Il paraît que la vie n’est qu’un chemin semé d’embûches. Un court chemin pour nous tester. Pour savoir ce que nous valons, ce que nous pouvons apprendre de tous ces travers et pour mieux nous préparer à vivre l’après-vie. La mort. Pour beaucoup il s’agît là d’un terme négatif, qui renvoie une image néfaste, de tristesse et de fin. Pour d’autres, il ne s’agit que du commencement de ce que nous aspirons à être. Comme si notre passage sur terre n’était qu’un dixième de ce qu’il nous reste à apprendre, de ce qu’il nous reste à vivre vraiment. Mais d’une autre manière. Victor Hugo a écrit : « Tu n’es plus là où tu étais, mais tu es partout là où je suis. » , comme si une fois mort, on ne pouvait vivre qu’à travers le souvenir d’autrui, comme si nous nous trouvions dans chaque brise de vent, chaque rire d’enfant, chaque larme de tristesse. « Ayez pitié des vivants » dit la bible, car ce sont eux qui restent, à subir la perte, subir l’ignorance. Le mort continue de vivre dans chacun d’entre nous, car c’est à travers la mémoire qu’on devient immortel.

C’était une belle journée d’été. Le genre de journée dont on aime profiter. Il faisait chaud mais une légère brise soufflait sur la côté californienne ce jour, afin de rafraîchir quiconque essayait de sortir d’un lieu climatisé. Olivia s’était réveillée de bonne humeur et de bonne heure. Elle ne travaillait pas, à vrai dire elle venait de prendre un jour de congé histoire de peaufiner son bronzage et de se prélasser au bord de l’eau avec un bon bouquin. Ce n’était pas dans ses habitudes de prendre des congés, surtout depuis qu’elle avait créé sa propre société d’organisation de mariage il y a deux ans. La société marchait plutôt bien et il y avait même des couples qui venaient de Los Angeles pour s’offrir ses services. Ils la jugeait plus abordable au niveau tarifaire, mais aussi humain. Elle était passionnée par son travail et ses clients le ressentait vraiment. Du coup, cela faisait deux ans qu’Olivia n’avait la tête que dans le boulot et ses derniers vrais congés remontaient à Noël 2012. Il faut avouer que juillet et août sont des mois très attractifs en ce qui concerne les mariages et Olivia était complètement débordée. Elle avait il y a tout juste deux jours terminé d’organisé le mariage d’un couple de sexagénaire très mignon et cette journée de congé, elle en avait rêvé pendant des mois. Pour se féliciter soi-même, certaines femmes s’offraient des paires de chaussures, Olivia c’était un jour de repos.

Elle avait préparé ce jour telle une parfaite femme d’affaire : réveil à 8h30, 9h-10h jogging le long de la plage, 10h-11h douche et petit déjeuner équilibré, 11h cimetière, midi déjeuner en terrasse, 14h-18h plage. Tout était soigneusement programmé afin de ne pas prendre une miette de cette délicieuse journée. Si Olivia avait prévu de se rendre au cimetière à 11h ce jour là, c’est parce qu’elle n’en avait jamais le temps autrement, mais surtout parce qu’elle connaissait un homme qui était enterré là. Un homme de son passé, qui avait compté. Un homme incroyable à qui on avait ôté la vie de manière arbitraire et injuste. Simplement vêtue d’une petite robe souple couleur corail et d’une paire de nue pieds couleur chair, Olivia s’était garée juste devant le cimetière, son sac de plage resté dans le coffre de la voiture. Elle s’en voulait de ne pas avoir enfilé de robe noire, mais il faisait bien trop chaud pour ça, et après tout, il s’agissait d’une « visite de courtoisie ». Après avoir traversé trois allées, Olivia se retrouva face à sa tombe. David. Comme elle aurait aimé qu’il soit là il y a deux ans, comme elle aimerait qu’il soit encore aujourd’hui pour la faire rire et sourire comme il avait si bien su le faire auparavant. Mais tout ceci était terminé. Ils n’avaient jamais vraiment perdu contact, ils s’écrivaient toujours pour Noël et leur anniversaire, mais cela faisait bien longtemps qu’ils ne s’étaient pas vu. Olivia posa une main sur la tombe de David et murmura tout bas : « Tu me manques David ».
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Elle y songeait souvent, qu'elle n'était pas une très bonne veuve. Dans sa tête, elle devrait visiter au moins une fois par le cimetière pour lui apporter des fleurs. Elle ne le faisat pas. Ce n'était pas parce qu'elle ne le voulait pas, mais elle ne voulait pas, elle ne voulait plus vivre dans l'ombre de la mort de son mari. Le chemin avait été long, mais maintenant Adèle avait compris qu'elle ne pouvait passer toute sa vie à ruminer son décès. L'accident avait été bête, David était mort et elle devait faire avec. Une petite honte aussi l'habitait ; celle d'être tombée amoureuse du garçon responsable de la mort prématurée de celui à qui elle avait jurée amour jusqu'à la mort. L'infirmière avait au bout d'un certain tems accepte ses sentiments, elle vivait sa non-relation avec Julian en oubliant la principale raison pour laquelle tous les deux se connaissent. Ce matin-là, en voyant le soleil briller dans le ciel, Adèle décida d'aller rendre une petite visite à son homme, à dire vrai, sa dernière rencontre avec lui datait du jour de l'anniversaire de sa mort.

