans une intense réflexion. Ira ou ira pas ? « Un musée. Putain, bientôt je vais me mettre à lire des livres et tout. Tu le dis pas à Hendrix, hein ? Il serait trop content de savoir qu’en fait sa sœur a un cerveau. » Ouais, ira. Mais c’est vraiment parce qu’elle se fait chier comme un rat mort. Et aussi parce que sa mère est passée par là à l’époque de son propre roadtrip, et mine de rien c’est un argument décisif. « Allez, je vais y jeter un œil. Mais c’est bien parce que j’ai rien d’autre de prévu. Au fait, j’ai pas regardé encore, mais le match d’hier ? »
Quand elle raccroche le téléphone et écrase sa clope, elle a un très léger sourire aux lèvres. Au moins, les Clippers ont démonté les Bulls la veille au soir. C’est une bonne journée en fait. Un poil absurde, mais une bonne journée. Ouais. Tout va bien.

Y’a des moments dans une vie, comme ça, où on se sent franchement hors contexte. Jagger y pensait, les bras croisés, face à une montagne de costumes plus moches les uns que les autres. Qu’est-ce qu’elle foutait là, déjà ? Ha, ouais, elle essayait de meubler une journée qu’elle aurait sinon passé à se tourner les pouces. Jamais elle n’aurait pensé au réveil qu’elle la meublerait en matant des tenues de scène de Elvis Presley. Ca a au moins le mérite d’être plutôt drôle – et aussi franchement déroutant. Pour être honnête, l’endroit ressemble à un espèce de mausolée à la mémoire et à la gloire du chanteur. En plus, Jagger n’a jamais particulièrement aimé le King. Trop gentil pour elle. Et puis… elle fronce légèrement les sourcils alors qu’un type la dépasse, abordant fièrement un t-shirt mal taillé à l’effigie du chanteur mort. C’est… quoi… ça ? Ok, en fait sa mère l’a envoyée dans un asile, c’est ça le plan. Elle aurait dû s’en douter en dépassant la boutique et en y voyant toute une série de mugs (moches) imprimés de photos d’Elvis en très, très, très mauvaise qualité. Honnêtement, c’est le genre de détails qui auraient pu lui mettre la puce à l’oreille. Elle se sent tout à coup comme les gamins qui décident de camper dans une cabane au fond des bois au tout début d’un film d’horreur – c’est à dire en mode « ouais, je vais me fourrer dans un endroit franchement étrange et être pourtant méga surprise de tout ce qui va m’arriver ! ». Bon. Elle ose au moins espérer ne pas croiser de gros psychopathe qui essayerait de la tuer à coup de guitare. Mouarf. En attendant, elle penche la tête pour essayer de discerner le dessus du dessous d’une chemise moche, soigneusement mise sous vitrine. Qu’est-ce que… pourquoi… ? Elle n’est sûrement pas à la pointe de la mode, ayant toujours préféré l’aspect « pratique » à l’aspect « regardez comment je suis trop une bonnasse, et en plus avec ce petit haut mes seins ont l’air énormes ! », mais elle peut au moins affirmer que ça… bah c’est moche. Mais apparemment l’univers a décidé que ça méritait d’être encadré. Les voies du seigneur sont impénétrables, tout ça tout ça. Et puis elle n’a pas vraiment l’habitude des musées, peut-être que le moche est une forme d’art ?
En vrai, elle s’en tape.
Oui, elle se tape de beaucoup de choses en fait.
Elle se raccroche à l’idée que, au moins, l’équipe de sa ville de naissance a réussi à démonter la gueule à celle de Chicago au basket – pour une raison obscure, probablement héritée du fait qu’elle a grandi à Los Angeles, elle a une sainte horreur de Windy City et même au moment où son roadtrip lui avait fait croiser sa route elle avait fait de son mieux pour avoir l’air de se faire profondément chier pendant trois jours. Ouaip, tout à fait mature. En réalité elle s’était un petit peu amusée (mais juste un petit peu, hein), mais elle ne l’avouerait probablement même pas sous la torture. Bref. Battre les Bulls, c’est une bonne raison pour voir le monde d’une façon positive, et tant mieux si elle a toujours été plus football américain que basketball. Dans un recoin de sa tête, elle commence même à se demander si ça serait pas une mauvaise idée de se pointer là-bas pour voir un peu si les gens font la gueule dans la rue et pour savourer sa victoire par procuration. Mais non. Elle a déjà un plan – se rapprocher lentement mais sûrement de sa côte ouest natale pour sa visite annuelle à sa famille, s’arrêter un petit mois en route pour renflouer un peu les caisses, et ensuite camper à Huntington Beach pendant quelques semaines. Et Chicago bah… ça la rapproche pas tant que ça.
« Salut. » Mais en même temps, c’est tellement fun de débarquer à Chicago en sachant pertinemment que ses seules origines y font d’elle une persona non grata. Non pas qu’elle connaisse le sens des mots « persona non grata ». Et puis, faire sa pute, c’est tellement plus distrayant que de mater des chemises moches de Elvis Presley. Et puis… hé, mais, y’a pas quelqu’un qui a parlé là ?
Elle fronce légèrement les sourcils. Se retourne. A nouveau, penche légèrement la tête.
Il y a un type, derrière elle. Une espèce de grand type, baraqué, mal rasé, qui la regarde avec un sourire charmeur. Honnêtement, il est pas moche. Plutôt son genre, même. Barbe de trois jours, cheveux courts et bouclés – il a à la fois l’air d’un ours mal léché et les yeux pétillants d’un gamin. Dans l’ensemble, il dégage cette aura unique de ceux qui n’en ont rien à foutre du jugement des autres et qui évoluent dans une totale indépendance, un total détachement des grandes questions de la vie. Ouais. Il est même plutôt beau. Un peu trop sûr de lui, aussi, avec son air à la « hé, poupée, viens on va faire mumuse dans un petit coin sombre ». Comme si elle était impressionnée. Elle hausse un sourcil méprisant. Elle n’aime pas particulièrement qu’on la considère comme un morceau de viande, même quand on a ce genre de physique qui ferait éventuellement qu’elle accepterait d’être vue comme un morceau de viande. Pas du tout, même. « Salut. », répond-elle d’un ton presque cassant. En plus, il a un accent étrange. Qui lui dit vaguement un truc, mais elle ne saurait vraiment en décider sur un simple mot. Alors, dans le doute, elle ajoute : « T’as cru que t’allais pouvoir te faire une fan du King ce soir ? C’est mort, et en prime je colle pas au critère. Allez, va jouer aux billes ailleurs. »
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MessageSujet: Re: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptyJeu 10 Juil 2014 - 4:11

It feels like years.

- ALL THE CRACKS IN THE WALLS REMINDS YOU OF THINGS WE SAID, AND I COULD TELL YOU THAT I WON'T HURT YOU THIS TIME BUT IT'S JUST SAFER TO KEEP YOU IN THIS HEART OF MINE. -
“ And the boys go on and on and on and on. And there's gold falling from the ceiling of this world, falling from the heartbeat of this girl, falling from the things we should have learned, falling from the things we could have heard.  ”

Elle ne s'était pas retournée tout de suite. Comme si elle ne l'avait pas entendue, trop obnubilée par ce qu'il y avait devant elle. Donovan se demanda quand même, comment c'était possible d'être à ce point là intéressé par ce musée et ce qui s'y trouvait exposé. Les musées, de manière générale, l'emmerdaient profondément. Il avait fait une exception pour aujourd'hui mais l'ennui qu'il ressentait ici était au final encore plus grand que celui qu'il aurait ressenti s'il était resté le cul assis sur son siège, dans sa voiture, à attendre que la journée passe. Le pire c'est qu'il n'y avait personne aux alentours digne de le divertir, ou du moins jusqu'à ce qu'il l'aperçoive elle. Bon, il avait bien envisagé l'idée de rencontrer des fans mais il ne s'était pas attendu à en croiser des comme elle. D'abord, il voyait plutôt des hommes, la cinquantaine, peut-être un peu moins ou un peu plus. Une bonne grosse bedaine, un pack de bière sous le bras pour la justifier, et habillés d'un costume imitant les tenues d'Elvis Presley. Il s'attendait, en somme, à une avalanche de clichés ambulants. Sauf qu'elle était là, au milieu du musée et elle n'était ni un homme, ni vêtue dans un accoutrement ridicule et surtout, elle n'avait aucune bedaine disgracieuse à l'horizon. Non, elle était même plutôt jolie. Quand elle se tourna pour le regarder, et enfin lui donner l'impression d'exister et de ne pas être le nouveau pote de Casper le gentil fantôme, le regard de Donovan fut immédiatement attirés par les yeux de la jeune femme. Il y avait quelque chose de particulier dans ces yeux-là. Elle avait l'air sûre d'elle, pas le genre de petite pimbêche qui se laisse embobiner avec un simple "salut" et un clin d'oeil. Il se sentait con à la regarder comme si elle avait une énorme tâche de naissance sur le visage ou une autre connerie du même style, alors qu'en réalité elle était simplement très belle et qu'il n'avait rien d'autre à dire. Il n'eut pas besoin de l'entendre répliquer pour savoir qu'il avait raté sa cible. Cette fille-là semblait bien plus difficile à convaincre que celle avec qui il avait passé la nuit dernière. Donovan jeta un oeil aux alentours, histoire de s'assurer surtout qu'il n'y avait pas un autre homme dans les parages, le copain de la demoiselle par exemple. Il n'y avait qu'eux deux. Au moins, personne n'allait venir lui casser la gueule à la sortie, c'était déjà ça de gagné. L'homme, était légèrement déstabilisé par l'assurance qu'elle dégageait du haut de son petit mètre soixante cinq (maximum!). Elle avait une drôle de façon de parler, pas tout à fait comme une fille ou en tous cas pas tout à fait comme la plupart des filles qu'il avait pu rencontrer récemment. En fait, elle parlait un peu comme… comme lui. Hé, mais d'ailleurs! Peut-être qu'elle n'était pas là avec un mec mais avec une fille. Ça pourrait expliquer quelques trucs, notamment dans sa manière de s'adresser à lui. Il regarda à nouveau autour, mais il n'y avait toujours personne en dehors d'eux. L'idée qu'elle soit différente tout en étant attirante le fit sourire, parce que c'était rafraichissant d'en trouver une qui lui donnerait du fil à retordre. Et si elle était lesbienne, il allait en avoir, du fil à retordre, et pas qu'un peu même. Allez comprendre la logique de son esprit compétitif à deux francs cinquante, il n'avait pas peur de relever le défis, il trouvait même une certaine excitation dans le fait de devoir se battre avec une autre nana pour obtenir ce qu'il voulait de celle-ci. Il n'avait pas souvent à se plier en quatre pour convaincre une fille de finir la journée à ses côtés dans un bar et plus tard dans son lit, ou le plus souvent, sur la banquette arrière de sa voiture. C'est qu'elle en avait vu passer des filles, cette sacrée banquette! En fait, Donovan avait même finit par lui donner un petit nom tant il la considérait comme une part importante de sa vie. Il lui arrivait parfois d'accueillir des futures conquêtes dans son tas de ferraille et de lancer joyeusement: "Mets-toi à ton aise, Angela est confortable." Ça lui valait toujours des regards en biais, et suivait ensuite l'éternelle question "C'est qui cette pute d'Angela?" Alors, Donovan, amusé d'avoir éveillé une pointe de jalousie chez une parfaite inconnue, inventait une histoire pour expliquer pourquoi il avait donné ce prénom là aux sièges de sa voiture. Il ne pouvait jamais donner la véritable raison, autrement c'était le râteau assuré.

