Sujet: nasty women unite •• beth&leah Ven 27 Jan 2017 - 22:46
« Oh. Mon. Dieu. » articula-t-elle en pointant droit devant. Une foule monstre était agglutinée un peu plus loin en plein milieu d’un carrefour habituellement embouteillé par les voitures. Leah avait l’habitude de venir à Los Angeles. En ayant grandi à Orange County, c’était la plus grande ville la plus proche. Elle y venait depuis toujours pour faire du shopping, profiter de la vie nocturne, tester les nouveaux restaurants en vogue, et aussi bien sûr pour y travailler. Elle connaissait bien le CBD même si elle n’en était pas particulièrement fan. Elle avait toujours trouvé le centre de Los Angeles plutôt moche et sans intérêt particulier contrairement à New York par exemple. Il fallait s’éloigner de la cohue de la ville et grimper sur les collines avoisinantes pour véritablement apprécier l’air frais et la vue à couper le souffle. Elle aimait particulièrement les randonnées jusqu’au Griffith observatory ou jusqu’à l’emblématique Hollywood sign. Ceci étant dit, si Leah était aujourd’hui à Los Angeles cela n’avait rien d’une visite touristique. Elle était venue pour prendre part à un mouvement qui lui tenait fortement à coeur. Vêtue d’une veste en jean couverte de plusieurs badges « This is what a feminist looks like » et sur laquelle elle avait elle-même peint à la peinture blanche « Nasty woman » dans le dos, elle tenait fièrement une pancarte dans ses mains. Dessus, on pouvait lire d’un côté, en lettres majuscules et couvertes de paillettes « My pussy, my rules. », tandis que l’autre face était placardée de différents hashtags: « #BlackLivesMatter + #LoveTrumpsHate + #PussyGrabsBack + #BetterTogether + #MakeAmericaGayAgain ». La foule qui s’étalait devant elle n’était pas non plus en reste niveau slogans, et Leah ne put retenir un petit cri d’excitation. Elle était tellement motivée pour cette journée et plus encore car elle avait à ses côtés la personne parfaite pour crier, rire et pleurer avec elle. « Beth, c’est la meilleure idée qu’on n’ait jamais eue! » Elle attrapa le bras de son amie, tentant tant bien que mal de contenir sa joie de voir autant de monde dans la rue pour protester contre Trump, pour le droit des femmes et des communautés stigmatisées, et même au-delà pour le droit de tous les êtres humains à vivre dignement et être traité de manière équitable et juste. Leah sentait un feu s’allumer et brûler en elle à chaque pas qu’elle faisait et qui la rapprochait des autres manifestants. Elle n’avait jamais rien vu de tel dans les rues de LA, ni nulle part ailleurs. Du moins, elle ne l’avait jamais vu de ses propres yeux et elle n’y avait encore moins jamais participé. À l’époque de l’université elle avait bien pris part à quelques manifestations, mais jamais rien d’aussi énorme.
L’idée de se rendre à la women’s march lui était venue quelques jours plus tôt. Elle était assise dans son salon, les yeux rivés sur la télévision, à se demander comment son pays en était arrivé là. Quelques mois plus tôt, le huit novembre très exactement, elle s’était retrouvée au même endroit à pleurer comme une enfant, alternant entre colère et incompréhension. Ces sentiments ne l’avaient pas quitté depuis et les protestations prévues à travers le pays au lendemain de l’investiture du quarante cinquième président des États-Unis semblaient être l’occasion rêvée de tout laisser sortir et d’enfin exprimer sa déception et son mécontentement. Ainsi, après avoir entendu un journaliste en parler, elle s’était empressée d’attraper son téléphone pour appeler Beth Wilkerson. Cette dernière s’était imposée comme une évidence pour accompagner Leah. Après tout, elle était elle-même impliquée dans la vie politique d’Huntington Beach et avait failli devenir la nouvelle maire de la ville. Leah avait évidemment voté pour elle à l’époque. Elle la connaissait depuis des années, ayant toutes deux grandies ici et étant allées dans les mêmes écoles. Elle savait qu’ensemble, elles s’amuseraient forcément. Et puis elles avaient autant besoin de distraction l’une que l’autre. Il ne leur avait donc pas fallu beaucoup de temps pour se convaincre à rejoindre des centaines de milliers d’autres personnes aussi en colère et inquiètes pour leur avenir et leurs droits. Elles avaient passé la semaine précédente à boire des verres de vin autour de pots de paillettes et de crayon de coloriage. Ç’avait été si fun à préparer ensemble qu’une toute petite part de Leah était un peu triste de se dire qu’après la marche d’aujourd’hui, ce serait fini.
« Je savais qu’il y aurait du monde, mais… wow! » s’exclama-t-elle. Elle était impressionnée, ce n’était pas peu dire. Elle passa son bras autour de celui de Beth. « Évitons de se perdre, ok? » Elle ria. Cela risquait d’être compliqué, mais au pire des cas elles pourraient toujours se repérer grâce à leurs pancartes. « T’es prête à réduire en miettes tous les connards-misogynes-homophobes-xénophobes-j’en-passe-et-des-meilleurs? » demanda-t-elle d’une seule traite avant de faire signe de mettre son index dans sa gorge et de vomir. « Parce que moi, je suis archi prête. I’m a woman hear me roar! » cria-t-elle. Pour son plus grand plaisir, des inconnues qui marchaient derrière se mirent à rugir au même moment.
