Adria avait déjà dansé avec la mort, elle l’avait effleurée à plusieurs reprises au cours de son adolescence et depuis, elle recherchait sans cesse ce frisson de vie pur et intense, au travers des combats de rue, un cocktail d’adrénaline qui lui donnait l’impression d’être encore plus vivante à chaque instant, une seconde d’éternité qui lui apportait tressaillement de joie et de bonheur à l’état pur. La boxe lui avait apporté toutes ses sensations avant que son rêve ne se brise en mille morceaux, car le bonheur était dangereux, elle l’avait appris à ses dépens quelques années auparavant, lors de l’accident qui avait basculé son destin dans une autre direction. Elle aurait pu avoir moins de chance et perdre l’usage de ses jambes, elle aurait pu aussi ne jamais reprendre le sport, mais elle s’était accrochée à cette idée comme si le reste de sa vie en dépendait. Adria refusait de céder aux faiblesses de son corps. Pire, elle les ignorait complètement. Combien de temps tiendrait-elle à ce rythme ? Combien de temps avant que son corps ne cède ? Les médecins avaient accepté que la jeune femme reprenne le sport mais ils avaient été catégoriques : plus de boxe à haut niveau, c’était trop risqué. Adria n’en faisait quand même qu’à sa tête, et puisque l’accès à son monde de prédilection lui était refusé sauf pour donner quelques cours, elle sortait la nuit pour rejoindre des milieux bien plus dangereux, trop pour y survivre bien longtemps sans une certaine expérience, expérience qu’Adria combinait à tout ce qu’elle avait appris par le passé. Trois nuits auparavant, elle était encore descendue dans les quartiers où se tenaient des combats, les bleus sur son ventre témoignaient des rudes coups qui avaient été échangés. Elle avait tenu bon mais elle n’était pas passée loin de perdre contre un adversaire pourtant moins expérimenté. Son corps lui avait donné des signes de fatigue, les premiers depuis de longs mois, et Adria avait tout fait pour le masquer et protéger ses arrières, en particulier son dos. La jeune coach sportive devait prendre quelques jours de repos pour se remettre d’aplomb. Elle s’était crue à nouveau invincible, à l’abri des faiblesses, mais elle avait présumé de ses forces. La jolie brune, qui rêvait un jour de reprendre la boxe intensivement, s’était bercée d’illusions. Elle ne pouvait toujours pas tenir le rythme. Elle était passée chez le médecin le lendemain qui lui avait confirmé ce qu’elle craignait déjà : elle devait se reposer. Prenant deux jours complets pour se remettre, Adria devenait complètement folle à rester enfermée chez elle. La jeune femme estima qu’aller courir ne serait pas trop exigeant par rapport à tout ce qu’elle faisait d’habitude. Elle enfila donc un pantalon de running, une brassière et sa paire de baskets préférée pour la course. Elle avait besoin de se défouler et de prendre l’air. Adria sortit de chez elle et prit la direction du parc. Ivre de retrouver une certaine liberté de mouvements, sa foulée se développa rapidement après son échauffement. Elle alterna plusieurs minutes de course avec des périodes de marche et constata avec satisfaction qu’elle était particulièrement en forme, peu habituée à prendre deux jours de repos complet. Continuant sur cette lancée, elle se dirigea vers la plage pour profiter des beaux paysages d’Huntington Beach. Courir sur le sable était un exercice plus éprouvant mais Adria avait de l’énergie à revendre. Après avoir passé la jetée, elle allongea sa foulée sur quelques longueurs une fois la plage atteinte. Elle s’arrêta finalement, préférant en rester à ces bons résultats plutôt que de s’esquinter. Une personne normale se serait quasiment écroulée par terre mais Adria était souvent comparée à une machine depuis le temps qu’elle faisait du sport de haut niveau, elle paraissait à peine essoufflée comme si elle venait d’effectuer une vulgaire promenade de santé. Renouant convenablement ses cheveux à moitié défait, la jolie brune