NEELA & HEATH

« What the hell is wrong with you? »

Certes. L'accident de Heath avait eu lieu il y a trois longues années de cela. Il était passé par tous les stades (chiants) de l'après: joyeux trips sous morphine, souffrance sur le lit d'hôpital, humiliation suprême du fauteuil roulant, rééducation épique avec nombreux caprices tout du long, et hop! Retour à la vie normale. Mais ce qu'il en retenait surtout, c'est qu'il avait tout à coup compris qu'il n'était pas invulnérable. Son corps avait remarquablement résisté à l'alcool, à la cigarette, à la cocaïne, mais apparemment rentrer dans une voiture était très légèrement au-dessus de ses forces. Depuis, il était très légèrement hypocondriaque. Et les raideurs occasionnelles de sa jambe, même si on l'avait bien prévenu qu'à trente-neuf ans on ne pouvait plus se remettre comme à vingt ans, avaient tendance à le faire paniquer sérieusement.
Dans ces conditions, il filait toujours à la case hôpital. Au début, il allait simplement sonner chez son frère, partiellement pour le plaisir de le surprendre dans des situations cocasses et se moquer copieusement de lui. Puis il avait commencé à se dire que c'était quand même moyennement sympathique, et histoire de ne pas entamer le capital sympathie que Liam avait pour lui il avait renoncé - et il n'aimait pas avoir l'air vulnérable devant lui. Alors voilà, il atterrissait systématiquement dans la salle d'attente de l'hôpital, où il jetait des oeillades charmeuses aux jeunes femmes qui le reconnaissaient et se prélassait en lisant des comics.
Sauf que ce jour là, ce ne fut pas un vieux docteur lambda qui ouvrit la porte, mais une personne dont la vision lui décrocha un large sourire. Hier au soir, il y avait du monde chez Heath Wilde. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de bruit. Et d'alcool. Et de à peu près tout. Tiens, d'ailleurs, c'était peut-être pour ça qu'il avait mal à la jambe. Passons... Sur les coups de deux heures du matin, il avait ouvert la porte à une jeune femme furieuse. Dans un état proche du coma éthylique, il avait cru comprendre qu'elle était sa voisine, qu'elle était moyennement contente du bruit, et qu'elle n'appréciait pas ses tentatives de drague. Et devinez qui était le docteur en face d'elle? Alors quand son visage se décomposa et qu'elle hurla pratiquement au scandale, il éclata de rire, à en oublier la douleur dans sa jambe. Il ricanait encore quand il la suivit dans le cabinet médical, et à sa tentative de regard noir lui donna un coup dans le dos en soulevant: "Le hasard fait magnifiquement bien les choses, non?!"
Habitué des lieux, il alla gaiement s'installer sur la table d'osculation. Il décrocha un grand sourire à la jeune femme, qui pour ne rien gâcher avait été bien dôtée par la nature, envoya sa veste valser. Il lui fit un clin d'oeil alors qu'il amorçait le geste de défaire sa ceinture - chez les Wilde, on perd pas de temps -: "Alors, on s'fout à poil tout de suite ou on attend un peu?" Bon, théoriquement, il était le seul à devoir retirer son pantalon dans cette histoire, et uniquement si la jeune femme jugeait utile d'observer sa jambe - mais y'a pas de mal à tenter sa chance. Même d'une façon très grasse.

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« What the hell is wrong with you? »

