Posant son regard sur les personnes qui les entouraient, même si personne ne les écoutait, il y avait mieux comme conversation privée. D’un signe de main calme il désigna une pièce à la jeune femme, ils entrèrent à l’intérieur. Au moins ils seraient tranquilles. « Que je sache je suis son père, on l’a fait ensemble ! C’est facile pour toi de me balancer tout ça, tu vas me le reprocher longtemps ? J’étais pas là, je n’ai pas été présent durant ta grossesse, je n’étais pas là pour l’accouchement et je n’ai toujours pas vu notre fille mais je suis son père que ça te plaise ou non il est temps pour toi de te faire à l’idée que je le suis et que je compte bien le rester. » Noah voulait aborder le sujet calmement, parler entre adultes sauf qu’avec Neela c’était impossible, elle ne prenait jamais de pincette avec les gens qui l’avaient blessé. Il faut dire que son enfance n’aidait pas, Liam n’avait pas été un père bien présent dans sa vie, évidemment les fautes de Noah pesait très lourd dans la balance. « J’aimerais savoir tout ceci, ça me tue de ne pas savoir comment elle s’appelle, de ne pas connaître sa date de naissance, sa couleur des yeux, de ne pas l’avoir tenu dans mes bras… tu sais que je suis un bon père ? » Jamie ne pouvait pas dire le contraire, Noah avait toujours été un bon père avec lui malgré ses dérapages il n’avait jamais fait de mal à son fils. Bien sur son absence de quelques mois n’était pas très positive pour son fils, mais tout avait été fait pour que lui n’en souffre pas et Jamie était heureux de retrouver son père. « Cette situation n’est saine pour personne, tu ne veux pas de moi dans ta vie mais tu ne peux pas me priver de notre fille. » Question droit nous avions un vrai professionnel, il ne voulait surtout pas en arriver là mais si la situation devenait compliquée et qu’elle agissait comme un mur avec lui il devrait passer par la case tribunal. Il était hors de question d’en arriver là, il ne le voulait pas, il voulait qu’elle accepte la situation, qu’elle l’accepte dans sa vie comme le père de leur fille, après tout c’était bien ce qu’il était, son père.

« Je pense au contraire qu’en gardant toute cette haine en toi on ne va pas avancer. » Il préférait se faire gifler, traiter de tous les noms et ainsi de suite.  Ce n’était certes pas drôle mais il n’y avait pas mieux que de vider son sac, généralement ça fait un bien fou et ça permet d’avancer. Neela devait en avoir des choses à lui dire après une telle situation, un tel abandon de sa part. Les remarques de la jeune femme à propos de l’alcool étaient assez fatigantes mais il ne relevait pas, sinon ça serait pire. Elle n’attendait sûrement que ça, qu’il s’emporte. « Je souhaites reconnaître notre fille, je n’ai pas pu le faire convenablement et je tiens à réparer cette erreur tout de suite. Je ne demande pas à ce qu’elle porte mon nom puisque je sais que tu vas t’y opposer aussitôt mais j’aimerais que les choses soient bien claires, je suis son père. J’aimerais également pouvoir la rencontrer, découvrir notre fille et avec le temps on pourrait établir un jour de visite… je ne veux pas t’imposer un jour de garde, je veux pouvoir retrouver ta confiance avant d’avoir ce droit. » Noah ne voulait en aucun cas brusquait Neela, il n’en avait pas le droit pas après tout le mal qu’il lui avait fait. Plus d’un aurait utilisé les grands mots, aurait imposé une garde alternée mais pas lui parce qu’elle ne lui laisserait pas aussi facilement leur fille, elle ne pouvait pas la confier à un homme qui l’avait trahit, qui lui avait planté un couteau dans le cœur aussi facilement. Avec le temps Noah était persuadé qu’ils pouvaient s’entendre sur ce sujet et trouver des solutions, bien sûr Neela devait penser le contraire mais c’était normal elle lui en voulait.