Invité
Invité
Sujet: Re: nasty women unite •• beth&leah Sam 28 Jan 2017 - 22:24
❝ Nasty women unite. ❞
Beth Wilkerson & Leah Stewart
Beth avait eu beaucoup de mal à y croire. Comme un coup de grâce qu'on lui avait porté pour mieux l'achever, l'annonce de la victoire de Donald Trump l'avait laissée médusée devant son écran. Elle n'avait jamais exclu cette possibilité, et malgré tout son engagement dans la campagne de madame Clinton, elle s'était parée à cette éventualité dès le début. Pourtant, le choc était immense. Ses bras étaient retombés sur son canapé et elle était restée immobile de bien trop longues minutes. Il lui avait fallu un moment avant de réellement comprendre ce que son pays avait décidé. Et puis, elle avait pleuré. Elle avait pleuré toutes les larmes de son corps, parce qu'il lui semblait que tout son boulot, tout ce pour quoi elle s'était battue jusque-là, venait de s'effondrer en quelques heures à peine. Il suffisait d'un homme à peine pour remettre en cause des droits fondamentaux acquis à force de hargne. En mettant cet homme à la tête du pays, ils venaient sciemment d'accepter un retour en arrière de plusieurs décennies. Qu'est-ce que penserait Rosa Parks à ce moment précis ? Malgré elle, elle avait aussi pensé à Daniel, à cette nouvelle qui venait entraver le besoin qu'il avait de vivre pleinement sa nouvelle vie. Et comme lui, des milliers de personnes venaient de se voir assommés de convictions qui n'étaient pas les leurs. Comme lui, des milliers de personnes venaient d'être jugées, sinon inexistantes et humaines, au moins indignes d'intérêt.
Les semaines avaient défilé, dernières semaines durant lesquelles Beth avait regardé leur quarante-quatrième président essayer de sécuriser son travail comme il le pouvait. Mais c'était trop tard, avait-elle pensé à chaque instant. C'était trop tard, parce que celui qui le succédait était un suprématiste blanc, sexiste, misogyne, raciste, fasciste, menteur. Il la dégoûtait comme personne ne l'avait jamais dégoûtée auparavant. Il était la personnification même de tout ce contre quoi elle voulait se battre. Elle n'avait même pas réussi à regarder son investiture; voir les Obama contraints de lui laisser leur place au couple le plus antipathique du pays était au-dessus de ses forces. Il fallait répliquer, et elle allait répliquer. Elle avait activement participé à l'organisation de la women's march de Los Angeles et, à l'appel de Leah, s'était retrouvée les larmes aux yeux, convaincue pour la première fois depuis l'élection du monsieur orange qu'ils avaient, tous et toutes, la force de vaincre ce nouveau despote. Qui de mieux que son alliée Leah pour l'accompagner dans ce moment symbolique ? Elles s'étaient préparées ensemble du début jusqu'à ce moment précis, et il n'y avait probablement pas associée pour adaptée que Leah pour l'accompagner dans ce qu'elle espérait être un mouvement historique.
Elle ne s'était pourtant pas attendu à une telle foule. Elles avaient peiné à se garer en arrivant et avaient du prendre des transports en commun pour rejoindre la marche. Beth était aussi accoutrée que toutes ces femmes et tous ces hommes qui l'entouraient, y compris Leah. Elle portait un tshirt qui scandait "nasty woman" sous sa veste de cuir, brandissait une pancarte au très glorieux slogan "i've seen better cabinets at ikea", et sur son visage étaient peinturlurés des moustaches et un museau de chat. « Beth, c’est la meilleure idée qu’on n’ait jamais eue! » s'exclama la brune à ses côtés alors qu'elle se mettait sur la pointe des pieds pour essayer de visualiser jusqu'où s'étendait la marche. Mais Leah avait raison, il n'y avait pas d'autres termes pour décrire le paysage que ceux que son amie avait utilisés. « Je sais pas, tu te souviens quand on a essayé ce nouvel italien le mois dernier ? » la taquina-t-elle en lui donnant un coup de coude plus ou moins volontaire. La foule était tellement dense qu'elles perdaient de leur liberté de mouvement, mais Beth ne s'en émouvait pas un seul instant. Elle s'accrocha à Leah comme celle-ci s'accrochait à elle. Elles ne pourraient peut-être pas compter sur le réseau téléphonique pour se retrouver, alors autant qu'elles ne se perdent pas. Elle reconnaissait à peine la ville, elle qui y avait pourtant passé ses huit années d'études et y retournait plus que régulièrement, pour affaires mais aussi pour le plaisir. « Tu crois que ça servira à quelque chose ? » demanda Beth alors que la marche avançait progressivement. « Au pire, on se retrouve à la voiture. T'as retenu l'arrêt de métro ? » Elles étaient venues ensemble et Beth ne comptait pas repartir sans son amie. Elles n'avaient finalement aucune idée de la façon dont les choses pourraient se dérouler. Pour l'instant, tout semblait plus que bien se passer et la Californie n'était pas un état reconnu pour l'admiration qu'il pouvait porter à son nouveau président, mais savait-on jamais... Elle se retourna vers deux filles de leur âge qui rugirent en écho à la question de Leah, et son sourire éclata, plus déterminé que jamais. « Vas-y, montre comment tu rugis, toi ? » demanda-t-elle à son amie, taquine, avant de tendre ses doigts et ses ongles acérés vers elle et de miauler comme un chat effarouché.