Tout au long de sa vie, Heath avait entendu plusieurs fois des remarques plus ou moins acerbes sur son âge mental. Certes, il devait avouer lui-même qu'il lui arrivait (un peu) (souvent) de dépasser les limites. Mais la plupart de ceux qui critiquaient son apparente immaturité n'avaient aucune idée de son attitude avec son jeune frère, de combien il avait dû agir en père avec lui. Cela dit, ce n'était pas comme s'il en avait quelque chose à faire. Au contraire. Il en jouait. C'était une manière comme une autre de tenir le coup. Alors, assis sur la table d'examen, battant des jambes dans le vide comme le dernier des gamins de dix ans, il eut un grand éclat de rire en entendant la jeune femme ronchonner sans aucune discrétion. Ouais, il avait aussi l'habitude des menaces de mort. Mais il était un peu comme un gros chat. Sept vies plus tard, toujours à se frotter aux jambes des gens en se léchant les babines.
Se lécher les babines, il le fit plus ou moins lorsque Neela s'approcha dangereusement de lui. Quoi? Il n'était qu'un homme. Il resta figé avec un air bête, les mains stoppées net dans leur tentative d'agression-sexuelle-ouverture-de-ceinture. Un peu choqué par l'apparent calme de la jeune femme, il scrutait sa tempe pour en voir au moins un petit tressautement de fureur. Non? Vraiment, non? Merde, il était en train de perdre la main. Cependant, elle venait de lui tendre la perche du siècle: une sucette. Il resta une demi seconde la bouche ouverte. C'était limite trop beau pour être vrai. Et puis il se reprit, haussa les sourcils, plaça son regard le plus suggestif, et avec le ton le plus sérieux du monde finit par dire: "Oh, moi, quand on me parle de sucette avec un décolleté plongeant de doctoresse cochonne, tout me va." Et puis il décrocha un sourire. Grand grand grand sourire. Le genre de sourire qui donne vaguement l'impression qu'on a trois paires de dents en trop. Et qui fait un peu peur.
Et en avant la musique. Il reprit avec un air de concentration extrême, le bout de sa langue entre ses dents, sa tentative de défaire sa ceinture. Il y parvint enfin, s'extirpa de son jean, et eut lui-même un air vaguement horrifié à la longue cicatrice qui barrait sa jambe gauche du milieu de sa cuisse au haut de son mollet - salut, la portière de la Ford. Il se composa sa mine la plus puérile, et pointa de l'index la partie la plus épaisse, au niveau du genou. Des larmes (de crocodile) plein les yeux, il releva la tête vers la jeune femme en geignant: "J'ai mal là, doctoresse cochonne.". Il avait toujours beaucoup aimé qu'on le plaigne - mais peut-être que ce surnom n'était pas tout à fait adapté à ce genre de situations. Tant pis! "Mais si on passait directement à la sucette ça irait peut-être vachement mieux!" Heath Wilde, ou l'art de s'enterrer tout seul en trois répliques choc. A ce niveau là, certes, ça ne tenait même plus de la drague grasse - c'était de la provocation pure et simple. Son grand sport national, à vrai dire.