Au début de son aventure sur la route, quelques jours après son départ de Chicago, il avait pris le temps de prendre ses marques, de trouver son rythme. Au final, il ne lui avait pas fallu énormément de jours avant de se sentir à l'aise, assis derrière le volant de sa voiture, à contempler les paysages défiler sous ses yeux, une grosse partie de la journée. Le soir, venait l'alcool qui coulait toujours à flot dans les grands verres disposés devant lui, ça lui donnait presque l'impression qu'être heureux était encore possible. C'était simplement une illusion. Une douce et belle illusion. Il y avait aussi des filles, beaucoup de filles, comme hier soir et le soir d'avant, et ce soir sans doute et celui d'après. Donovan ne voulait plus s'endormir tout seul à force, il s'était habitué à fermer les yeux en sentant un corps brûlant près du sien, une place occupée dans le lit, un souffle chaud sur sa peau, des caresses et des chuchotements aux creux de ses oreilles quand celles-ci n'étaient pas mordillées par les plus sauvageonnes des demoiselles qu'il choisissait. Comme les enfants qui ne peuvent se passer de leur rituel du soir, une histoire, un bisou sur le front, et une petite veilleuse allumée dans un coin de la chambre, Donovan avait besoin de sentir qu'il n'était pas seul quand il faisait noir au dehors et qu'il était temps pour lui de fermer les yeux et de s'endormir. Il ne s'attachait pourtant pas à ces filles et il les traitait souvent comme des kleenex, ne leur accordant que rarement de l'importance. Il en prenait une, la jetait au petit matin, et en prenait une autre pour la nuit suivante, ainsi de suite. Bien sûr, hors de question de se la jouer écolo et de faire de la récup'.

Un soir, justement, après s'être noirci au gin, au whisky, à la bière, il en avait choisi une. Une tatoueuse pour être exacte, répondant au doux prénom d'Angela. Ouais, comme sa banquette. C'était l'heureuse élue de la soirée. Ils avaient ri, dansé, et avaient même poussé la chansonnette. Ils étaient restés collés-serrés un long moment, s'étaient embrassés, s'étaient faits d'autres petites choses par-ci par-là jusqu'à ce qu'elle lui propose de la tatouer, parce que ce serait marrant et parce que, quel meilleur moment pour faire un tatouage que quand on est bourré comme pas permis? Ce crétin qu'il était, n'avait rien demandé de particulier, il avait juste dit "Surprends-moi!". Deux petit mots qu'il regrettait encore amèrement aujourd'hui, peut-être pas autant cela dit, que s'il avait demandé un papillon et qu'elle le lui avait fait. Ça pour le surprendre, elle l'avait surpris. Le lendemain matin, après avoir baisé comme des chiens enragés toute la nuit (de rien pour la jolie image et la note de poésie, c'est toujours apprécié, je sais), il l'avait foutu dehors à coup de pieds au cul, ouais. Franchement, il n'allait pas le nier, il avait bien hurlé comme une fillette en apercevant son nouveau tatouage dans le miroir. Elle avait écrit "Angela" au niveau de ses côtes, du côté gauche. Le côté de l'enfer, pas vrai? Il était sûr qu'elle y brûlerait en tout cas. Le seul bon côté des choses qu'il trouvait à cette histoire, c'est qu'elle l'avait bien orthographié et que le tatouage en lui-même, n'était pas raté. Le travail était propre et bien fait, ça il ne pouvait pas le nier. N'empêche, qu'il avait nommé sa banquette arrière après cette fille, parce que sexuellement parlant, elle avait fait des exploits et aussi parce que ça lui rappelait sans cesse de ne plus jamais être aussi con que ce soir-là. Donovan n'avait donc plus commis l'erreur à nouveau, et il était assez confiant en l'avenir pour espérer que ça ne se reproduise plus du tout. Cette anecdote, il la gardait pour lui, et quand les filles lui demandaient pourquoi il avait aussi tatoué le prénom d'Angela sur le corps, il répondait vaguement que ça avait une signification particulière, qu'un roadtripeur entretien toujours une relation symbolique avec sa voiture et que par conséquent il s'était senti obligé de se faire tatouer un truc en son honneur. Il baragouinait et elles tombaient toutes dans le panneau. De toute façon, elles n'étaient pas là pour s'inquiéter de ce genre de détail, rapidement elles retrouvaient toujours le sens des priorités. À force, il était presque lassé de les regarder, toutes ces filles qui défilaient devant lui, elles avaient l'air de se ressembler et même s'il appréciait toujours autant les plaisirs charnels, la beauté et les détails physiques qui allaient avec devenaient de plus en plus fades et abstraits.

La fille du musée, elle, n'était pas très grande, pas très grosse, mais elle dégageait quelque chose qu'il n'avait pas souvent trouvé chez les autres. C'était plus que le simple fait d'être jolie ou d'avoir une petite lueur au fond de l'oeil, c'était même plus que son assurance et sa façon de parler. Lui, qui s'était juré de ne jamais devenir l'un de ces gros crétins qui croient en l'amour au premier coup d'oeil, lui qui n'envisageait même pas de se poser un jour ou de se contenter d'une seule fille pour le restant de sa vie, lui qui avait déjà presque décidé que le reste de son existence n'irait jamais plus loin que la route, que sa vie toute entière était d'ailleurs la route elle-même, il se retrouvait à tomber sous le charme d'une inconnue. Juste comme ça. Il ne la connaissait pas le moins du monde mais il avait envie d'en savoir plus sur elle. Peut-être que c'était justement parce qu'elle l'avait envoyé chier qu'il se sentait aussi attiré, ou peut-être qu'il était simplement maso… Sans doute un peu des deux. Donovan ne bougea pas quand elle le pria d'aller jouer aux billes. Il allait devoir la jouer fine pour la convaincre de passer un peu de temps avec lui, ce n'était pas gagné. La jouer fine? Donovan? La bonne blague. "Moi non plus, je ne suis pas fan d'Elvis…Si jamais t'avais un doute." Il se laissa un temps de réflexion. "Franchement, je crois que je préférerais effectivement jouer aux billes plutôt que d'être ici." Un autre temps de réflexion et puis: "Enfin, ça c'était jusqu'à ce que je vienne te parler. Maintenant, je suis ravi d'être là." Il laissa une seconde supplémentaire s'écouler. Elle n'avait pas l'air très impressionnée, et déjà qu'il l'avait faite grimacer en ouvrant à peine la bouche, ça commençait à sérieusement sentir le roussi cette histoire. Alors, pour l'empêcher de lui mettre un nouveau stop, il se mit à rire. Un bruyant éclat de rire, qui s'acheva en un sourire charmant. "C'était le truc le plus cheesy que j'ai jamais dit je crois. Excuse-moi pour cette approche digne du parfait débutant." Putain. Il n'avait vraiment, mais vraiment pas l'habitude de parler aux filles. La plupart du temps, quand ça arrivait, il avait au moins un verre ou deux derrière lui, et il n'avait pas besoin d'en faire des tonnes pour montrer à la jeune demoiselle qu'elle l'intéressait. Ça allait toujours vite, même parfois trop vite, mais pour le coup avec cette fille-ci, il y avait quelque chose qui clochait. Elle le déstabilisait grandement, ça n'allait pas en s'arrangeant, et bizarrement, au lieu d'être vexé, ça le rendait d'autant plus curieux. Ses tactiques habituelles n'allaient pas fonctionner sur la jeune femme, il l'avait bien compris et maintenant, il fallait réfléchir vite. Vraiment vite.

Donovan souffla un grand coup, tenta d'avoir l'air aussi sûr de lui qu'elle l'était d'elle-même, offrit un sourire un tantinet moins forcé mais tout aussi agréable que le précédent, se redressa pour mettre en valeur sa grande taille, et il tendit la main vers elle. "Moi c'est Donovan, et toi?"
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MessageSujet: Re: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptyLun 14 Juil 2014 - 23:06

    It feels like years
    And the boys go on and on and on and on. And there's gold falling from the ceiling of this world, falling from the heartbeat of this girl, falling from the things we should have learned, falling from the things we could have heard.

    code broadsword.