La foule continuait doucement de progresser. Les slogans étaient hurlés par dizaines autour d'elles, et le regard de Beth se posa sur quelques médias ici et là qui couvraient l'événement. Des groupes se formaient autour d'elles, des conversations se lançaient. Elle n'arrivait pas à totalement s'ôter de l'esprit cet avortement, et tout ce qui aurait pu être différent si Trump avait été en tête du pays à ce moment-là. Elle n'en avait encore jamais parlé à Leah, mais il était peut-être temps d'assumer ces choses-là. Il était même grand temps pour elle d'ouvrir sa gueule. Elle serra un pu plus le bras de son amie contre elle et se lança. « Si l'avortement avait pas été légal, j'aurais risqué ma vie l'année dernière » lâcha-t-elle d'une voix forte et assurée, ne pouvait s'empêcher malgré tout de fermer les yeux, craignant malgré elle la réaction de son amie. Au lieu de cela, elle sentit une main se poser à l'arrière de son épaule. Elle ouvrit les yeux et se retourna, surprise. L'une des deux rugisseuses l'avait entendue, et, à cet instant précis, Beth réalisa qu'ici et maintenant, elles n'étaient toutes qu'une entité qui se battait pour ses droits fondamentaux. Les droits des femmes et de toutes les communautés qui, aux yeux de leur nouveau président, ne méritaient pas grand chose d'autre que sa haine. « On va se battre », lâcha la jolie rousse. « On mord, on griffe et on est enragées. »
Invité
Invité
Sujet: Re: nasty women unite •• beth&leah Lun 30 Jan 2017 - 23:29
Leah avait parfaitement conscience d’être parmi les gens les plus privilégiés des États-Unis. Non seulement elle avait toujours connu la sécurité financière grâce à ses parents, mais en plus elle était blanche, hétérosexuelle, et pas vraiment pratiquante d’une quelconque religion, bien qu’elle célèbre la plupart des fêtes chrétiennes. En plus de cela, elle avait passé la majorité de sa vie dans les beaux quartiers d’Orange County, elle n’avait jamais été confrontée de près ou de loin à de quelconques discriminations, mais elle était aussi parfaitement conscience que cela existait et elle refusait fermement de prendre part à ce qui était en train de se passer dans son pays depuis l’élection de Novembre. Par ailleurs, si elle n’était pas personnellement marginalisée au sein de la société américaine, elle était tout de même touchée par les propos du nouveau président. Elle avait été profondément choquée de l’entendre s’exprimer sur l’avortement, et encore plus lorsque des enregistrements audio ayant leaké révélaient le peu d’estime qu’il avait pour la gent féminine. On l’entendait affirmer pouvoir faire tout ce qu’il voulait aux femmes sous prétexte qu’il était célèbre. Comment un monstre pareil avait-il pu être élu au poste le plus important? Elle n’en revenait toujours pas. Elle voyait cette marche aux côtés de millions d’inconnus à travers les États-Unis et même du monde entier comme un message d’espoir. Elle était fière d’y participer et bien qu’elle venait tout juste d’arriver, elle se sentait déjà envahir par une onde d’amour et de girl power. Elle n’en démordait pas, c’était la meilleure idée de tous les temps! « Pas faux, l’italien du mois dernier était pas mal non plus mais ça… Ça! » Elle faisait de grands gestes pour désigner la foule tout autour qui s’étendait à perte de vue et qui semblait ne jamais finir. « Je n’ai jamais rien vu de tel… C’est… C’est… » C’était si incroyable « C’est Exaltant! Et vibrant. Et … habilitant. » Elle affichait un air concentré, cherchant à tout prix à mettre les bons mots sur ce qu’elle ressentait sans y parvenir réellement. « Enfin bref, tu m’as comprise. » Elle agita sa pancarte en l’air, motivée comme jamais à faire entendre sa voix. Bien qu’elle soit loin d’être désintéressée par la politique, Leah n’était pas particulièrement engagée de manière générale. Pas autant que Beth en tout cas. Elle-même n’aurait jamais été capable de se présenter aux élections municipales. Certes, elle avait des opinions et des idées sur énormément de sujets, qu’ils soient économiques, écologiques ou sociales, mais elle était bien incapable d’aller devant tout le monde pour en parler. Rien que l’idée de participer à un débat public rediffusé en direct à la télévision lui donnait la nausée. Si elle avait été à la place de Beth, elle aurait vomi en live avant même d’avoir pu articuler un seul mot. Elle en était persuadée.
« Franchement, je ne sais pas. Mais si on peut éviter de se perdre ça m’arrangerait. » Elle connaissait bien la ville, mais se trouver toute seule au milieu de cette foule l’angoissait un peu trop pour être sereine à l’idée de retrouver le chemin jusqu’à la voiture sans Beth à ses côtés. Lorsque cette dernière lui demanda si elle se souvenait de l’arrêt de métro, Leah grimaça avant d’hausser les épaules. « Non. Mais je sais comment me rendre à la boutique des soeurs Kardashian depuis cette rue. » Le rapport? Aucun. D’ailleurs cela ne lui serait sans doute pas très utile dans la situation actuelle. Elle décida que s’accrocher fermement à Beth restait la seule valeur sûre et visiblement elles étaient toutes les deux d’accord puisque l’autre jeune femme s’accrochait tout autant à elle. Elles continuaient de marcher, se rapprochant de plus en plus de la masse quasi immobile qui se tenait quelques mètres devant. Il y avait tellement de monde que continuer de marcher s’avérait plus compliqué que prévu. Si seulement les rues de Los Angeles étaient un peu plus larges, genre, deux ou trois fois plus larges. Mais peu importe, au final l’important était d’être présent, et si elles ne pouvaient pas utiliser leurs jambes, elles pourraient toujours utiliser leurs cordes vocale. Leah ne s’était d’ailleurs pas faite prier pour commencer à jouer de la voix et elle était plus que ravie d’avoir eu son petit succès avec les rugissements qui étaient survenus derrière elle. Elle se tourna vers Beth, et lança un « Graouuuuuuuuu » menaçant, du moins c’était l’intention voulue.
L’effervescence du mouvement qui s’élevait tout autour d’elles était si palpable qu’il était difficile de ne pas se laisser emporter par les cris et les chants scandés à travers la foule. Leah ne savait plus où donner de la tête. Elle laissait échapper quelques rires et pouffements en lisant certains panneaux ou en voyant l’accoutrement de certaines personnes. Elle pensait avoir fait un bel effort avec Beth, mais d’autres femmes étaient allées encore plus loin. Elle était comme une enfant à Disneyland, incapable de se concentrer sur un point à la fois, ses yeux se baladaient partout. Elle voulait tout voir, tout entendre, ne pas louper une seule miette de cette journée historique. La phrase qui sortit ensuite de la bouche de Beth la ramena pourtant dans l’instant présent. Son visage se tourna instinctivement vers son amie et malgré la surprise, elle ne laissa rien paraître. Elle passa sa main sur celle de Beth, la serra un peu plus fort encore, et lui offrit un léger sourire plein de compassion et de compréhension. « Ton corps, ton choix. » Elle lui fit un petit clin d’oeil complice, tandis que les filles qui avaient rejoint ses rugissements un peu plus tôt prirent part à la conversation pour encourager et soutenir Beth. Leah hocha la tête en les écoutant parler. Oui, elles allaient se battre et pas qu’un peu! Si c’était ce que Trump voulait, il n’avait qu’à bien se tenir. « Tu sais, je ne te le dis pas assez souvent mais je t’admire beaucoup. Et maintenant encore plus. » Beth était loin d’avoir eu la vie facile ces derniers mois, tout comme Leah d’ailleurs, mais elle faisait preuve de beaucoup de force et de persévérance dans la vie et c’était tout à son honneur.