se dirigea vers la rambarde, tandis que sa poitrine se soulevait à un rythme de plus en plus régulier. Elle remarqua alors une tête qu’elle connaissait bien, Ethan, un garçon qui aimait tout autant le sport qu’elle, même s’il n’en avait pas fait sa profession. Adria lui donnait parfois des cours et leur lien était même un peu plus compliqué à comprendre parfois mais le principal détail était qu’ils s’entendaient plutôt bien, ce qui résumait déjà l’essentiel lorsqu’il s’agissait de l’ancienne boxeuse. À en juger par son état marqué, il avait l’air d’avoir couru un marathon… ou pas. À voir. Quoiqu’il en soit, Ethan ne manqua pas de la saluer, toujours à sa façon. Sa remarque arracha un sourire à Adria, connue pour pousser assez loin les clients qu’elle entrainait. « Juste une petite remise en forme, Ferguson, et toi, tu te maltraites tout seul ? On dirait que tu vas t’évanouir sur place. » Elle ne l’avait pas raté pour le coup. Jamais. Toujours aussi décomplexée, elle s’assit quelques instants à côté de lui et lui chipa deux trois gorgées de sa bouteille d’eau. « Tu m’excuseras, j’ai oublié ma réserve. » Elle le faisait avantage pour l’embêter que parce qu’elle en avait vraiment besoin. Ce qu'Adria appréciait particulièrement chez lui était qu'il avait souvent le répondant qu'il fallait. « J’apporterai le nécessaire lors de notre prochaine séance de sport de toute. » Lorsqu’il s’agissait des personnes qu’elle entrainait, Adria faisait toujours super attention, lorsqu’il s’agissait d’elle, elle s’en foutait un peu. Et puis, c’était une façon taquine de lui dire de se préparer. Pourtant, Ethan était loin d’être un novice, il avait un excellent niveau, cependant la jeune femme ne le lui dirait jamais aussi clairement. Elle lui rendit la bouteille, à peine vidée et retrouva un peu plus son sérieux. « T’es sûr que ça va ? » Une question qui le braquerait sans doute par fierté mais l’ancienne boxeuse s’en fichait. Elle qui cherchait souvent à dépasser ses limites était bien placée pour voir ceux qui essayaient d’en faire autant. Et en cet instant précis, Ethan ne semblait pas dans son assiette.

Alors qu’elle venait de lui balancer qu’il était sur le point de s’évanouir pour le taquiner, Adria resta tout d’abord suspendue au silence d’Ethan, écoutant la respiration accélérée du jeune homme assis à côté d’elle. Elle ferma un instant les yeux pour écouter avant de les rouvrir quand il lui répondit enfin de ne pas débiter des âneries. La jeune femme venait de comprendre qu’elle avait touché une corde sensible. Ni lui ni elle ne pouvait reprendre le sport au niveau qu’ils avaient auparavant, elle celui de la boxe plus particulièrement. La façon dont Ethan se massait la jambe présentement était la meilleure démonstration qu’elle aurait pu avoir sur son état. Son genou le faisait sans doute à nouveau souffrir après sa course. Adria ne se voyait pour autant pas lui dire quoique ce soit, elle qui aimait dépasser ses propres limites et se convaincre que tout redeviendrait comme avant. Il fallait juste donner le temps au temps, le temps à leur corps, et le temps à eux-mêmes. Griller les étapes risquaient de les mener à reculer plutôt que de les faire avancer, surtout dans le cas de l’infirmier qui devait se montrer prudent. Les séquelles de son accident ne s’envoleraient jamais vraiment. Adria pouvait parfaitement comprendre, elle avait cessé d’être elle-même le jour où elle avait perdu la boxe, traversant comme un fantôme les mois suivants, ne retrouvant goût à la vie que lorsqu’elle avait pu remarcher et courir correctement et se consoler avec le sport comme alternative. L’ancienne boxeuse ne doutait pas qu’il pourrait retrouver ses pleines capacités un jour ou en tout cas un meilleur niveau qu’actuellement, mais il devrait prendre son mal en patience et le faire progressivement. « Très bon conseil, bien qu’elle aurait dû préciser que pour mieux reprendre son souffle, il vaut mieux faire la transition en marchant