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Certes. Avec son enfance toute pourrie, Heath Wilde était probablement blindé de complexes & fixations freudiennes en tout genre. Pas de fixation orale en tous cas, se dit-il en haussant un sourcil alors que Neela lui enfournait le pouce dans la bouche sans grand ménagement. Pas sur sa propre fonction orale en tous cas. Ou alors c'était simplement l'idée de la sucette qui se prolongeait dans sa mémoire? Toujours est-il qu'il éprouva sur le coup une certaine admiration pour la jeune femme, qu'il ne manqua pas d'indiquer d'un haussement de tête et d'un petit "Bien joué!" avant qu'il ne remette d'office son pouce dans sa bouche. Hé, c'était plutôt agréable comme sensation, en fait! Franchement, il aurait dû s'y mettre beaucoup plus tôt dans sa vie. Pendant ce temps, Neela renchérissait: « La voilà ta sucette. Suce le bien fort mon grand, le temps que je finisse d'examiner ces vilains bobo. » Il eut un petit rire, nécessairement étouffé. Cette fille là, au moins, elle savait comment lui répondre. La plupart du temps, les gens restaient bêtes quand il s'ennuyait tellement qu'il sortait l'artillerie lourde (non, ceci n'était pas une allusion à ses organes génitaux), ou alors claquaient la porte en hurlant à l'agression verbale. Ou les deux, une réaction après l'autre. Mais on ne l'avait jamais suivi comme ça.
Et en prime, elle parvenait à continuer son job! Elle s'était même penchée au-dessus de lui sans paraître redouter une seule seconde une remarque douteuse sur son tour de poitrine - franchement honorable par ailleurs. Bonnet D? Il allait peut-être faire un caprice pour qu'elle prenne définitivement son dossier, ça pourrait être drôle. Vraiment très drôle. Il esquissa un sourire machiavélique autour de son pouce. « Tu n'auras qu'à laisser échapper un gémissement quand ça te fera mal, hein. » Il ne souligna même pas le fait qu'elle venait de le tutoyer - je pourrais être ton père! Diantre! - et se contenta de laisser échapper un "Humum" sonore, en agitant sa jambe libre dans le vide, juste pour la forme. Et puis, alors qu'elle passait sa main sur le bas de la cicatrice, il finit par laisser tomber son pouce et, avec l'air de celui qui sait parfaitement qu'il va dire une énorme connerie mais tient tout de même à la dire, lança: "Accident de moto. Blouson en cuir & Triumph dernier cri, j'ai failli mourir mais je suis un incurable accro aux sensations fortes. Oui je sais, tant de virilité dans un si petit corps. Mais comme tu peux probablement le deviner de là où tu te trouves, tout n'est pas si petit chez moi. Maintenant que tu brûles de désir, voici venir le moment où j'arrache ce qu'il me reste de vêtements et où on ferme la porte du cabinet à clé." Ha, tiens, le petit battement d'énervement pur de la tempe qu'il attendait depuis tout à l'heure. On progresse. Il esquissa un large sourire. Heath Wilde ne reste jamais sur une défaite, même lorsqu'il s'agit de pousser une jeune femme à bout de nerfs à grand renfort de plaisanteries lourdingues. Oui. On s'amuse comme on peut. "Je crois ne pas me tromper en disant qu'il y a toujours des capotes chez les médecins? J'ai un frère dans le coin, agent infiltré." Il haussa un sourcil, dans une auto-parodie de son regard le plus charmeur. Intérieurement, il priait pour que la jeune femme relance le jeu, on n'avait pas tout les jours l'occasion de trouver quelqu'un de son calibre en matière d'épiques joutes verbales. Mais la voir craquer complètement et hurler à la tentative de viol serait plutôt drôle également - il y avait bien longtemps qu'il avait totalement renoncé aux scrupules dans ce genre de situations. Il en avait presque oublié qu'il était venu pour une raison sérieuse, et que sa jambe le lançait toujours. Après tout, il avait fait cela pendant des années - oublier ses propres problèmes en mimant l'enfant et/ou en s'exerçant dans l'art de la stupidité. Un sociopathe, Heath? Oh, si peu.