Jagger ne s’était jamais laissée marcher sur les pieds. Jamais. C’était probablement nécessaire quand on voyageait seule, depuis si longtemps, et qu’en prime on était une femme – mais le fait était qu’elle avait toujours été ainsi. Fière. Indépendante. Elle avait quelque chose de farouche. Une inébranlable volonté d’avoir toujours le choix, toujours le dernier mot. C’était tout simplement une jeune, petite, mince et jolie fille qui refusait de n’être que cela. Elle ne tombait jamais dans le panneau des dragueurs à deux balles, de ceux qui la reluquaient et pensaient pouvoir se jouer d’elle – elle voyait simplement clair dans leur jeu. Mieux que ça, elle était capable d’y jouer encore mieux qu’eux. Elle avait le choix. N’était en rien un être asexué qui se trimballe en ce bas monde en tentant de conserver sa chasteté pour le mariage. En somme, elle tenait à mener la danse. Elle se servait des autres. Point barre.
Généralement, se faire aborder d’une façon un tantinet lourde était un motif suffisant de refus pour elle. Elle se contentait de sa réaction habituelle – hausser un sourcil méprisant, et lui dire d’aller jouer aux billes plus loin (ou d’aller se faire mettre par le proprio de la station service, dans sa bouche le sens était plus ou moins similaire), avant de tourner les talons pour aller elle-même vaquer à ses propres occupations. Sentir qu’on la pensait acquise au premier sourire était quelque chose de foncièrement rebutant pour elle. Et pourtant, parfois, il lui arrivait de faillir à ses grands principes. Si la personne en face d’elle lui plaisait, principalement. Parce que ça serait con, sinon.
Et ce type là lui plaisait.
Elle n’aurait pas vraiment su dire pourquoi. Elle n’avait pas directement de type d’homme – ou de femme, pour ce que ça vaut. La preuve, il l’attirait d’une certaine façon, et cela ne l’avait en rien empêchée de sortir avec Julian McNeal par le passé. Elle avait surtout un genre de personnes qui l’attiraient, un « truc » qui n’avait rien à voir avec le physique et qui lui donnait la vague impression que le mec en face d’elle n’était pas totalement à jeter non plus. C’était pas une question de charisme, de gentillesse, d’intelligence – plutôt une question d’insouciance, s’il avait vraiment fallu mettre un mot là dessus. L’homme en face d’elle, peu importait son nom, avait un petit quelque chose qui lui rappelait sa propre indépendance – l’air de quelqu’un qui avait renoncé à toute attache pour simplement vivre au jour le jour. Il avait commencé avec un petit air lourdingue, mais ça ne l’empêchait ni d’être beau, ni de lui plaire. Un peu.
Après tout, il n’y avait aucun mal à jouer un peu, non ?
Elle avait presque oublié son bonheur un peu con d’avoir (par procuration) battu la ville de Chicago au basket – presque oublié qu’elle se faisait chier comme un rat mort dans ce putain d’hôtel. Ce mec était un peu bizarre, mais au moins il la distrayait de son ennui mortel et du fait que non, la ville de Memphis n’était pas l’escale numéro une dans le top 10 des destinations de son long, long voyage. C’était peut-être parce que lui aussi semblait n’avoir strictement rien à foutre ici, et ne ressentir aucune émotion particulière devant les dernières reliques du King. C’avait quelque chose de plaisant, de rencontrer enfin quelqu’un de sain d’esprit entre ces quatre murs. D’ailleurs, elle s’était très légèrement adoucie quand il avait annoncé qu’il préfèrerait effectivement jouer aux billes que d’être ici – et elle eut un très, très léger sourire quand elle répondit « Alors, qu’est-ce que t’attends ? Franchement, j’suis presque rassurée de savoir que c’est pas le musée Elvis ton terrain de chasse favoris pour tirer un coup. Ca serait juste putain de triste. ». Et puis elle fut presque immédiatement contrée par la phrase outrageusement bateau et cul-cul qu’il lui sortit. C’était pas encore du niveau des « ton père c’est un voleur, blabla, toutes les étoiles du ciel, blabla, tes yeux, bla. », mais on en était plus très loin. A bien y réfléchir, il était peut-être du même genre que le type qui l’avait poursuivie à la sortie du métro à New York pour lui glisser un ticket de caisse sur lequel il avait griffonné son numéro et un petit « call me maybe ». Lourd. Et con-con. Arf. Tant pis, il avait un sourire pas dégueu et du potentiel pour être un bon amusement ce soir. Elle leva les yeux au ciel en poussant un soupir, sa façon la plus directe pour manifester son intense mépris – mais il avait déjà embrayé. En riant. Et elle le regarda pendant quelques secondes, les sourcils froncés. Parce que pendant ce temps là, son visage avait changé du tout au tout – et non content de sembler insouciant, il avait soudainement eu l’air candide. Ses yeux s’étaient mis à briller, et il était devenu réellement, profondément, beau. Et c’était vraiment dommage qu’il n’ait pas un foutu neurone – elle ne demandait pas non plus qu’on lui récite un poème, mais merde, un peu de subtilité ne faisait de mal à personne, non ? Elle n’était pas la femme la plus subtile du monde, mais elle appréciait qu’on ne la considère pas uniquement comme un vagin potentiellement exploitable. Merci bien.
Il eut au moins la présence d’esprit de s’excuser et de reconnaître de lui-même qu’il avait eu l’air d’un sacré con. Bon garçon. Elle avait presque envie de lui accorder le bénéfice du doute – peut-être qu’il était juste le plus débutant des débutants et qu’il ne savait réellement pas s’adresser à une femme sans avoir l’air d’un gros dragueur de merde. Elle leva les deux mains en l’air, comme pour signifier qu’elle comprenait, et secoua la tête. « C’est bon. Arrête là. J’ai saisi. » Il y eut un temps de silence avant les explications, où elle esquissa un léger sourire narquois. Elle n’avait pas envie de le repousser trop violemment non plus, au cas où il était bien ce qu’il semblait potentiellement être – parce que ouais, dans cette situation il lui aurait fait pitié. « T’es puceau en fait. T’as la trentaine ou quoi et t’es puceau, alors tu tentes le tout pour le tout de la drague. Je compatis. Ca doit être chiant. » Elle laissa retomber ses mains, haussa brièvement les épaules. « Désolée. C’est mort. T’arriverais pas à me contenter, je joue dans la cours des grands. Mais doit y avoir de la pucelle fan d’Elvis dans le secteur. Ca sera pas cool comme souvenir de première fois, j’crois en avoir croisées plusieurs avec de la moustache, mais au moins ca s’ra fait – et puis franchement, va aux chiottes pour faire une banane avec tes bouclettes et t’as toute tes chances. Fonce. » Quoi ? Non, c’était pas de la frime – elle avait simplement des standards assez hauts pour ce genre de chose, comme toute femme qui se respecte suffisamment pour tenir à avoir un orgasme digne de ce nom. Et tant pis si aux vues du physique de l’autre homme, il semblait très, très peu probable qu’il soit puceau en fait. Ou alors le monde était mal fait. Ou alors il avait fait de la chirurgie esthétique récemment, et perdu une bonne trentaine de kilos – la médecine, de nos jours, ça fait des miracles hein…
Dieu merci, elle n’avait pas eu ce problème. Gamine, elle n’était pas dégueulasse. En grandissant, elle était devenue franchement pas trop mal. Il y avait un truc dans ses grands, très grands yeux et dans son attitude qui avaient toujours attiré les gens qui l’intéressaient à elle – ce n’était pas de la prétention, elle n’avait juste jamais eu de vraie raison de se plaindre. Sa première fois ? Oh, c’était avec une fille qui jusque là n’avait strictement aucune idée qu’elle pouvait être attirée par les autres filles. Ce genre d’histoire, ça vous donnait une certaine confiance en vous et en vos capacités de séduction. Elle faisait partie de ces personnes qui ne faisaient pas d’effort particulier pour se rendre parfaite, mais qui évoluaient avec une légèreté qui suffisait à faire un charme. Certes, ça n’aurait jamais marché sur un boudin. Mais elle pouvait affirmer qu’elle n’en était pas un. Là où sa théorie sur lui ne tenait pas vraiment la route, c’était qu’il n’en était absolument pas un non plus.
Mais, pas rancunier pour deux sous, il lui tendit la main pour serrer la sienne. Ca, c’était inattendu. Et dans la surprise, elle se laissa faire – peut-être parce qu’elle avait plus ou moins l’habitude qu’on la traite comme un homme. Comme un gamin qui se présente pour la première fois à un copain de classe, il lui annonça alors qu’il s’appelait Donovan. C’est avec une insouciance à peu près analogue qu’elle lui répondit, avec un très léger sourire, presque attendrie : « Moi c’est Jagger. ». Seulement, l’autre type eut la très exacte réaction qui lui donnait limite de l’urticaire quand elle était gamine – il éclata de rire. Elle leva les yeux au ciel, se demandant vaguement comment il aurait réagi en apprenant le prénom de son frère – parce qu’il fallait être honnête, entre les deux c’était plutôt Hendrix qui avait décroché le pompon à la roulette familiale. A tout les coups il ne la croyait qu’à moitié. Franchement, elle avait filé des coups de pieds dans les couilles pour moins que ça. Dans leur jeune temps, leurs camarades de classe préféraient les appeler tout simplement « Dickens » pour éviter qu’elle ne se vexe de leurs réactions et ne compromette à tout jamais leurs chances de concevoir un enfant – et tant pis s’il pouvait y avoir légère confusion entre le mâle et la femelle du duo de jumeaux. Mais bon. Ils étaient dans un lieu public. Et il y avait des caméras. Et des témoins. Et tout un tas de gardiens. Alors elle lui donna simplement un coup de poing dans l’épaule, même pas trop fort, avant de rétorquer : « Ta gueule connard. Au moins le type à l’origine de mon prénom fait de la bonne musique, Donovan. ».
Et tant pis si leurs mains ne s’étaient toujours pas séparées. Il avait de très grandes mains, un peu calleuses – celles d’un homme qui a vécu et n’en a pas eu peur. Elles étaient pourtant, étrangement, douces. Pas violentes pour deux sous. Chaudes. Elle se rendit alors compte qu’elle avait accepté, en serrant cette main, en prolongeant la conversation, d’entrer dans un certain jeu avec ce type. Elle avait accepté de commencé à se battre avec lui, et c’était chez elle une façon élémentaire de nouer le contact. De se faire une idée de la personne en face d’elle, aussi, en voyant s’il était capable de lui tenir tête et surtout de tenir le rythme. Brièvement, elle se demanda ce qu’elle pourrait ressentir si ces mains la touchaient. Brièvement, elle se demanda ce que ça pourrait être de jouer un peu avec lui, d’en faire un autre homme sur la route, avec lequel on prend un peu de bon temps avant de lui dire adieu au petit matin. Ca n’était pas un grand engagement, après tout. Juste un peu de curiosité. Pas de mal à la curiosité. Pas de mal à se faire du bien. Ils étaient deux étrangers qui entrent en collision sur la route – Donovan et Jagger, deux voyageurs qui échangent des prénoms et taisent les noms, comme pour faire en sorte qu’il ne s’agisse là que d’une parenthèse, comme pour rester deux anonymes que rien ne réunira plus au petit matin. C’était le deal, quand on voyageait. Pas d’attache. Pas de vraies rencontres. Le lendemain, l’un comme l’autre étaient toujours voués à se séparer pour continuer dans leurs directions respectives. Elle n’avait toujours pas de réelle certitude que ce Donovan fasse partie de la même catégorie de personne qu’elle – mais elle s’en doutait, après tout il n’avait absolument pas l’accent d’un type de Memphis, ou même la gueule d’un type qui entre au musée Elvis Presley en se doutant du musée des horreurs qui l’attend à l’intérieur. Comme elle. Oui, un arrangement de ce genre serait peut-être possible. Et puis s’il était vraiment puceau, pour une raison X ou Y, elle aurait accompli sa BA de l’année et pourrait lui montrer comment on agit avec une femme. Ouais. C’était jouable. Elle ne voulait rien savoir de lui, de sa vie, de quoi que ce soit, mais elle acceptait potentiellement qu’il se passe quelque chose.
Putain, ouais, elle se faisait vraiment un peu trop chier à Memphis.
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MessageSujet: Re: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptyMer 16 Juil 2014 - 5:29

