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| this is it, the apocalypse. } Solal | |
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| Sujet: this is it, the apocalypse. } Solal Mar 2 Juil 2013 - 19:02 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. Vous aviez déjà eu l'impression que tout ce qui se passait autour de vous n'avait aucune chance de vous affecter d'une quelconque façon que ce soit ? Comme si vous aviez oublié de monter dans le carrousel avant le coup d'envoi et que vous le regardiez effectuer son manège de l'extérieur, absolument imperturbable, imperméables aux rires et aux sourires des personnes présentes dedans qui semblaient apprécier le voyage. Comme si, au fond, vous n'aviez jamais voulu y monter de votre plein gré, et non simplement raté le coche. C'était le sentiment général que je ressentais depuis quelques temps. Même les drogues que je m'enfilais ne me permettaient plus vraiment de me reconnecter avec la vie, les gens, le monde. J'expérimentais comme qui dirait une sorte de traversée du désert, et ce sur un peu tous les plans, comme si le seuil acceptable de bullshitude avait été dépassé et qu'à présent, je me rendais compte d'à quel point tout était vide de sens. Le col de mon manteau relevé, je descendis la ruelle malfamée que je cherchais d'une allure soutenue avant de m'arrêter quelques pas plus loin, sous un porche. Je frappai une fois, puis demandai prestement : „J'viens pour les cartons.“ Le sourire de mon vis à vis se fit entendu alors qu'il sortait, fourrant sa main dans sa poche pour en ressortir aussitôt une pochette plastique. J'ai un regard sûr. „Je peux le tester, avant ?“ Les yeux bleus du brun jaugent patiemment le camé qui lui fait face. Il me connaît, il ne fera donc pas d'histoire. Un sourire dévoilant trois dents en moins et une ribambelle de caries plus tard, j'ai le petit morceau de buvard dans la paume, que je pose sur ma langue sans attendre avant de l'avaler aussi sec. Laissant mon épaule choir contre l'encadrement de la porte, je penche la tête en arrière. Deux minutes plus tard, je rouvre les yeux et expire longuement. C'est parfait. Exactement ce que je cherchais. Je plonge alors la main dans ma veste pour en sortir une petite boîte carrée, que j'ouvre d'un geste rompu par l'habitude. Elle est vide. Je lui tends ensuite un billet, pincé entre mon index et mon majeur, que l'homme s'empresse de faire disparaître dans son jean avant de s'employer à déposer le nombre équivalent au montant dans l'étui. Quand il a terminé, je ne me prive pas de le fusiller un instant des yeux. „Essaie pas d'm'entuber, s'teuplaît. Eddy n'aimerait pas savoir que ses clients ne sont pas contents par ta faute.“ Sourire de guingois. J'attends donc que l'autre agisse en conséquence avant de refermer le boîtier métallique en claquant. Sans un merci ni un au revoir, je disparais finalement dans la pénombre, telle une apparition fugace qu'il aura oublié dans quelques minutes... Surtout s'il décide lui aussi de se laisser aller à tester sa marchandise.
C'est après un certain temps à déambuler sans but dans les rues, attiré par les tâches lumineuses des lampadaires, des néons et des phares des bagnoles comme un papillon de nuit alors que l'effet du psychotrope se répand dans mes veines, que je décide finalement de me poser dans un endroit tranquille. J'avise un parking où il n'y a pas âme qui vive, et bien peu de voitures. Comme le sol ne m'a pas l'air très confortable, et que j'ai un fessier délicat, je décrète - après une longue délibération avec moi-même - que je vais faire un am stram gram pour déterminer qu'elle sera la voiture qui aura l'honneur d'épouser mon derrière. La tâche accomplie, je fais glisser mon postérieur sur le capot avant d'étaler mon dos à moitié sur le pare-brise, avachi comme si j'étais dans le plus moelleux des canapés. C'est d'ailleurs l'impression que j'ai, à cet instant, même si, sûrement, les courbatures que j'aurais le lendemain matin me feront bien savoir que non. Coude nonchalamment posé sur le rétro, j'étends mes jambes de tout leur long tout en tapotant les poches de mon manteau aviateur à la recherche de mon pochon de beu. Cette dernière a la particularité d'accentuer les effets des drogues dures, c'est pourquoi, comme les effets commencent à s'estomper, il est temps pour moi de m'en rouler un petit. Et puis, rien de tel qu'un bon joint, à présent, sachant que je suis installé pour rester, et qu'il y a même de fortes chances que je m'endorme même comme ça. Armé de mon paquet de feuille, j'entreprends alors la périlleuse aventure du roulage, complètement concentré sur ma tâche, bouche ouverte et langue mordue tel un artiste en plein acte de création. Avec ma manche, j'essuie la sueur qui a légèrement perlé sur mon front avant de soupirer et d'allumer la bête, que je coince entre mes lèvres avec un sourire de ravissement profond. Alors, je ferme les yeux, prêt à partir en expédition hors de mon corps... Mes angoisses existentielles reviennent cependant bien vites m'assaillir, mais je les accueille cette fois avec une clarté nouvelle, sans me censurer, les refouler, ou même ressentir la moindre appréhension. Une des propriétés principale du LSD : élargir la conscience. Je ressasse un moment ma situation, tirant toujours sur mon splif avant de, soudain, me mettre à chantonner. „Lucy in the skyyyyy with diamonds... AAAAAAaaaaaah... Picture yourself on a train in a station, with plasticine porters, with looking-glass ties... Suddenly someone is there at the turnstile : the girl with kaleidoscope eeeeeeeeyes.“ Je dois résister à l'envie impérieuse de me lever et de me mettre à sauter sur le capot. Ne manquerait plus que je me pète une jambe. Je me contente donc juste d'un petit instant air guitar, toujours allongé, mimant les accords dans l'air, bédau laissant toujours échapper ses volutes de fumée, décrivant des arabesques informes au dessus de mon visage qui ne manquent pas de me fasciner... |