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« Et tu sais ce qui rendrait la situation encore plus excitante ? Inviter l'infirmière nous rejoindre. Tu sais, Victoria, la grosse qui t'a reçu à l'accueille, elle se fera un plaisir de s'occuper de toi et moi, un plaisir à te voir souffrir. » Diantre! Que de violence. Il haussa un sourcil. Pas très très aimable, il y a quelques années il serait allé balancer à l'infirmière en question juste histoire de semer la pagaille derrière lui. Mais pas tout de suite, il avait d'autres choses à répondre aux pures provocations de la jeune femme. Surtout qu'elle ne s'arrêta pas là - elle ajouta, avec une voix sensuelle qui lui fit esquisser une moue appréciative: « Très, très excitant ! Ouh, rien que d'imaginer la situation j'en chavire. » Oh, pitié, elle ne pouvait pas au moins éviter de parler d'excitation et du fait de chavirer alors qu'il se trouvait simplement en boxer? La situation pouvait très vite devenir gênante. Enfin pas pour lui, pour elle. Lui, il y avait bien longtemps qu'il avait dit adieu à toute notion de pudeur. Au grand dam de sa gouvernante. Comment ça, quand on a des employés à temps plein on n'est pas supposé se trimballer tout nu chez soi? Bref. Il pencha la tête sur le côté, mimant une réflexion intense, pour finalement conclure, avec un air de faux sérieux désarmant: "J'avoue avoir testé plein de pratiques sexuelles bizarres, mais après expérimentations ma tolérance à la graisse se limite aux fesses et aux seins. D'ailleurs, les vôtres ont l'air très amicaux." Il baissa les yeux vers le décolleté de doctoresse cochonne, et ajouta avec un grand sourire: "Salut les gars. Si vous vous ennuyez, un de ces soirs... J'ai des grandes mains. Des mains de pianiste. Ce pourrait être sympa. Vous savez où me trouver." Bon, d'accord, ça n'arriverait probablement jamais. Curieusement, les gens avaient tendance à le rejeter en bloc une fois qu'il avait commencé le numéro du dragueur lourd, immature, indélicat, et tout un tas d'autres adjectifs péjoratifs. La rançon de l'amusement, on va dire.
La jeune femme ne sembla pas relever l'allusion à son jeune frère. Tant mieux, il avait parlé un peu plus vite que de raison et son frère aurait peut-être mal vécu qu'une de ses collègues entende son nom associé à une boîte de capotes dans la bouche d'un patient louche. Parce que c'était ce qu'il était, non, un patient un peu louche? Liam allait le tuer s'il entendait parler de cette discussion. Ou alors lever les yeux au ciel et lui parler d'une éventuelle greffe du cerveau. A la place, il reçut une pure provocation: « Bien sûr, j'en ai de tous les arômes même mais je ne pense pas en avoir besoin avec toi. Tu peux avoir l'air bien membré mais, ça ne veut pas pour autant dire que tu es très... puissant et performant. Si tu vois ce que je veux dire. » Il eut un rire, passa une main sur sa barbe: "J'aurais bien une liste de personnes, et même de témoins, à fournir pour répondre à cette bassesse. Mais je pense que le mieux et le plus simple serait simplement d'essayer". Il haussa un sourcil, fit un clin d'oeil. "889, President Drive. Mais ça tu es déjà au courant, chère voisine!".
Mais a priori l'heure était à l'examen médicale, bien plus qu'à l'agression sexuelle. Dommage. Il posa lui-même sa main sur son genou, là où la douleur était la plus forte. Là où le choc frontal avait été le plus fort, aussi. "Depuis ce matin. Je suppose que la dose d'alcool ingérée hier soir y est pour quelque chose - vous auriez du venir, c'était vraiment une bonne soirée!". Il ne put s'empêcher de laisser s'échapper un nouveau petit rire - même ivre mort, il s'était bien rendu compte que sa jeune voisine était totalement furieuse quand elle était venue frapper à sa porte dans le maigre espoir de mettre fin au tapage nocturne. Il devait être un petit peu masochiste sur les bords. Légèrement.

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« What the hell is wrong with you? »

« Alors, les gars ils t’emmerdent ! » Oh non! La déception lui brisait le coeur, et il ne put s'empêcher d'exécuter sa meilleure mine de chien battu à la jeune femme - yeux remplis de larmes de crocodile et lèvre inférieure tremblante à l'appui. Il joignit ses deux mains dans un geste de prière caricatural, et garda la pause jusqu'à la réplique suivante: « Mais, vu que tu as été assez sympa en leur donnant un conseil ils t’en donnent un aussi ; si jamais tes mains de pianiste s’ennuient un soir, tu n’as qu’à aller t’acheter une poupée gonflable et la peloter. Ivre, tu feras à peine la différence entre ça et une vraie pair de seins ! Ou alors, tripote des coussins, ça peut t’aider à évacuer toutes ses émotions aussi. » Que d'images d'une violence extrême! Ses oreilles étaient sur le point de saigner sous un tel afflux d'accusations scabreuses & de mots insoutenables. Oui, bon, d'accord, la chose le fit plus rire que hurler à l'attentat à la pudeur. Il n'empêche que cette fille là n'avait pas froid aux yeux, et lui plaisait de plus en plus - il savait parfaitement qu'il allait se battre de toutes ses forces pour qu'elle devienne son médecin attitrée. Joutes verbales hebdomadaires pour maintenir la forme, ça peut pas faire de mal non? Haha, elle allait le haïr, et il s'en frottait intérieurement les mains d'avance. Il haussa un sourcil, et en se penchant vers la jeune femme (oh, tiens, vers ses seins aussi), lui dit: "Je peux pas me le permettre. Tu vois, je rend service à la société en étant Heath Wilde. Gâcher mes talents sur des morceaux de plastique? Huntington Beach ne saurait plus ce qu'est l'orgasme.". Un incurable abruti? Non. Voyons. Même si il était si fier de sa réponse qu'il exécutait à l'intérieur de lui une sublime danse de la victoire.

