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| « Do you wanna build a viking ship? » — Elias | |
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Auteur | Message |
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| Sujet: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 0:51 | |
| « If Heaven and Hell decide that they both are satisfied, illuminate the "No"'s on their vacancy signs. If there's no one beside you when your soul embarks, then I'll follow you into the dark »
NOM : Osborne PRÉNOMS :Elias Reed SURNOMS : Avec les intimes, Eli passe plutôt bien mais de manière générale, il préfère qu'on l'appelle Elias, tout simplement. AGE : 28 ans DATE DE NAISSANCE : 3 juillet 1986 à Huntington Beach NATIONALITÉ : Américaine SEXUALITÉ :On vous en pose des questions à vous? SITUATION AMOUREUSE : cf. réponse précédente. EMPLOI/ETUDES : tourneur de pouces professionnel, rêveur éternel, junkie-et-je-t'-emmerde, enfant perdu, vainqueur de la palme du garçon le plus mignon d'Huntington Beach (ou presque), fan inconditionnel de Jeopardy, mangeur compulsif de Pringles saveur sour cream & onion. La liste de ses occupations est longue, arrêtons-nous à ça. NOM DU QUARTIER : Pacific LaneANIMAUX DE COMPAGNIE : Aucun,mais lorsqu'il était enfant il rêvait d'avoir un éléphant rien qu'à lui.CHIFFRE PORTE BONHEUR : Elias ne croit pas vraiment en ce genre de chose… superstition, bonheur… Balivernes!
Elias est un garçon plutôt fragile qui n’a connu que très peu d’instants heureux au cours de sa vie. Sa personnalité possède donc deux facettes. D’abord, il y a le côté léger qui le présente comme quelqu’un de doux, de gentil, de sensible, et d’attentif aux besoins des autres. Un amoureux des jolies choses, la musique et la littérature en particulier. Une personne faisant preuve d’une certaine innocence, de spontanéité, à la limite de la candeur et donnant parfois l’illusion de n’avoir jamais grandi. Et puis il y a le côté beaucoup plus sombre, celui qui s’est particulièrement révélé ces dernières années. Elias a subi de nombreux changements et a connu tout autant de bouleversements. Ces choses-là ont fait de lui un garçon perturbé, psychologiquement instable. Ce n’est pas un grand malade, ni un fou dangereux, mais il mène clairement une existence perturbée. Ses choix de vie ne sont pas les meilleurs, loin de là même. Comme incapable de s’aimer lui-même à force d’avoir vu partir toutes les personnes à qui il tenait, Elias a tendance à avoir une estime de soi très faible, parfois même carrément inexistante. Il a repoussé toutes les personnes qui s’intéressaient encore à lui pour se protéger, mais petit à petit il a perdu de cette innocence qui faisait son charme. Loin d’être stupide, il se détruit malgré tout par tous les moyens. La drogue et l’alcool sont ses seules échappatoires, ses seules amies très certainement. Il déteste la personne qu’il est devenu mais se complait dans l’idée qu’en étant responsable lui-même du mal qu’il se fait, personne d’autre ne peut le blesser. Pourtant, une seule main tendue pourrait peut-être tout changer… Au fond de lui, il a conservé toutes les qualités qu’il avait autrefois. S’il a perdu tout espoir d’être un jour heureux, Elias rêve parfois de toutes les choses qu’il aurait pu faire et toutes les choses qu’il aurait pu être s’il n’avait pas choisi ce chemin-là. La solitude est son compagnon de route, mais il se traine avec elle les regrets, l’amertume, la culpabilité, la colère et l’angoisse. Nous avons tous un passé, un présent et un futur. Décembre 1992, Huntington Beach. Accoudé sur le rebord de la fenêtre, Elias, âgé de six ans déjà, regardait les lumières de la rue. Noël était proche et la ville avait adopté une atmosphère particulière à cette période de l'année. Ça avait beau être la Californie, les fêtes de fin d'année n'en restaient pas moins sacrées. Avec ou sans neige, les habitants de la ville ne se privaient jamais de sapin et autres guirlandes lumineuses. Le menton soutenu par les paumes de ses mains, l'enfant rêvassait silencieusement en pensant aux nombreux cadeaux qu'il aurait bien aimé recevoir cette année-là. Il fixa le ciel, imaginant le traineau du Père Noël qui descendrait bientôt pour se balader à travers les étoiles avec ses rênes et viendrait garnir les pieds des arbres joliment décorés. Encore quelques nuits à attendre avant que la magie n'opère. Oh, il savait bien que, comme chaque année, il n'obtiendrait pas tout ce qu'il souhaitait, mais il saurait se contenter