Invité
Invité
Sujet: Re: nasty women unite •• beth&leah Mer 1 Fév 2017 - 23:28
❝ Nasty women unite. ❞
Beth Wilkerson & Leah Stewart
Beth ne s'était probablement jamais autant rendu compte de la chance d'être américaine avant que leur nouveau président ne mette en doute tout ce sur quoi leur pays reposait. Perdue sur son canapé, bouche bée devant le discours de victoire du president elect, Beth avait pensé au New Collossus d'Emma Lazarus, à ces quelques mots qu'un seul homme s'apprêtait à ternir par sa haine des autres et sa haine du monde. Give me your tired, your poor, your huddled masses yearning to breathe free, the wretched refuse of your teeming shore. Send these, the homeless, tempest-tost to me, I lift my lamp beside the golden door ! Mais New York ne représenterait plus ce port d'espoir et ce rêve américain. Avec un président pareil à leur tête, les américains n'auraient d'autre choix que de voir leur pays disparaître dans ces mensonges et cette stupidité pour lesquels une minorité d'entre eux avait voté. C'était ça, le collège électoral. Il fallait se plier au choix d'une minorité parce que cette minorité était gagnante, parce que cette minorité avait réussi à se jouer des chiffres. Trois millions de votes n'avaient pas été suffisants pour sauver leur pays.
Et ce n'était plus que leur pays qui devait être sauvé, c'était chacun d'eux. Il n'y avait qu'une catégorie de personnes qui profiterait de ce nouvel ordre des choses : ces hommes hauts placés, milliardaires, blancs, qui ne connaissaient en aucun cas la définition de l'intégrité. Ceux-là se frottaient déjà les mains. Tous les autres étaient dans la rue. Beth n'arrivait toujours pas à concevoir comment un tel basculement dans la politique de son pays pouvait avoir lieu. Il ne s'agissait plus de quelques défavorisés; à présent, sous le règne de celui qui se proclamait roi, tout le monde serait défavorisé. Les Américains mais aussi tous les étrangers, tous ceux qui n'avaient pas la bonne couleur, la bonne religion ou la bonne nationalité. Beth se demandait régulièrement et non sans quelques frissons comment il avait pu trouver une femme qui pouvait vouloir de lui -et pire, même, comment il avait pu en trouver trois. Elle se demandait comment une femme pouvait se laisser regarder de la manière dont il regardait tous ceux qui l'entouraient, et plus encore de la manière dont il regardait les femmes. Le simple fait de penser à lui était probablement le contraceptif le plus efficace la concernant. Elle n'était pas de ceux qui jugeaient les gens à leur physique, mais le sien représentait tout ce qu'il était à l'intérieur. Son regard n'était que haine et dédain. Ses mimiques, oh, ses mimiques... même lors de son investiture, Beth avait lu le dégoût sur son visage. Elle avait lu ses pensées, décrypté ce regard et ces lèvres retroussées. Il n'avait qu'une hâte, c'était de reprendre le pays en main, de le sauver de tout ce que cet abominable homme qu'était Obama avait osé lui faire. Et peu importe le nom que l'on avait pu nommer à cette marche, Beth le savait, elle existait au nom de tous, de toutes les communautés qui souffraient de voir un homme pareil les insulter sans que leurs concitoyens ne le jugent non présidentiable. Elle ne voulait pas retourner dans un passé qu'elle pensait révolu. Elle ne voulait pas que Faith connaisse un monde auquel elle avait échappé jusque-là. Ce qui avait été le passé menaçait à présent d'être l'avenir...
Et Leah avait les mots. Ce n'était plus de l'enthousiasme, c'était presque de la fascination. Beth se demanda un instant l'allure qu'avait la marche de Washington. Elle se demandait si Trump la nierait, elle aussi, s'il ne trouverait même pas l'occasion là d'en retirer un quelconque avantage. Prendrait-il au moins le temps de regarder cette foule qui était là pour hurler contre lui, contre ses idées et tout ce que son improbable choucroute orange représentait ? « Je t'ai comprise » approuva-t-elle avec un hochement de tête et non sans continuer d'observer toute la foule alentour. Cette image lui redonnait foi en l'humanité, car tous ces hommes et toutes ces femmes croyaient en elle, en cette fragile humanité menacée par les petites mains d'un homme en colère contre le monde. Et avant de se perdre complètement dans cette foule et dans leur engagement, il y avait quelques points à aborder. Une organisation à mettre en place. Ne pas se perdre serait mieux, mais rien n'était totalement prévisible -et ça faisait peut-être aussi partie du charme du moment. Tout le monde ici était réuni pour défendre les mêmes causes et les mêmes idées. Même si elles se perdaient, tout irait bien. Elles n'avaient qu'à trouver un point de ralliement et tout irait bien. Elle lui serra fermement le bras pour être sûre qu'elle écoutait ce qu'elle lui racontait. « Je... moi je sais pas pour la boutique Kardashian » confessa-t-elle, un peu gênée, avant d'ajouter : « Si on se perd avant la fin de la marche et dès qu'on le remarque, on tend nos panneaux en l'air. On se reconnaîtra de loin, et au pire, on continue chacune de notre côté. Et si on se perd à la fin, on se retrouve à l'arrêt de métro où on s'est garées, ok ? » Elle marqua une pause et, d'une voix déterminée et avec un sourire en coin, ajouta : « Mais on se perdra pas. On est trop fermement accrochées l'une à l'autre. » Elle serra sa prise autour du bras de son amie. « Comme une moule à son rocher. Ou une femme à sa cuisine, je suppose », dit-elle en roulant des yeux, non sans arriver à sourire de la situation. Elle éclata de rire au grognement de Leah. « Je crois qu'on a de quoi lui faire peur, t'inquiète », s'amusa-t-elle alors que la marche progressait à son rythme, à savoir... au pas. Au petit pas.