Et pourtant, la jeune femme n'était pas encore enterrée - loin de là. Il la soupçonnait même d'avoir préparé en douce les prochains coup d'épée pendant qu'ils se laissait distraire par ses atouts féminins. « Je ne m’attendais pas à moins de ta part, tu serais même capable à m’envoyer quelques-unes, ou quelques-uns, chez-moi pour m’embêter me crier Ô dieu, Heath Wilde est formidable au pieu. » Quoi? C'aurait été tout à fait légitime! Oui, il était formidable au pieu! « Ce dont je suis sûre par contre c’est que même avec ta supposé longue liste, à quarante-deux ans, tu n’as toujours pas réalisé toutes tes fantaisies, hein ! Tout cet acharnement à vouloir sans cesse me faire baisser ma petite culotte depuis le jour où tu m’as vu, ça ne serait pas un peu le fantasme je-veux-coucher-avec-ma-voisine-qui-est-aussi-médecin qui parle-là ? ». Il eut une moue boudeuse. Ce qu'il n'allait surement pas avouer, c'est qu'il avait dépassé ce cap il y a un bon bout de temps. Quand il s'était retrouvé face à Joan, il y a trois ans de cela, et lui avait avoué ses sentiments, quelque chose s'était achevé en lui - l'époque où il n'avait d'autre motivation dans la vie que de remplir des quotas sexuels bizarres qu'il s'était fixé au préalable (et, dans un autre domaine, s'occuper de son frère). Certes, il n'était pas devenu moine pour autant. Loin de là. Mais il était de moins en moins l'homme que Neela décrivait - et l'arrêt de la cocaïne n'y était pas pour rien. Cependant, par pure provocation, il pencha très légèrement la tête sur le côté et sourit: "Touché. Je dois avouer que tu as de beaucoup plus beaux seins que mon frère, et que dans l'ensemble ton terrain est beaucoup plus praticable. Maintenant, tu peux faire honneur au serment d'Hippocrate et mettre fin à l'immense douleur que j'éprouve à l'idée d'avoir une femme manquante dans ma collection?"
Est-ce qu'elle allait le tuer?
Surement, oui.

Quoique il avait plutôt bien choisi son timing pour déballer des énormités pareilles. Elle avait lâché son genou - il avait assez peur que dans un mouvement compulsif de rage elle puisse le lui déboîter complètement, comme ça, juste pour le fun & juste parce qu'elle pouvait le faire. Non, à la place elle lui posa une question purement rhétorique: « Et j’imagine que vous êtes du genre à ne jamais reposer votre genou, à toujours vous embarquer dans des activités physiques un peu hard, et à ne pas veiller sur votre santé ? » Hé oui, qu'est-ce qu'il disait, tant de virilité en un seul corps. Il haussa un sourcil sarcastique: "Après six mois en fauteuil roulant, vous aussi vous auriez envie de bondir dans tous les sens. Moto... course... soirées... sexe... Oh et puis merde, je suis pas un moine!" Il savait qu'il aurait dû s'inquiéter plus, faire attention, ralentir le rythme - mais il avait toujours été hyperactif, et être passé si près de la mort n'avait rien arrangé à la chose. « Vous ne souffrez pas d’œdème ce qui est déjà une bonne chose. Je vais vous rediriger vers le service scanner question d’être totalement sûr que les séquestres de votre accident n’ont pas empiré et que le mal provient du fait que vous forcez un peu trop. Entre temps je vais vous prescrire un gel à appliquer et un calmant, si la douleur persiste. » Il eut un soupir. "Donc vraiment pas de sucette-sucette pour me détendre? J'avoue avoir gardé espoir. Mon coeur se brise. Même pas un bisous magique?" Il laissa s'écouler un silence, puis se mordit la lèvre, et avec un sérieux désarmant dit: "Merci. Je suis peut-être un abruti mais... je tiens pas nécessairement à perdre à nouveau l'usage de mes jambes. Vous reprendriez définitivement mon dossier?" D'accord - cela tombait comme un cheveu au milieu de la soupe. Mais il savait que son frère fatiguait, et se sentait mal à chaque fois qu'il s'agissait de traiter de séquelles de son accident. Trop de mauvais souvenirs. Cette fille là... elle semblait aussi violente que lui, et donc capable de le supporter.