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Déconcerté par l'aisance et la familiarité avec laquelle elle s'exprimait, Donovan  se retrouvait presque dépourvu de mots face à la jeune femme. Sérieusement, il l'avait trouvé jolie en lui jetant un premier regard, ce n'était certainement pas la première qui lui faisait cet effet-là, mais depuis qu'elle avait ouvert la bouche il n'était que d'autant plus conquis. En général, c'était plutôt l'inverse. Les filles parlent souvent de trop et ça ne loupe jamais, leurs voix de crécelles continuent d'hanter les nuit de Donovan pour les dix jours suivant une conversation un peu trop approfondie qu'il n'aurait jamais dû engager au-delà d'un simple "salut". Elle, elle était loin d'avoir une voix de crécelle justement et si elle avait peut-être tendance à parler comme un bonhomme, ça ne la rendait pas moins terriblement sexy. En fait, entre son physique plus qu'agréable, ses grands yeux intrigants, son assurance déconcertante et sa voix singulière, elle avait de quoi attirer tous les regards et rendre toutes les filles de cette planète jalouses. D'ailleurs, si Donovan avait été une fille, il l'aurait très certainement envié. Information inutile, nous sommes d'accord, sauf que c'est quand même toujours bon à savoir, pas vrai? Si Donovan était une fille… Ah! Toutes ces choses qu'il ferait! Par exemple, contempler sa propre poitrine au moins quatre heures par jour, et se brosser les cheveux très souvent aussi. Allez comprendre. Quoiqu'il en soit, il n'enviait pas cette inconnue, mais  il avait pour sûr, très envie d'elle. Le simple fait de la voir résister provoquait en lui un désir irrésistible de la voir finir dans son lit à un moment ou à un autre. "Aucun musée n'est mon terrain de chasse. J'aime pas mentir alors je vais t'avouer un secret…" Il jeta un regard aux alentours, porta une main tout près de sa bouche et chuchota: "J'ai atterri ici par hasard. J'en ai strictement rien à foutre d'Elvis." Il lui fit signe de ne rien dire en passant son index sur ses lèvres. Il préférait que ça reste leur petit secret, au cas où une horde de fans du King serrait cachée quelque part, en train de les écouter, et se préparerait à lui sauter dessus pour l'horrible vérité qu'il venait de révéler. C'était un peu comme dire "Bon Dieu!" à l'église. Quoique ça aussi il aurait pu le faire et s'en foutre royalement. Il en était à un point où même lui se demandait parfois s'il existait encore des choses dont il ne se foutait pas et puis une jolie fille passait forcément par-là et il se rappelait soudainement que de la gente féminine, il ne s'en était jamais lassé. Les filles, il ne s'en foutait pas. Pourtant, s'il était loin d'être inexpérimenté dans le domaine, il venait de passer pour le parfait des lourdingues après la réplique transcendante qu'il venait de lui sortir, tout droit venue de Cheesyland pour sûr. Il avait envie de se taper la tête contre un mur. Encore un peu et il allait lui sortir quelque chose comme "Si t'étais un sandwich du McDo, tu serais le Mc-Nifique". Elle apprécierait, c'est certain. Après avoir bien rigolé de lui-même, à la fois parce que c'était vraiment drôle quand on y pensait un peu et aussi parce que ça lui évitait un moment embarrassant où elle lui aurait mis un vent très probablement, il s'était excusé. Après tout, il n'avait pas sorti la phrase à propos du sandwich, tout n'était pas perdu, il pouvait encore s'en sortir. À moins qu'il ne soit déjà en train de creuser son propre trou et que chaque seconde supplémentaire qui passait, était synonyme d'un enfoncement encore plus profond. Au pire, il ne la reverrait plus jamais après une humiliation écrasante, et au mieux, il arriverait à retourner la situation malgré tout pour l'attirer dans ses filets. Il affichait encore un petit sourire en coin quand elle leva les mains en l'air pour lui faire signe de s'arrêter là. En annonçant qu'elle avait saisi, Donovan fronça un peu les sourcils. Une part de lui espérait qu'elle avait vraiment saisi et qu'elle s'apprêtait à lui poser sa question préférée: "Chez toi ou chez moi?", mais une autre part se voulait résolument réaliste et sentait que cette phrase-là ne présageait rien de bon pour lui. Il n'était ni en train de boire, ni en train de manger quand ce mot terrible traversa les lèvres de la jeune femme pour venir s'abattre sur lui comme un coup en plein coeur. Blessant et presque fatal. Puceau. Il avait quand même failli s'étouffer. "Putain! Mais non!" Donovan secoua la tête vivement, littéralement abasourdi que quelqu'un ose penser que lui, LUI, était encore puceau. Ce n'était plus un trou dans lequel il s'enfonçait mais carrément un cratère! Il plissa les yeux pour bien la regarder en face, histoire surtout de s'assurer qu'elle était sérieuse. Avec son air presque désinvolte, elle décida d'en rajouter une couche. Vraiment, elle resterait dans les annales celle-là, à défaut, pour lui, de pouvoir prétendre à un autre genre d'anal. Tout à coup, il ne savait plus trop s'il voulait vraiment jouer le jeu à fond et trouver un truc pour la contrer, ou simplement prendre ses jambes à son cou et s'enfuir avant de se mettre à rougir comme un gosse. Cette dernière option aurait sans doute achevé de la conforter dans son hypothèse et il n'allait pas lui accorder ce plaisir. Non, non. "Je vais prendre sur moi et faire comme si je n'avais rien entendu." Il tenta de prendre un air détaché mais ça ne dura que quelques secondes avant qu'il ne demande: "Non mais sérieusement, putain! J'ai l'air d'un puceau trentenaire?" En plus de ça, il n'avait pas encore trente ans. Merde à la fin, elle allait lui filer des complexes et elle aurait tout gagné. "De la pucelle fan d'Elvis… Avec de la moustache… " Il prit un air de dégoût. S'il avait su, il aurait juste fermé sa gueule et aurait ignoré cette nana, parce que c'était sûr, elle était forcément une grande malade. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de l'imaginer plutôt douée, voire très douée au pieux. Franchement, si c'était pour avoir ce genre de répartie associée avec ce physique-là et finalement s'avérer être un mauvais coup, autant se passer une corde autour du cou tout de suite, parce qu'il n'aurait plus aucun espoir en la race humaine après une déception aussi grande. Ceci étant dit, il risquait de ne jamais obtenir une réponse à cette interrogation. C'était tellement mal parti… Mais Donovan n'était pas de ceux qui tremblent facilement devant l'adversité, il n'était pas non plus de ceux qui savent se contenter d'un "non" pour réponse et qui abandonnent sans difficulté. Il était plus fort que ça et s'il avait décidé qu'il aurait cette fille, il l'aurait. Il allait lui prouver qu'il était loin d'être un petit nouveau dans le domaine et mieux encore, il allait lui prouver qu'il avait largement sa place dans la cour des grands, comme elle le disait si bien.

Il avait tendu la main vers elle, soudainement sûr de lui à nouveau, ou en tous cas tentant de le faire croire. Puis, il lui avait donné son prénom en attendant qu'elle en fasse de même, éventuellement. Donovan n'était pas très sûr mais il avait cru déceler un sourire sur le visage de la jeune femme qui s'appelait donc… Jagger. Hein? Il oublia bien vite son idée de la jouer fine quand il éclata de rire à nouveau. Elle se foutait de lui, forcément, personne ne pouvait décemment nommer son enfant Jagger. Trop occupé à ricaner, il n'avait pas vraiment remarqué qu'elle ne riait pas avec lui et qu'au contraire même, sa réaction semblait l'irriter au plus haut point. Il sentit le poing de cette fille s'abattre sur son épaule et il s'arrêta de rire. Sérieusement? Elle s'appelait vraiment Jagger? "Ta gueule toi-même. Le type à l'origine de mon prénom était mon grand-père, pas un musicien de merde." Soudain, il avait presque oublié son objectif premier qui était de la séduire avec son "salut" et son sourire charmeur. Il venait de s'adresser à elle comme il aurait pu s'adresser à n'importe lequel de ses amis, ceux qu'il avait laissé derrière lui à Chicago. Il baissa les yeux sur sa main, elle tenait toujours celle de la fameuse Jagger. Ni l'un ni l'autre n'avait brisé la poignée qu'ils s'étaient échangés et maintenant qu'il s'en rendait compte il n'arrivait même pas à se sentir gêné. Ses yeux se posèrent à nouveau sur le visage de l'inconnue du musée, qui n'en était plus tout à fait une désormais. Il pouvait poser un prénom sur son visage, par conséquent il considérait qu'ils avaient passé le stade d'inconnus à celui de connaissances. Quelques minutes, c'était tout ce qu'il leur avait fallu. "Putain." Il relâcha la main de la jeune femme tout en ricanant encore un peu. "J'arrive toujours pas à croire que tu m'aies traité de puceau. On aura vraiment tout vu dans cette ville!" Il passa une main dans ses cheveux pour replacer quelques bouclettes rebelles sur le haut de sa tête. Il avait bien songé à aller chez le coiffeur un de ces quatre, sauf qu'il trouvait toujours mieux à faire et puis ça l'emmerdait profondément de devoir payer juste pour se faire couper les cheveux. Il trouverait forcément quelqu'un sur la route pour les lui couper gratis en échange d'un service. Donovan, de par son ancien métier de pompier, était dans une forme physique exemplaire. Il savait parfaitement changer une roue ou rafistoler le moteur capricieux des vieilles voitures merdiques. Il possédait également des bases en plomberie et à peu près n'importe quoi d'autre nécessitant un marteau et des clous. Il avait toujours été manuel, et s'il avait parfois du mal à additionner sept et sept, il n'hésitait jamais quand il s'agissait de construire ou réparer quelque chose de ses mains. Enfin, il était capable de sauver des gens bloqués dans des immeubles en feu, ou même de pratiquer les gestes de premier secours sur des victimes d'accidents de voiture ou autre chose du même style. Du moins, il en avait été capable avant. Il y a quelque mois encore, il portait fièrement son uniforme de pompier, son quotidien était rythmé par les sirènes, la grande échelle, les gens émus qui le remerciaient de leur avoir sauvé la vie, et parfois aussi, il croisait quelques chatons à décoincer d'un arbre. Non, ce n'était pas un simple mythe. Ce qu'il préférait quand même, c'était de voir une mission se terminer en happy ending. Plus de peur que de mal, tout ça tout ça. Avec les années, il gérait parfaitement ce genre de situation, le feu était même devenu son élément, au même titre qu'un poisson incapable de se passer de l'eau, il adorait se retrouver au milieu des flammes à devoir les dompter et les défier. Il y a quelques mois encore, il se sentait tellement utile et maintenant? Il n'était qu'un autre de ces losers qui draguent les filles à longueur de journée avec des phrases bateau. Donovan s'était perdu quelques instants dans ses pensées, mais déjà les deux grands yeux de la jolie Jagger le rappelaient à eux. Il plongea son regard dans celui de la jeune femme. Elle ne pouvait pas se douter qu'avant, on le considérait comme un héros. Il n'y avait plus aucune trace de son passé hormis un tatouage sur l'un de ses bras, représentant le sigle du Chicago Fire Department et sa veste d'uniforme, qu'il avait conservé avec lui depuis son départ de sa ville natale. "Alors Jagger, tu fais quoi dans la vie à part visiter des musées de merde comme celui-ci?" Ça l'intéressait sincèrement, en plus quelque chose lui disait qu'elle n'était pas d'ici et il avait toujours eu un goût très prononcé pour les gens qui voyagent. En acceptant de lui serrer la main et de lui donner son prénom, elle acceptait de le voir insister un peu plus, mais avant toute chose et surtout, avant de lui proposer d'aller boire un verre, il n'était pas contre l'idée de faire plus ample connaissance. "Personnellement, contrairement à ce que tu pourrais penser, mes passions n'incluent pas d'être un piètre dragueur ni même d'essayer de perdre une virginité déjà perdue il y a belle lurette -non pas que ce soit vraiment tes affaires, pas vrai?- et encore moins de m'amuser à visiter autre chose que les bars des villes dans lesquelles je m'arrête." Il haussa les épaules, une petite lueur apparut dans ses yeux lorsqu'il ajouta: "La vie sur la route, y'a que ça de vrai." Presque rêveur, Donovan laissa un silence s'installer. Ouais, la vie sur la route, même si elle s'était imposée à lui d'une manière quelque peu brutale, c'était la meilleure décision de sa vie. Vivre sans attache, bouger sans cesse, voir du pays, rouler partout, tout le temps… Il avait presque du mal à se souvenir ce que ça faisait de rester dans la même ville plus de deux nuits d'affilé. "Au fait, pas que ce soit réellement important mais j'ai vingt neuf ans, pas trente. Merci bien." Il haussa un sourcil. "Et ouais, je vais réellement chipoter pour une putain d'année." Il offrit un énième sourire à Jagger. Finalement, ça n'allait pas si mal. Le cratère était redevenu un trou et le trou ne semblait même plus si profond que ça. Il y avait peut-être encore une petite chance pour lui d'obtenir quelque chose d'elle. C'est qu'il ne perd jamais le Nord ce type-là, n'allez pas croire.
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MessageSujet: Re: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptyLun 28 Juil 2014 - 17:18

    It feels like years
    And the boys go on and on and on and on. And there's gold falling from the ceiling of this world, falling from the heartbeat of this girl, falling from the things we should have learned, falling from the things we could have heard.

    code broadsword.

La plupart des gens avaient beaucoup, beaucoup de mal à comprendre Jagger. Il fallait bien dire ce qui était – son attitude n’avait pas grand-chose de cohérent quand on ne la connaissait pas réellement. Elle était même légèrement flippante, quand on y pensait bien. Elle avait ce côté éclatant, charmeur – et ce côté de farouche indépendance, ces regards qui semblaient crier « tu te fous de ma gueule, mon grand, c’est ça ? ». Chaque seconde de sa vie était consacrée à alterner le froid et le chaud. Pour se protéger, principalement. Mais aussi, peut-être, parce qu’elle aimait mettre les gens au défi. Surtout les hommes. Il y avait quelque chose de profondément jouissif à les poser en face d’une femme qui était parfois plus masculine qu’eux. Quelque chose de profondément jouissif, parce que, pour la plupart, c’était la toute première fois qu’ils rencontraient une personne aussi honnête avec elle-même, avec ses désirs, avec sa nature, avec son besoin de liberté. Julian ne s’était jamais offusqué de tout cela, Hendrix non plus, Dustin non plus – aucune des personnes qu’elle avait pu connaître dans son enfance ou dans ses années au lycée, en somme, parce qu’ils l’avaient vu grandir et évoluer de cette manière. Depuis qu’elle se trouvait sur la route, cela posait peut-être un peu plus de problèmes. Enfin. Pas tant que ça. Elle connaissait même un succès certain auprès des autres voyageurs, qui voyaient en elle une femme avec du cran, du vrai. Il y a quelques années, on avait même pu dire qu’elle avait « des couilles ». Métaphoriquement. Dieu merci. C’aurait été bizarre, sinon.
Donovan était parti du mauvais pied, dans ce défi improvisé. Elle s’était, à vrai dire, braquée dès le tout premier mot qu’il avait prononcé. Mais elle lui avait tout de même laissé une chance – et ceci principalement parce qu’il était loin, très loin d’être repoussant. Et puis il avait quelque chose qui titillait sa curiosité. C’était peut-être ce sourire étrange qu’il décrochait parfois, et qui ressemblait à s’y méprendre à celui d’un gamin. C’était peut-être sa façon de se mouvoir, presque nonchalante. Ou bien encore le fait qu’elle avait cru remarquer, à un moment donné, sur l’intérieur de son avant-bras… un tatouage de fusée. Hum. Oui, ce dernier point en lui-même justifiait toute curiosité. Sérieusement ? Une fusée ? En attendant, elle avait suffisamment de jugeote pour comprendre que, parfois, les gens méritaient une seconde chance. Surtout quand leur seule vraie faute avait été de ne pas savoir comment l’aborder correctement. Et elle était suffisamment honnête avec elle-même pour saisir qu’il avait quelque chose, un je-ne-sais quoi, qui l’attirait.
Un peu.
Fallait pas déconner non plus.

Elle esquissa un très léger sourire, un peu sarcastique, quand il se pencha vers elle pour lui déclarer qu’il n’en avait rien à foutre d’Elvis – le tout avec la gueule d’un mec qui est en train de commettre un énorme blasphème et qui en a conscience. Elle laissa tomber, tout simplement, le mot « Hérétique. », en le regardant droit dans les yeux. Elle ne pouvait pas dire grand-chose de plus – franchement, elle non plus n’en avait pas grand-chose à foutre d’Elvis. Il aurait prononcé ces mots dans un quelconque musée à la gloire de Rolling Stones, là elle aurait pu s’offusquer – non, elle aurait carrément hurlé au scandale et lui aurait imprimé au fer rouge la langue de Mick Jagger. Sur les fesses. Juste pour le fun. Et le pire dans cette histoire ? C’est qu’elle en aurait presque été capable. Mais là… ouais, elle pouvait avouer qu’ils avaient bien, au moins, un point commun. Se l’avouer à elle, hein. Sûrement pas le dire à haute voix. Pas pour le moment, en tous cas.
Il avait quelque chose de drôle. Un peu à ses dépens. Il était loin, très loin du gros relou qui balance vanne sur vanne dans l’espoir de faire rire les gens, en invoquant en prétexte des adages à la con, du genre « fille qui rit à moitié dans ton lit », tout ça tout ça. Il disait de la merde, mais avait l’air de le faire un peu malgré lui – comme s’il était tout simplement dépourvu de filtre, et que les mots franchissaient sa bouche avant qu’il n’ait eu le temps de vraiment les réfléchir. Chacune de ses réactions semblait dictée par la plus totale des sincérités. Certains auraient pu dire qu’il avait l’air un peu con, elle, ouais, elle trouvait ça drôle. D’ailleurs, quand il répondit enfin à sa supposition foireuse selon laquelle il était en fait puceau à trente ans avec un grand « Putain ! Mais non ! », elle eut un temps d’incrédulité avant… de purement et simplement éclater de rire. Pendant une seconde, elle avait vraiment eu l’impression que le monde venait de s’écrouler pour lui. Tout bonnement, que c’était l’apocalypse. C’était peut-être un peu cruel de se foutre de sa gueule – mais elle avait légèrement l’impression qu’elle venait de révolutionner son monde avec cette simple hypothèque, et qu’il ne s’en remettrait jamais tout à fait. Est-ce qu’elle était une garce ? Si peu. Elle leva les deux mains, comme pour se défendre, et parvint à dire entre deux éclats : « Je sais pas moi… sur un malentendu, ç’aurait été super triste pour toi, mais comme on dit, shit happens ! » Il pouvait être un tant soit peu rassuré – si elle avait parlé de malentendu, c’est qu’elle reconnaissait qu’il avait au moins un minimum de sex appeal. Plus qu’un minimum, même. « Franchement, de nos jours, la chirurgie esthétique fait des miracles. Tu pourrais avoir cette gueule là depuis genre une ou deux semaines… Mais ouais, ton médecin serait franchement pas mauvais. » Elle résista à l’envie de poser une main sur son épaule pour lui jurer qu’il n’aurait bientôt plus besoin de traquer les pucelles à moustache dans les musées Elvis, mais une part d’elle restait encore un tant soit peu sur la défensive, même si elle s’était payée le luxe d’éclater de rire devant lui et de lui.