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| Sujet: Re: this is it, the apocalypse. } Solal Jeu 4 Juil 2013 - 23:31 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. C’avait été une nuit de merde. Vraiment, ç’avait été une nuit de merde. Il n’était pas du genre malpoli, même dans ses pensées. Mais là, là, ç’avait VRAIMENT été une PUTAIN de nuit de MERDE. Il se le répétait en passant la porte de cette fichue boîte de nuit, la main plongée dans son sac pour tenter d’en extraire une cigarette. Il eut un instant l’envie irrépressible de claquer la porte, avant de se rendre compte que le videur n’apprécierait que moyennement la chose - et, à charge de revanche, il donna un coup de pied dans le premier caillou qui passait par là. Et même si c’était le degré maximum de violence qu’il était capable de manifester en public, il était vraiment, intérieurement, en rage. Résumé, version courte: James tout en «Hé, mec, allons boire un coup ce soir»; une foutue soirée kitsch dans leur repaire habituel; filles en chaleur; Solal tout en «désolé, je vais me marier... mais tu es majeure au moins?»; James tout en «Non, non, moi je ne vais pas me marier du tout... mais évite de me mettre au courant si tu es pas majeure»; fatalement, son meilleur ami qui disparaît et qui le laisse, seul, au milieu d’une horde incontrôlable qui se déhanche sur les meilleurs tubes des années 80. Sauf que cet enfoiré - qui restait son frère de coeur, il savait qu’il le pardonnerait vite -, était un poil trop ivre pour daigner le mettre au courant. Il avait passé une demi heure à se faufiler entre des masses transpirantes (ou pire que ça: suintante) dans l’espoir d’apercevoir la touffe blonde qui lui servait de binôme. Et bien ça n’avait jamais abouti. Il fit quelques pas pour s’éloigner du club, décida finalement de s’assoir sur les marches d’un petit immeuble. Il parvint enfin à mettre la main sur une cigarette, la porta à sa bouche et l’alluma. Puis il passa une main sur son visage - et en plus, il était crevé. Dieu merci, les gamins de dix ans dont il avait la charge ne savaient pas encore ce qu’était une bonne, grosse gueule de bois et il n’allait peut-être pas risquer un rapport au directeur. Toujours était-il que James était Satan, non seulement pour l’avoir traîné ici mais aussi pour l’avoir laissé en plan comme un bébé chien sur le bord de la route. Une soirée années 80? Sérieusement? Il aurait mieux valu qu’il reste avec sa fiancée, à passer une soirée tranquille, sans prise de tête, à manger des hamburgers végétariens devant un vieux film de science fiction. Et en prime... ses yeux tombèrent sur une masse suspecte, à moins d’un mètre de lui. Est-ce que c’était du vomi? Ok, de toute évidence, l’univers avait quelque chose contre lui. Il tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette, et se résolut à se lever. Quand le monde entier te persécute... Il allait, définitivement, retourner à sa voiture, puis à sa maison, se coucher, et mettre fin à ce qui était probablement l’une des pires journées de sa vie. Et demain il allait se lever, boire son lait de soja et son jus de fruit bio, et tout irait beaucoup mieux. Loin des jeunettes en chaleur, de la musique douteuse, et du vomi inopiné. Tout plein de philosophie et de bonne volonté, il remontait dans la rue en jonglant avec son trousseau de clés. Plus que trois rues. Deux rues. Une rue. Il passa le dernier tournant, le coeur plein d’espoir et le regard brillant. Tout cela pour se prendre, tout bonnement et simplement, un dernier coup de tonnerre sur la tête. «Sérieusement?». Il y avait un mec, assis sur son capot de voiture. Enfin... il n’était même pas assis sur son capot de voiture, il était littéralement vautré. Et il chantait. Faux. En diffusant tout autour de lui une odeur qui n’était probablement pas une odeur d’herbes de Provence. Ce n’était pas qu’il avait particulièrement quelque chose contre les Beatles ou les gens qui chantent faut les Beatles. Mais merde. James passait la moitié de sa vie à camper sur sa pauvre voiture, et maintenant ce type qu’il ne connaissait même pas? Elle était normale, sa voiture, pourtant. Peut-être un poil plus propre que la moyenne, mais c’était pas une raison pour en faire un fauteuil. Non? «Ecoute, je ne te connais pas.», commença-t-il à dire en s’approchant doucement. Il avait levé les mains, présentait ses paumes pour essayer de dompter l’espèce de hobo-hippie louche qui s’élevait en dernier rempart entre sa soirée infernale et un retour à la vie normale. «Je ne te connais pas, mais ceci» - il pointa sa Ford du doigt - «est une voiture. Une machine en métal, pas confortable, faite pour conduire. Aller d’un point A à un point B. Et comme c’est ma voiture, j’espérais la récupérer pour aller du point A au point B.» Il inspira profondément, se rendit compte que sa cigarette s’était éteinte, et prit le temps de la rallumer. «Ce que je veux dire par là, c’est qu’il y a des centaines d’autres endroits mille fois plus confortables en ce monde pour s’assoir. Des centaines d’autres endroits pour fumer de l’herbe, aussi. Des endroits qui ne sont pas supposés me sauver de la pire soirée de ma vie. Et je te serais vraiment reconnaissant d’aller dans un de ces endroits, histoire que je puisse rejoindre mon point B et dormir.» Il fit encore quelques pas, puis posa lui-même une main, à plat, sur le capot de la voiture - merde, c’est vrai qu’à bien y réfléchir il avait l’air confortable. Il leva les yeux vers l’autre homme - un peu plus jeune que lui. Et définitivement pas dans un état normal. Est-ce qu’il devait craindre pour sa vie? «Est-ce que je suis en train de perdre mon temps à argumenter devant un mec qui est, de toute évidence, loin d’être dans son état normal?» |
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| Sujet: Re: this is it, the apocalypse. } Solal Mar 9 Juil 2013 - 12:35 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. „Sérieusement ?“ Entendis-je alors, interrompant mon imitation endiablée des accords de la chanson. Je contemplais alors l'apparition responsable de cette interjection d'un air à moitié béat, à moitié surpris, avant de pencher la tête pour marmonner, une moue un brin déçue aux lèvres, comme en enfant qui vient de découvrir au pied du sapin une voiture de police alors qu'il avait demandé un camion de pompier. „T'es pas une fille aux yeux kaléidoscope.“ Fallait-il cependant vraiment être une fille pour avoir ce type d'yeux ? Fronçant les sourcils, je fixais son regard, comme si je cherchais à y avoir une boule à facette de toutes les couleurs dedans, forcé de constater à demi-mots que ce n'était pas le cas : „Nope... C'est dommage, t'as plus l'air de voir rouge qu'arc-en-ciel.“ Pour ne pas dire que ces yeux étaient plus noir encore que le ciel qui nous surplombait... Je croisais mes bras sur ma poitrine en m'asseyant en tailleur, secouant la tête en signe de négation tandis qu'il confirmait mes dires en commençant à me réprimander. „Ecoute, je ne te connais pas. Je ne te connais pas, mais ceci est une voiture. Une machine en métal, pas confortable, faite pour conduire. Aller d’un point A à un point B. Et comme c’est ma voiture, j’espérais la récupérer pour aller du point A au point B.“ Je le regardais de mes grands yeux explosés continuer encore un peu de m'énumérer des faits, le tout à grands renforts de démonstrations quasi-scientifiques, suivant du regard ses faits et gestes avec une attention toute particulière tout en hochant la tête par intermittence. Lorsqu'il releva finalement les yeux vers moi, j'avais cependant déjà oublié presque tout ce qu'il avait dit. C'est pourquoi, lorsqu'il m'interrogea d'un ton on ne peut plus sérieux, je me glaçais. „Est-ce que je suis en train de perdre mon temps à argumenter devant un mec qui est, de toute évidence, loin d’être dans son état normal ?“ J'avais le sentiment terrible de me retrouver de nouveau dans une salle de classe, debout au tableau, face au professeur qui venait de me poser une question dont je n'avais, bien sûr, pas du tout la réponse, puisque je passais mon temps dans la lune à bailler aux corneilles. Je pouvais déjà entendre le rire de mes camarades face à ma mine déconfite et mes balbutiements. J'en aurais presque eu les larmes aux yeux.
Je me repris cependant rapidement. En effet, bien que mon "état" avait la particularité de me faire quelque peu régresser, je n'avais plus 10ans et, depuis, j'avais appris à rebondir dans tout type de situation. Quand je n'étais pas trop en forme, c'était par l'insolence ou le je m'en foutisme, mais j'étais à présent aussi capables de quelques traits d'humour voir même d'autres tactiques bien rodées pour détourner l'attention de mes professeurs. „Qu'est-ce que la normalité ? L'anormalité...“ Répétai-je, très fier de mon jeu de mot qui, oralement, n'était cependant pas réellement détectable. Cela dit, cela ne me posait aucun soucis, étant plus que disposé à rire tout seul de mes blagues. „C'est comme l'histoire du fou et du sage. Est-il plus sage d'être fou parmi les sages ou sage parmi les fous ?“ J'avais entonné cela en levant un index vers le ciel, terminant le tout en me mordant le bout de la langue. Je n'étais pas sûr moi même d'avoir bien compris la question, mais ce n'était pas bien grave. Tant qu'elle me donnait au moins l'air un peu intelligent, j'aurais gagné mon pari : lui faire croire que je n'étais pas le dernier des abrutis. Ce qui, en soi, n'était pas forcément gagné d'avance. Je tirais une latte sur mon mégot, presque éteint après cette longue tirade. Aspirant à peine un peu de fumée, je commençais à me tortiller sur le capot, mains en quête du briquet perdu. Après avoir manqué de me péter la gueule de la voiture, je me redressai, vaincu, avant de tendre la paume vers lui pour m'enquérir : „Tu m'passes du feu ?“ J'effectuais un temps d'arrêt pour prononcer lentement et distinctement un „S'il te plaît ?“ qui m'écorcha légèrement les lèvres. Je n'étais pas vraiment habitué à employer ces quatre mots là, préférant d'ordinaire prendre et remercier après. Attendant de voir si mon appel de détresse à sa générosité allait faire son effet, je demandais alors, un détail de son monologue précédent revenant soudain à ma mémoire : „Pourquoi t'as passé une mauvaise soirée ? Tu veux en parler ?“ Bon, ça ne voulait pas dire que la conversation lui serait des plus profitables, mais j'avais entendu dire que parfois, ça aidait certaines personnes juste d'extérioriser... Moi ça me dérangeait pas foncièrement qu'il extériorise sur moi, quoi, après ce qui ne voulait pas forcément dire que ça m'intéressait particulièrement, hein. Après tout, chacun sa merde, m'voyez. |
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| Sujet: Re: this is it, the apocalypse. } Solal Jeu 18 Juil 2013 - 17:14 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. Dans la vie, il y avait en gros deux types de personnes. Les rochers et les huitres. Solal était un rocher en puissance - et ce pour deux raisons. Tout d’abord, il ne mangeait techniquement pas d’huitre ou de mollusques, et donc aurait eu du mal à leur être apparentées. Ensuite, et surtout, il se retrouvait sans le vouloir submergé de parasites, et ce à longueur de journée. Il y avait James, son meilleur ami, parasite premier du nom qui lui avait fait le coup du «hé, mec, elle est posée ta caisse» quelques jours plus tôt. Et maintenant, un héritier de John Lennon dans ses grandes heures acide-THC. Un Beatles Bizarre qui avait l’air d’avoir sérieusement eu l’espoir, pendant quelques secondes du moins, de tomber nez à nez avec «une fille aux yeux kaléidoscope». Solal ne put s’empêcher de secouer la tête, désespéré. C’est uniquement parce que se taper la tête contre un mur aurait été légèrement caricatural qu’il put se retenir de le faire. Ce n’était pas tant qu’il voyait plus «rouge qu’arc-en-ciel», non. C’est plutôt qu’il était en train de perdre foi en l’humanité. Il inspira profondément. Voilà - il devait visualiser ses élèves. Ce mec serait... un de ses élèves les plus récalcitrants. Il devait se montrer philosophe, compréhensif mais ferme, jusqu’à ce qu’il parvienne à ses fins - c’est à dire, à l’habitacle d’une voiture sans huitre sur son capot. Il était un rocher. Sa voiture était le prolongement de lui-même, donc un un peu plus gros rocher. Et le reste du monde était une énorme huitre qui trouvait qu’il semblait vachement confortable. Il y avait moins égocentrique comme vision de la vie - mais ça faisait du bien, de temps en temps, de se penser en victime. Tant pis pour la philosophie, tant pis pour la sagesse et la relativité. En parlant de philosophie, le mec en face de lui avait l’air décidé à en faire. Il eut, l’espace d’une seconde, un air franchement perplexe (et un peu horrifié) sur le visage. Il tenta pendant un instant de se triturer le cerveau pour comprendre ce qui venait de sortir de la bouche de son interlocuteur, avant de laisser tomber. Il était habitué à ses élèves de 10 ans, pour qui le simple fait de savoir que la terre était ronde constituait la plus grande des révélations. Alors il y avait un moment où il ne pouvait plus suivre les tribulations mentales des junkies - surtout que lui-même était vaguement éméché, et quand il était éméché il se sentait beaucoup moins détenteur d'un doctorat de lettres classiques. Il hocha un (gros) sourcil perplexe. «J’ai l’étrange mais absolue certitude que même toi tu ne serais pas capable d’expliquer ce que tu entends par là.» Peut-être parce que, au fond, cela ne voulait pas dire grand chose? Sinon qu’il était tout bonnement et simplement en train d’essayer de noyer le poisson, et qu’il n’était pas décidé à le laisser rentrer chez lui. Du tout. Du tout. Et puis merde. Il n’avait plus la force de se battre, après une soirée entière de mésaventures et de consternation. «Un jour, il faudra que le monde entier m’explique ce qu’il a avec le capot de ma voiture. Il est normal, le capot de ma voiture. Ou alors il faudra que j’en fasse payer l’accès. Parce que c’est un peu de la violation de domicile, ce que tu fais là tout de suite.» Comme si l’autre homme était en état de comprendre, là tout de suite. Il soupira, une énième fois. Posa lui-même une fesse sur le rebord. Merde. C’était vraiment bien, en fait. Résolu, voire même résigné, il partit en quête de son briquet pour le tendre au Beatle, non sans avoir rallumé sa propre cigarette. «Ca fait quoi, d’être une huître?» Finit-il par demander, après un temps de silence. «Un parasite, je veux dire.» Oui, bon, le concept de l’huître n’était pas évident en soi, il valait mieux clarifier. Et l'utilisation de ce mot allait peut-être convaincre l'autre qu'il dérangeait un peu, là, à se tenir entre sa voiture et lui. «Parce que moi, je suis un rocher». Un rocher, gluant, au bord de la mer. Solitaire. Recouvert de vase... et d’huîtres. C’est au moment précis où il se rendit compte qu’il avait prononcé ces trois phrases à haute voix qu’il se dit qu’il avait peut-être bu un peu plus que de raison, et qu’il n’était peut-être pas en état de rentrer chez lui. Donc il allait devoir se coltiner ce camarade incongru pendant quelques temps. Le temps de décuver. Un peu. De redevenir un rocher vaseux et huitré sobre. Et tant qu’à faire, ça pouvait peut-être être pas mal de laisser se faire la conversation... au pire, cela lui servirait d’étude sociologique. Et de bon exemple pour montrer à ses élèves de primaire que «la drogue, c’est le mal» (on n’est jamais trop prudent - après tout, la drogue frappe de plus en plus tôt). Il tira une bouffée profonde sur sa cigarette. A la dernière question, il répondit: «Je me suis fait planter par une autre huître.» Il haussa les épaules, s’arrêta là. C’était assez clair, après tout, et puis l’autre mec avait beau se la jouer psychologue du dimanche il n’en avait probablement rien à foutre. Et même, il n’était pas du genre à s’épancher pendant des heures sur ses problèmes relationnels avec son meilleur ami, et combien la vie est dure quand on est le mec dont le capot de la voiture est constamment pris d’assaut - il avait un peu de pudeur, et un peu de dignité. Diantre. Ce n’était pas parce que, manifestement, l’autre homme n’allait pas lui foutre la paix de sitôt, qu’il devait lui faire le récit des Malheurs de Solal. Trois volumes. 500 chapitres. Enième soupir. Il finit par tendre la main, parce que après tout il avait l’air plutôt propre pour un hippie et qu’il n’allait peut-être pas choper la tuberculose en étant poli. «Solal Moran», dit-il simplement, en guise de présentation en attendant que l’autre veuille bien lui dire bonjour proprement. «Et le mec qui me laissera pas rentrer chez moi s’appelle...?» |
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| Sujet: Re: this is it, the apocalypse. } Solal Ven 19 Juil 2013 - 22:39 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. Cette discussion devenait de plus en plus étrange, mais bizarrement, je n'étais pas si largué que ça, même si mon interlocuteur remettait clairement en question mes capacités de compréhension. J'aurais pu essayer de lui expliquer qu'elles n'étaient pas si altérées que ça, que, si j'avais, certes, pris quelque chose, au lieu de m'abrutir, cela m'ouvrait également l'esprit. La conscience. L'on disait même du LSD qu'il aurait pu provoquer des révolutions et renverser complètement la société, tant il ouvrait des perspectives inconnues et une prise de conscience accrue de ce qui nous entourait... Mais je n'avais guère l'envie de me lancer là dedans. N'aurait plus manqué qu'il soit flic et décide de m'embarquer. Bon, certes, normalement, il l'aurait déjà fait, surtout vu mon état, mais après tout, il parlait de violation de domicile et ça, clairement, c'était un terme qu'employaient les mecs qui ont fait du droit. A savoir, donc, flic ou magistrat. Même si il en avait pas la tête, ni l'air de bien savoir de quoi il parlait, en réalité. Je me frottais la nuque un peu dubitativement. Devais-je lui signaler que ce sur quoi j'étais assis était une voiture, et non sa maison ? Peut être qu'il vivait dans sa voiture... Chose qui m'aurait plutôt surpris, vu qu'il semblait assez propre sur lui et tout ça, mais savait-on jamais, et je n'avais pas franchement envie de le froisser ou de paraître condescendant. Et puis, de toute façon, il avait déjà changé de sujet, ayant visiblement une curieuse envie de fruits de mer. Je l'écoutais donc tranquillement m'exposer sa théorie. Lui le rocher, moi l'huître... Techniquement, si j'avais bien compris sa logique, j'aurais donc dû me coller à lui et ne jamais m'en détacher. C'était le principe de l'huître sur son rocher, qui attendait qu'on l'en décolle à la force du poignet pour la bouffer ou, sinon, se contentait de rester là indéfiniment. Attendez, ça y est, j'y étais ! ...Il voulait que je lui fasse un câlin, c'est ça ? „Et c'est qui le pêcheur ?“ Ne pus-je m'empêcher toutefois d'émettre, car cela me turlupinait un peu, toute cette histoire. „Pas de pêcheur, pas de pêche. Pas de pêche, bah... L'huître continue de parasiter son rocher. On dirait que cette situation est bloquée.“ Le rocher, l'huître, le pêcheur : voilà, la boucle était bouclée. Je lui opposais un grand sourire ravi. J'avais trouvé la solution. Ne lui restait plus qu'à la mettre en pratique, si tant était qu'il pensait pouvoir y parvenir. Finalement, il eut plutôt l'air de se résigner, puisqu'il répondit à ma question destinée à l'amener à s'épancher sur la moisitude - c'est pas un mot mais je vous zute - de sa soirée. „Je me suis fait planter par une autre huître.“ „C'est pas une bonne chose, alors ? Quand l'huître s'en va...“ J'étais tout à coup un peu perplexe. Ce mec n'avait décidément par l'air très sûr de ce qu'il voulait... Si il l'avait été, sûrement m'aurait-il tout simplement poussé du capot de sa voiture-maison-quesaisje à l'instant même où il m'y avait trouvé... Il avait l'air d'aimer les huîtres, en fait. Peut être même m'avait il fait un compliment, tout à l'heure. Je haussais les épaules pour moi-même. „Elle aurait dû rester, ton huître. T'as l'air d'un chouette rocher.“ C'est tout ce que je trouvais à dire. En réalité, je ne savais même pas vraiment à quoi je faisais référence. Nouveau haussement d'épaule tout en tirant sur mon joint. „Solal Moran“ qu'il me dit soudain, et s'il n'avait pas ajouté „Et le mec qui me laissera pas rentrer chez moi s’appelle...?“, sûrement que j'aurais encore été en train de me demander dans quelle langue il me parlait soudain. Prenant un air soudainement éclairé, je lui tendis ma main. „Nolan. Nolan Buckley. C'est moi.“ Histoire de ne laisser aucun doute sur la question, après quoi, j'avisais que je lui avais tendu la mauvaise main, celle qui tenait mon précieux calumet, et je la tournais donc vers le haut pour le lui tendre : „T'en veux ?“ Après tout, c'était aussi bien qu'une poignée de main. C'était même une façon de saluer que j'aurais largement préféré à serrer quatre doigts - et parfois une paume transpirante - entre les miens, tiens. Aucun doute que, de cette manière, je me serais sûrement fait beaucoup plus d'amis, d'ailleurs. Rien de tel qu'un bon joint pour créer des liens - c'était le proverbe du soir. Un petit moment de latence plus tard, je décidais soudain de lui poser une question existentielle : „Eh... Je peux t'appeler Bob ?“ Petit temps d'arrêt. Sourire stupide. Raclement de gorge. „Booob Moraaaaan contre tout chacaaaaaaal, aventurier contre tout guerrieeeeeeer !“ Oui, j'étais très fier de moi, et après ? „Non ? Bon... Non puis en plus ça restait dans le thème de la mer. Bob l'éponge et tout ça. Bob. Ouais... Pour moi, t'as une tête à t'appeler Bob. Ca t'va bien. Bon, Solal aussi, ça te va bien. Ça sonne joli. Solal. C'est musical. Soooolaaaaal... Dorémifasolaaaa...le.“ Puis, il se tut enfin. Ou comment ruiner un moment intéressant en une leçon, par Nolan Jude Buckley, le seul, l'unique - et heureusement. |
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| Sujet: Re: this is it, the apocalypse. } Solal Ven 26 Juil 2013 - 2:06 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. Il ne savait pas d’où lui venaient ces conneries à propos des huîtres et des rochers. Probablement parce qu’il avait un peu trop bu. Et qu’il ne tenait pas l’alcool. Et que tous ses ancêtres brésiliens hurlaient spirituellement au scandale parce qu’il ne tiendrait probablement jamais un verre entier de cachaça sans se mettre à faire un strip-tease sur fond de samba. Mais voilà. Il venait de faire un développement mental, puis oral, sur une innommable connerie - et il une seule chose à faire: remercier le ciel qu’aucun de ses élèves ne se trouvent dans les parages, à l’espionner. Et quand ce mec devant lui, qui devait probablement penser qu’il avait consommé encore plus de drogue que lui, lui annonça qu’il avait l’air d’un chouette rocher, il fut rattrapé par cette angoisse. «T’as pas un... petit frère planqué dont je serais l’instituteur, hein? Non parce que cette histoire d’huîtres et de rochers, je voudrais pas qu’elle me suive toute ma vie.» Ca serait vraiment, vraiment con. Et vraiment, vraiment humiliant. Parce que Solal Ivre n’avait strictement rien à voir avec Solal Sobre. Et qu’en prime, non seulement Solal Ivre était particulièrement peu loquace dans le choix de ses métaphores, mais il avait une légère tendance à glisser vers la paranoïa. Il se laissa une, deux secondes de réflexion - et de parfait blanc entre les deux hommes, puis il secoua la tête. «Oublie. Oublie tout ce développement douteux, d’ailleurs.» Il haussa les sourcils, surpris lui-même par une envie qui venait de le submerger tout entier: celle de s’assoir sur le capot de sa voiture et de se laisser aller à des chants douteux, comme venait a priori de le faire ce type. Là encore il eut une, deux secondes de réflexion. Et puis il se hissa sur le capot dans un grognement. Dans sa tête s’épanouissait une théorie douteuse, après avoir reçu les présentations du mec chelou sur son capot. Quelque chose qui pourrait bien expliquer l’attitude de ce «Nolan» et de James, et de toutes les autres huitres en ce monde. Une quantité trop importante d’alcool devait pousser à devenir une huitre en puissance et à trouver un charme soudain aux capots de voiture. Ou de drogue. Pareil. Et du coup, après ce qu’il avait bien pu boire et ce qu’il avait... Oh, un joint. Donc, après ce qu’il avait bien pu boire et ce qu’il avait bien pu fumer, continua-t-il dans sa tête après un remerciement, il devait être en train de vivre une mutation génétique étrange. Qui, de rocher, le faisait peu à peu devenir une huître. Ce qui était carrément absurde comme mutation génétique, mais sur le coup cela lui paraissait parfaitement logique. Les algues sur le rocher se transformeraient peu à peu en coeur de l’huître, et le rocher deviendrait peu à peu une coquille, et puis après, après, un peu de superflu de rocher se polirait au coeur de l’huitre et il aurait... une perle! Et puis... Et puis... Il était ivre. Quel dieu avait-il offensé pour tenir si mal l’alcool? Il passa une main sur son visage, et décida pour plus de sécurité de retirer ses lunettes. Oui, il était ivre. Mais même ivre, il avait une infime partie de lui qui parvenait à se souvenir qu’il pourrait potentiellement avoir des problèmes pour convaincre se mutuelle de lui payer de nouvelles lunettes. D’ailleurs... il jeta un oeil critique au joint qu’il tenait dans sa main. Il avait mien marmonné un «merci», au beau milieu de son développement intérieur, mais autant... il aurait beaucoup moins de raisons de remercier ce type demain matin. Non, il ne parlait pas d’une éventuelle gueule de bois, ou d’un éventuel bad trip, ou d’un quelconque risque inhérent à la prise de ce genre d’herbes-qui-rend-heureux. Non, simplement, il y a des types comme ça qui s’installent sur vos capots de voiture qui sont bien capables de vous refourguer le choléra (ou la peste, ou les deux). Et là, il y avait plus ou moins échange de salive entre eux. Rien de sexuel. Mais les bactéries... Il fut coupé dans ce nouveau développement mental inopportun par une série de vocalises, à sa gauche. Il resta con un instant, les yeux ronds. Il ne captait qu’un seul mot dans le flot ininterrompu qui parvenait à ses oreilles - son propre nom de famille. Pour le reste... c’était pas du français? Genre, une chanson française? Une chanson française bizarre, en plus. Il se posait parfois de grandes questions sur ce que les années 80 avaient bien pu apporter légitimement à la musique. Là, ses questions trouvaient une grande réponse - hélas, négative. Du moins pour la France. De désespoir, il amena machinalement le joint à sa bouche, le ralluma, et commença a tirer dessus. Pas pour noyer son chagrin, non - plutôt pour enfumer sa consternation. Il laissa l’air improvisé aller jusqu’à son conclusion, puis il tenta, du bout des lèvres: «... non. De toute évidence, tu peux pas m’appeler Bob.». Il aurait pu ajouter un truc du genre «si j’avais pas été ivre, je t’aurais probablement cassé la gueule pour t’être ainsi foutu de mon nom», mais il n’aurait probablement pas été capable de casser la gueule à qui que ce soit, et pour tout dire un léger sourire avait soulevé ses lèvres en écoutant l’autre homme s’égosiller. Ciel, il devenait faible. Il décida de reprendre avant que l’autre n’ait envie de continuer son numéro de juke-box, histoire d’éviter de nouvelles dérives post-disco: «Non mais sérieusement? Qu’est-ce que tu fous sur ce capot de voiture? Non, parce que si tu es un dangereux psychopathe, il va falloir songer à me le dire. Que je parte en courant avant d’avoir trop fumé. Pareil si tu es un tueur à gage». Il y avait, au plus profond de lui-même, une partie de lui qui y croyait un peu, d’ailleurs. Mais quand il avait bu, il n’était plus le Solal raisonnable qu’il était toujours. Non. Il devenait le genre de mec qui pouvait tout à fait affirmer que «la vie était trop dangereuse pour retirer le périphérique USB en toute sécurité», et qui s’asseyait librement à côté d’un illustre inconnu et partageait une substance probablement prohibée dans cet Etat avec lui. «Je fais une piètre victime. Est-ce que tu vas planquer mon corps dans le coffre même de ma voiture, me réduire en viande hachée et m’incorporer dans des lasagnes industrielles?» Il haussa un sourcil «J’aime bien ce scénario. Je deviendrais une sorte de martyr de la cause végétarienne.» Et pour appuyer son affection pour ce scénario, il rendit sereinement le joint à son voisin d’un soir.
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| Sujet: Re: this is it, the apocalypse. } Solal Mar 29 Oct 2013 - 0:52 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. A la mention d'un probable petit frère "planqué", j'avais tressailli et m'étais passablement renfrogné. OK, l'hypothèse que mes parents aient un autre descendant que moi n'était, en soi, pas un problème, ainsi auraient-ils peut être pu élever un gamin normal qu'ils n'auraient pas à tenter de recadrer en l'envoyant chez le psy toute son enfance. Cela dit, repenser à mes géniteurs alors que j'étais en plein trip de LSD n'était pas foncièrement l'idée du siècle et c'était même, pour tout dire, un peu LA conversation à éviter d'avoir quand j'étais dans un état de conscience limitée - qui a dit "comme tous les jours ? J'ai entendu. Bref, en gros, c'était même une bonne grosse idée de merde de les mentionner, même indirectement. Même sans faire exprès. „Comment tu veux que je sache si j'ai un frère s'il est planqué ?“ C'est tout ce que je m'étais contenté de marmonner d'un ton pas franchement avenant et même un brin condescendant. OK, j'étais stupide, et défoncé, mais y'avait des limites. Finalement, j'hochais la tête quand il me demanda d'oublier. Première bonne idée de la soirée. Quoi que, prendre du LSD n'en était pas une si mauvaise... au début. Des présentations succinctes et un joint passé de main en main plus tard, j'avais, cependant, effectivement, tout oublié de ce malheureux épisode, de mes parents et du foutu cottage anglais où j'avais grandi, ainsi que de la sueur froide qui avait détalé le long de ma colonne vertébrale. „Solal en abrégé, sinon, ça donne "So" ou "Lal"... Ouais, t'as raison, Solal, c'est bien.“ Poursuivis-je un instant ma réflexion après qu'il eut refusé que je l’appelât Bob et m'être retenu de proposer d'autres sobriquets comme Bobby ou Bobbynou.
„Non mais sérieusement? Qu’est-ce que tu fous sur ce capot de voiture? Non, parce que si tu es un dangereux psychopathe, il va falloir songer à me le dire. Que je parte en courant avant d’avoir trop fumé. Pareil si tu es un tueur à gage“ Sembla soudain s'inquiéter mon vis à vis amateur de fruits de mer, et je le regarde d'un oeil mi-perplexe, mi-vexé, mi-amusé/flatté (oui, moitié moitié moitié). Psychopathe ou tueur à gage... Deux perspectives d'avenir mortellement intéressantes, mais qui, désolé de vous décevoir, ne collait pas du tout avec le personnage. A savoir, moi, cet abruti qui s'était laissé envahir son espace vital par un chat errant et avait même poussé le vice jusqu'à lui acheter des croquettes (quand j'y pensais, certes, mais tout de même) alors que je le connaissais même pas, moi, ce chat, d'abord. Donc on pouvait aisément dire que je n'entrais pas du tout dans la case de cruauté animale requise pour la première hypothèse. Quant à la seconde, étant donné que j'avais deux mains gauches, je n'étais pas certain de pouvoir tuer quelqu'un les yeux fermés... Et même ouverts, en fait. Bref, j'aurais fait un bien crappy job, quoi, dans le genre nettoyeur. „J'ai tué une limace, une fois. J'ai marché dessus. J'étais pieds nus.“ Etait-il vraiment utile de préciser le traumatisme intense que j'avais subi ce jour là ? Marchez sur une limace et vous comprendrez...
Ma touchante histoire ne sembla cependant pas plus que ça ébranler mon interlocuteur qui semblait déjà avoir décidé que j'étais un dangereux criminel en cavale en voie de le séquestrer et de mettre fin à sa misérable existence. „Je fais une piètre victime. Est-ce que tu vas planquer mon corps dans le coffre même de ma voiture, me réduire en viande hachée et m’incorporer dans des lasagnes industrielles? J’aime bien ce scénario. Je deviendrais une sorte de martyr de la cause végétarienne“ „Si c'est des lasagnes sans viande... Je serais peut être prêt à faire un tel sacrifice. Mieux vaut encore le cannibalisme que renoncer aux VRAIES lasagnes.“ Fronçant les sourcils, je secouai la tête en signe de dénégation un long moment avant de tirer une longue latte sur mon joint, et de le lui passer, recrachant la fumée pour prononcer dignement un simple „Hérétique.“ On ne plaisantait pas avec la nourriture italienne. Même industrielle. Et même si on disait que certains français mettaient n'importe quoi dedans, comme, par exemple, du cheval, au hasard. Cela dit, ça aurait pu être du poney que j'en aurais pas eu grand chose à foutre. Donc, du Solal... Pourquoi pas. C'est au moment qu'il récupérait le joint que je remarquais alors quelque chose qui attira durablement mon attention, chose qui, vu mon état, était plutôt un exploit, mais le fut assez pour que je suspende mon geste en plein vol, forme deux yeux ronds comme des soucoupes avant de, précipitamment, attraper sa main et la coller sous mon nez, le tout pour observer un... Anneau brillant, doré, autour de son auriculaire. Mon regard fit la navette entre ses yeux et l'objet scintillant doucement sous la lumière artificielle du lampadaire. Je clignai des yeux et lançai alors, dubitatif : „Tu-tu es... marié ?“ Je laissai un temps d'arrêt, le temps de laisser cette "révélation" être digérée par tous les partis présents... Enfin, surtout par moi-même, mais passons. „...Es-tu fou ?“ M'enquis-je alors avec une sincérité non feinte. Cet homme était instituteur, végétarien ET, pompon sur la Garonne, marié ! Et après, on disait que c'était moi, le possible sociopathe... Ben voyons. |
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| Sujet: Re: this is it, the apocalypse. } Solal Mar 12 Nov 2013 - 6:06 | |
| &i'm waking up, i feel it in my bones, enough to make my systems blow... welcome to the new age, to the new age. A bien y réfléchir, il n’y avait qu’un seul élément permanent dans la vie de Solal. Une seule chose autour de laquelle toute son existence semblait tourner. C’était le cas pour beaucoup de personnes - ça pouvait être une valeur, un mot, une rencontre, toujours quelque chose qui se trouve définir tout le reste. Un genre de fil conducteur. Ouais. Une connerie comme ça. Sauf que pour Solal, ce fil conducteur avait le malheur d’être l’improbabilité. Sérieux. Il était on ne peut plus normal, on ne peut plus rangé. Fils de bonne famille, bien élevé, avec deux-trois problèmes de vue, une ferme conviction végétalienne, un métier d’instituteur dans une école sans prétention. Franchement. Pas de quoi appeler la police. Et pourtant sa route avait croisé celle de James, qui était probablement l’être le plus improbable de tous les temps. Puis de Cleo, la femme parfaite par excellence. Depuis, il vivait les préparatifs de mariage les plus rocambolesques de tous les temps. Et, là tout de suite, alors qu’il voulait simplement rentrer chez lui et revenir à la normalité, il tombait encore sur quelqu’un qui n’avait rien à voir avec la choucroute et lui débitait un flot de conneries encore inédites pour son pauvre petit cerveau. Bon sang. Toute cette histoire devenait vaguement fatigante. Mais, parfois, il lui arrivait de se montrer philosophe. A cet instant, il n’avait pas réellement le choix. Il venait de se faire traiter d’hérétique sous prétexte qu’il avait produit un développement douteux sur les lasagnes? D’accord. Il pencha légèrement la tête, tout en tirant une nouvelle longue latte sur le joint qui venait de lui revenir. « L’Italie est un très beau pays. Je dois l'admettre. Mais je me réserve le droit de me conduire comme un hérétique avec toute contrée qui pense avoir la légitimité de sacrifier des animaux innocents sur l’autel de la sustenance humaine. Quelle que soit la richesse historique et patrimoniale du pays en question. » Ciel. Il n’avait jamais remarqué que l’alcool et la drogue combinées avaient le mystérieux pouvoir de le rendre plus élaboré encore dans ses discours que lorsqu’il était à jeun. C’était peut-être pour cela que James avait tendance à lui déclarer à chaque lendemain de soirée qu’il n’avait pas compris un traitre mot de tout ce qu’il avait bien pu raconter pendant ce temps. Tout faisait sens. Il secoua la tête. Avec un peu de chance, tous ces mots et tournures complexes étaient venus à bout de la vergue de son interlocuteur. Il tira une nouvelle fois sur le joint - puis il laissa tomber la cendre, et enfin le lui rendit à nouveau. Sauf que le silence de ce Nolan semblait être dû à toute autre chose que son fier discours de végétalien de base. Non, il était en train de regarder fixement la bague de fiançailles qu’il portait au doigt. Il agita brièvement la main, histoire de voir avec un certain amusement que les yeux de l’homme suivaient fixement le petit anneau de métal. Hé. C’était même franchement drôle! Mais il n’en profita pas très longtemps. L’autre voix venait de s’élever à nouveau. Raté. Et en plus, elle venait de faire cette erreur commune en supposant que sous prétexte qu’il avait une bague au doigt, il était déjà marié. Non. Il avait juste voulu porter un symbole de son engagement envers Cleo, tout comme elle portait un symbole de son engagement à elle envers lui. Un peu culcul. Certes. Mais quand cela concernait la future Madame Solal Moran, il n’avait aucune véritable honte. « Non, je ne me suis pas marié. C’est une bague de fiançailles. Oui, il y a des hommes qui en portent. Non, je ne suis pas fou. Au contraire. » Il eut un temps de silence, et un sourire attendri alors qu’il jetait lui-même un oeil sur le fin anneau de métal. « Au contraire, j’ai certainement fait la décision la plus sage de ma vie en décidant d’épouser cette femme. » Il eut un regard accusateur pour l’homme à ses côtés, remarquable huître, et aussi pour toutes les autres huîtres qui pouvaient bien peupler cet univers. Sauf James. James, c’était autre chose. Son huître à lui. « Et elle n’est pas un parasite sur le pauvre rocher que je suis. Elle. » Cleo. Cleo Hopkins. Il pourrait en parler pendant des siècles. Il n’avait rien de plus précieux. Il était ordinaire. Banal. Et pourtant elle l’avait choisi, lui. Alors que bon sang, elle avait James sous les yeux, et James était lui quelqu’un d’extraordinaire. Mais elle ne l’avait jamais regardé. Elle n’avait vu que Solal. Voilà, il devait encore être en train de sourire comme le dernier des abrutis… Et l’autre type devait bien rigoler intérieurement en le regardant. Soudain, il fut pris d’un terrible doute. Il avait paru vraiment stupéfait, vaguement effaré, en voyant qu’il avait une bague à son doigt. Comme s’il voyait tout à coup Solal comme une espèce d’alien alors que désolé, mais de toute évidence c’était l’autre type qui beuglait des chansons douteuses vautré sur le capot de sa voiture était le seul véritable alien de cette histoire! Mine de rien, tout cela titillait sa curiosité. Oui, sa curiosité à lui, le mec le plus blasé de cet univers. Et il en fallait des tonnes pour qu’il en arrive à ce point. « Quelque chose contre le mariage? Non, parce que là, je me sens vraiment… dévisagé? Ou alors tu es de la brigade secrète du mariage. Et tu viens tester ma foi et mon amour. » Putain. C’était comme « The Lord Is Testing Me », mais en beaucoup plus crédible et en encore plus angoissant. Cette rencontre prenait décidément des proportions inimaginables.
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