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« What the hell is wrong with you? »

« « Si par rendre service tu sous-entend le fait de pouvoir faire chier le monde autour de toi si facilement alors oui, tu rends un sacré service à la société qui, sans Heath Wilde, serait si sereine et calme. Pour ce qui de gâcher tes talents sur des morceaux en plastique je dirais que Huntington Beach pourrait enfin arrêter de falsifier l’orgasme. » » Que de violence. Cette pauvre petite devrait vraiment arrêter de parler de ce qu'il ne connaissait pas - il avait arrêté de douter de ses capacités sexuelles autour de ses vingt ans, et au fil de ses conquêtes postérieures (rien de sexuel - enfin si, mais pas dans le mot "postérieur") s'était bien rendu compte qu'il n'avait strictement rien à se reprocher de ce côté là. Humainement, il avait d'énormes tares. Mais une fois à l'horizontale, lorsqu'il arrêtait (enfin) de parler, tout se passait beaucoup mieux. Mettez ça sur le compte de l'absence de mère, du manque affectif, de l'expérience, mais il était un bon amant, et le savait. Pour toutes ces raisons, il esquissa un rictus à la réponse de la jeune femme. "Sereine et calme peut-être. Mais on s'ennuierait terriblement dans le coin sans moi... non? Regarde: aujourd'hui, tu t'es levée en pensant que tu allais passer une journée d'un ennui terrible. Et voilà Heath Wilde, sur son cheval blanc, qui vient te divertir et te lancer dans d'épiques joutes verbales. Sur le coup tu t'en rends peut-être pas compte, mais je suis la meilleure chose qui te soit arrivée dans les dernières 24 heures." Quoi? Ce n'était pas tout à fait faux, non? Hyperactif, envahissant, bavard, certes - mais au moins il était divertissant, en bien ou en mal. Et puis il haussa les épaules, eut un sourire entendu: "Quant à la deuxième partie de cette évidente agression contre ma personne... Je ne peux que réitérer mon invitation. Quand j'arrête de parler pour passer à des activités plus physiques, je suis encore plus divertissant." Clin d'oeil, regard entendu. Allez, à l'usure, ça allait bien finir par marcher... non? Et quand bien même cela ne marchait pas, il se serait bien amusé pendant toute cette entrevue à l'origine être uniquement médicale.

« Je peux y mettre fin en t’apportant une autre femme manquante à ta collection, et qui représente le fantasme éternel de l’infermière salope, tu sais bien, Victoria. » Diantre. Quand elle avait une idée, elle n'en démordait pas. Est-ce qu'elle tenait vraiment à ce point là à le voir tomber dans les (gros) bras de la (grosse) femme de l'accueil? Il y a quelques années (oui, ces années là où il était aussi accro à la drogue), il aurait suffi que l'on lui lance le pari de coucher avec cette femme pour qu'il aille, tout en ronds de jambes et fleur au dent, lui faire son meilleur numéro de charme - le vrai, le galant, pas le lourdingue qu'il était en train de servir à Neela. Mais, curieusement, depuis qu'il était désintoxiqué, relever ce genre de pari lui semblait un peu plus insurmontable. Ha, tempus fugit... A défaut, il eut un soupir et regarda la jeune femme droit dans les yeux: "Je pensais être celui de nous deux avec les pratiques sexuelles les plus... exotiques? Mais je peux te donner le numéro d'un bon thérapeute si l'idée de me voir coucher avec une infirmière obèse te fait tourner la tête comme ça."