Et Beth, alors, avait su que c'était le moment. Elle ne l'avait jamais ressenti de cette façon, elle qui avait, depuis plus d'un an maintenant, préféré laisser les faits au passé et cacher cet épisode même à ses amis les plus proches. L'avortement avait été fluide médicalement parlant, mais terrorisant, presque paralysant, pour la trentenaire. Elle n'avait souhaité la présence de personne à ses côtés; c'était plus simple comme ça, et puis elle n'était probablement pas prête à assumer un tel acte à l'époque. Ou un tel échec, plutôt... Car Beth avait toujours été pour ce droit. Mais en profiter soi-même était une chose bien différente. Il ne s'agissait pas d'une vie comme le déclaraient les plus fervents opposants à l'avortement. Il s'agissait d'une vie en devenir, de quelques cellules dont on arrêtait subitement la division et la segmentation. Elle se demandait parfois si ces personnes qui se battaient contre l'avortement étaient également contre les interventions chirurgicales qui servaient à extraire des tumeurs cancéreuses, car celles-ci n'avaient finalement rien de plus ou de moins que ces tas de cellules dont on débarrassait des femmes qui n'étaient pas prêtes à être mères. Alors oui, à ce moment précis, entourée de telles personnes et d'une telle haine de combattre, de se battre pour ses idées et de vaincre à leurs côtés, Beth avait su que c'était le moment de partager cette part de sa vie qu'elle avait cachée pendant plus d'une année maintenant. Elle avait fermé les yeux cependant, comme s'il lui paraissait trop difficile à la fois de s'exprimer les choses et de recevoir les réactions d'un monde extérieur qui l'effrayait encore un peu trop. Elle ouvrit les paupières brusquement en sentant la main de Leah serrer la sienne. Elle lisait sur son visage tout ce qu'elle ne disait pas, et elle était prête à lui sauter dans les bras en pleurs. « Ton corps, ton choix » , lâcha la brunette à sa gauche. Elle se retourna en entendant leurs voisines de derrière les rejoindre. Il lui semblait soudainement que la vie était bien plus facile. Il lui semblait qu'elle venait de se libérer d'un poids énorme. Elle n'avait jamais eu l'approbation de personne... elle avait été sûre de cette décision dès le moment où Daniel lui avait annoncé son propre secret. Mais il y avait toujours en elle cette idée qui traînait, celle qu'elle avait eu un petit être en devenir dans son ventre, et que si elle avait attendu quelques mois de plus, il aurait été là, à ses côtés, et que sa vie aurait été bien différente de celle qu'elle avait maintenant. C'était étrange, comme sensation, de se savoir convaincu dans l'une des plus grandes décisions que l'on avait pu prendre dans sa vie, mais de toujours sentir une part de soit accrochée à ce moment crucial où le choix s'était fait. « Tu sais, je ne te le dis pas assez souvent mais je t’admire beaucoup. Et maintenant encore plus. » Beth hoqueta, les larmes aux yeux, et se jeta dans les bras de Leah, non sans provoquer quelques piétinements derrière elles. Elle sentit la rousse lui taper à nouveau sur l'épaule et lui jeta un coup d'oeil empli de reconnaissance. « C'est vous qui devriez gouverner le pays, putain ! » De la bienveillance comme ça, ils en avaient tous bien besoin, probablement même encore plus maintenant que leur nouveau président était... leur nouveau président. Elle se détacha doucement de son amie, non sans rester accrochée à son bras, et lui glissa en versant une petite larme : « Je t'admire aussi. J'aimerais avoir ta force et ta détermination. Merci Leah... » Leah représentait tellement pour Beth; elle l'admirait pour tout ce qui la faisait avancer, pour tout ce qui faisait d'elle la femme battante qu'elle était. Elle passa tendrement sa main sur la joue de la brune et éclata de rire en se retournant vers leurs deux nouvelles amies. « Le secret est rendu public ! » décompressa-t-elle alors qu'elles reprenaient leur marche. « Je suis désolée de pas t'en voir parlé plus tôt, tu sais, avec Daniel qui est parti... enfin, ça a pas été facile. » Elle serra un peu plus fort la main de son amie. « Je suis contente que tu sois là. Je veux dire, aujourd'hui et ici et avec tout le monde ici, mais aussi... que tu sois dans ma vie. »
Invité
Invité
Sujet: Re: nasty women unite •• beth&leah Lun 6 Fév 2017 - 15:55
Leah avait parfois l’impression d’être seule au monde, d’être la première et la dernière à jamais éprouver tel ou tel sentiment, d’être incomprise ou incompréhensible, elle ne savait pas très bien. Mais dans les moments comme celui-ci, elle se rendait compte qu’elle était loin d’être seule et que sur les milliards d’hommes et de femmes peuplant la planète, il y aurait toujours au moins quelques personnes pour ressentir la même chose qu’elle. Aujourd’hui cela concernait la politique, mais demain elle pourrait repenser à cette foule et trouver du réconfort en se rappelant que peu importe ce dont il s’agit, il y aurait forcément quelqu’un d’autre sur Terre en train de traverser la même chose qu’elle ou au moins quelque chose de similaire. Ceci étant dit, oublier ses propres problèmes le temps d’une journée pour se concentrer sur les problèmes du pays tout entier ne pouvait lui faire que du bien. Plus que tout, cela lui donnait de l’espoir et du courage. Elle en avait cruellement besoin. Il n’y avait pas grand chose capable d’arriver à la cheville d’un tel rassemblement, et ce qu’elle ressentait au milieu de la foule était quelque peu indescriptible. Heureusement, ce sentiment semblait être partagé par la plupart des personnes présentes autour d’elle, Beth comprise. Leah n’avait pas besoin de trouver les mots parfaits, de toute façon dans les moments comme celui-ci ce n’était plus tellement les mots qui étaient les plus importants. Il y a des choses que l’on ne peut pas décrire, non pas parce que le vocabulaire nous manque, mais tout simplement car elles ne s’expliquent pas mais se ressentent. Cette marche entrait dans cette catégorie haut la main selon elle. Il s’agissait pour Leah d’un de ces grands moments dont on se souvient toute une vie. Elle le savait au plus profond de son être qu’elle n’oublierait jamais cette journée.
