▬ Je sirotais mon troisième verre de Cuervo, émerveillé par son infinie capacité à détruire tout ce qu'il pouvait y avoir de bon dans ma pitoyable vie, quand l'homme à côté de moi s'écria : « - Écoutez voir, ma belle : le créationnisme et l'évolutionnisme sont parfaitement compatibles. » Il m'avait postillonné dans le cou. Je grimaça et coula un regard rapide dans sa direction. Assis à ma droite, le bonhomme avait une grosse moustache en broussaille sortie tout droit d'un film X des années soixante-dix. La blonde décolorée aux cheveux secs comme de la paille à qui était destiné ce brillant trait d'esprit était assise à ma gauche, je me retrouvais donc dans l'inconfortable position de la tranche de jambon d'un sandwich à la composition douteuse. M'efforçant de les ignorer, je scrutais mon verre comme s'il s'agissait d'un diamant pour une future bague de fiançailles, dans l'espoir de faire disparaître le moustachu et la fille aux cheveux filasse. Rien à faire, ils étaient toujours là. « - Vous êtes cinglé. » dit Miss Filasse.

▬ J'avais passé ma vie à fuir tout ce qui était juste et moral, une quête permanente de plaisirs inaccessibles, un état de perpétuel ennui ponctué de pathétiques moments d'euphorie. J'avais détruit ce qui avait été bien, et lorsque j'avais voulu recoller les morceaux, je m'étais planté, comme toujours. J'avais fait du mal à mes proches mais également à des inconnus. La torture morale que j'avais exercé s'était portée exclusivement sur des êtres chers ou des personnes dont j'étais admiratif. Aujourd'hui j'avais décidé de changer ma façon d'être, ma vie, afin de devenir meilleur. On fait tous du mal à ceux qu'on aime non ? Bizarrement, faire du mal à des étrangers semblait plus grave encore. Mais nuire à des innocents, ça, c'était un mauvais karma. « - Ok, déclara Moustache. Adam a engendré Ève, ou quel que soit le terme exact. » Filasse acquiesça. « - Bon, Adam et Eve ont deux fils, Caïn et Abel. Et voilà que Caïn tue Abel. Ok, la question est : avec qui Caïn s'est-il reproduit ? Je veux dire, la seule femme disponible, c'est Eve et elle n'est plus toute jeune. Alors comment l'humanité s'est-elle perpétuée, hein ? » Moustache s'interrompit, comme dans l'attente d'applaudissements. Je levais les yeux au ciel et quittais mon siège, verre en main, j'allais me chercher un coin tranquille, où je pourrais avoir un semblant de paix.

▬ Je m'installais près d'une fenêtre et jetais mon regard presque instantanément sur la rue. Pas grand chose d'inhabituel à signaler. La nuit tombait lentement sur Huntington Beach. La réalité était que je n'avais rien à faire ce soir-là. J'étais seule, trop seule, triste situation n'est ce pas ? Mais j'étais prête à user de mes charmes si j’apercevais quelqu'un d’intéressant avec qui passer la soirée.

Eden se trouvait sur son lit depuis quelques minutes déjà ayant coupé court à une énième dispute avec Marissa, sa femme depuis onze ans. Amoureux, oui ils l'étaient et ce depuis également onze ans, mariés depuis sept ans, leur vie n'était pas des plus belles. Malgré l'argent qui coulait à flot, une fille parfaite qui ne demandait qu'une très grande attention, une magnifique villa familiale ainsi que des amis et une famille irréprochable. Cependant, entre Marissa et Eden régnait des tensions continuelles, depuis la perte de leur enfant tout était difficile, une moindre paroles pouvaient engendrer des cris et des disputes. mais ce n'était pas la première crise que le couple Jefferson surmontait, en effet il y a de cela deux ans environ, Eden ne pouvant plus et ne souhaitant plus cacher la vérité à sa femme, lui avoua qu'il l'avait trompé. Il n'en était pas fier mais en même temps si il l'avait fait à ce moment même s'était surement parce qu'il y avait une raison. Un problème dans leur couple ? Non il ne pensait pas mais tout simplement il avait rencontré une femme, pas n'importe laquelle, celle qui te fait penser à elle constamment, qui t'envoûte d'un regard. Durant quatre mois, Eden avait entretenu une seconde vie, il avait été ce type d'homme qui pensait plus à plaire, se sentir attirant que le type d'homme qui se cramponnait au simple compliment de sa femme. Cela n'avait duré que quatre mois, quatre mois où il avait connu une nouvelle vie, entre adrénaline de ne pas se faire découvrir mais aussi tension de désirer une autre femme que sa vraie femme. Cette personne, c'était Mila. Elle était partie depuis et il n'avait jamais eu de nouvelles, d'ailleurs il n'en avait pas demandé, car il savait que tout cela était mieux pour son couple. D'ailleurs il n'avait jamais trouvé une autre femme avec qui il pourrait tromper sa femme, tout simplement d'un car il ne voulait plus être cet homme insupportable car il faut dire ce qu'il en est, il était totalement fou de sa femme, il ne l'avouait pas souvent mais il ne pouvait aujourd'hui vivre sans elle, malgré les crises continuelles. Il en était amoureux comme au premier jour. Mais la seconde raison était parce que personne n'avait le même pouvoir que Mila,elle était fragile et en même temps combattante, tellement belle et déjantée.

C'est finalement qu'il décida de se rendre au bar pour ne pas aggraver la situation avec sa femme. Il traînait dans la rue pour se rendre au bar, les gens étaient déjà en train de boire dans les bars et boîtes de nuit de la ville. Il n'était pas du genre à sortir tard le soir, il avait du moins passé l'âge, mais aujourd'hui trop s'était trop il devait oublier, se changer les idées. C'est alors qu'il se posa au comptoir et commanda un verre de whisky, oui c'était bien son truc à lui. Le bar était plein, les gens se grimpaient limite dessus pour pouvoir avancer. Le comptoir était entouré de gens, il les regarda un par un pour voir dans quel état ils pouvaient bien être, en espérant trouver quelqu'un au passage avec qui discuter et profiter de la soirée. C'est tout à coup qu'il arriva sur le visage de Mila, elle n'avait pas changé il savait d'un coup que c'était, elle était surement de retour au pays. Clignant des yeux pour s'assurer qu'il ne rêvait, il décida de se lever et se dirigea vers elle. Restant derrière elle, il s'approchant de son oreille pour lui murmurer. Tu m'accordes toute ta soirée ?