Une catin? Voyons. Il eut un léger rire - il ne s'était jamais fait payer (peut-être qu'il aurait dû, d'ailleurs), alors il ne méritait pas tout à fait une telle comparaison. Pour tout le reste des connotations associées, c'est vrai qu'il ne pouvait pas tout à fait nier. Mais diantre, on n'a qu'une seule vie. Il se l'était toujours répété, et cela avait pris un sens nouveau à l'instant précis où il était rentré dans la voiture de Joan Greene. Il ne voyait pas le besoin de se brider. Tant qu'il n'en arrivait pas au point de la pure imprudence - un niveau que Liam se chargeait de lui rappeler en lui faisant la morale. Il fut sortit de ses pensées par la prochaine réponse de la jeune femme: « Et si tu te cherchais une masseuse, trop idiote pour tomber dans ton piège et pas assez fière pour te refuser ta sucette, hein ? ça serait l’idéal et le petit monsieur finira bien par se détendre comme ça et se faire masser en même temps… » Il poussa un long soupir, leva les yeux au ciel: "Grand monsieur. J'ai beau ne pas être très grand moi-même, à ce niveau là je te serais reconnaissant de parler de grand monsieur." Oui, ses chevilles allaient parfaitement bien, merci, elles ne gonflaient pas du tout, tout allait bien. Il avait une réputation à tenir, diantre. Mais revenons au propos principal: « Abruti, c’est le cas de le dire. Pour ce qui est de ton dossier, je pense qu’il serait tout de même préférable que ça soit quelqu’un d’autre qui s’en occupe, non ? Quelqu’un qui arrive à te tolérer, parce qu’honnêtement, tu es un véritable cauchemar ! » Très sérieusement, il posa sa tête sur ses mains et la regarda à nouveau droit dans les yeux. Il soupira. Il semblait prendre les choses à la légère, mais il avait une véritable raison de lui demander de reprendre son dossier: "Il n'y a que deux personnes dans cet hôpital qui sont capables de me tolérer. Liam Wilde et toi. Liam étant mon frère, je pense qu'il n'a pas à me voir débarquer toutes les semaines pour les séquelles d'un accident dont il se pense - assez stupidement - en partie responsable. C'est mon petit frère. C'est à moi de le préserver. Toi, tu sembles à peu près capable de me supporter sans planter un couteau dans ma jambe. Et je peux même payer plus que nécessaire." Il se redressa, eut un sourire contrit. Toutes les cartes étaient posées - restait à voir s'il allait comprendre dans quelle situation il se trouvait. Elle lui plaisait - hors toute proportion sexuelle. Et il avait désormais trop de scrupules à se servir de son frère comme médecin traitant. Honnêtement, si elle refusait, il serait mal. Très mal.

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« What the hell is wrong with you? »