Beth et Leah s’étaient bien préparées pour la marche, elles avaient quasiment pensé à tout sauf à ce petit détail qui était de ne pas se perdre. Heureusement qu’elle avait renoncé à amener Mason avec elles, bien qu’il y ait des enfants présents, elle n’aurait pas été sereine à l’idée d’avoir son fils à ses côtés au milieu de tant de personnes. C’était un peu comme être une petite fourmi au milieu d’une fourmilière. « Non, moi non plus je ne sais pas où est le magasin des Kardashian. C’était une blague. » Elle fit un grand sourire à Beth tout en se mordillant les lèvres pour s’empêcher de rire. Elle savait parfaitement où se trouvait ce magasin puisqu’elle y avait passé de nombreuses heures en espérant un jour croiser l’une des célèbres soeurs. Une fois, elle avait bien aperçu Khloé Kardashian sortir de sa Range Rover, mais elle était entourée par tant de paparazzi que tout ce qu’elle avait vraiment pu voir était l’arrière de sa tête. Plus récemment, elle avait croisé North West et sa babysitter sur l’aire de jeux d’un parc de Los Angeles alors qu’elle essayait de profiter du soleil et d’un peu de temps libre avec Mason. Honnêtement, elle avait été starstruck devant la gamine, mais elle ne comptait pas l’avouer à qui que ce soit! Quoi qu’il en soit, l’idée de Beth pour se retrouver semblait correcte et Leah hocha la tête de manière entendue. Elle cependant haussa les sourcils en entendant Beth mentionner la moule et son rocher. « Qui est la moule? Qui est le rocher? » Elle lui donna un petit coup de coude taquin avant de pointer un panneau un peu plus loin devant elles. « Regarde-moi cette oeuvre d’art! » Quelqu’un s’était amusé à peindre Donald Trump mais en prenant quelques libertés. À cet instant, elle regrettait de ne pas être douée pour le dessin. Elle aussi aurait bien voulu s’amuser à refaire le portrait du quarante cinquième président.
L’atmosphère plutôt légère ne dura pas beaucoup plus longtemps. Avec sa confession Beth avait rappelé à Leah le but premier de leur présence dans le centre-ville de Los Angeles. C’était la première fois qu’elle entendait parler de cette histoire, et elle comprenait que son amie ait voulu garder cela pour elle. Elle espérait simplement que traverser cette épreuve toute seule n’avait pas été trop éprouvant. Dans ce genre de situation, il était hors de question de juger. De toute façon, elle était elle-même assez mal placer pour porter un jugement sur les choix de qui que ce soit. Après tout, lorsqu’elle était tombée enceinte elle avait passé des mois et des mois à ne pas savoir qui de Noah ou d’Ethan était le père de son enfant. Ethan qui était, soit dit en passant, l’amant de sa soeur. Noah avait mis enceinte Neela Meyers en parallèle. À l’époque, Leah aurait eu toutes les raisons de faire le même choix que Beth, surtout qu’elle avait traversé autre chose au même moment qui l’avait rendu d’autant plus fragile. Elle aussi, elle gardait encore quelques secrets… Mais elle avait gardé son bébé malgré toutes les rumeurs qui avaient pu courir sur elle, malgré les regards et les messes basses. Elle avait fait ce choix pour elle-même et pour son fils, mais elle ne pouvait certainement pas reprocher à d’autres femmes de choisir différemment, peu importe leur situation. Devenir mère était la plus belle chose qui lui était arrivée dans sa vie, mais elle avait pleinement conscience du fait que cela n’était pas fait pour tout le monde, ou simplement que le timing n’était pas toujours idéal. Elle ne pouvait que soutenir Beth dans sa décision. Tout ce qu’elle disait, elle le pensait sincèrement et son amie sembla assez touchée pour se jeter dans ses bras. Ces derniers temps, elle avait oublié à quel point c’était bon d’avoir des gens comme Beth dans sa vie. Elle se rendait compte à quel point elle s’était isolée depuis quelques années. Après l’arrivée de Mason, elle avait dit au revoir à son ancienne vie où chaque soir était une fête, et où ses journées se déroulaient rarement sans la visite de quelques amis ou des excursions spontanées dans ses restaurants et cafés préférés. Sa vie sociale s’était allégée, voire était carrément devenue inexistante en dehors de sa famille et de ses amis les plus proches. Elle avait par ailleurs beaucoup plus de mal à faire confiance aux gens, et elle avait tendance à couper les ponts dès que quelque chose n’allait pas, au moins pour se protéger. Mais elle n’avait pas envie de couper les ponts avec Beth, elle lui faisait confiance et même si elles n’étaient pas toujours l’une avec l’autre, elle savait qu’elle pouvait compter sur elle et vice-versa. Leah baissa la tête en entendant Beth lui retourner son admiration. « Merci, mais tu sais je suis loin d’être aussi forte que j’en ai l’air. » Autrefois elle aurait accepté le compliment sans broncher, elle s’était toujours identifiée comme une femme forte, mais désormais elle n’en était plus très sûre. « Tu n’as pas à t’en excuser. Rien ne t’obligeait à me le dire. Tout le monde a le droit à sa vie privée et à ses secrets. J’imagine que ce n’est pas facile d’en parler, et je ne voudrais pas que tu te sentes obligée de me dire quoi que ce soit. » Elle lui offrit un léger sourire, tout en pensant à ce qu’elle gardait elle-même à l’intérieur depuis des années maintenant. Elle n’était pas encore tout à fait prête à en parler à voix haute. Elle avait peur que se mettre à raconter ce qui lui était arrivé ravive de mauvais souvenirs et que des images lui reviennent. Elle avait mis un temps fou à enfouir tout cela au plus profond d’elle-même, bien caché. Ç’avait été trop de travail pour laisser le passé ressurgir aujourd’hui et risquer de lui faire à nouveau du mal. Leah secoua la tête avec vivacité pour chasser les pensées perturbatrices et se concentrer à nouveau sur Beth. « Je suis sincèrement désolée que ça n’ait pas marché avec Daniel…» Ça lui faisait toujours un peu bizarre d’en parler ou d’entendre Beth prononcer le prénom de son ex-mari. « Je suis contente qu’on soit là toutes les deux. J’espère que tu sais que tu peux vraiment compter sur moi. » Parfois cela faisait vraiment du bien de dire les choses, de parler franchement, et de confirmer ce qui normalement était déjà clair. « Au moins, on peut être misérables à deux, pas vrai? Franchement, que tous les mecs qui nous ont fait du mal aillent se faire voir. On mérite mieux que ça. On mérite tellement mieux que ça. » Sa voix avait repris en fermeté et assurance. Elle s’était redressée et avait à nouveau tendu son bras bien en l’air. La vie était loin d’être tendre et facile, mais il était hors de question de se laisser abattre et encore moins aujourd’hui.