que de s’arrêter complètement. » Répliqua-t-elle en souriant, sachant qu’il la citait, déformation professionnelle oblige, lorsqu’Ethan lui rappela qu’une fameuse coach sportive lui avait conseillé de reprendre son souffle lorsqu’il avait atteint ses limites. C’était tout autant mauvais pour le cœur de s’arrêter d’un coup net mais s’il était vraiment crevé ou sur le point de s’écrouler, il avait bien fait de s’asseoir. À moins que ce ne soit son genou qui le bloquait totalement… « Tu ne vas plus au kiné pour ta jambe ? » Demanda-t-elle alors en le regardant se masser la zone douloureuse. Elle lui chipa ensuite sa bouteille comme si de rien était et vida quelques gorgées avant de la lui rendre et de lui promettre d’en ramener des réserves lors de leur prochaine séance sportive. « Pas toujours à toi de m’inviter ? Fais attention à tes fesses, tu vas souffrir à la prochaine séance toi. » Le rire d’Adria se joignit au sien, puis il l’interpella sur la nécessité éventuellement dérisoire d’une autre session sportive. « Je crois que tu as oublié un petit problème dans ta théorie. On sait tous les deux que tu ne peux pas te passer de moi. » Devant son air ébahi face à son audace, elle éclata à nouveau de rire, le franc parlé de la jeune femme avait toujours un côté second degré et un côté vrai aussi. L’ancienne boxeuse lui donna un petit coup dans l’épaule en retour avant de retrouver son sérieux. « Pour ce que ça vaut, tu les tiens quand même vachement mieux qu’au début, les séances. » L’ancienne boxeuse ne le lui avait jamais formulé aussi clairement mais voyant qu’il doutait beaucoup aujourd’hui, que ça n’allait pas trop et qu’il avait l’air d’une personne sur le point de baisser les bras et ne plus y croire, quelques mots d’encouragement ne semblaient pas de trop pour cette fois. Elle lui redemanda alors si ça allait vraiment et il baragouina qu’il avait faim mais très rapidement, il essaya de se relever sans grand succès. Avant qu’Adria ne puisse prononcer quoique ce soit, il la pria de ne rien dire. Elle laissa quelques secondes s’écouler avant de briser le silence. « Assied-toi. » L’ancienne boxeuse ne lui laissait pas le choix et attendit qu’il s’exécute. En tant que coach sportive, elle avait passé des formations rudimentaires pour faire face à des petits problèmes, par exemple en cas de blocage de certaines parties du corps chez ses clients, notamment le dos et les jambes. Adria massa vigoureusement le genou d’Ethan pour le lui débloquer tandis qu’il la taquinait sur son poids. La jeune femme rigola face à ces sottises. Tout son corps n’était que du muscle pour ainsi dire. Néanmoins, elle ne s’empêchait pas de manger, elle se dépensait juste beaucoup. « Tu veux voir si ça ne va plus bouger sur le ring ? » Répliqua-t-elle en attrapant son poignet sans qu’il puisse se dégager dans l’immédiat. La prise était ferme mais elle la relâcha aussitôt. « En vrai je peux manger à peu près ce que je veux, c’est dépensé de toute façon. Et toi, t’es plutôt du genre à te retenir ? » Elle en doutait mais elle posait tout de même la question. Adria se recula ensuite et se releva. « Ça devrait aller mieux maintenant. » Pour qu’il puisse mieux reprendre son souffle, la jeune femme lui proposa de marcher le long de la plage, en direction de l’hôpital. « Tu dois bien retourner là-bas c’est ça ? » La coach sportive lui rappela ensuite de bien exécuter ses exercices de stretching avant de courir et ceux d’étirements après son jogging les prochaines fois pour éviter d’avoir mal aux articulations. C’était important, encore plus dans son cas. Ils décollèrent de l’endroit et longèrent quelques instants la plage ; Adria profita du moment pour l’arroser d’eau dans le dos. « Banzaai ! » Elle se mit à courir pour s’éloigner de quelques pas, retrouvant sa vivacité et son âme d’enfant surtout. Embêter Ethan, c’était le gage de lui faire oublier ses douleurs et le remotiver, juste pour le plaisir qu’il aurait de se venger.