« Cheval blanc ? Je dirais plutôt un petit cochon puant dont l’odeur fait faner les plantes à 300 kilomètres de diamètre ! Et tu sais ce qui sera la meilleure chose qui me soit arrivée aujourd’hui ? C’est de te voir partir d’ici une fois la visite terminée. » Comment ça, elle avait déjà hâte de le voir partir? Cette jeune femme ne savait vraiment pas ce qu’elle ratait. Il leva ouvertement les yeux au ciel, exagérant le mouvement au possible. Mais non contente de l’avoir attaqué avec tout ce qu’il est possible de puérilité, elle renchérit presque aussitôt: « Activités physiques divertissantes… tu sais jongler avec des tomates que tu te reçois dans la gueule après, à cause de ton manque de tact et de subtilité quand il s’agit de draguer ? ça, j’aimerai bien voir oui ! » Oh? Alors comme ça mademoiselle était du genre «jeux sexuels avec de la nourriture»? On allait de surprise en surprise, elle commençait réellement à lui plaire - même si elle avait bien l’âge d’être sa fille. Il pencha très légèrement la tête, passa brièvement le bout de sa langue sur sa lèvre - tout en sachant pertinemment que ce genre de mimique était tout ce qui manquait à sa charmante doctoresse pour le prendre pour un pervers fini. Tant pis - lui se sentait parfaitement en phase avec sa conscience: «Alors je crois que c’est assez clair? Prenons simplement rendez-vous pour une prochaine séance, je pense que nous pourrions beaucoup nous amuser toi et moi» Tant pis - lui se sentait parfaitement en phase avec sa conscience. Quoique, après tout, elle n’en avait pas vraiment besoin poru penser ce genre de chose de lui: «Chéri, ce n’est pas le fait de te voir coucher avec une infirmière obèse qui me fait tourner la tête mais, tout simplement l’idée de te voir souffrir et de voir tous tes efforts minables se retourner contre toi. » A nouveau, que de violence - pourquoi avait-elle voulu faire médecine, si c’était pour être d’une telle cruauté avec de pauvres patients en souffrance comme lui? Le serment d’Hippocrate venait d’en prendre un sacré coup, avec toutes les insultes qu’elle avait pu lui infliger en l’espace de quelques dizaines de minutes seulement. Il posa une main sur son coeur, mimant le geste d’un homme blessé: «Je vais contacter moi-même mon psychiatre: votre jugement m’importe tant que je sens que je ne me relèverai plus jamais de cette entrevue. Merci pour cette révélation - je sortirai grandi et changé de cette entrevue». Ou pas. Il pencha un peu la tête sur le côté: «Ou alors je réitèrerai simplement ma proposition: venez vérifier ma valeur au lieu de m’enterrer sous les insultes.» - proposition qui fut confirmée lorsqu’elle évoqua le fait qu’elle ne pouvait juger la taille de son «grand monsieur» sans l’avoir vu. Diantre! Qu’attendaient-ils, alors?
Fini de jouer. Si l’entrevue avait commencé sur le ton de la plaisanterie, avec un Heath fermement décidé à s’amuser un peu et à pousser à bout une jolie jeune femme qui n’avait rien demandé, il avait découvert au fur et à mesure qu’elle semblait presque en mesure de le supporter et de lui tenir tête. Bon d’accord - qu’elle semblait presque en mesure de ne pas l’assassiner purement et froidement à la première parole qu’il prononcerait. Au fur et à mesure de leur discussion, une idée fixe s’était imposée: la pousser à accepter son dossier; à remplacer Liam. Heath l’avait toujours avoué sans complexe: son frère était sa vie. Et tant pis s’il avait l’air de le materner encore en faisant cela, tant pis si Liam avait maintenant atteint les 39 ans, mais il pensait toujours qu’il n’avait pas à subir les séquelles et problèmes de santé de son aîné. Il n’avait pas envie que le gamin blond qu’il avait élevé ait à se faire du soucis pour lui - ce n’était pas dans l’ordre des choses. Lorsque Neela eut fini sa tirade, il se mordit très légèrement la lèvre, et brutalement redevenu sérieux lui dit: «Bien sûr qu’il est vraiment mon frère. Et il est vraiment toute ma vie, aussi. Vous avez une famille? Vous devez cerner les concepts de protection et d’amour. Je vous demande pas de prendre mon dossier pour moi, mais pour lui. Et vous serez grassement payée». Jugeant que l’entrevue approchait de la fin, il se redressa, renfila son pantalon, boucla à nouveau sa ceinture. Il tendit la main pour réceptionner l’ordonnance qu’il était à l’origine tout de même venu chercher, et avec un sourire, ajouta: «Réfléchissez bien. Si ça peut aider, je vous promets que j’essayerai même de me tenir».