Lorsque la jeune femme s'était finalement avoué ses sentiments pour Julian, ça été tout naturel pour elle de retirer son alliance à son annuaire gauche. Elle aurait pu la serrer, la remettre à la famille de David, mais elle préféra l'enfiler à une petite chaine en argent et la porter autour de son cou. Adèle, bien que maintenant elle désirait refaire sa vie avec quelqu'un d'autre, ne voulait pas balayer du revers de la main les années de bonheur et d'amour qu'elle avait partagé avec David. Elle savait, au fond de son coeur, qu'il approuverait sa démarche. La jeune femme ressentait le besoin de se livrer à son homme, de lui parler ouvertement de l'amour naissant et surtout puissant, qu'elle ressentait pour le journaliste, et ce malgré tout. Adèle laissa une petite note sur la table à son nouveau colocataire, temporaire, afin qu'il ne s'inquiète pas de son absence.

Suite à sa rupture-pas-rupture-puisqu'ils-n'étaient-pas-vraiment-un-couple, Adèle avait quitter l'appartement en plus ou moins bon terme, elle avait dû se débrouiller et le hasard lui fit tomber sur son ami Adam qui accepta de l'héberger. Heureusement, elle n'aurait pas apprécier d'être une SDF, bien qu'elle se magasinait présentement un appartement, elle en avait marre d'habiter à gauche et à droite, elle devait se retrouver une demeure et cette fois-ci, qu'elle ne quitterait pas. Le trajet jusqu'au cimetière se passa assez rapidement, peut-être un peu trop. Adèle s'y était rendue en marchant, histoire de prendre un peu l'air. Lorsqu'enfin la demoiselle arriva, elle vue au loin une jeune femme. Elle n'y prêta pas attention au départ, mais plus elle s'approchait et plus elle distinguait celle-ci près de son David. Une jalousie violente monta en elle et pressa le pas, arriver à hauteur elle posa brusquement sa main sur l'épaule de l'autre blonde. « Qui es-tu ? »
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Quelques temps passa où Olivia se remémora les bons moments qu'ils avaient passé ensemble. Ils étaient si jeunes lorsqu'ils s'étaient rencontrés ici, à Huntington Beach pendant les grandes vacances. Olivia venait avec sa nourrice pour jouer sur la plage, apprendre à surfer même. Et elle avait rencontré David, ce petit garçon si gentil avec elle, qui lui avait proposé de venir chercher des crabes. Encore en y repensant aujourd'hui, elle pouvait esquisser un sourire nostalgique. C'était le bon temps. Le temps de l'insouciante jeunesse. Elle finit par retirer sa main de la tombe de David tout en lui adressant un dernier regard. Elle savait qu'elle ne reviendrait pas avant longtemps. La dernière fois qu'elle était venue, ça remontait à il y a plus d'un an, peu de temps après les funérailles auxquelles elle n'avait pu assister. Soudain, une main agrippa son épaule et Olivia se retourna brusquement, le regard paniqué. Mais ce n'était qu'une jeune femme, plus petite qu'elle en taille et d'une beauté presque enfantine. « Qui es-tu ? » demanda t-elle. Olivia fronça les sourcils et essaya de se souvenir si elle avait déjà vu cette jeune femme, mais son visage ne lui disait rien. Froidement et avec un mouvement de recul elle répondit alors : « Olivia. Mais toi qui es-tu ? » Quelle drôle de manière pensa t-elle, que de venir agresser les gens de la sorte dans un cimetière. Etait-ce quelqu'un qui travaillait ici ? Non, elle n'en avait pas l'air, avec ses grands yeux et ses roues légèrement rosées comme si elle venait de courir. Après tout, nous pouvions être surpris. Ou alors, il s'agissait de quelqu'un qui connaissait David et qui s'étonnait de ne jamais l'avoir vu auparavant, ni même à l'enterrement ? Précipitamment Olivia ajouta donc : « Je n'ai que rarement l'occasion de venir ici. Vous le connaissiez bien ? » elle adressa un regard à la tombe de David, comme s'il avait pu lui envoyer un signe, une réponse quelconque. Comme lorsqu'ils étaient enfants, et qu'il la mettait en garde contre les pinces des crabes, ou contre cette grosse vague qui allait l'emporter au loin si elle ne prenait pas garde. C'était un enfant prudent et bienveillant. Elle se demandait s'il avait été ainsi tout le long de sa vie, ou si elle l'avait amoché, comme bon nombre d'entre nous. Les cartes postales de ces dernières années étaient tellement peu par rapport aux véritables échanges, qu'elle ne l'aurait peut-être pas reconnu s'ils s'étaient croisés dans la rue...

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