Invité
Invité
Sujet: Re: nasty women unite •• beth&leah Jeu 9 Fév 2017 - 3:37
❝ Nasty women unite. ❞
Beth Wilkerson & Leah Stewart
Il n'y avait, pour Beth, pas de sentiment pire que celui d'être incomprise, d'être seule au monde. Sur son canapé, ce soir de décembre dernier, la brune avait eu l'impression d'être abandonnée de tous, abandonnée d'un système qu'elle avait toujours considéré comme un allié, abandonnée par un peuple qui n'avait plus les mêmes convictions qu'elle, et abandonnée par homme qui promettait de représenter tous les Américains alors qu'il possédait déjà toutes les richesses de leur pays. Cet homme-là était l'incarnation même de tout ce contre quoi elle s'était battue depuis des années, l'incarnation même de ce qui l'avait poussée à préférer le droit à n'importe quelle autre carrière. Elle avait toujours cru que le bien était celui qui triomphait, et que leur pays et le monde était passé par le pire pour s'en vacciner. Elle avait cru que l'Histoire resterait seule témoin des atrocités dont l'Homme était capable, et qu'elle seule suffisait à leur garantir, à tous, un avenir meilleur. Elle avait cru qu'un premier président noir, il était temps pour son pays d'accueillir à sa tête une première présidente. Elle avait cru que le monde allait de l'avant, qu'il apprenait de ses erreurs et en sortait plus fier qu'il ne l'avait été, plus concerné, aussi, mais surtout plus humain que jamais. Toutes ses convictions s'étaient effondrées en quelques heures à peine. Cette Floride qui ne voulait pas donner ses décomptes finaux, cette Pennsylvannie qui ne savait plus où se positionner, les Etats du centre qui tombaient les uns après les autres dans le rouge, et puis cette Californie qui lui avait redonné un peu d'espoir avant que tout soit réduit à néant. La nouvelle était tombée, frappante : le quarante-cinquième président de ce pays qu'elle aimait tant était Donald J. Trump. Celui qui ne se respectait que lui-même, celui qui haïssait cette classe populaire dont il avait obtenu les votes, celui qui ne considérait les femmes bonnes qu'à violer, les homosexuels indignes d'exister et les étrangers inhumains. C'était une page de l'histoire qui s'était tourné brusquement ce soir-là, alors qu'elle s'était retrouvée à pleurer dans son canapé, choquée d'être témoin d'une telle horreur.
Comment pouvait-elle continuer à croire, à se battre pour des choses qui allaient probablement être détruites en un claquement de doigts ? Un retour de plusieurs décennies en arrière se profilait pour eux tous. Tous ceux qui n'étaient pas des hommes blancs hétérosexuels allaient perdre des droits pour lesquels ils s'étaient battus inlassablement, pour lesquels certains d'entre eux avaient péri. Leur nouveau président vouait un culte à la haine qui n'était pas sans rappeler les heures les plus sombres de l'histoire de leur planète. Elle n'avait pas peur pour elle car elle se savait privilégiée; elle avait peur pour ceux qui avaient réellement vu en cet homme le messie qu'il se disait être, elle avait peur pour ceux qui espéraient en prenant le système politique en otage en y glissant un homme pareil, elle avait peur pour ces femmes fortes qui allaient perdre leurs droits, pour ces enfants dont l'éducation ne serait plus prioritaire aux yeux du nouveau chef du monde, pour ce pays qui allait se couper du monde. Leur nouveau président serait probablement du genre à choisir ce que les femmes travaillant à ses côtés devraient porter pour être dignes de son intérêt. Les personnes qu'il allait nommer à ses côtés seraient les pires ordures que ce pays comptait, des milliardaires comme lui qui allaient traiter le pays comme une entreprise et plus comme une démocratie. Elle savait que son pays s'était construit sur une Constitution solide, mais elle craignait subitement qu'elle ne soit pas infaillible. Malgré la stupidité de l'homme aux cheveux jaunes, il finirait pas trouver une faille à ce qui représentait leur protection ultime. Dans quelques dizaines d'années, le créationnisme serait enseigné comme une vérité invérifiable, puisque les sciences n'avaient aucune sorte de légitimité auprès de cet homme qui clamait que le réchauffement climatique était, comme tout le reste, une invention de ceux qu'il considérait comme ses ennemis. Il brouillerait son pays avec tous les autres, de leurs plus proches alliés à leurs alliés les plus éloignés, et le renfermerait plus sur lui-même qu'il ne l'avait jamais été. Voilà les idées qui lui avaient traversé l'esprit le soir de l'élection, et voilà les idées qui lui traversaient l'esprit lorsqu'elle cherchait le sommeil et forçait Daniel à quitter son esprit. Elle ne dormait plus beaucoup, Beth, parce qu'il ne s'agissait plus seulement de son avenir, mais de tout ce en quoi elle croyait, de tout ce qui l'avait fait avancer depuis sa plus tendre jeunesse. Le bien était peut-être voué à perdre, et c'était angoissée qu'elle se retournait des dizaines de fois dans son lit chaque nuit en espérant trouver un sommeil salvateur qui ne venait jamais réellement.