Il resta bouche bée en l’entendant lui dire qu’il ne savait que mentir en promettant des choses, il savait qu’elle avait raison mais le prendre en pleine face c’était toujours difficile à supporter. Neela était dur dans ses propos mais toutes ses paroles étaient si justes, il écoutait ce qu’elle avait à dire sans bouger, sans s’énerver même parce qu’elle avait raison et que Noah avait besoin qu’elle lui dise tout ceci, il avait besoin qu’elle vide son sac et qu’elle lui hurle dessus, qu’elle lui dise qu’elle ne l’aime plus, qu’elle le haït, il avait besoin d’entendre tout ceci pour continuer sa destruction. Il était bouffé par cette histoire, depuis de très nombreux mois il était en train de devenir fou, son reflet dans le miroir l’écœuré et il lui était arrivé de cracher sur le miroir se détestant à ce point. Il était détruit ou en tout cas faisait tout pour l’être, il ne voulait plus porter ce poids sur ses épaules, il y avait trop de choses qui étaient en train de le tuer et de le perdre. Noah en était même revenu à penser au décès de sa femme, sa Sophia. Elle aurait tellement honte de le voir ainsi aujourd’hui, ce n’était pas l’homme qu’elle connaissait, elle ne l’avait pas aimé ainsi et il n’avait jamais agi de telle sorte. Noah n’avait jamais été un grand buveur d’alcool, prenant une coupe de champagne de temps à autre pour trinquer à une bonne nouvelle, un whisky lorsqu’il célébrait noël, un anniversaire ou autre mais aujourd’hui il était dépendant, le whisky coulait dans ses veines bien plus que son sang, il était une vraie ordure qui avait détruit la vie de deux belles jeunes femmes qui ne lui avaient rien demandé. Pourquoi était-il tombé amoureux de ces deux femmes ? Pourquoi n’avait-il pas fait de choix ? Des questions qui venaient s’ajouter à tellement d’autres.

Il fronça les sourcils n’approuvant pas ses paroles, les jambes ouvertes ? Putain mais elle le voyait ainsi ? « C’est ainsi que tu me vois aujourd’hui ? C’est ainsi que tu vois notre relation ? » Il aurait pu pleurer si il n’avait pas été aussi écœuré par ce qu’elle disait et par ce que lui était à ses yeux. Il secoua la tête, abasourdi. Il fit quelques pas dans la pièce, il aurait pu tout caser autour de lui mais il ne le pouvait pas pour deux raisons. La première est la plus évidente c’était qu’il n’était pas chez lui, ça ne se faisait tout simplement pas surtout quand on sait que le propriétaire est actuellement en deuil. La seconde était Neela, il ne pouvait pas agir ainsi devant elle, il ne le devait pas, elle le voyait comme un porc alors autant pas ajouter la violence la dedans. « Je devais m’occuper de Jamie… et je ne voulais pas venir te voir dans l’état où j’étais à mon retour. » Noah était revenu au pays avec une barbe de plusieurs mois, une mine atroce et une odeur insupportable de whisky bon marché. Il avait croisé Neela par pur hasard et s’en était voulu parce qu’il ne voulait pas la revoir ainsi. « Après notre rencontre j’ai compris que je ne pouvais revenir si facilement vers toi… j’ai voulu te laisser tranquille, j’ai appris la naissance de notre fille et… j’ai compris que tu ne me laisserais pas revenir ainsi. » Leur rencontre froide, glacial même, avait eu l’effet d’une bombe pour l’avocat qui avait réellement cru en revenant que tout le monde lui ouvrirait les bras. Il était rentré style de rien, offrant la dernière console à son fils, agissant comme le pire des connards au monde, et Neela lui avait retiré cet espoir rapidement.

Un procès, ça serait difficile à accepter pour l’avocat qui devrait user des pires coups bas pour gagner le droit d’être reconnu comme son père mais il ne voulait pas y penser. Sa fille n’avait pas besoin de connaître ce genre de chose, ces procès étaient horribles, il en savait quelque chose pour avoir tenté plusieurs fois de défendre la femme ou l’homme qui demandait le divorce. Ça lui faisait du mal de savoir que Neela pensait à lui retirer sa paternité, mais en même temps pouvait-il réellement se proclamer père ? Qu’allait-il se passer à présent ? Il l’ignorait et ça lui faisait peur, il avait besoin de Neela, c’était égoïste et pourtant si vrai, il avait besoin d’elle, de son sourire réconfortant, de son regard compréhensif ou bien encore de ses bras. Noah avait depuis longtemps mit de côté l’espoir de pouvoir être avec elle, tout comme avec Leah. Et pourtant il y songeait par moment.