Puisqu’Ethan s’était mis en tête de la taquiner, Adria choisit de ne plus s’époumoner à lui prodiguer des conseils qu’il connaissait déjà par cœur et elle se contenta de lui tirer la langue en retour. En présence du jeune homme, elle retrouvait cet esprit d’enfance qui lui manquait bien trop souvent. Comme avec Jane, la coach sportive oubliait parfois qu’ils étaient devenus amis et qu’il n’était pas un de ses clients qu’elle devait absolument motiver pour faire du sport – il en pratiquait de lui-même de toute façon. Alors, elle mit de côté le sérieux et s’autorisa simplement une dernière question concernant son genou, qu’elle savait fragile. Adria ne jugeait pas le besoin qu’il ressentait de vouloir se dépasser. Peu après son accident, elle avait mal vécu le fait de se sentir diminuée physiquement et elle pouvait comprendre le sentiment de frustration qu’il ressentait et son envie d’éviter d’en parler. L’ancienne boxeuse ne l’aurait d’ailleurs pas spécialement amené sur le sujet si elle n’avait pas remarqué une grimace de souffrance sur son visage. Il avait beau essayer de le cacher, c’était peine perdue. Il lui confirma pourtant qu’il suivait toujours bien les séances de kiné, même si Adria était sceptique sur la question. Pourquoi aurait-il l’air d’avoir si mal ? Un claquage ? Un kiné indélicat ou un mensonge de sa part peut-être ? Elle décida de ne pas insister et de laisser le sujet en suspens. Ethan la lança d’ailleurs sur les séances de sport qu’ils pratiquaient ensemble, soulignant qu’il pourrait ne plus en avoir besoin. La jeune femme esquissa un sourire et saisit la balle au bond pour lui rappeler qu’il ne pourrait malheureusement pas se passer d’elle. Ethan s’esclaffa de surprise et avoua adorer être malmené avant d’ajouter qu’elle n’avait pas besoin de jouer la carte selon laquelle il ne pouvait pas vivre sans elle. Malheureusement, la conversation tourna à nouveau au vinaigre, lorsque le jeune infirmier éprouva des difficultés pour se relever. Plutôt que de le regarder souffrir sans rien faire, Adria lui intima de se rasseoir et elle massa quelque peu l’endroit douloureux, peu importe qu’il soit d’accord ou non. L’ancienne boxeuse n’était pas femme à qui l’on pouvait refuser quelque chose si elle avait une idée derrière la tête. D’ailleurs, il en profita pour la taquiner de nouveau, elle préférait de loin cet esprit bon enfant et plus léger. Alors qu’il l’a charriait en insinuant qu’elle cherchait des prétextes pour les contacts physiques, elle ne put réprimer un rire. Soudain, Adria prit un air sérieux et s’approcha à quelques centimètres de lui, adorant ces petits jeux. « Tu sais bien que pour ce genre de chose, je n’ai jamais besoin d’excuse. » Elle lui donna un petit coup dans l’épaule et se releva ensuite tandis qu’Ethan lui expliquait ne jamais se priver de quoique ce soit quand il s’agissait de manger. En même temps, vu comment il se dépensait, il avait bien raison. La jolie brune lui proposa ensuite de reprendre le chemin de l’hôpital mais la petite balade le long de la plage ne se déroula pas aussi facilement. Espiègle, et surtout désireuse de lui faire oublier le mauvais moment qu’il venait de passer, Adria lui balança plusieurs poignées d’eau sur le corps avant de s’éloigner en courant. Pour son plus grand plaisir, Ethan suivit le mouvement et lui rendit la monnaie de sa pièce. « C’est pas fini ! » S’écria-t-elle en retour, alors qu’il s’éloignait déjà, à raison. La jeune femme changea de tactique et attrapa deux poignées de sable bien remplies, elle courut assez vite pour le rattraper et elle écarta le t-shirt de l’infirmier pour le lui balancer à l’intérieur, ouïe. Les petites chamailleries continuèrent, si bien qu’ils finirent malencontreusement par terre, le sable collé à leurs vêtements mouillés, Adria au-dessus d’Ethan. Le fait d’être aussi proche de lui, dans cette position, la troubla légèrement mais elle n’en laissa rien paraître. Il n’était pas censé affoler ses sens aussi facilement. Rien à faire, elle gardait toujours un parfait masque d’impassibilité. « Tu vois, pas besoin d’excuses. » Souffla-t-elle néanmoins en essayant de donner un côté plus léger à la situation. « Va falloir aller dans l’eau pour se débarrasser de tout ça… » Elle marqua une nouvelle pause, se mordillant la lèvre inférieure. Adria redevint aussitôt elle-même, dans toute sa splendeur, par cette simple phrase. « Le dernier à l’eau a un gage de l’autre ! » La jolie brune se dégagea pour qu’ils puissent se relever en même temps et elle fila comme le vent… avant de se ramasser lourdement par terre, lacet de basket détaché, à cause de tous ces enfantillages. Elle s’étala dans le sable et éclata de rire, en comprenant qu’elle venait de s’afficher. Crise de fou rire. Adria ne s’en remettait pas.  