Et puis certes, elle s’était foutue de sa gueule, mais il ne s’était pas privé de le faire aussi. Une demi-seconde, elle l’avait regardé fixement avant de se vexer. Ce côté enfantin, il était d’autant plus prononcé quand il se laissait aller à l’hilarité. Il riait certes d’elle, mais il y avait une certaine pureté là-dedans – comme si cette fois encore il ne mettait aucun frein, aucun fard à ce qu’il pouvait bien ressentir. Bon. Cela n’allait pas l’attendrir pour autant – parce que merde, c’était de son prénom qu’on parlait, là, et au bout de vingt-sept années à le porter elle en avait développé une certaine fierté. Probablement parce que, plus que d’en être affublée, elle l’avait défendu. Ce n’était certes pas le prénom de sa grand-mère, mais c’était une marque de sa famille quand même, quelque chose qui la reliait au passé de ses trois parents et à son propre frère jumeau. C’était pas rien, ok ! Et puis elle aimait vraiment les Rolling Stones ! Une chose qu’elle apprécia cependant : il s’était adressé à elle d’une façon extrêmement directe, n’hésitant pas à lui donner du « ta gueule » en réponse au sien, l’air de dire qu’il voyait clair dans son jeu et dans son attitude, et qu’il était prêt à la suivre. Pas de chichi, quoi. C’était presque admirable. D’ordinaire, les hommes qu’elle fréquentait mettaient un peu plus de temps à comprendre cela. Ils devaient la voir comme une princesse, au fond, ou une connerie comme ça. Elle n’avait foutrement rien d’une princesse, pourtant. L’entendre parler aurait largement dû suffire à le faire comprendre, non ? Il avait compris. Quand leurs mains se séparèrent enfin, il reprit la parole. Elle pencha légèrement la tête, fronçant un peu les sourcils, avec une légère moue : « J’m’excuserai sûrement pas de t’avoir blessé dans ta virilité. Faut travailler l’attitude. C’est pas ma faute si j’ai l’air d’avoir couché avec plus de filles que toi. » Elle eut un temps de silence. Un très léger sourire. Il était tout à fait possible qu’elle ait exagéré un peu. Mais ça valait peut-être le coup de compter, pour voir. Au passage, oui, elle avait craché le morceau sur sa bisexualité – mais il y avait belle lurette qu’elle avait cessé d’avoir honte de cet aspect-là de sa personne. A considérer qu’elle en ait un jour eu honte. L’avantage d’être une fille très féminine couchant avec d’autres femmes très féminines ? Pas une once d’homophobie, tout juste, parfois, l’impression d’être un fantasme de film X ambulant. C’était plutôt cool, en fait. Et ce n’était certainement pas une chose dont elle allait avoir honte.
Les présentations faites, il avait directement embrayé. Alors comme ça ils se dirigeaient vers une vraie discussion ? Putain, elle n’aurait certainement pas parié sur ça au départ – mais le mal était fait, et elle avait l’impression étrange de ne plus pouvoir revenir en arrière. Une nouvelle fois, il insista sur le fait qu’il n’était ni un piètre dragueur, ni puceau, ni un grand amateur de musées. Elle fronça à nouveau les sourcils. « Franchement, arrête d’insister sur ça, je crois que tu t’enfonces. » Et puis elle esquissa un léger sourire. « Ok. C’est bon. Je te crois. Content ? J’espère juste pas t’avoir castré moralement pendant cette discussion. Ca serait con. Tellement de contrées inexplorées encore. » Dans le monde entier pour lui, et là tout de suite pour elle. Quoi ? Il était mignon, en fait. Et il l’intéressait peut-être. Potentiellement. Un peu. Pour un soir. Juste pour un soir, hein. Surtout quand il avait ce sourire-là. Ca n’avait absolument rien à voir avec le fait qu’ils avaient, en fait, quelque chose en commun. Hors du fait qu’ils n’en avaient rien à foutre d’Elvis Presley et du musée qui lui était dédié. Tous les deux, ils étaient des voyageurs. Et entre voyageurs, il fallait au moins se serrer un peu les coude, non ? Ce qui impliquait – entre autres – de se servir ponctuellement de chauffage central. En tous cas, c’est avec une fierté non dissimulée qu’elle annonça : « Pas grand-chose. A part sillonner le pays depuis neuf ans. Vas-y. Annonce ton score. » Neuf ans. Yep. Ca claquait, comme chiffre. Elle était loin, l’époque où elle annonçait timidement que ça ne faisait qu’une semaine. L’époque où le « Miles to go » tatoué en haut de son avant-bras la veille de son départ était encore tellement récent qu’elle devait le conserver sous un bandage. Aujourd’hui, il était à l’air libre. Comme une empreinte de son passé, de tout ce qu’elle avait pu vivre jusqu’à aujourd’hui, et qui avait fait la femme qu’elle était devenue. Et c’était toujours un peu plus compréhensible comme tatouage qu’une fusée, hein. Elle haussa légèrement les épaules. « Sinon, si tu veux vraiment coller des étiquettes, des fois je répare des voitures. Et je suis pas mauvaise barmaid. » Elle eut un regard entendu. « Le Jägermeister, c’était mon idée. Mais ils sont allés chier un tréma et oublier un g dans le processus. » Elle secoua légèrement la tête, l’air de traiter le monde entier de sombres abrutis. Et puis elle releva les yeux vers Donovan. Eut un léger sourire. Un peu sarcastique. Tellement moins qu’au tout début de cette conversation, en tous cas. « Et à tout hasard, je tiens à te signaler que j’aime vraiment la bière. Fais en ce que t’en veux. Mais j’ai potentiellement dans l’idée de vérifier si t’es puceau ou pas. ». Hum. Revirement de situation ? Elle ne savait pas vraiment. Elle n’était pas non plus exactement le genre de femme à attendre le mariage pour se lancer dans toute activité sexuelle. Et il s’était bien défendu, le bougre. Il avait même réussi à la faire rire, sincèrement, même si c’était pour se foutre de la gueule de son prénom quelques minutes plus tard. Il avait quelque chose. Ouais. Il avait vraiment quelque chose. Ca valait potentiellement le coup de vérifier ça autour d’une bière. Non ? Après tout, elle avait du temps à perdre. Et ça serait toujours beaucoup, beaucoup plus intéressant que le musée Elvis Presley. Elle ne s’engageait à rien. Strictement à rien.

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MessageSujet: Re: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptyLun 15 Sep 2014 - 2:43

It feels like years.

- ALL THE CRACKS IN THE WALLS REMINDS YOU OF THINGS WE SAID, AND I COULD TELL YOU THAT I WON'T HURT YOU THIS TIME BUT IT'S JUST SAFER TO KEEP YOU IN THIS HEART OF MINE. -
“ And the boys go on and on and on and on. And there's gold falling from the ceiling of this world, falling from the heartbeat of this girl, falling from the things we should have learned, falling from the things we could have heard.  ”

C'était aussi ça, prendre la route. Aller dans des endroits incongrus, rencontrer des inconnus et partager des bouts de vie. Ça pouvait durer cinq minutes, trois heures, quatre jours, un mois, peu importe. Donovan ne voulait pas vraiment être dans un musée, pourtant il y était, et c'était grâce à cette idée complètement stupide qu'il avait eu, qu'il avait pu rencontrer cette fille. Autrement, leurs chemins ne se seraient sans doute jamais croisés et ils seraient passés l'un à côté de l'autre sans même le savoir. Pas que ça aurait été très grave, mais il détestait louper des occasions. Aujourd'hui était tout de même un jour étrange. D'abord, son équipe avait perdu, ensuite il se retrouvait dans un musée, et maintenant on le prenait pour un puceau. Ce n'était définitivement pas une bonne journée, mais celle-ci n'était pas encore terminée alors il avait toujours l'espoir que peut-être, elle s'achèverait sur une meilleure note. Même si Jagger avait sous entendu qu'il était inexpérimenté, elle lui plaisait malgré tout et plus elle l'intriguait, plus il se disait que tout n'était pas perdu avec elle. Bon, certes, elle l'avait un peu vexé quand même, parce qu'il s'attendait à tout sauf à provoquer ce genre de remarque. Et puis elle était jolie et c'était plutôt chiant qu'une fille comme elle dise ça de lui. Niveau drague, c'était un échec total. Jagger semblait être imperturbable. Elle pouvait balancer n'importe quoi au visage de Donovan et rester constante dans son attitude. Lui, c'était encore une autre histoire. Il tenait vraiment à prouver qu'elle s'était faite une mauvaise idée, que l'image qu'elle avait ne lui correspondait absolument pas. Tant pis s'il avait l'air désespéré. Elle l'avait déconcerté. "Putain, mais j'ai pas une gueule à faire de la chirurgie esthétique. Il faudrait, effectivement, que le chirurgien soit sacrément doué pour arriver à un résultat aussi naturel." Il passa une main sur son visage, presque instinctivement. Celui-ci avait été modelé par Mère Nature elle-même. C'était le résultat de papa + maman et rien d'autre. Vous savez ce qu'on dit? Your mama's pussy was the canvas, your dad's dick was the paintbrush. Boom! You're the art! Donovan était donc une oeuvre d'art unique en son genre. Il se trouvait plutôt pas mal, ça aurait été mentir que de dire qu'il se trouvait moche. Il n'était pas non plus de ceux qui se trouvent magnifiques et ne peuvent s'empêcher de se regarder dans le miroir à longueur de journée. En fait, il n'y pensait pas spécialement la plupart du temps. Il savait qu'il plaisait aux filles et c'était tout ce qu'il avait besoin de savoir, au fond. Si Jagger riait aux éclats, de son côté c'était plutôt un rire jaune. Malgré tout, il avait pris le temps de la regarder du coin de l'oeil. Il ne faisait que ça, la regarder. Peut-être qu'il n'aurait pas dû, que ça n'avait pas grand sens, mais il commençait à sérieusement se sentir fléchir face à cette fille. Elle riait de lui, c'est vrai, mais elle riait avant tout, peu importe la raison, et une fois de plus, vous savez ce qu'on dit, pas vrai? Femme qui rit, à moitié dans ton lit. Classieux.