Il fronça les sourcils, posant son épaule contre le mur. « Tu crois que je ne suis pas sincère ? » Quelle question, elle ne croyait plus en lui depuis longtemps comment pouvait-elle croire à ses excuses. Peut-être n’avait-il pas agit comme il fallait, il était sûrement temps de tout déballer, le grand monologue tant attendu. « Bien sûr, je ne veux pas non plus être ivre devant ma fille. » Il n’était pas ivre devant Jamie, il ne le serait pas devant ses autres enfants. Il l’avait été par le passé et l’avait énormément regretté, ce n’était pas être un bon père que d’être ainsi devant ses enfants. « Neela… je suis parti parce que je ne supportais plus ce qui se passait, je ne supportais pas de me regarder dans le miroir. » Il recommençait à marcher, gesticulant ses mains, énervé contre lui-même. « Je suis devenu un homme que je ne connais pas, je ne suis pas un homme respectable et c’est devenu trop pesant pour moi. J’avais des principes dans la vie et j’avais un grand respect pour les femmes, je ne supportais pas les hommes qui n’en avaient pas et je suis devenu l’un d’eux Neela. Je t’ai fait du mal et ça… » Il serra ses poings « C’était insupportable et ça l’est toujours. » Un sentiment de culpabilité qui ne le quittait plus. « Je ne pouvais pas rester, je ne supportais plus de poser mon regard sur toi parce que dès que tu me regardais je pouvais voir à quel point tu tenais à moi et à quel point tu me faisais confiance malgré ce qui se passait, je t’ai tout avoué et tu es resté à mes côtés… dès cet instant je m’en suis voulu, mais je refusais de te quitter alors j’ai commencé à boire un verre, puis deux… et un soir j’ai compris que ça recommençait, j’ étais redevenu un alcoolique et j’ai pété un câble. J’ai tout plaqué. » Il passa une main sur ses yeux, bouleversé en pensant à ce soir où il avait abandonné les siens. « J’ai quitté la maison, j’ai abandonné mon fils… j’ai abandonné Jamie… » Insupportable, impensable et pourtant si vrai. « J’ai abandonné mon fils, j’ai pris le premier vol que j’ai trouvé et je vous aie abandonné… Jamie, ma pauvre mère, toi… notre fille. » Non il n’allait pas parler de Leah et de leur fils, même si eux aussi avaient été abandonné il était question de Neela, de leur famille à eux deux. « Je suis arrivé en Indonésie, j’ai jeté mon téléphone dans une poubelle, j’ai pris le premier taxi, je me suis installé dans le quartier le plus pauvre, le plus malfamé, j’ai fréquenté les pires ordures, j’ai vu des choses qu’on n’imagine même pas, j’ai fait des choses terribles, je suis parti, j’ai changé de pays, plusieurs fois… j’ai finis par m’arrêter en Russie. » Il fit une pause, se refusant à lui en dire plus, il était déjà un gros con à ses yeux autant pas continuer non ? « Au final, malgré ses mois loin d’ici, loin de vous il y avait une chose dont j’étais sûr… la fuite n’était pas la solution, être mort non plus… parce que vous vous êtes bien en vie et vous avez été blessé. » La fuite n’avait jamais rien résolu, la preuve il avait tout perdu aujourd’hui. « Cette fuite m’a enlevé ton amour et ça je vais devoir vivre avec toute ma vie, parce que ma mère peut tout me pardonner, mon fils est dans un âge où il peut oublier et tenter de comprendre, mais toi je sais que tu ne le pourras pas, je t’ai perdu et je le regrette. Chaque jour je devrais vivre avec cela, vivre sans toi… on ne pourra jamais être une famille, j’aimerais tellement mais je sais que pour toi c’est terminé… mais je t’en prie Neela, ne m’enlève pas ma fille… » Il était sincère, ses yeux en étaient la preuve, son regard perdu et si malheureux. Noah serait-il un jour à nouveau heureux ? « Je suis désolé, tellement… d’avoir perdu ton amour, de t’avoir fait du mal, de t’avoir abandonné, de ne pas avoir été là pour toi, pour l’accouchement, pour notre fille… je suis désolé. » Il aurait aimé lui demander pardon, mais ça il ne l’aurait jamais.

C’était triste, réellement triste. Un drame, ils vivaient un drame. Neela était touché en plein cœur, elle était tellement affectée par cette histoire, par leur histoire. Il était désolé, réellement. Il écoutait ses paroles, il la regardait et il s’en voulait tellement. Il aurait voulu arrêter tout ceci, pouvoir la prendre dans ses bras, la rassurer, placer ses mains sur ses joues et l’embrasser… Mais c’était terminé, il devait accepter cette idée. Ils ne s’étaient rien promis, c’était ainsi et cette vérité devenait douloureuse pour Neela. Cette douleur elle l’aurait ressenti, tôt ou tard, c’était inévitable. Noah aurait dû choisir, il aurait dû faire un choix parce qu’il avait mis deux femmes enceintes et qu’il ne pouvait pas continuer ainsi. Vous imaginez un peu, Neela prenant une maison à côté de la sienne, Leah prenant celle de l’autre côté. Noah passant par la porte de l’une un soir et l’autre soit aller chez la seconde… non ce n’était pas possible ni pensable, il n’aurait jamais voulu d’une telle chose. Il n’aurait jamais supporté de mettre la vie de ces deux merveilles femmes en l’air. Elles méritaient mieux, de trouver l’amour avec ou sans lui. Ses enfants aussi méritaient mieux, il avait besoin de leur père mais ils avaient surtout besoin d’un équilibre ! Noah aimait Neela, Noah aimait Leah, c’était aussi simple et compliqué que cela. Allait-il perdre définitivement les deux, l’une d’elles lui laisserait-elle une seconde chance ? Il l’espérait tant mais il n’y croyait pas, il ne le méritait tout simplement pas.