Une course dans le sable, une chute les rapprochant innocemment, un regard et tout bascula. La complicité solide qui s’était tissée entre eux se mua en quelque chose d’un peu plus puissant encore, pour laquelle Adria n’avait pas encore de mots bien définis, l’ancienne boxeuse gardait un visage impassible et pourtant l’oxygène s’était chargée d’une tension étrangère, électrique, une fragrance subtile et inconsciente qui allait changer le court de leur journée. Ils l’avaient tous les deux sentis, surtout lorsque l’infirmier lui tendit sérieusement une perche lorsqu’il lui précisa qu’elle n’avait pas besoin d’excuse pour se rapprocher de lui. Dans l’espoir de dissiper tout malentendu à venir, la jolie brune usa de la meilleure arme dont elle disposait pour se protéger de tout moment gênant et totalement spontané : son humour et son air de défi. Le constat de cette situation cachait une vérité qui la dérangeait, son attachement pour Ethan se basait sur leur amitié mais aussi sur la forte complicité qui les liait et les attirait inexorablement l’un vers l’autre même si aucun n’avait jamais mis de mot sur cette amitié étrange. Ils préféraient toujours en revenir à des délires de gamin sans jamais se soucier du reste malgré le sérieux d’Adria lorsqu’elle l’encourageait à se dépasser dans ses exercices sportifs. Aussitôt le défi lancé, la jeune femme se releva rapidement et se précipita vers l’eau mais au lieu de continuer sa course, elle se ramassa une lourde gamelle dans le sable. Maudites baskets de course aux lacets détachés pendant les délires avec Ethan. Elle éclata de rire face à sa maladresse, bienvenue pour le Ferguson. Ce n’était pas plus mal. L’ancienne boxeuse était tout autant amatrice d’un gage à réaliser que si elle avait été celle qui devait le donner. Néanmoins, au lieu de simplement tirer parti de sa chance momentanée, Ethan en profita pour la narguer et lui balança déjà le gage en question : un vrai massage. Qu’à cela ne tienne, elle ne le raterait pas lors de leur prochaine séance de sport. « Je t’ai dit que je n’avais pas besoin d’excuses. Toi par contre… » Répondit une nouvelle fois Adria en souriant de plus belle. Se servir du prétexte du gage n’en était-elle pas une d’un côté ? Il aurait pu choisir n’importe quoi d’autre, pas du tout. Subtil. L’infirmier fit alors mine de l’aider à se relever mais il était bien trop frileux à l’idée de prendre ce risque que pour être sérieux, aussi, l’ancienne boxeuse n’avait même pas marché deux secondes à sa feinte. « File dans l’eau avant que ta chance ne tourne. » Souffla-t-elle en riant. Puisqu’il s’était mis à l’eau avant elle, la sportive prit le temps de frotter le sable sur ses vêtements, puis elle retira ses chaussures et son pantalon de sport pour le rejoindre dans l’eau en maillot et brassière. La jolie brune plongea dans la mer et refit surface quelques mètres plus loin, non loin d’Ethan. Les rayons du soleil caressèrent sa peau hâlée et réchauffèrent son corps qui s’habituait toujours à la température de l’eau. Elle balança quelques vaguelettes dans la tête du jeune homme pour s’être ainsi moqué d’elle et elle plongea à nouveau pour éviter une vengeance en retour, si bien qu’en remontant à la surface, Adria combla la distance entre eux et se retrouva nez à nez avec lui. Et c’est là, en cet instant enveloppé de la plus simple banalité, qu’elle comprit que leur « amitié » compliquée pouvait prendre un tour nouveau si elle le voulait. La jeune femme sentait qu’Ethan ne serait pas contre, loin de là, mais qu’il s’était toujours empêché de l’attirer plus loin. Elle n’aurait qu’à effleurer les lèvres de celui qu’elle considérait comme un de ses seuls véritables proches et toute leur relation s’en retrouverait bouleversée. Un choix, simple et conducteur, il n’y en avait ni bon, ni mauvais, pas de regret à avoir, puisque chaque décision prise était celle qui devait apparaître la plus appropriée à la situation. Et Adria était capable d’assumer chacune des répercussions de celle qu’elle prit à ce moment précis. Loin de leurs jeux habituels, la jeune femme réduisit les quelques centimètres qui les séparaient encore et ses lèvres trouvèrent les siennes le plus naturellement du monde, un échange qui avait une saveur d’éternité, de songe stupide et merveilleux. Au bout de quelques secondes, l’ancienne boxeuse s’arrêta pour reprendre son souffle et se mordiller la lèvre inférieure, avec une seule envie, recommencer… Mais elle ignorait encore quelles seraient les suites de son choix de briser les dernières barrières de cette attirance inexorable entre eux.