Quelques instants plus tard, c'était au tour de Donovan de rire d'elle et de son prénom. Ce n'était pas moche, mais un poil surprenant. Ça lui allait super bien puisqu'elle était elle-même pleine de surprises, mais ça ne l'empêchait certainement pas de lui rendre la pareille en se moquant gentiment d'elle. Fallait pas déconner non plus, elle l'avait tout de même qualifié de puceau, elle n'allait donc pas se sortir de cette conversation sans avoir eu droit à son lot de représailles. Donovan n'était pas spécialement rancunier, mais pour le coup la pilule avait du mal à passer. Plutôt que de perdre totalement la face, il avait su se ressaisir lorsqu'elle lui avait renvoyé la balle concernant son prénom. Ouais, il lui avait dit "ta gueule", comme s'il parlait à une vieille amie, comme s'il n'avait aucune intention de séduire cette fille. Sa nature avait repris le dessus et il avait réagit de la manière la plus spontanée. Elle ne s'offusqua pas, c'était un autre bon point pour elle. Décidément, cette fille n'avait vraiment rien à voir avec les autres. "C'est le cas?" Qu'il demanda alors qu'elle prétendait avoir l'air d'avoir couché avec plus de filles que lui. "Putain, c'est pour ça que tu la joues aussi difficile. T'es lesbienne. Pourquoi tu l'as pas dit plus tôt?" Tout semblait s'expliquer tout à coup. Elle avait dit qu'elle ne correspondait pas aux critères, qu'ils ne jouaient pas dans la même cour, tout ça, tout ça. Il aurait dû comprendre plus vite, mais au moins c'était fait. Franchement, il n'allait pas mentir, il était vraiment déçu, mais d'un autre côté ça le rassurait un peu de savoir qu'il n'y était pour rien. Elle restait indifférente à son grand sourire et à ses jolis yeux pour la simple et bonne raison qu'elle n'était pas intéressée par son entrejambe. À présent, il souriait. Il était drôlement content! Ça ne venait pas de lui, il n'avait aucun soucis à se faire concernant son sex appeal, et même si ses techniques de dragues étaient sans doute à revoir, il n'était pas complètement à côté de la plaque. Il allait simplement falloir apprendre à mieux identifier les cibles. Pas qu'on puisse vraiment lire sur le visage d'une fille si elle est lesbienne ou pas, mais il y avait sans doute des signes qui ne trompaient pas et qu'il aurait dû apprendre à reconnaitre dès les cinq premières minutes d'une conversation. Ça éviterait de se retrouver dans une situation comme celle-ci. "Ouais, très très content, même!" Il souriait toujours. Elle acceptait enfin de le croire. "Ça va, tout est toujours là!" il secoua un peu ses jambes, chacune leur tour, et montra un pouce en l'air pour indiquer que tout était effectivement bien en place.

Il l'avait ensuite interrogé sur sa propre vie, ce qu'elle faisait pour vivre, ce genre de chose. Il avait vaguement laissé entendre qu'il passait son temps sur la route. Inutile de parler de ce qu'il faisait avant ça. Donovan ne se présentait plus comme pompier depuis des mois. Rien que de prononcer le mot aurait été difficile. Il préférait dire qu'il enchainait les petits jobs, par-ci par-là. De toute façon, c'était bien la vérité, non? Il n'était plus pompier, sa vie ne ressemblait plus du tout à ce passé glorieux qu'il avait eu durant un temps. Il n'y avait plus grand chose d'admirable chez lui, à part peut-être sa décision de prendre la route. Quand on en ignorait les raisons, on pouvait le prendre pour un apprentis Indiana Jones, un type qui part à l'aventure et qui n'a peur de rien… Ça faisait toujours craquer les filles. Mais sur la route, il avait justement appris que rares étaient les personnes qui s'étaient installées derrière le volant avec pour seul et unique motivation de vivre l'aventure de leur vie. Presque tous les voyageurs avaient un secret à cacher. Presque tous avait un passé à fuir ou une destination à atteindre. Personne ne voyageait véritablement sans but, même si tout le monde prétendait plus ou moins le contraire. Alors, quand Jagger annonça que ça faisait neuf ans qu'elle sillonnait le pays, la première réaction de Donovan fut la surprise. Neuf ans sur la route. Neuf ans à voyager à travers les Etats-Unis. Tout à coup, elle devenait vraiment plus intéressante qu'elle ne l'était déjà. Tant pis si elle était lesbienne. Elle lui avait demandé d'annoncer son score, alors il lâcha un "Quelques mois seulement…" étouffé par son rire nerveux. Quelques mois… C'était du pipi de chat à côté de ce qu'elle avait déjà fait. "Cela dit, avant que tu te foutes de ma gueule, je tiens à dire qu'il n'y a pas de petit voyage." Merci Donovan pour cette pensée très philosophique. Il n'y a pas de petite voyage? Qu'essayait-il de dire par là? "Bah ouais, au fond même en restant chez soi on voyage. Enfin c'est le voyage de l'âme sur Terre. Tu vois ce que je veux dire?" Il avait l'air tellement sérieux et imperturbable en parlant qu'il ne trouva rien d'autre à ajouter et qu'il finit simplement pas hausser des épaules et ajouter: "Donc ouais, y'a pas de petit voyage mais bravo pour tes neufs années sur la route. Vraiment. Je suis impressionné." Il la fixa quelques instants et ses yeux tombèrent sans même le vouloir sur le tatouage qu'elle avait sur le bras. Il le pointa du doigt et dit: "J'aurais dû savoir que t'étais une roadtripeuse avec ce tatouage." Ouais, il aurait dû mais il n'était pas toujours très perspicace ce petit, alors bon. Et puis lui, il avait bien une fusée tatouée sur le bras mais il n'était pas astronaute. "Moi, je suis pas astronaute. J'étais juste un peu con quand j'étais gamin." Il s'était senti obligé de le dire, au cas où elle se posait la question. "Ceci dit, je regrette pas. J'ai la fusée la plus cool du monde!" Il l'observa sur son avant bras. "Je parle du tatouage, hein, pas de…" Pas de son autre fusée trop cool? Ouais, pas de celle-là. Jagger annonça ensuite qu'elle réparait des voitures et qu'elle était barmaid, aussi. Ça lui donna l'impression qu'elle devait être un peu comme lui, à enchainer des petits boulots sans chercher à trop s'attacher à un endroit. Enfin, pour mettre neuf ans à sillonner le pays elle avait quand même bien dû prendre son temps. Donovan secoua la tête en même temps qu'elle pour compatir un peu à son histoire à propos de Jägermeister. Il hésita à demander ce que c'était qu'un tréma, parce qu'il n'en savait rien, mais il s'abstenu et se contenta seulement de paraitre désolé pour elle, même s'il savait que c'était faux. Il n'était pas con, ça va. Elle lui souriait. Jagger reprit la parole et cette fois il resta silencieux de longues secondes. Il était un peu paumé et semblait chercher à comprendre quelque chose. "T'es pas lesbienne, alors?" Il avait demandé ça avec la tête d'un gamin qui vient de comprendre que deux plus deux fait quatre, et que deux fois deux, aussi. Son regard s'était illuminé, il retrouvait même une couleur un peu plus vive, comme si le sang avait cessé de circuler correctement pendant quelques minutes et qu'enfin, tout était en train de retrouver sa place. "Putain! Mais c'est génial ça!" Il en oubliait complètement la première partie de leur conversation, puisqu'elle venait bien de sous-entendre qu'elle voulait aller boire une bière avec lui et plus si affinités, pas vrai? Il n'avait pas rêvé? Il n'avait pas mal compris? "J'ai vu un bar pas loin d'ici, on peut y aller si tu veux." Les bars, c'était LE truc qu'il repérait souvent très facilement et très rapidement lorsqu'il arrivait dans une nouvelle ville. Vrai don ou talent caché, appelez ça comme vous voulez. "Pour boire de la bière. Autant de bières que tu voudras." Il ne la quittait plus des yeux. Du coup, il ne savait plus trop s'il avait l'air mignon ou juste très con, mais tant pis. "Moi aussi j'aime bien la bière, ça nous fait un autre point commun." Il haussa un peu les sourcils, très fier de sa constatation. Puis, tout en jetant un oeil aux alentours, il passa une main dans ses cheveux, avant de se frotter la barbe. "Le plus vite on peut se casser d'ici, et mieux on se portera!" Ouais, parce qu'il commençait à étouffer dans ce putain de musée et il était à peu près sûr que c'était à cause de toutes ces vieilleries exposées derrière les vitrines et tout et tout. En plus, il commençait à avoir peur de croiser des femmes à barbe dont Jagger avait parlé tout à l'heure et il n'y tenait pas trop. Déjà que le musée en soi, il n'aimait pas trop ça, mais si en plus il devait se coltiner les fans bizarres du king, merci mais non merci. Il préférait passer son tour de ce côté-là. En revanche, avec Jagger, il n'était pas question de laisser passer quoi que ce soit. Et si elle voulait vraiment vérifier qu'il n'était plus puceau, il se ferait un plaisir de lui montrer ses positions favorites. Quitte même à lui montrer plusieurs fois. Juste pour être sûr qu'elle avait bien compris. Hum. Hum.
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MessageSujet: Re: [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback)   [2013] Memphis, TN. ~ DONOGGER (flashback) EmptyMer 1 Oct 2014 - 10:08

    It feels like years
    And the boys go on and on and on and on. And there's gold falling from the ceiling of this world, falling from the heartbeat of this girl, falling from the things we should have learned, falling from the things we could have heard.

    code broadsword.

