NOUS AVONS TOUS UN PASSE, UN PRESENT ET UN FUTUR.
Ça commence par une naissance. Oui, aussi banale que ça, une naissance. Suivie d'une mort. Moins banale, hein? L'enfant a survécu, césarienne, alors que la mère a périt, épuisement. Il était mal placé, ce connard. Toujours mal placé, au mauvais endroit, encore maintenant. Et c'est de sa faute si cette mère et épouse est morte. Il en voulait pas de l'enfant, lui. Il lui avait dit de se faire avorter, elle avait rien voulu entendre. Et le voilà pris avec un bébé, qu'il haïssait autant qu'il aimait. C'était possible, ça ? Jamais il l'aurait cru. Mais en voyant ses yeux, il l'avait vue. Elle dont les siens ne se rouvriraient jamais. Et il y avait cru. Presque aussi banalement qu'une naissance. Pas n'importe qu'elle, non : celle de son fils. '' J'te promet te prendre soin de ce gosse, Charlie, j'te le jure... '' D'où le prénom. Elle avait laissé sa vie pour lui donner la sienne, il allait porter son nom pour honorer la sienne. Charlie. Charlie O'hara, fils d'Henry O'hara et Charlie Lawyer, défunte. '' Bienvenue dans le monde, Charlie. ''

C'était difficile. L'enfance de cet enfant fut difficile. Tout bougeait autour de lui, tandis que ses pieds restaient figés dans le sol. Il ne comprenait pas, il ne savait pas pourquoi son père le regardait toujours avec ce regard de haine. Il ne pouvait pas savoir que dans ses yeux, son père voyait sa mère. Et ça le tuait. P*tain, ça le tuait. Élever le fils qu'il n'avait jamais voulu, celui qui lui avait arraché tout ce qu'il avait toujours voulu. Il avait promis à Charlie d'élever son fils et des fois, il regrettait. '' Putain Charlie, j'en peux plus, '' avait-il marmonné à lui-même dans sa chambre, replié sur lui-même, ignorant que des oreilles indiscrètes l'écoutaient. C'est d'ailleurs à ce moment, observant les larmes coulant sur les joues de son père, qu'il comprit. Jamais il ne pourrait aider son père à passer à travers son deuil : encore moi depuis qu'il savait qu'il en était la raison. C'est là que tout tomba, alors que le petit O'hara n'avait que onze ans. Il ne tentait plus de se faire aimer par son père, à vrai dire il lui en voulait de lui en vouloir. Il n'avait rien fait pour mériter sa haine. '' Va te faire voir, merde ! '' '' Charlie, tu parles pas comme ça à ton père ! '' '' J'AI PAS DE PÈRE ! '' Ils s'étaient mutuellement reniés, refusant de reconnaître leur lien qui semblait si évident aux yeux de tous. '' Alors, Charlie, ton père travaille toujours dans son cabinet d'avocat ? '' '' Je sais pas de qui tu parles. '' '' Voyons, de ton père, lui qui t'élève. '' '' Ah bon, j'suis un gosse bien élevé ? '' C'était hallucinant. Comment pouvait-on détester quelqu'un plus qu'on déteste la vie?

L'été de ses quinze ans, ils prirent une pause. Mais pas comme les couples qu'on voit dans les films. Eux, ce n'était pas pour espérer revenir en meilleur état, mais simplement pour ne pas finir en trop mauvais état. Le père de Charlie l'envoya chez un oncle dont il n'avait jamais entendu parler. Huntington Beach. C'était différent de New York, mais le nom annonçait un bel été. Et c'était vrai. Son oncle vivait dans une grande villa, à Palm Avenue. La vue était belle, encore plus chez les voisins lorsque leur fille organisait des pool party. Malheureusement, toute bonne chose à une fin. Ça, il le savait. Depuis sa naissance. Il dut rentrer à New York, avec son père. Mais comme il insista et qu'ils se détestaient, Charlie pouvait y retourner régulièrement. Chaque vacances, il y allait. Son oncle était devenu le père qu'il avait jamais eu. Il le présentait comme son père et le vrai comme un simple tuteur.

Charlie devenait un homme, un vrai. Mais pas comme son père, enfin peut-être que si, un peu. Son père avait une nouvelle copine, plutôt jeune à vrai dire. Charlie avait 19 ans, elle n'en avait que 23 et son père avait dans la fin quarantaine. Et pour tout dire, Charlie la trouvait belle. Plus que ça même, sexy. Sa façon d'agir, son regard, ses cheveux ... Pourquoi choisir un vieux mec comme son père plutôt qu'un jeune étalon comme lui ? Il ne se gênait pas, d'ailleurs. '' Tu sais, Aleena, tu es jeune, belle ... Pourquoi choisir mon père ? '' '' Parce qu'il m'aime pour ce que je suis. '' '' Il n'a jamais su m'aimer. '' Et c'est ainsi qu'ils développèrent une grande relation. Il se confiait à elle, elle l'écoutait. Il se plaignait de son père et elle ne disait rien. Pas une reproche ou encore un moyen de le faire changer d'idées. Non, elle ne faisait que l'écouter. Sa longue chevelure tombante sur ses épaules, son regard perçant, son sourire craquant ... Elle était magnifique.

La relation entre son père et lui ne s'améliorait pas, malgré tout. Charlie, à ses dix-neuf ans, décida donc de quitter la maison de son père pour retourner vivre chez son oncle et ce, de façon permanente. '' Et puis, après tout, ce connard ne me sert à rien ! '' disait-il en pensant à son père. Il arriva donc chez son oncle, valises à la main. Ce dernier ne semblait même pas surpris de le voir débarquer dans sa villa, il l'accueillit à bras ouvert. '' Ç'a toujours été toi mon père, '' ne cessait-il de répéter à son oncle. Depuis, Charlie n'a plus aucun contact avec son père, sauf l'argent qu'il reçoit de ce dernier. Il n'avait jamais servi à rien, de toute façon.