Peau contre peau, Adria plonga son regard dans celui d’Ethan. La jeune femme n’avait pas hésité une seconde à céder à la tentation. Elle avait envie de l’embrasser depuis un bon moment déjà mais se retenait parce qu’ils étaient amis et qu’elle ne voulait pas prendre le risque de tout gâcher. Pourtant, leur complicité était tellement sur la même longueur d’ondes qu’elle s’effrayait elle-même de commencer à ressentir un attachement pour lui alors que la jolie brune s’était toujours promis de ne jamais se prendre la tête pour un homme. C’était d’ailleurs la philosophie qu’elle avait finalement décidé de suivre puisqu’elle avait laissé libre cours à son envie sans se soucier des conséquences. Pourquoi ne pourraient-ils pas creuser cette amitié dans une autre dimension ? La boxeuse n’envisageait encore rien de sérieux ou n’attendait absolument rien (parce que ça restait Adria et qu’elle ne pouvait pas changer son goût de la liberté du jour au lendemain) mais si la complicité partagée entre eux les poussait plus loin, alors pourquoi pas ? Ethan s’était ancré en elle d’une étrange façon et elle n’était plus certaine de ses réactions en sa présence. D’abord surpris, le jeune homme finit par lui rendre son baiser et prolongea tendrement l’échange. La sportive avait bien compris sa réticence, non pas à l’embrasser, elle n’était pas une adolescente idiote à qui il fallait expliquer comment un homme fonctionnait, mais parce qu’il tenait à leur amitié et ne souhaitait pas voir ce lien altéré par un changement qui ne serait (sûrement) pas aussi solide, enfin c’était le plus raisonnable à penser. Pourtant, Adria se fichait des interdits, elle vivait au gré de ses envies et ne regrettait bien souvent pas ses choix. De plus, il ne s’était encore pour ainsi dire rien produit. La jolie brune s’écarta à son tour de lui et détendit aussi tôt l’atmosphère. Elle n’avait pas eu envie de l’alourdir, juste de profiter du moment présent. « Au diable les interdits. » Petit clin d’œil. L’ancienne boxeuse replongea ensuite sous l’eau pour lui attraper la jambe et l’attirer vers le fond jusqu’à ce qu’il coule entièrement avec elle. Again, elle ne voulait pas se prendre la tête après ce moment. Ils continuèrent de se taquiner dans l’eau, un instant qui avait permis à Ethan d’oublier sa douleur, du moins Adria l’espérait-elle pour lui. Les deux amis sortirent finalement de l’eau pour se sécher au soleil. La jeune femme enfila à nouveau ses vêtements et proposa de le raccompagner à pieds jusqu’à l’hôpital où Ethan avait laissé ses affaires avant de partir courir. La jolie brune pourrait ensuite revenir chez elle en bus ou en courant selon sa forme le moment venu. Son geste n’avait néanmoins pas été anodin mais avait-il vraiment changé définitivement quelque chose entre eux ? À voir lors d’une de leur prochaine rencontre.