Oui Neela souffrait parce qu’il avait fui, qu’il n’avait pas cherché à la contacter et qu’à son retour il n’avait pas pris le temps d’accomplir son rôle de père. Oui c’était vrai, oui c’était un vrai connard et il ne méritait pas son pardon mais c’était un père, un bon père et il voulait être là pour Maya. Il ne pouvait pas vivre sans sa fille, il refusait qu’elle grandisse avec un père qui n’était pas le sien. « Tu crois que je ne sais pas combien tu as souffert ? Combien ton pardon était impensable. Tu m’as pardonné et j’ai refusé d’arrêter là notre relation. J’aurais dû, j’aurais dû avoir l’intelligence de tout stopper parce qu’on le savait toi comme moi qu’on ne pouvait pas continuer ainsi, on ne pouvait pas être ensemble alors que je continuais à en voir une autre et que j’étais incapable de choisir. Tu as accepté la situation par amour, je le sais, je ne l’ignore pas mais dis-toi bien que j’ai continué par amour également, je suis égoïste, je ne pouvais pas vivre sans toi alors j’ai refusé d’admettre qu’on allait souffrir, qu’un choix était obligatoire, je l’ai refusé parce que je t’aimais tellement… » Oui il l’aimait, il aurait pu lui offrir tout, il ne voulait qu’une seule chose, son bonheur mais il ne l’avait pas fait, il l’avait détruite, il l’avait perdu et il allait vivre avec ce poids toute sa vie. Dès qu’il verrait Neela, dès qu’il croisera son regard, il n’aura pas d’autres choix que s’en vouloir, se haïr.

« Tu crois que je m’attendais à tomber sur toi dès le premier jour ? Non, et même si je me trouvais au centre commercial j’espérai ne pas tomber sur toi. Dès le premier jour ma seule préoccupation était mon fils, je voulais qu’il me pardonne sinon à quoi bon vivre ? » Oui Jamie, le seul qui ne le regardait pas avec un regard de pitié, de dégoût, de colère, de tristesse… son fils. « Je ne suis pas venu te voir parce que tu aurais refusé de m’ouvrir, je ne t’ai pas appelé parce que tu aurais raccroché, je ne suis pas venu à l’hôpital parce que tu avais le droit d’admirer notre fille et d’en profiter avec ton père, tes proches et que je n’étais pas le bienvenu… mais j’étais là Neela. » Il pinça ses lèvres sentant l’émotion l’envahir. « J’étais là, j’étais au coin de la rue quand tu allais chercher tes petites courses à l’épicerie, j’étais dans la voiture derrière la tienne quand tu te rendais à l’hôpital et j’étais au bout du couloir quand notre fille a regagné ta chambre… j’étais là. » L’ambiance de l’enterrement n’aidait certainement pas à leur conversation, mais au moins il se livrait. Enfin !