Elle ne s'était jamais attendu à un tel mouvement en retour. Elle avait vu la consternation, pouvait témoigner de l'incompréhension, mais ce n'était qu'ici, à Los Angeles, en ce jour de marche, qu'elle réalisait pleinement l'envergure du mouvement. Et il était impossible qu'à eux tous, ils n'arrivent pas à se faire entendre. Trump était un connard, un débile, et il en viendrait sûrement à nier les faits, mais il ne pouvait pas être aveugle. Tout ce qui se passait à LA n'était qu'une fraction de ce qui se passait dans ce pays qu'il gouvernait aujourd'hui, et ces images finiraient par trouver leur chemin vers sa rétine. En sortant de la bouche de métro, Beth était restée sonnées quelques instants par la foule présente. L'espoir avait retrouvé sa place dans son cœur en une fraction de seconde. Y croire seule était devenu impossible, y croire avec Leah rendait les choses presque palpables, et y croire ici, entourée de tous ceux qui se levaient, les rendaient réelles. Concrètes. Elle lisait la déception sur les visages, la peine, la peur, l'indignation, mais elle pouvait aussi lire l'espoir, la fraternité, la détermination de la révolte. Des slogans se relayaient, se superposaient; des groupes se formaient et se déformaient, discutaient, débattaient, partageaient, se découvraient et se soutenaient. C'était quelque chose d'exceptionnel qui se déroulait sous leurs yeux, et, à ce moment-là, Beth sût que cette date serait indiquée dans les manuels d'histoire quelques années plus tard, en parallèle de celle de l'investiture de leur président. Il n'y avait pas que la peur et l'envie de la fuite; il y avait aussi la tenacité et l'insubordination. C'était l'heure de la guerre entre la nuit et le jour, entre l’abattement et la force, entre l'obscur et la lumière. « Non, moi non plus je ne sais pas où est le magasin des Kardashian. C’était une blague. » La brune esquissa un sourire amusé. Elle connaissait suffisamment son amie pour savoir que... « Ouais, c'est ça. Je sais quelles photos t'aiment sur instagram, hein, je te rappelle... » Elle lui donna un coup de coude et elles se mirent d'accord sur la démarche à suivre si elles se perdaient. Aucune envie de se séparer, mais la probabilité que ça arrive était loin d'être négligeable. Elle plaignait autant qu'elle admirait ceux qui étaient venus ici en famille; le message était important mais la responsabilité énorme. « Tu veux pas le savoir... » glissa-t-elle, taquine, dans un clin d'oeil. Mais elles furent interrompues par une pancarte qui arrivait encore à se démarquer des autres. « A ce stade c'est tellement réaliste que ça pourrait être une photo... » pouffa-t-elle alors qu'un photographe immortalisait la pancarte que Leah avait repérée. Beth, quant à elle, avait relevé sa propre pancarte au-dessus de sa tête. Chacun ses idées créatives, mais tous les mêmes préoccupations et le même objectif. « D'ailleurs j'ai vu une photo hier... en fait je crois même pas que ses cheveux soient jaunes. De près ils ont l'air verts... » Elle grimaça de dégoût, tirant la langue très inélégamment et non sans frissonner qu'à l'idée d'un zoom sur les cheveux du président.
Mais ce moment-là était autant pour l'entité que représentait le pays que pour chacun d'entre eux, Américains indignés. Portée par cette réalité cruelle qui était maintenant la leur et surtout par ces idées qu'ils défendaient, tous, ici, Beth lâcha sa propre vérité, celle qui n'avait cessé de la tourmenter depuis un an déjà. Elle n'avait pas su, à ce moment-là, ce qu'elle attendait précisément de Leah. Elle savait qu'elle aurait son soutien, mais sa réaction dépassa toutes ses espérances. Un peu plus et elle lui aurait pleuré dans les bras, mais elle se contenta de la serrer contre elle pour lui exprimer tout ce que les mots n'arriveraient pas à dire. « Je te crois pas. On a tous nos faiblesses, mais la force se repère à des kilomètres à la ronde. Elles s'excluent pas mutuellement, tu sais... » Car oui, Beth en était convaincue : Leah était l'une des femmes les plus fortes qu'elle connaissait. Elle était fière, d'ailleurs, de pouvoir la compter par ses amies, parce qu'elle représentait à ses yeux l'image même de la femme indépendante et déterminée, qui savait se battre pour elle, ceux qu'elle aimait et ceux qu'elle ne connaissait pas. Ce n'était pas pour rien qu'elle avait rejoint son association : Leah était une femme généreuse qui ne comptait pas son temps mais bien changer la donne. « Je te l'ai dit parce que c'était le moment parfait pour le faire... et que tu es la personne parfaite pour l'entendre. » Cette information était restée tue bien trop longtemps, comme si elle avait craint que de mettre des mots, enfin, sur ce qu'elle avait vécu et abandonné le rendre encore plus réel. Mais les faits étaient là et le temps avait passé. Rien ne lui ramènerait Daniel et rien ne changerait ce qui s'était passé. Ce qui s'était passé était fini, et rien ne pourrait l'aggraver. Il n'y avait aujourd'hui plus qu'à accepter cette page de sa vie comme une réalité, aussi douloureuse soit-elle. « Merci... » dit-elle tristement, le regard se perdant un instant dans le vague. « Je suis désolée que ça ait pas marché avec Noah. » Elle haussa les épaules, soudainement regonflée à bloc par les paroles de la brunette à ses côtés. Le photographe qui s'était occupé de l'affiche un peu plus tôt arrivait à leur gauche. « Après tout, on est féministes et on brûle nos culottes, normal qu'on arrive pas à garder un homme à nos côtés », gloussa-t-elle alors que Leah venait de lui donner l'idée du siècle. Pas foutues de garder des hommes, alors... Elle lâcha sa pancarte de sa main gauche pour ne la porter à bout que de son bras droit. « EH ! LE PHOTOGRAPHE ! » hurla-t-elle pour attirer l'attention de ce dernier, qui venait de s'occuper d'une autre pancarte bien gratinée. Elle glissa sa main derrière la nuque de Leah et souffla un « nasty women unite, right ? » avant de poser ses lèvres sur celles de son amie. C'était de ces images-là dont le monde avait besoin.
Spoiler:
Tu me dis si c'est too much, l'idée m'a prise subitement comme une envie de sushis saumon (miam miam j'ai envie maintenant) ou une bonne chiasse (oui c'est moins glamour), du coup si ça te convient pas dis moi et j'éditerai sans soucis, mais j'imaginais -peut-être à tort ?- que ce serait bien leur style de faire passer ce genre de messages :sisi: