« Putain de bordel de… ah mais MERDE ! »
Ce très charmant chapelet d’insulte, il venait de sortir de la bouche de Joshua Orwell, jeune homme à l’agonie alors qu’il rentrait du boulot, aux prises avec non moins de huit volées d’escaliers. Il avait un peu (beaucoup) trop fait la fête la veille, trop peu (absolument pas) dormi la nuit, et se payait toujours une sévère gueule de bois une douzaine d’heures plus tard. Gueule de bois probablement pas arrangée par le fait qu’il était disquaire et avait passé la journée à envisager de se tailler les veines pour échapper au très mauvais album posthume de Michael Jackson, qui tournait en boucle dans la boutique. Mais bon sang, ce que ça cognait dans sa tête… Et dans ses pieds, qui se prenaient quasi-systématiquement les rebords des marches. Pourquoi est-ce qu’il habitait si haut, déjà ? Ha, ouais, le loyer. Putain de loyer.
C’est presque en rampant, en tous cas fort péniblement, qu’il atteignit enfin son étage. Il s’accorda une seconde de pause pour tenter de faire taire la méchante crampe qui s’était emparée de ses jambes – et, pour la énième fois, se promit de ne plus jamais, jamais boire. Résolution qu’il aurait probablement oublié d’ici quelques heures, comme déjà une petite envie d’aller échouer au Pim’s naissait en lui. Oui, il avait autant de sérieux et de motivation que pouvait l’avoir un jeune homme de vingt-six ans. Et alors ? Il aurait tout le temps de dormir une fois mort ! Enfin. Chaque chose en son temps. Pour le moment, il était occupé à retourner méthodiquement les poches de son vieux jean pour tenter de retrouver le sésame suprême – ses clés, quoi -, sur lequel il finit par refermer la main. Y pendait toujours un petit cercle en mauvais plastique affichant les insignes de sa fraternité – l’un des derniers souvenirs de l’époque où il étudiait le droit, et avait effectivement un avenir. Comme c’était loin, tout cela.

« Dopey ? » lança-t-il alors qu’il pénétrait enfin dans son appartement. Il abandonna les fameuses clés, dans ce qui était ni plus ni moins un vide-poche – et oui, il avait déjà un vide-poche à vingt-six ans. Il jeta un regard à l’appartement. Appartement était un bien grand mot – contrairement au logement en question. Deux petites pièces, étriquées, une chambre, une salle de bain et une pièce qui faisait office de à peu près tout le reste. Il fronça légèrement des sourcils. A ses yeux, aujourd’hui, c’était Bagdad. Aux yeux de toute autre personne, son appartement aurait eu l’air d’une photo de magazine, avec à peine un cendrier un peu trop plein et un, deux papiers qui traînaient. Il était à peine maniaque, pour un type qui passait le plus clair de son temps à sortir. Au point que sa gigantesque bibliothèque, intégralement remplie de cds, était minutieusement classée par ordre chronologique. Mais bon. Aujourd’hui, il avait un problème un peu plus important. « Dopey ? » tenta-t-il à nouveau. Non, il n’était pas devenu fou. Dopey, c’était une espèce de minuscule boule de poils, un chiot, pas très beau s’il avait fallu être tout à fait honnête – mais proprement adorable. Il l’avait recueilli il y a quelques semaines, alors qu’il trainait tout seul dans les rues de Huntington Beach, apparemment à l’abandon. Le chien. Pas Joshua. Quoique. Enfin bref. Dopey, c’était son chien. Son « bébé-chien », comme il le disait parfois, avec des étoiles dans les yeux. Et Dopey avait pour caractéristique principale d’être outrageusement affectueux envers son jeune maître – le vétérinaire avait parlé de la reconnaissance d’un animal envers la personne qui le sort de la merde. Ce qui impliquait principalement que d’ordinaire, à l’instant même où il passait la porte, il se retrouvait percuté par un minuscule boulet de canon qui entreprenait de lui faire des fêtes en jappant avant de se laisser tomber à terre pour mieux essayer de lui retirer ses lacets avec ses petites dents. Aujourd’hui, pas de boulet de canon, et pas de chiot qui s’amusait avec ses chaussures. Et il n’aimait pas ça.
« Dop ? » tenta-t-il une dernière fois, tout en passant sa tête par la porte de sa chambre – elle aussi vide. Il avait toujours eu une très légère tendance à s’attacher outrageusement à ses animaux de compagnie, et Dopey tenait une place toute particulière dans son cœur – alors oui, il commençait sérieusement à angoisser. Il referma la porte. C’est en retournant dans la pièce principale qu’il remarqua cependant qu’il avait laissé la baie vitrée ouverte sur son minuscule balcon. Angoisse. Il ouvrit grand les yeux, se précipita sur le lieu du crime, se pencha, et… putain, dieu merci, aucune trace du chiot en bas des trop nombreux étages. Ok. On respire. On respire. C’est en se retournant, et en se prenant méchamment le pied dans une chaise, qu’il remarqua que sa table était calée contre le rebord du balcon – formant un tremplin parfait pour un petit chiot en mal d’aventure souhaitant s’infiltrer subtilement chez le voisin.
Oh.

Il frappa deux coups contre la grande porte. C’était bien sa veine, il n’avait encore jamais rencontré ses voisins de pallier… ceux qu’il devait bien emmerder à chaque fois qu’il ramenait quelqu’un chez lui. Il avait cru, une fois, entrapercevoir une femme enceinte – et c’était là que s’arrêtaient toutes ses informations. Un espion en carton, un ! Enfin une femme enceinte, au moins, ça ne torture pas les chiots, hein ? Instinct maternel, tout ça tout ça… Il frappa un coup supplémentaire – d’abord parce que la patience n’avait jamais été son fort, ensuite parce que c’était là son dernier espoir de retrouver son chien vivant. Et fronça les sourcils en voyant un homme, plutôt mignon, pas enceint pour deux sous, lui ouvrir.
« Heu… » Un temps. Il était vraiment un espion de merde. Le genre qui percute même pas combien de personnes vivent à côté de lui. Bien joué, Joshua. « Je suis votre – ton ? – voisin. Celui qui se mange les pieds dans les escaliers et qui écoute la musique trop fort, là. J’ai perdu mon chien. Fin c’est un chiot. Un tout petit machin. Gris. Mignon. » Comme pour clarifier la chose, il avait reproduit avec ses deux mains la taille approximative de la bête – minuscule, quoi. « Il a un collier rouge et il aboie tout le temps. Enfin j’suppose que vous êtes au courant. Vu qu’on habite à côté. » Sommet de l’éloquence, bonsoir. Il esquissa un grand sourire pour rattraper sa maladresse. « Je suis Joshua. Orwell. Et je suis désolé de vous déranger. Félicitations pour votre femme au fait ! Ou copine ? Ou femme. Je sais pas. » Parce qu’en toute logique, il devait être le papa du bébé… non ?

Teddy était en vacances c’était un des nombreux avantages d’être prof il avait quasiment 2 mois de vacances l’été. Le seul problème c’est qu’il tournait en rond, bien qu’il ne fût pas souvent chez lui. Depuis qu’il était sorti de prison soit depuis plus d’un an maintenant il avait du mal à rester enfermé. Il profitait de sa liberté pour se promener, pour bouger parfois il se contentait juste d’aller sur la plage pour bouquiner alors qu’il aurait pu le faire chez lui. Mais la sensation d’être libre n’était pas la même, passez 8 ans dans une cellule de 8 m² avec un partenaire de cellule et vous verrez qu’une fois dehors vous passerez le plus clair de votre temps à l’air libre. Voilà donc comment notre cher Teddy Baker occupait ses journées il passait sa vie à lire sauf quand il allait voir les rares amis qu’il avait ici ou quand Leah insistait pour qu’il l’accompagne dans un des magasins de bébé où elle voulait aller. Il accompagnait la jeune femme avec plaisir, depuis qu’elle était enceinte il faisait son maximum pour qu’elle n’est pas à se plaindre de lui. Il s’occupait des courses, du ménages il en faisait le plus possible pour qu’elle en ait le moins possible à faire. Ca exaspérait parfois la jeune femme mais Teddy était comme ça. Il se voyait mal ne rien faire et laisser la jeune femme enceinte s’occuper de tout. Ted’ était comme ça il ne changerait plus maintenant, si son père et ses frères le voyaient ils le rappelèrent probablement à l’ordre en lui disant qu’il n’était pas une femme et qu’il ne devait pas faire leur tâche. Et c’est pour ça que Teddy était parti vivre loin d’eux… Vivre près de sa famille c’était comme être de nouveau en prison, les quelques semaines après sa sortie de prison il avait cru étouffer. Sans compter sur le fait qu’il devait toujours faire semblant d’être celui qu’il n’était pas. Ici il pouvait être pleinement lui-même, même s’il n’y arrivait encore pas tout à fait… Il ne désespérait pas d’y parvenir mais il savait que pour ça il faudrait qu’il tire un trait définitif sur sa famille et ça il en était pour le moment incapable…

Aujourd’hui il avait eu une tout autre occupation il s’était occupé du chiot de son nouveau voisin. Imaginez un peu sa surprise quand ce matin il avait vu entrée par la porte fenêtre du balcon cette petit boule de poil. Pas franchement sauvage Teddy n’avait pas mis longtemps pour l’attraper et le ramener à son propriétaire mais c’est une porte fermé qu’il avait trouvé. Personne n’avait répondu et Teddy avait donc décidé qu’il garderait la petite boule de poil jusqu’à ce que son propriétaire revienne. Enfin en espérant qu’il ne se trompait pas de propriétaire il avait vu celui une fois avec semble-t-il ce petit chien mais il n’en était pas sûr à 100%. Il aurait sa réponse une fois son voisin revenu et si ce chien ne lui appartenait pas et bien Teddy chercherait son propriétaire ailleurs. Bref tout ça pour dire qu’aujourd’hui il avait passé son temps à surveiller Sparrow et la boule de poil grise qui courraient partout dans l’appartement. Ils les avaient emmené se promener dans l’espoir qu’ils se fatiguent un peu et qu’ils soient calme à l’appartement mais ça n’avait pas été très concluant pour tout avouer… Sparrow et son nouveau compagnon avaient continués d’être aussi turbulents, Teddy avait essayé de nouveau de frapper chez son voisin dans l’espoir de lui rendre sa petite terreur mais une fois encore personne n’avait ouvert. Par chance dans l’après-midi les deux chiens c’étaient calmés, alors que Teddy bouquinait assis sur le canapé il avait de chaque côté de son corps un des chiens blottis endormie contre lui. Finalement les deux chiens avaient semble-t-il fini par s’épuiser. Teddy n’était pas posé depuis très longtemps quand il entendit frapper à la porte. Les deux chiens ne levèrent même pas une oreille, même Sparrow qui normalement se levait toujours comme une fusé pour voir qui était derrière la porte. Comme si c’était quelqu’un qui venait le voir lui. Teddy ouvrit finalement la porte et reconnu son nouveau voisin. « Heu… » Apparemment Teddy ne c’était pas trompé le petit chien qu’il avait récupéré devait appartenir à son voisin. Celui-ci repris la parole : « Je suis votre – ton ? – voisin. Celui qui se mange les pieds dans les escaliers et qui écoute la musique trop fort, là. J’ai perdu mon chien. Fin c’est un chiot. Un tout petit machin. Gris. Mignon. » Il avait avec ses mains décrit la taille que faisait à peu près son chiot. Il n’y avait pas de doute le petit chien qui dormait paisiblement sur son canapé devait lui appartenir. Mais il précisa : « Il a un collier rouge et il aboie tout le temps. Enfin j’suppose que vous êtes au courant. Vu qu’on habite à côté. » En parlant de boule de poil, le petit avait semble t’il reconnut la voie de son maître il déboula comme une fusé dans l’entrée. Teddy sourit et répondit : « Vous avez votre réponse je suppose. » Teddy affichait un sourire amusé et repris : « Il a débarqué ce matin par le balcon pour le plus grand bonheur de Sparrow qui a eu un compagnon pour la journée. » Sparrow avait d’ailleurs débarqué une lui aussi dans l’entrée pour voir ce qu’il s’y passait. Teddy avait montré du doigt le Jack de sa coloc quand il avait mentionné son nom. Son voisin repris alors : « Je suis Joshua. Orwell. Et je suis désolé de vous déranger. Félicitations pour votre femme au fait ! Ou copine ? Ou femme. Je sais pas. » Teddy afficha un air surpris avant de comprendre qu’il devait parler de Leah. Qui n’était ni sa femme ni sa copine, en réalité elle était juste sa colocataire. Colocataire qui à la base ne voulait même pas de lui mais bon finalement il vivait avec elle depuis un bout de temps maintenant. Et la colocation se passait bien. Teddy répondit : « Je m’appelle Teddy. » Simplement Teddy, il avait perdu l’habitude de dire son nom de famille, et ça évitait qu’on puisse chercher quelques choses sur lui sur internet. Tapez Theodore Baker sur google et vous trouverez de nouveau article de presse qui parle du meurtre, de la prison… Bref de tout ce qu’il voulait cacher ici. Il enchainait comme s’il était important de préciser qu’il ne sortait pas avec Leah. « En réalité c’est ma colocataire… » Il marqua un pause et précisa histoire d’être bien clair : « Enfin je ne suis pas le père du bébé. » Très important que Joshua visualise bien la situation. Teddy adressa un nouveau sourire à Joshua et lui demanda : « Tu veux entrer boire un café ? J’ai peur que si on les sépare brutalement ils nous en veuillent à mort ! » Il parlait bien sur des chiens en fait c’était juste une excuse comme une autre pour faire connaissance avec son voisin.

C’était peut-être un peu con à dire, mais la toute première fois que Joshua avait vu la minuscule boule de poil qui allait devenir son Dopey, il s’était un petit peu reconnu dans le chien. Ouais. Bizarre. Mais quelque part, on disait que les animaux ressemblaient toujours plus ou moins à leurs maîtres. Enfin – tout ça pour dire que le chiot était tout seul dans son coin, apparemment abandonné. Pas découragé de l’existence pour deux sous, il avait entrepris de jouer avec un morceau de corde qui devait traîner dans le coin – et, apparemment, c’était l’éclate totale. Cependant, il avait été distrait par la présence de Joshua et l’avait regardé avec deux grands yeux un peu incrédules avant d’abandonner son jouet improvisé pour un autre. Les lacets du jeune homme. Jeune homme qui était presque instantanément tombé amoureux de cette boule de poils. Lui non plus, il n’avait plus rien. Lui aussi, il tentait de se distraire avec tout et n’importe quoi. Lui aussi, il avait terriblement besoin d’affection. Dopey, c’était par ailleurs un surnom qui lui avait déjà été attribué par le passé – Dopey comme Simplet, le nain complètement insouciant et enfantin dans le Disney, là. Enfin. Ils s’étaient trouvés, il y a quelques semaines à peine, et pas un instant Joshua n’avait regretté d’avoir pris la petite bête sous son aile. Il l’aimait sincèrement. Dopey, c’était un peu d’animation dans son quotidien, et un tout petit être qui le regardait avec un amour inconditionnel. Il avait besoin de ça. Et lui, s’il n’avait pas beaucoup de moyens, il avait aussi de l’affection à revendre.
Autant dire qu’il était mort d’inquiétude, à l’instant où il avait frappé à la porte de ses voisins. Il avait même déjà commencé à réfléchir au moyen le plus rapide et le plus efficace pour faire des avis de recherches pour animaux de compagnie, dans le maigre intervalle entre son appartement et l’autre côté du pallier. Pour toutes ces raisons, il eut tout à coup un immense rire de bonheur brut et irrépressible quand il entendit puis vit une petite forme débouler de l’autre bout de l’appartement, proprement hystérique – sans même se soucier une seconde de la présence de Teddy et de ce qu’il pourrait bien en penser, il s’accroupit pour réceptionner l’animal et lui gratter vigoureusement le ventre. Dopey, à en juger le battement frénétique de sa queue contre le sol, en tous cas, ne s’en plaignait pas. Quand il lui demanda, avec ce ton un peu stupide du maître complètement fou de son chien, « Alors, p’tit gars ? On essaye de me faire peur ? C’est ça ?  », le chiot poussa un petit jappement de bonheur qui rappelait, étrangement, le rire constant de Joshua.
Ce dernier releva les yeux vers Teddy, puis se releva lui-même alors que Dopey restait allongé sur le dos, les quatre fers en l’air, apparemment comblé par la tournure des évènements. «  Je suis désolé, j’espère qu’il vous a pas trop dérangé. Il est crevant. Mignon, mais crevant.  » Pas radin en câlins pour deux sous, il se pencha un peu pour gratter la tête de l’autre chien – Sparrow, a priori ? Joshua avait toujours eu un truc avec les animaux. Quand il était encore au lycée, il avait bossé à mi-temps dans une animalerie – et ce n’était absolument pas pour l’argent, puisqu’à l’époque il pouvait encore compter sur la fortune colossale du clan Orwell. « J’ai pas fait gaffe avant de partir… Il a de l’énergie, vous avez du vous en rendre compte, alors dès qu’il a vu que la baie vitrée était ouverte et ma table contre le balcon il a fallu qu’il parte à l’aventure… Enfin tant mieux s’ils se sont amusés  » - il eut un grand sourire, éclatant, comme pour se faire pardonner un peu. Dopey avait posé sa tête sur la chaussure de son maître et agitait mollement une patte dans les airs. Petite bête manipulatrice et adorable qu’il était.
Enfin, au moins, malgré tout, le premier contact avec son voisin ne se passait pas trop mal. A nouveau il décrocha un grand sourire quand l’autre homme lui dit son nom. « Enchanté, Teddy !  », lança-t-il, avant de froncer légèrement les sourcils quand il indiqua n’être que le colocataire de la jeune femme. « Oh. D’accord ». C’était un peu étrange, mais ce n’était absolument pas ses oignons, alors il laissa couler – il s’était déjà suffisamment introduit dans leur quotidien en oubliant de fermer sa fenêtre et en ayant un chiot un peu trop turbulent. Il baissa les yeux vers son chien, qui semblait sur le point de s’endormir dans son improbable position, et sourit. « Vous l’avez drogué ? Non parce que d’habitude il est vraiment pas comme ça.  » Plutôt du genre à s’endormir une fois tous les trente-six du mois, et encore, uniquement parce qu’il n’avait pas trouvé de nouvelle connerie à faire. Toujours était-il que Teddy l’avait un peu pris de court en lui proposant d’entrer boire un café. Joshua ouvrit la bouche. La referma. Eut un rire un peu nerveux. « Je veux pas déranger plus longtemps.  » S’il était du genre envahissant quand on était en pleine discussion avec lui, c’était uniquement parce qu’il était bavard, rieur et outrageusement tactile – sinon il n’aimait pas particulièrement taper l’incruste inopinément. Question de politesse. Mais d’un autre côté, putain, il n’avait plus une goutte de café chez lui et il avait bien besoin d’un remontant avec ses restes de gueule de bois… et Dopey n’avait pas l’air décidé à bouger de là. « Ca dépend  », finit-il par trancher. « C’est proposé par pure politesse ou c’est sincère ? Parce que si c’est sincère, je le prends noir et sans sucre  », dit-il avec un grand sourire. Il baissa la tête vers son chiot, qui le regardait fixement avec ses grands yeux noirs, un peu comme pour le supplier de rester ici. « T’en dis quoi, Dopey ?  » Une nouvelle fois, le chiot agita la queue. Joshua eut un rire. « En tous cas, lui, il a l’air de croire que j’peux avoir confiance sur ce coup là. Mais je vous revaudrai ça.  » Il eut, une seconde, une légère moue avant d’ajouter : « Je peux vous tutoyer ? »

Teddy avait été surpris de voir une petite boule de poil surgir dans son salon dans la matinée pour le plus grand bonheur de Sparrow qui s’était lancé dans une folle partie de jeu avec le chiot qui s’était introduit chez lui. Les deux chiens avaient passés quasiment toute la journée à se courir après, se sauter sur le dos ou encore se mordre les oreilles. Ça avait duré assez longtemps pour que les deux chiens soient maintenant complètement épuisés. Le répit avait été de courte durée le propriétaire du petit chien avait frappé à la porte et ça avait suffi pour réveiller les deux chiens. Dopey puisque c’est comme ça qui s’appelait apparemment était venu faire une fête du diable à son maître et Sparrow était venu lui aussi mettre son grain de sel. « Je suis désolé, j’espère qu’il vous a pas trop dérangé. Il est crevant. Mignon, mais crevant. » Lui dit alors le propriétaire de la petite boule de poil qui s’était incrusté dans son appartement pour la journée. Teddy adressa un sourire à son voisin et lui répondit sincèrement : « Il ne m’a pas dérangé, ça m’a occupé pour la journée je n’avais pas grand-chose à faire de toute façon. » Teddy avait toujours le même sourire, c’est qu’il commençait à trouver le temps long, il avait hâte de reprendre les cours et d’occuper ses journées. C’était surtout ça qui lui manquait, une occupation à plein temps. Il n’avait pas forcément de passe-temps hormis lire mais il avait épuisé son stock de livre. Il en avait même relu quelques-uns de ses préférés. Il fallait qu’il fasse de nouveau le plein de bouquin mais ça avait un cout et son compte en banque n’était pas au mieux de sa forme. Enfin bref garder Dopey et Sparrow l’avaient quelques peu occupé et c’était pas plus mal. « J’ai pas fait gaffe avant de partir… Il a de l’énergie, vous avez du vous en rendre compte, alors dès qu’il a vu que la baie vitrée était ouverte et ma table contre le balcon il a fallu qu’il parte à l’aventure… Enfin tant mieux s’ils se sont amusés » ajouta Joshua. Teddy avait toujours son sourire sur les lèvres et lui répondit : « Ils n’ont pas arrêté de la journée, votre oubli à fait deux heureux. » Sparrow avait bien aimé avoir un compagnon de jeu pour la journée, lui qui passait souvent ses journées seul. Enfin en temps normal quand Teddy bossait, parce que là en vacances le petit chien était souvent avec lui. Quand Teddy allait se promener ou se poser au parc et que Leah n’était pas là il prenait toujours le petit chien avec lui. Ça allait lui faire drôle à lui aussi quand Teddy reprendrait le boulot.

Teddy avait avoué ne pas être le père de l’enfant qu’attendait Leah et il fut reconnaissant de voir que Joshua ne posa pas plus de question. Teddy n’avait pas envie de raconter sa vie ni celle de Leah pour tout avouer. La seule chose importante c’était que Leah et Teddy n’étaient pas en couple et qu’ils étaient de simple colocataire. Enfin simple ?! Pas tout à fait la courte histoire sordide qu’ils avaient en commun rendait les choses bizarres. Mais finalement il s’entendait plutôt bien avec la jeune femme, il s’évertuait à lui prouver qu’il n’était pas le meurtrier qu’elle imaginait. Celui contre qui elle avait témoigné. Ils n’avaient jamais encore reparlé du procès et du témoignage de la jeune femme. Mais il savait qu’un jour elle poserait probablement des questions, après tout elle avait été là ce soir-là. Et c’est elle qui avait dit qu’elle avait vu ses deux frères frapper sur ce couple d’homo, ça avait bien failli faire capoter les aveux de Teddy. Bref Dopey s’était endormi d’une façon plutôt inconfortable, il avait sa tête posé sur la chaussure de son maitre. « Vous l’avez drogué ? Non parce que d’habitude il est vraiment pas comme ça. » Lui demanda celui-ci. Teddy secoua la tête non mais Sparrow avait complètement épuisé le chiot. Et réciproquement en fait, Sparrow était parti retrouver le canapé pour s’y allonger de tout son long. « Ils ont joués toute la journée alors je suppose que maintenant ils sont épuisés. Pour tout avouer j’espérais que ça arrive avant mais c’est infatigable ces bêtes-là. » Teddy était bien décidé à faire connaissance avec son voisin, après tout il avait gardé son chien toute la journée alors peut-être était-il amené à se revoir pour que les deux chiens se voient. Et puis ça ne lui ferait pas de mal de s’ouvrir un peu aux autres, il était là depuis quelques mois maintenant et il n’avait pas fait tant de rencontre que ça. Il était là pour avoir sa propre vie loin de sa famille, être lui-même alors il était peut-être temps qu’il commence. « Je veux pas déranger plus longtemps. » lui dit Joshua puis Teddy lui proposa un café c’était le meilleur moyen qu’il avait trouvé pour connaître un peu mieux son voisin. « Ca dépend » Lui répondit Joshua. Teddy ne manqua pas d’être un peu surpris par cette réponse. Il ne s’attendait pas vraiment à ça. En règle général c’était plutôt ou ou non qu’on recevait à ce type de question. Joshua ajouta : « C’est proposé par pure politesse ou c’est sincère ? Parce que si c’est sincère, je le prends noir et sans sucre » Teddy sourit et se décala pour laisser entrer le jeune homme. Teddy était sincère, il n’était pas du genre manipulateur ou quelques choses comme ça. Pour être honnête il n’avait pas une once de méchanceté en lui. On avait du mal à le croire quand on connaissait son histoire ou sa famille mais c’était la vérité. Teddy portait bien son nom c’était un gentil, il essayait toujours de voir le meilleur chez les autres. Bref il n’avait finalement rien à voir avec les membres de sa famille, il s’était plus jeune souvent demandé s’il n’avait pas été échangé à la naissance. Il ne ressemblait en rien à ses frères, ni à son père pas plus à sa mère. Mais l’idée lui était avec le temps sorti de la tête et aujourd’hui se serait la pire découverte qu’il pourrait faire… « T’en dis quoi, Dopey ? » le petit chien remua la queue et Joshua poursuivit : « En tous cas, lui, il a l’air de croire que j’peux avoir confiance sur ce coup-là. Mais je vous revaudrai ça. » Teddy laissa entré Joshua et referma la porte derrière celui-ci. Il prit la direction de la cuisine alors que Joshua demandait : « Je peux vous tutoyer ? » Teddy sourit et répondit : « Oui je préfère ! C’est plus simple. » Teddy n’était pas très à l’aise avec le vouvoiement. Même ses élèves le tutoyais souvent, il s’en fichait du moment que le respect était toujours là. Une fois dans la cuisine Teddy sortie deux dosettes pour la machine à café et mis deux café en route. Une fois les deux cafés servis il en posa un sur le bar devant Joshua et lui dit : « Et voilà Noir et sans sucre ! » Teddy avait toujours son sourire sur les lèvres et demanda : « Tu fais quoi dans la vie ? » Question des plus banales mais il fallait bien commencer par quelques choses non ? Et puis Teddy préférait poser les questions en premier parce qu’il se contenterait d’en poser sur le présent et pas sur le passé. S’il n’en posait pas sur le passé, il y avait peu de chance que Joshua lui en pose en retour.

La scène avait des allures de 101 dalmatiens – sauf qu’il n’était pas en train de promener Dopey au bout de sa laisse, que l’autre homme ne faisait pas de même, et que le jeune chiot n’avait absolument rien d’un grand chien élancé pure race. Et Teddy et lui n’allaient pas tomber amoureux, non plus – ce n’était pas au programme, et il était tout à fait capable d’évoluer dans la vie de tous les jours sans se lancer dans des quêtes désespérées de l’âme sœur. Merci bien. Toujours était-il, il venait de rencontrer quelqu’un grâce à son chien. Et ce quelqu’un était sympathique. C'était le genre de petits événements à la con qui suffisaient à lui arracher un sourire, et à considérer que sa journée n'avait pas été si pourrie, après tout – peu importe si elle avait mal commencé, s'il avait eu peur pour la vie de son seul compagnon, s'il était proprement crevé et qu'il allait devoir tout recommencer le lendemain matin. Il était de ces personnes tellement sociables qu'un sourire partagé les rend heureux.
Parfois, il enviait un peu son chien – ce qui était con en soi, parce que Dopey avait beau être le chiot le plus heureux du monde, il ne profiterait jamais autant de la vie que Joshua pouvait bien le faire. Mais il aurait adoré avoir ce genre d'existence, où escalader un balcon suffit à faire une grande aventure, et où l'on peut passer une journée entière à s'amuser avec un autre animal sans éprouver le moindre scrupule. Il eut un grand sourire quand Teddy mentionna l'épuisement des deux chiens et, s'efforçant de ne pas trop remuer le pied sur lequel Dopey semblait tout à fait prêt à s'endormir, Joshua descendit sur ses genoux jusqu'à se retrouver accroupi, grattant doucement le ventre de la petite bête. Infatigable ? De toute évidence, pas tant que ça. Quand il se releva, presque immédiatement, il avait au visage l'air le plus attendri du monde. Chaque seconde passée en compagnie de son chiot était une seconde à en tomber un peu plus éperdument amoureux. Et tant pis s'il avait l'air d'un con.
Un café ? C'était cool, ça, aussi. Et pour le coup, ça faisait partie de ces choses dont Dopey ne pourrait probablement jamais profiter – c'était pas toxique pour les chiens ce genre de trucs ? Ou alors que le chocolat ? Dans tous les cas, prendre un café avec voisin, ce n'était jamais vraiment de refus. Joshua n'avait pas réellement de côté calculateur, il n'agissait pas ainsi pour bénéficier d'une certaine indulgence quand il mettait la musique un peu trop fort – il était simplement content, comme un gamin de maternelle en train de se faire un tout nouvel ami. Victoire du jour, bonjour. Il eut un sourire éclatant, quand Teddy lui répondit très simplement qu'il pouvait le tutoyer.

Quelques minutes à peine, il était accoudé au bar, avec un café fumant sous le nez – c'était, à peu de choses près, sa définition du paradis. Quoique. Ca manquait un peu de pop-rock douteux des années 1980, mais il n'allait pas à ce point s'imposer chez les gens, hein. Dopey, pas longtemps rancunier d'avoir été dégagé de son coussin improvisé, était retourné rejoindre son compagnon de jeu sur le canapé et paraissait à nouveau prêt à se rendormir lourdement. Bravo. La vision, en tous cas, arracha un sourire au jeune homme. Il tourna à nouveau la tête vers Teddy alors qu'il s'installait à proximité, déclarant un chaleureux « Merci beaucoup ! », avec un entrain assez incroyable pour ce qui n'était, somme toute, qu'une bête tasse de café. Il eut une brève pensée pour sa sœur, qui lui jetait toujours un regard oblique, légèrement accusateur, quand il commençait à abuser sur la caféine – l'air de dire qu'il n'avait absolument pas besoin d'en rajouter à son extraordinaire énergie naturelle. Bon sang, ce que Judy pouvait lui manquer, parfois.
Mais il n'était pas seul. Pour être honnête, Joshua n'était jamais tout à fait seul. Il avait toujours quelqu'un à qui sourire, quelqu'un avec qui fraterniser. Et avec Teddy, la phase de fraternisation et de connaissances venait tout juste de commencer. Il eut un rire, presque gêné, quand l'autre homme lui demanda ce qu'il faisait dans la vie. « Je suis... disquaire. Au Music Bundle. On vend aussi des instruments de musique d'occasion. » Il passa une main à l'arrière de son crâne, glissa une seconde ses doigts dans les boucles noires. « J'avoue tout. C'est moi qui réveille tout l'immeuble le matin en écoutant Wham ! à fond. Mais « wake me up before you go-go », c'est vraiment une super chanson pour commencer la journée. Et j'étais un peu amoureux de George Michael plus jeune. » Il riait toujours – il n'avait pas d'idée vraiment précise de la qualité de l'isolation des murs, mais il était à peu près certain qu'il avait tendance à se lâcher sur les décibels quand il commençait à écouter ses chansons favorites. Curieusement, il était beaucoup plus pudique quand il travaillait ses instruments de musique. « Désolé », ajouta-t-il très vite, du bout des lèvres. « Mais si ça peut me faire pardonner, j'ai deux bibliothèques pleines de Cds et de vinyles, et je prête volontiers. » - grand sourire d'ange. Il amena la tasse à ses lèvres, descendant une gorgée du liquide brûlant – avant de relever les yeux vers Teddy, penchant un peu la tête, curieux. « Et toi, alors ? A part de l'assistance à femme enceinte ? »

Teddy n’avait pas l’occasion de rencontrer du monde, et finalement depuis qu’il était ici il ne s’était pas fait beaucoup d’amis. Il y avait eu Mia qui était finalement retourné dans sa ville natale et il y avait Leah qui l’avait hébergé et dont il était finalement devenu proche même si rien n’indiquait au début qu’ils deviendraient amis tous les deux. C’était entièrement la faute de Teddy s’il ne s’était pas fait plus d’amis, il restait en retrait des gens. Il ne voulait pas prendre le risque qu’on apprenne son histoire, la prison, le meurtre… Alors consciemment il prenait ses distances avec les gens, pour ne pas avoir à leur mentir. Parce qu’il y serait forcé si on lui posait des questions sur son passé. On n’annonce pas facilement à quelqu’un qu’on a fait de la prison pour meurtre… Alors forcément il se montrait toujours plus ou moins réservé. Mais pas aujourd’hui pour une fois il jouait le mec sociable et avait même invité un inconnu à venir boire un café chez lui. C’était une grande première pour Teddy il n’agissait pas de cette façon en règle général. Mais il y avait quelques choses chez Joshua qui l’avait mis simplement en confiance. Ted’ lui servit son café et Joshua lâcha un : « Merci beaucoup ! » Il lui répondit par un simple sourire sincère. Finalement c’était plaisant d’avoir un peu de compagnie parfois.

Teddy avait même engagé la conversation mais ça c’était plus ou moins stratégique, il se disait que s’il orientait la conversation dans la direction qu’il voulait, les questions sur son passé ne viendrait pas pointer le bout de leur nez. Il ne pouvait pas se permettre que Joshua lui demande ce qu’il avait fait comme étude où est ce qu’il les avait faite. Il serait obligé de mentir et Teddy ne savait pas spécialement bien mentir… Il avait donc demandé au jeune homme ce qu’il faisait dans la vie : « Je suis... disquaire. Au Music Bundle. On vend aussi des instruments de musique d'occasion. » Teddy sourit il recommençait depuis sa sortie de prison à apprécier la musique parce que là-bas il n’avait pas le droit au baladeur alors il était plutôt à la ramasse question culture musical. Il voulait cependant essayer quelques choses, le piano il avait appris en prison en se créant des touches en papier et en s’entrainant sur son lit. Mais il n’avait jamais eu l’occasion d’essayer sur un vrai piano. Il demanda alors à Joshua : « Et vous avez des pianos à vendre ? » Teddy avait quelques économie et si Joshua avait dans son magasin un piano qui rentrait dans ses moyens il allait sauter sur l’occasion. Joshua enchérit alors : « J'avoue tout. C'est moi qui réveille tout l'immeuble le matin en écoutant Wham ! à fond. Mais « wake me up before you go-go », c'est vraiment une super chanson pour commencer la journée. Et j'étais un peu amoureux de George Michael plus jeune. » Teddy sourit, les murs étaient plutôt bien isolé et se serait mentir s’il disait à Joshua qu’il dérangeait le voisinage en tous les cas Leah ne s’en était jamais plainte et Teddy n’avait pas de plainte à émettre non plus à ce sujet. Joshua s’empressa d’ajouter : « Désolé » Teddy lui adressa un sourire et lui répondit : « Pas besoin de l’être on n’entend pas au point d’être dérangé. » Joshua proposa tout de même : « Mais si ça peut me faire pardonner, j'ai deux bibliothèques pleines de Cds et de vinyles, et je prête volontiers. » Teddy laissa échapper un léger rire puis répondit à son voisin. « Inutile de te faire pardonner mais je viendrais quand même piquet quelques CD’s ! » Ba oui il n’est jamais trop tard pour remettre à jour sa culture musicale. Après tout Joshua avait sans doute plein de chose à lui apprendre concernant la musique. Joshua lui demanda alors sans doute un peu curieux aussi : « Et toi, alors ? A part de l'assistance à femme enceinte ? » Teddy prenait simplement plaisir à aider Leah c’était dans sa nature malgré son passé qui lui faisait défaut il était quelqu’un de profondément gentil. Quand a son boulot il avait failli ne jamais réussir à l’exercer. C’était une vraie passion enseignée… Il répondit : « Je suis prof de Math au lycée de HB entre deux services à ma coloc enceinte. » Teddy sourit et ajouta : « Oui je sais c’est bizarre de vouloir devenir prof de Math. » il avait souvent le droit à cette remarque, ce n’était pas commun d’aimer les maths déjà et encore moins de vouloir les enseigner.