« Je vais arrêter… je vais le faire, pour mes enfants, pour ma mère… je vais y arriver. » Il hocha la tête, persuadé qu’il y arriverait. Si Neela acceptait qu’il vienne rendre visite à leur fille, l’avocat était prêt à tout, arrêter l’alcool c’était une obligation. Il n’était pas encore prêt mais il le devait, pour sa famille mais aussi pour lui. Il savait comment ça se passait, il savait combien c’était difficile mais peu importe il le fallait, il devait se battre. Ca prendrait du temps mais il avait à présent un espoir en plus, celui de voir Maya. C’était un très beau cadeau, sa fille, sa princesse avait besoin de lui et il se devait de se battre pour elle comme il l’avait fait pour Jamie, comme il le ferait encore pour son fils il le ferait pour ses deux autres enfants qui avaient le droit de le connaître. Il était un bon père. Neela lui tourna le dos, il baissa son regard comprenant combien tout ceci était difficile. Il ouvrait son cœur, il baissait les barrières, montrait ses points faibles, sa faiblesse… Neela devait l’écouter, c’était important mais il savait bien que c’était difficile, il en avait confiance. Puis il observa la main de l’Indienne comprenant qu’elle essuyait une larme. Noah aurait aimé la réconforter, être juste là pour elle, ouvrir ses bras et la protéger comme il l’aurait fait avant, comme un ami qu’il ne serait plus jamais. « Je l’imagine mais je ne pourrais jamais connaître ta douleur, je t’ai fait du mal, je pense même que cette blessure est toujours présente et qu’elle ne s’en ira pas si facilement… » Lui aussi en avait une, une blessure ouverte, celle d’avoir fait du mal. Il n’en avait jamais fait, avant. « Oui ça l’était. » Pouvait-elle comprendre cela, pouvait-elle admettre que c’était difficile pour lui de lui avouer une telle chose, d’admettre ceci ?
Il baissa les yeux, c’était difficile à entendre. La réalité était là, sous ses yeux, dans les paroles de la jeune femme. Il avait fait le choix de fuir sans laisser le choix à Neela. Il avait imposé sa décision, sa fuite. Il voulait répondre mais elle se tourna, lui faisant à nouveau face. Baissant sa tête, il ferma les yeux l’écoutant. Il avait envie de tout caser, de frapper dans le mur, d’hurler même mais il ne le pouvait pas pourtant ça lui aurait fait du bien, beaucoup de bien. La colère qui résonnait dans la voix de Neela fit relever la tête de l’avocat, fronçant les sourcils. «  Oui je ne t’ai pas laissé le choix ! Il se serait passé quoi à ton avis Neela ? Tu aurais jeté les bouteilles dans l’évier tous les soirs, tu aurais posé ta main sur la mienne pour qu’elle cesse de trembler, tu aurais assisté avec moi à la réunion pour être sûr que je m’y rende ? Et puis tu te serais endormir chaque soir en te demandant si j’allais rester à tes côtés ou si tu allais devoir me retrouver ivre mort dans un bar ? C’était ça que j’aurais dû faire ? Non » Il secoua la tête négativement « Non jamais, c’est mon fardeau pas le tien ! » Il refusait une telle chose. « Alors oui je suis parti, j’ai perdu tout le monde, je t’ai fait tellement de mal que jamais plus je ne pourrais te prendre dans mes bras ni voir ton magnifique sourire… mais je préfère être au salaud à tes yeux qu’une merde qui est incapable de tenir debout ou qui ne sait plus aligner trois mots. »

Puis elle insista à nouveau, il devait arrêter de boire mais pas seulement et sa façon de lui dire les choses lui donnait presque envie de sourire mais le cœur n’y était pas vraiment. « D’accord. » Ni plus ni moins, ça voulait dire ce que ça voulait dire. Il allait se reprendre, il devait arrêter de boire, il devait se soigner et après reprendre goût à la vie, avoir des objectifs, des choses qui le portent… il devait redevenir Noah.

Noah essayait, tentait de s’expliquer mais Neela était un vrai mur. La muraille de Chine à côté c’était une belle connerie. L’Indienne ne semblait rien vouloir comprendre, elle laissait croire qu’elle voulait comprendre, qu’elle voulait une excuse valable mais ce n’était pas le cas. Il était temps qu’elle s’engage réellement aux côtés des féministes, pas besoin de se mettre à poil avec Neela dans le rang, rien que son regard et ses phrases sanglantes suffiraient. Qu’attendait-elle au juste de Noah ? La vérité, elle était là, elle était dite. Neela était incapable d’écouter ce qu’il était en train de lui dire parce que durant tous ces nombreux mois elle l’avait haït, maudit et qu’elle s’était fait à sa propre version. Noah expliquait, Noah racontait, Noah s’ouvrait et Neela n’acceptait pas. « Mais putain tu écoutes un peu ce que je te dis ! » Oui il s’énervait, ça ne lui plaisait pas ? Et bien tant pis il n’était pas là pour se mettre à ses pieds et la supplier, il était là pour lui expliquer, pour qu’elle imagine dans quel état il était pour agir ainsi pour l’abandonner elle, pour les abandonner tous. « Tu n’écoutes pas, tu ne veux pas écouter ma version et essayer de la comprendre. Pour toi c’est simple, je suis un con, je t’ai abandonné. Dans ce cas on arrête, j’arrête de t’expliquer ce qui se passait dans ma tête, pourquoi ça s’est passé ainsi et pas autrement. Ça ne sert à rien puisque pour toi je dis des conneries. » Neela ne l’avait pas assez aimé, c’était la conclusion qu’il en faisait à ce moment-là. Elle n’arrivait pas à comprendre que par amour il avait choisi la fuite, il avait choisi de partir et de ne jamais revenir. « Je n’étais pas censé revenir. » Voilà c’était dit, il était parti, il n’avait pas eu l’intention de revenir. Il avait voulu crever comme un chien, non comme la merde qu’il était. L’abandon qu’elle voyait était pour lui la seule chose de positif qu’il avait fait pour elle, pour leur fille. Il ne voulait pas choisir, il ne voulait pas lui briser le cœur, qu’elle soit obligée de le voir avec une autre. Ce n’était pas ce qu’il voulait pour eux. Disparaître, une solution simple. Oui il était lâche et alors ? Peu importe sa lâcheté était sa solution, celle qu’il avait trouvé après avoir décidé que jamais il ne pourrait avoir une vie de famille avec Neela, ni avec Leah. Comment construire une famille quand on a fait souffrir autant de monde. Disparaître pour être oublié. La seule solution.

Il balança la tête de gauche à droite, pourquoi continuer ? Pourquoi insister. Ecoutait là, il y a de l’espoir, une chance ? Non rien. Noah n’arriverait à rien avec Neela. « Tu as raison, je ne te connais pas. » C’était ce qu’elle voulait entendre, oui, non ? Peu importe quoi qu’il dise ça ne serait jamais bien. Noah en avait marre, marre de cette explication qui ne servait à rien. Elle était la première à qui il se confiait, ne comprenait-elle pas que Noah était en train de s’ouvrir pour la première fois depuis de longs mois ? « Arrêtons là Neela. Ça ne donne rien de bon. Je me confie… mais tu n’es pas prête à entendre tout ceci, quoi que je dise ou fasse ton image reste là même. » Il fallait se l’avouer, c’était perdu d’avance. Aurait-il au moins le droit un jour de pouvoir voir sa fille ? « J’ai merdé sur tous, c’est foutu… je vois ton regard, ta façon de me parler… quoi que je dise c’est perdu d’avance. J’ai agis ainsi, oui j’étais là, oui j’ai préféré ne pas me montrer, ne pas vivre à nouveau la scène du centre commercial, tu avais mieux à faire que de me hurler aussi. C’est mon choix, tu ne le comprends pas, tu ne le comprendras jamais… il n’y a pas de solution. » Noah était fatigué, il avait ouvert son cœur, tout avoué à la jeune femme et c’était quelque chose de difficile. Revenir ainsi sur le passé ça lui demandait beaucoup d’effort parce que ça le faisait prendre conscience de tout, de ses erreurs, de ce qu’il était à présent à ses yeux. L’ambiance n’aidait pas non plus, il était venu là pour soutenir un ami qui venait de perdre un frère. Ce n’était pas le jour, pas le moment.

Garder sa fierté ? Elle pensait réellement cela ? « C’est ce que tu crois, la vérité est toute autre… tu le sais. » Neela avait souffert de l’alcoolisme de son père, croyait-elle vraiment être capable de raisonner Noah à cette époque-là. Pensait-elle réellement qu’elle aurait pu le sauver, changer quelque chose. Non. Il aurait été un autre homme, encore diffèrent de celui qu’il était aujourd’hui. Un homme qu’elle aurait vite détesté, qu’elle aurait regretté de connaître. Oui aujourd’hui c’était ce qu’elle ressentait mais parce qu’il avait quitté le pays pas parce qu’il avait été bourré tous les jours face à elle, qui lui aurait sorti les pires saloperies qui puissent exister, qu’il l’aurait fait souffrir sans même ressentir l’ombre d’un remord. Qu’importe le choix de Noah, reste ou fuir, l’issue était la même. Neela le détestait. Il préférait l’être pour abandon. Chacun son choix. « Changer ? Sans ma fuite je ne l’aurais jamais pu. » Neela ne pouvait pas comprendre, Noah avait déjà vécu l’alcoolisme mais cette fois c’était diffèrent. Quand Sophia était décédée il avait perdu l’amour de sa vie, sa femme, l’unique. Il avait plongé dans l’alcool pour oublier la souffrance qu’il ressentait et non pour oublier sa femme. Son retour dans l’alcool avait été la solution pour oublier, oublier ces deux femmes qui portaient ses enfants, ces deux femmes magnifiques qui avaient besoin de lui, besoin qu’il soit bon et qu’il ne leur brise pas le cœur. Il avait préféré oublier, ne supportant soudainement plus ce qui se passait. Le regard ténébreux de Neela, cet amour sans limite, ses mains sur son corps, cet avenir… l’alcool, la solution pour oublier. Et ce billet d’avion, imprimé en pleine nuit sur un coup de tête avec l’espoir que tout le monde irait mieux sans lui, que tous serait plus heureux loin de lui, qui a ce qu’on le pense mort. Sa solution.

Une lueur d’espoir finissait par apparaître à la fin de leur conversation. Il avait les cartes en main. Arrêter l’alcool, ne plus jamais retomber si bas et peut-être un jour pouvoir croiser le regard de la petite Maya et avec le temps qui sait avoir une place dans sa vie si Neela le permet. « D’accord… merci. » A présent tout était dit. Laissons le temps faire les choses.

Ce n’était pas le moment de faire du zèle pour Noah. Première vraie conversation avec Neela et ça sentait déjà très mauvais pour lui. Il était clair que Neela n’était pas franchement heureuse de le voir, il s’était livré, elle était la seule à avoir les clés de l’histoire. Il ne l’avait pas fait pour sa pitié, son pardon ou autre chose du genre, il l’avait fait parce que Neela avait toujours eu un rôle de confidente pour lui, une amie proche sur qui il avait toujours pu compter. Ce n’était pas un hasard si c’était à elle aujourd’hui qu’il racontait sa fuite, où il avait atterri, pourquoi etc… mais il était clair que c’était terminé, la petite lueur qu’il avait encore il n’y a pas si longtemps de cela venait de s’éteindre définitivement. C’était noir, sombre. Alors il écoutait, il observait, il se taisait et là laissait faire parce que finalement c’était peine perdu, cette discussion ou plutôt dispute pouvait encore durer des heures, des jours, des semaines voir des années ! Neela ne l’aimait plus, elle n’avait plus aucun sentiments positifs pour lui et il ne pouvait pas lui en vouloir. Il l’écoutait attentivement, pensant que si ses testicules finissaient comme le vase au moins il n’y avait plus de risque pour qu’il mette une nouvelle femme enceinte, ça serait rendre service au monde finalement ! Il garda cette analyse pour lui, ce n’était pas le moment. Il ne put retenir un sourire en entendant qu’il était un coq égoïste, là ils étaient tombés bien bas tous les deux ! Il finit par le perdre en écoutant la suite, en comprenant qu’elle avait compris, qu’elle l’avait bien écouté et qu’elle le faisait toujours comme par le passé. Ce n’était finalement pas perdu, la petite lueur pouvait se rallumer. Le résumé de la jeune femme était tout à fait correct, il ne l’aurait sûrement pas tourné de la sorte mais il pouvait admettre qu’elle avait compris ce qu’il avait pensé et ressenti. Neela n’avait pas tort, il baissa la tête alors qu’elle affirmait qu’il confondait le faite d’être compris et celui d’être pardonné. Elle n’avait pas tort mais elle n’avait pas raison non plus. Il ne cherchait pas le pardon, il n’en voulait pas de son pardon car il ne le méritait pas. « Je ne veux pas de ton pardon, ni de celui de personne. Jamais ! » Il n’avait jamais eu l’intention de demander le pardon, il se devait de s’expliquer, de se reprendre, de changer pour ses enfants et aussi pour les deux jeunes femmes mais il n’était pas question de pardon, comment pardonner une telle chose ? Puis elle revint sur le fait qu’il était égoïste, il releva aussitôt la tête. « Une nouvelle chance ? Je n’en attends pas, c’est comme le pardon. Il n’y a pas de seconde chance pour nous, pour moi. Je veux juste avoir le droit de voir notre fille, d’avoir le droit de la connaître, de passer du temps avec, d’avoir ta confiance uniquement pour notre fille. C’est la seule chose que je souhaite. Il y a bien longtemps que j’ai compris qu’il n’y avait pas de place pour une seconde chance avec toi. » Il ne le disait pas méchamment, il était juste conscient qu’il l’avait perdu. Il le savait. Il la connaissait, il l’avait connu comme ami par le passé et de ce fait il connaissait son caractère. Il savait combien elle avait déjà assez souffert par le passé, pas besoin qu’un autre homme vienne en mettre une couche et pourtant il l’avait fait. En quittant le pays, en disparaissant de la sorte il avait mis fin à son histoire avec Neela qu’il le veuille ou non c’était ainsi. Elle ne pourrait jamais plus l’apprécier. La comparaison du vase brisé qui ressentait Neela c’était juste triste, réellement triste. Que pouvait-il dire ? Rien il n’avait plus qu’à se taire.

En effet personne ne le savait, il resta silencieux essayant d’imaginer ce qui aurait pu se passer si il n’avait pas quitté le continent. Il n’arrivait pas à imaginer, Noah avait toujours pensé que ça aurait été ingérable parce que c’était tellement diffèrent et violent de la dernière fois. L’avocat ne voulait pas imaginer tout ceci, à quoi bon finalement ? Il avait sa version en tête et ne voulait pas en imaginer une autre. Neela pouvait penser qu’il était égoïste voir même con, c’était ainsi. Il se connaissait quand même mieux qu’elle ne le connaissait. Il resta silencieux, réfléchissant tout de même à ce qu’avait dit la jeune femme. Elle n’avait ni tord ni raison, tout comme lui. Il ne savait même plus ce qui était bon ou mauvais. Il était temps qu’il retourne de l’autre côté de la porte, qu’il se rende aux côtés de Heath pour le soutenir dans l’épreuve qu’il traversait.

« Oui, si il y a une chose dont je suis certain c’est que je veux être là pour elle. Notre fille ne mérite pas tout ceci. Je ne veux pas imaginer une seule seconde qu’un jour elle se demande qui est son père, qu’elle pense que je ne l’ai pas aimé, qu’elle ait une erreur. Je ne veux pas que Maya grandisse avec un vide, avec un autre homme qu’elle considérait comme son vrai père. Je suis son père et je vais tout faire pour l’être, pour que tu puisses un jour avoir confiance. »

Neela n’avait pas tort, en même temps est-ce que la jeune femme s’était déjà trompée avec lui ? Si on met de côté le fait qu’elle a cru qu’il resterait prêt d’elle, qu’il ne l’abandonnerait pas… la jeune femme avait toujours très bien compris Noah, elle avait été son amie par le passé. Une très bonne amie, il n’était pas du genre à avoir beaucoup d’amis, parce qu’il ne trouvait pas cela forcement utile, il préférait en avoir un ou deux qui le connaissaient réellement plutôt qu’une vingtaine qui ignorait qui il était réellement. Neela faisait partie des personnes qui le connaissaient bien, elle n’en serait jamais autant qu’Eleanor mais c’était déjà pas mal, une fois que vous comprenez le manuel Noah Harper vous comprenez pas mal de chose ! « Je comprends. » Oui, même si l’avocat avait encore les nerfs à vif, si il pouvait encore monter sur ses chevaux il était tout de même bien conscient qu’il lui avait fait du mal, non il l’avait brisé ! Il ne pouvait pas se pointer le sourire aux lèvres et un bouquet de fleur à la main et demander la garde à sa fille. Ce n’était pas ainsi que ça marchait, il le savait. Neela avait souffert et souffrait sûrement encore à cause de lui, une fois encore un homme lui avait fait du mal. Noah devait être patient, il devait comprendre qu’en entrant dans la vie de Maya il entrait également dans celle de Neela et cela elle ne le pouvait pas pour le moment. C’était difficile à entendre mais légitime. Noah avait beau être un vrai connard depuis plusieurs mois voir une bonne année il avait toujours un cœur, quoi qu’il en dise, derrière tout ceci, tout ce personnage il y avait toujours le Noah, le vrai, qui souffrait terriblement de cette situation, de ce qu’il avait fait, de savoir qu’ils avaient deux enfants qu’ils ne pouvaient pas approcher. Cette souffrance était sienne.

Noah était un pourri, un salaud, un briseur de cœur, un homme à femme… Noah était tout un tas de chose pour les gens, pour son entourage également et pour lui-même. Mais Noah était un père formidable, bien sûr ça en fait grimacer plus d’un qui refusent de croire une telle chose, mais Jamie était son fils, la chair de sa chair, il l’aimait de tout son cœur et pour son petit bonhomme il pouvait tout faire. Il était à la fois un père et une mère pour ce petit garçon, parce qu’il avait pris le rôle de sa femme, le rôle d’une maman qui se veut tendre, sensible et à l’écoute. Bien sûr Noah n’était pas Sophia, et Jamie avait besoin d’une femme dans sa vie, ça ne serait malheureusement pas Neela. C’était ainsi. Par chance il y avait Eleanor et cette femme au cœur si grand et la force si incroyable était toujours là pour son fils et son petit-fils. Noah avait de la chance, il devait juste s’en rendre compte. Dans tous les cas ses paroles n’étaient pas dites pour faire bien, ce n’était pas un coup de bluff. Il ne voulait surtout pas imaginer une seule seconde sa fille sans un père, sans lui. Neela referait certainement sa vie, c’était normal, mais cet homme ne serait jamais le père de Maya. Noah le refusait, c’était impossible, impensable ! Il serait son père, c’était bien plus qu’une promesse ! « Bien sûr. » Neela ne pouvait pas le croire et elle avait bien raison, pas après tout ce qu’ils avaient vécu tous les deux. Il devait faire les efforts, c’était à lui de faire tout ceci, de lui prouver et de jamais baisser les bras. « Merci de m’avoir accordé du temps. » Malgré la discussion assez difficile il tenait à la remercier, parce qu’ils avaient avancé mine de rien. « A bientôt Neela. » Il la salua d’un signe de tête, quittant la pièce d’un pas assez calme. Tous les deux n’étaient pas ici pour régler leur situation, il y avait une famille en deuil derrière cette porte et Noah devait soutenir son ami. Ils auraient l’occasion un jour de se revoir…