Ils n’avaient strictement rien à foutre ici. Concrètement. Ils n’avaient rien à foutre ici. Ils étaient de toute évidence deux personnes qui s’emmerdaient profondément dans la pourtant charmante ville de Memphis, qui étaient entrés dans un musée qui ne les intéressait absolument en rien, et chez qui l’ennui avait atteint un tel stade qu’ils s’étaient mis à… discuter (certes, ç’aurait pu être pire – ils auraient pu décider d’envahir la Pologne ou quelque chose du même genre). Jagger aurait dû quitter cet endroit il y a longtemps. Si elle avait eu une quelconque idée d’une activité à faire dans cette ville, il est fort probable qu’elle l’aurait fait. Mais elle discutait avec ce type. Ce Donovan. C’était peut-être un heureux hasard – parce que dans tout autre contexte elle l’aurait classé dans le dossier « Franchement pas mal physiquement, mais sinon sans aucun intérêt », et elle aurait tourné les talons pour s’envoler vers d’autres cieux. Mais elle était restée. Et tant pis s’il semblait constamment à l’ouest, un peu trop imbu de lui-même, arrivait à des déductions incongrues, il lui arracha un rire – sincère – quand il décréta qu’elle était… lesbienne. Et bien, voilà une chose que Julian et une quantité d’autres types auraient été ravis d’apprendre. Raté – elle ne jouait pour l’autre équipe qu’à mi-temps. Elle adorait jouer pour l’autre équipe à mi-temps, cela dit, mais non, elle n’était absolument pas lesbienne. Juste… elle avait une marge de tolérance beaucoup plus large que la plupart des gens, et aucun scrupule à reconnaître la beauté d’une femme ou son désir pour elle – point barre. Si elle avait dû se coller une étiquette, probablement qu’elle aurait opté pour « pansexuelle active et militante pour cette cause, maintenant va te faire foutre avec tes clichés à deux balles, connard ».
Oui, ce type était drôle, vraiment. Souvent à ses dépens cela dit – elle le fixa, la surprise clairement visible sur son visage, alors qu’il se lançait dans une espèce de diatribe new-age sur le fait qu’il n’y avait « pas de petit voyage » pour justifier le fait qu’il n’était sur la route que depuis quelques temps. D’aaaccord. Ce n’était pas techniquement faux, mais dit comme ça, c’était un tantinet inquiétant. Malgré les yeux ronds qu’elle lui faisait, il persistait et signait. Ce n’est que lorsqu’il aborda le sujet de son tatouage, son tatouage à lui, qu’elle reprit la parole après un léger rire (encore. Damn. Elle devenait gentille. C’était l’ennui, ça.) : « Fais gaffe. Tu sais ce qu’on dit. Au plus on en parle, tout ça tout ça… » Un léger haussement d’épaules, un sourire contrit, avant qu’elle n’admette enfin : « Mais ta fusée est assez cool. La tatouée, hein. L’autre, tu permets que je réserve mon jugement. J’avais autre chose à foutre aujourd’hui que de me déguiser en mec pour te traquer dans les chiottes et vérifier la taille de ta bite » Yep. Elle était toujours aussi remarquablement polie. Et yep, elle n’émettait strictement aucun pronostic. Certaines personnes auraient automatiquement vérifié des trucs standards, genre longueur des doigts ou quoi, mais elle avait déjà rencontré des hommes avec de très, très, très grandes mains qui s’étaient finalement avérés être forts décevants à l’horizontale. Ok, la taille ne compte pas, blabla. Mais c’était pas une raison pour pousser mémé dans les orties.

De toutes façons, Jagger allait peut-être bientôt pouvoir vérifier cette donnée précise. Elle lui avait tendu une perche – et il s’était bien entendu empressé de la saisir, s’écriant qu’elle n’était pas lesbienne de la même façon qu’un gamin se serait écrié qu’il a eu un nouveau vélo à Noël. Ensuite, il s’était presque immédiatement remis à parler à toute vitesse – enchaînant les déclarations selon laquelle il avait repéré un bar, déclarant que ça leur faisait un point commun (soit. Mais alors elle avait des points communs avec la quasi-intégralité de l’Irlande, de l’Ecosse, et même de la Belgique. Et dieu seul savait combien elle n’en avait rien à foutre des belges, pourtant), et manifestant son impatience à l’idée de quitter ce lieu. Ca au moins c’était un véritable point commun, sans aucun lien bizarre avec l’Irlande, l’Ecosse ou la Belgique. Sérieux. Ca commençait à l’angoisser, cet endroit. Elle n’avait rien à foutre ici et elle en avait une conscience aigue – au point même qu’elle commençait à se demander comment les gens pouvaient avoir l’idée de tout simplement venir perdre du temps entre ces quatre murs. Patiemment, elle le laissa finir. Elle était toujours partante, en partie parce qu’elle ne disait jamais non à une bonne pinte – règle de politesse élémentaire, dans ce petit guide mental du savoir-vivre qui ne servait qu’à elle. « Ok, mais je paye pour moi. » dit-elle fermement, cependant. Son ton était définitif, il n’aurait admis aucune protestation de la part de l’autre homme. Jagger était l’une de ces femmes avec une vision extrêmement tordue de la politesse et de la façon dont elle voulait être courtisée – c’est à dire qu’elle ne voulait absolument pas être courtisée, et qu’elle considérait le fait de « payer un coup à boire » comme une façon très détournée de l’obliger à coucher avec la personne. Un donné pour un rendu. Une forme bizarre de prostitution. Ok, elle était juste peut-être un tantinet misandrique, rien d’affolant. En tous cas, elle n’allait certainement pas pousser le vice jusqu’à lui payer son verre à lui, hein. Merde. Toujours était-il que, tout à fait sereinement, elle tourna les talons et entreprit de se diriger vers la sortie du musée. Putain. Cet endroit n’allait pas lui manquer, ça c’était sûr – autant elle aimait bien le King, comme elle aimait bien toute musique un tant soit peu poussiéreuse dès lors qu’elle avait fait partie de celles qui avaient bercé son enfance à Huntington Beach, autant cet endroit était… carrément flippant en fait. A bien y réfléchir, il était fort probable qu’elle ne garde aucun souvenir de Memphis d’ici quelques mois. Une ville dans laquelle elle s’était arrêtée, et avait bu une bière avec un type pas déplaisant physiquement après avoir visité un musée chelou, point barre. Ou alors, elle en garderait un petit peu mémoire histoire de balancer dans la gueule à son frère qu’elle avait visité un endroit du genre une fois dans sa vie, voir sa réaction, et enfin éclater de rire. Ouais. Grand maximum. Elle aimait bien cette dernière idée.
Quelques pas encore, un vague geste de la main en réponse à l’enthousiaste « Au revoir, et bonne journée ! du tout aussi enthousiaste type de l’accueil, et à nouveau ils se retrouvaient en pleine lumière, dans la rue. Elle inspira profondément, gonflant ses poumons d’une longue bouffée d’air frais. Quelque part, c’était comme si les quelques dizaines de minutes passées enfermées dans cette maison avaient suffi à déclencher son horreur de l’enfermement – et comme si les dernières secondes avaient été remplies par le besoin urgent de retrouver un minimum de liberté. Presque machinalement, elle enfonça une main dans la poche de son short pour en extirper un paquet de cigarettes. Elle en sortit une, la cala entre ses lèvres, l’alluma, en tira une longue bouffée. Là, elle respirait mieux encore. Enfin elle releva les yeux vers Donovan.
Elle n’avait pas véritablement réalisé, quand ils étaient encore à l’intérieur, combien il était plus grand qu’elle. Aussi, elle put mieux détailler son visage. Loin de la pénombre d’un musée qui plus encore qu’un lien d’exposition lui avait semblé au mausolée, elle réalisa qu’il avait presque constamment un très léger sourire aux lèvres, et les yeux réellement brillants sous la masse de boucles noires. A leur coin, elle nota quelques marques. Laughter lines, comme on dit, ou tout du moins une ébauche. C’est cependant au bout de quelques secondes à peine qu’elle détourna son regard pour le reporter sur les maisons avoisinantes et les quelques passants. Elle qui, d’ordinaire, n’avait absolument aucun scrupule à fixer les gens pour leur faire deviner tout ce qu’elle pouvait bien être en train de penser d’eux, elle ressentait une légère intimidation face à ce grand type aux allures de gamin. Dans le doute, elle préféra ne pas chercher à s’expliquer ce sentiment et reprit la parole : « J’espère que ton fameux bar est pas trop loin. Parce que je suis garée à côté, mais ça me ferait chier que tu poses ton cul dans mon van avant que j’aie pu me faire une opinion précise de toi. » Un nouveau regard en coin, un nouveau faux air contrit. Elle était très bonne, en faux airs contrits. « Sérieux. T’es encore au stade où je te considère comme potentiellement susceptible de me poignarder. Et j’ai pas envie de crever. Pas maintenant. Je suis beaucoup, beaucoup trop jeune pour mourir. » Première nouvelle. Quoique – elle était à peu près certaine qu’il existait des gens capables de chercher à se suicider en attirant le premier psychopathe. Elle eut une légère moue. « En plus ça craint, je suis sûre que ma dernière pensée serait une connerie du genre « en fait j’aurais mieux fait d’être lesbienne, j’aurais pas fait des propositions à ce gros taré du musée Elvis » » Elle baissa la tête, et quelques mèches calées de façon précaire derrière ses oreilles se rabattirent sur son visage alors qu’elle commençait à rire. Oui, en mode « je me suis raconté une blague, je la connaissais pas, ça m’a fait marrer ». Ce n’était pas comme si elle était du genre à avoir honte de trucs comme ça.
Bref. Machinalement, ils avaient commencé à s’avancer sur la gauche – alors soit, elle s’avança sur la gauche. Elle avait à nouveau enfoui une main dans sa poche, et de l’autre amenait régulièrement sa cigarette à sa bouche, exhalant de longs nuages de fumée. Ils avaient le même genre de démarche, remarqua-t-elle au bout de quelques instants. Le pas de personnes qui marchent un peu sans but, mais aussi sans gravité, même quand ils doivent réellement aller d’un point A à un point B – une attitude qui criait tout entière qu’il n’y avait rien de véritablement grave ou de véritablement urgent. Un peu plus loin, elle discernait déjà un petit bar, apparemment celui vers lequel Donovan avait décidé de les diriger. Elle passa une main dans ses cheveux, rabattant quelques mèches en arrière. Elle éprouvait un sentiment étrange. Comme un besoin de parler, alors qu’elle n’avait pas grand chose de crucial à dire – un truc de vraie fille, en fait, ce qui était suffisant pour l’angoisser au moins un minimum. Oui, elle avait quelque part l’idée selon laquelle elle n’était pas une vraie vraie fille. Déjà, quel genre de vraie vraie fille aurait refusé la couronne de reine de promo, hein ? Elle, elle avait annoncé sereinement n’en avoir « rien à foutre de ton diadème en toc, connard » au type qui était venue la chercher devant la salle, avant de rallumer le joint que lui tendait Dustin Kennedy. Cet épisode était devenu une petite légende, au lycée de Huntington Beach. Jagger Dickens et Dustin Kennedy… leurs anciens profs ne s’en étaient sûrement jamais remis, de ces deux là.
Bref. Elle prononça encore quelques mots, donc, traversant la rue presque sans un regard pour les automobilistes, suivie de près par Donovan, adoptant un ton faussement cassant : « Tu sais, t’as un accent bizarre. J’ose espérer que t’es pas de Chicago ou une connerie comme ça, parce que je pourrais mal le vivre. Je pactise pas avec l’ennemi. Alors imagine, partager une bière avec le diable… ou faire des trucs avec. Urg. Non. » Mais elle avait un léger sourire aux lèvres – et ce sourire, il pouvait le voir. Un qui disait qu’elle pouvait même passer outre ce truc là, pour une raison obscure – peut-être les cheveux bouclés, ou ces premiers indices de futures « laughter lines ».

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