du peu qu'il recevrait. Même si ça signifiait que ses cadeaux seraient sans doute des objets de seconde main. Et puis il était à peu près sûr que ses copains d'école le laisseraient jouer avec leurs jouets tout neufs s'il le leur demandait gentiment. Sa mère avait accepté d'acheter un tout petit arbre. Il n'avait rien d'un joli sapin bien vert, qui sent bon, mais décoré par les soins d'Elias, ça passait assez bien. Sa mère l'avait porté pour qu'il puisse atteindre le haut et y déposer l'étoile, il s'était ensuite lancé dans une série de petits bonds marquant son immense joie et sa terrible impatience à l'approche du réveillon. Il fut tiré de ses rêveries lorsqu'une jeune femme aux traits fatigués mais à la beauté indéniable fit irruption dans la pièce. Elle s'approcha de lui, et il tendit les bras vers elle pour quémander une étreinte. Elle le serra fort contre elle, passa une main dans ses cheveux fins et bouclés, et s'abaissa pour être à la hauteur de son visage. "Il est l'heure d'aller au lit, Elias." Elle attrapa sa main pour l'amener jusqu'à un petit matelas étendu à même le sol. "Mais j'ai pas sommeil, maman…" Presque aussitôt, il eut un bâillement qui trahit ce qu'il venait de dire. Sa mère passa une main délicate sur ses joues rebondies, elle repoussa quelques mèches de cheveux et lui sourit tendrement avant de soulever la couverture pour l'inciter à se coucher. "Le marchand de sable va passer et tu ne voudrais pas le rater. C'est lui qui fera en sorte que tes rêves soient beaux." Le petit garçon ne rechigna pas d'avantage, il se glissa sous les couvertures et se laissa border par sa mère. Cette dernière était parcourue par un léger tremblement qu'il n'avait pas manqué de remarquer. Ça lui arrivait souvent de trembler comme ça, et il avait arrêté de s'en inquiéter. Lorsqu'elle fut certaine que son fils était bien emmitouflé, elle caressa à nouveau son visage, passa un pouce sur le front de l'enfant et y déposa un baiser. "Chante, maman, s'il te plait?" Il la regardait avec ses magnifiques yeux bleus qu'il avait hérité de son père, un homme qu'il ne connaissait même pas. Elle eut un nouveau sourire et commença à chantonner une comptine qu'il adorait particulièrement. Il l'observa quelques instants avant de fermer les yeux et de se laisser bercer par la voix de sa mère. Au bout d'un moment, elle l'embrassa à nouveau, glissa un "Fais de beaux rêves, mon amour." au creux de son oreille et se releva pour quitter la pièce. Elle éteignit la lumière et referma la porte derrière elle. L'histoire aurait pu s'arrêter ici. Cette nuit-là aurait pu être une nuit ordinaire. Après tout, elle avait commencé comme n'importe quelle autre nuit de décembre dans le foyer Osborne. Rien ne laissait présager que bientôt, la vie entière d'Elias et de sa mère se retrouverait bouleversée par un évènement inattendu et dévastateur qu'il porterait en lui jusqu'à la fin de ses jours.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, Elias fut désorienté quelques secondes. La pièce était toujours plongée dans le noir, le jour ne s'était pas encore levé et pour cause, il n'avait dormi que quelques heures. Il devait être aux alentours de deux heures du matin lorsque de grands cris émanèrent de la pièce principale. En dessous de la porte, il apercevait la lumière du salon et s'il écoutait bien, il reconnaissait la voix de sa mère mêlée à des sanglots. Il se redressa un peu sur son petit matelas, et tendit l'oreille pour écouter ce qu'il se passait de l'autre côté de la porte. Un homme était là et il hurlait, clairement mécontent. Les choses qu'il disait semblaient être un charabia incompréhensible pour un enfant de six ans. La peur au ventre, angoissé de savoir que sa mère pleurait, il repoussa la couverture. Armé de son ours en peluche sous le bras, il s'approcha de la porte sur la pointe des pieds. Elias l'entr'ouvrit rien qu'un tout petit peu pour tenter d'apercevoir quelque chose. Il vit un homme grand, brun, vêtu d'un jean et d'une veste en cuir, faire les cent pas. Il continuait de crier. De l'autre côté, sa mère était à genoux sur le sol, le visage caché dans ses mains, le corps secoué de sanglots. Pendant une seconde, il songea à ouvrir la porte en grand et à courir vers elle pour la consoler comme elle le faisait avec lui lorsqu'il avait un chagrin. Mais son regard se reporta sur l'homme et quelque chose dans son ventre se tordit. Il lui faisait peur, bien trop peur pour qu'il n'osa faire quoi que ce soit. Il l'entendit crier à nouveau: "Où est mon fric, Celia?" et puis: "Arrête de pleurer putain! Donne-moi mon fric et qu'on en finisse!" Mais sa mère ne bougeait pas. Elle restait au sol, complètement éplorée et tremblante. "J'aurais dû le savoir qu'une p*tain de ton genre me ferait un coup pareil!" Elias referma doucement la porte, sans se faire remarquer. Il serra son ours très fort contre lui et y enfouit son visage. Lui aussi, comme sa mère, avait envie de pleurer. Il aurait bien aimé que ce méchant monsieur s'en aille et qu'il s'en aille maintenant. Il y eut un grand bruit, sans doute qu'on avait cassé quelque chose dans le salon. Elias se précipita vers le placard juste à côté de son lit. Il s'assit sur le sol, juste sous les vêtements accrochés de sa mère. Ça sentait bon ici, ça sentait comme elle. Avec son ours toujours dans les bras, il tenta de se raconter une histoire dans sa tête, mais les cris et le bruit se firent de plus en plus forts, de plus en plus intenses. Alors, l'enfant porta ses deux mains à ses oreilles, il plaqua ses paumes dessus jusqu'à ce qu'il n'entende plus rien et se mit à chantonner, tout comme sa mère l'avait fait pour lui avant qu'il ne s'endorme. À ce moment-là, il ne savait pas que les bruits qui allaient suivre ne le quitteraient plus jamais et hanteraient ses nuits et ses heures les plus sombres… Un premier coup de feu retentit et ses mains sur ses oreilles ne furent pas suffisantes pour l'empêcher de sursauter. Presque aussitôt, il se mit à pleurer en silence et un second, puis un troisième coup de feu retentirent. Elias, malgré tout, continuait de chantonner. Il n'avait pas ôté ses mains de ses oreilles et comme poussé par une force intérieure, il était incapable de stopper la mélodie. Les larmes coulaient sur ses joues et il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie, mais il continuait à chanter sa chanson préférée, son ours en peluche posé sur ses genoux.
Un long moment s'écoula avant qu'il ne cesse de chanter. Lorsqu'il retira enfin ses mains de ses oreilles, il constata que le silence régnait à nouveau dans l'appartement qui semblait aussi paisible que n'importe quelle autre nuit. Il ne pleurait plus, mais la peur ne l'avait pas quitté. Il se releva et sortit de sa cachette, traversa sa chambre avec hésitation avant de s'emparer de la poignée de la porte et de l'ouvrir doucement. Le jour n'était toujours pas levé, mais plusieurs heures s'étaient écoulées depuis l'instant où il s'était réveillé. Les lumières du salon étaient restées allumées. "Maman?" murmura-t-il timidement tout en avançant à travers la pièce. Le sapin de Noël dans un coin du salon était resté allumé, lui aussi. La guirlande lumineuse dont quelques ampoules étaient déjà grillées, continuait de clignoter et Elias remarqua une tâche rouge foncé sur le sol. Il contourna le canapé et trouva sa mère, étendue. "Maman?" répéta-t-il toujours aussi faiblement. Il s'approcha d'avantage, prit garde à ne pas marcher dans le sang qui s'était échappé du corps de sa mère et vint poser une main sur la joue de cette dernière. "Maman?" souffla-t-il. Elle avait les yeux ouverts, mais elle ne répondit pas. Alors, Elias s'assit sur le sol, juste à côté d'elle, et entreprit de la secouer. "Maman? Maman? Est-ce que ça va?" Il avait à nouveau envie de pleurer. Pourquoi ne répondait-elle pas? Et pourquoi perdait-elle autant de sang? Voyant qu'elle ne répondait toujours pas, il se releva d'un bond et couru à la salle de bain. Il s'aida d'un marchepied qui lui servait habituellement à atteindre à le lavabo lorsqu'il se brossait les dents, et tenta cette fois d'atteindre l'armoire à pharmacie. Sur la pointe des pieds, il manqua de perdre l'équilibre mais finit par attraper la boite qu'il voulait. Il retourna auprès de sa mère et fit tomber le contenu de la boite sur le sol. Des pansements à l'effigie de Mickey et Minnie se répandirent sur le sol et il se pencha pour trouver le plus gros. "Il faut mettre un pansement sur ton bobo, ça va aller." Il arracha le papier qui protégeait encore le petit bandage et il chercha quelques instants où le poser sur le corps de sa mère. "Je…" Un air désespéré se glissa sur son visage et sa voix se brisa peu à peu. "Je sais pas où t'as mal, maman." Il eut un hoquet avant de se mettre à pleurer plus fort. Assis au milieu des pansements, impuissant face à cette mère qui ne réagissait plus, Elias se sentait désemparé. Que pouvait-il faire à présent? Il tenta de réfléchir entre deux sanglots. Il se releva et se précipita vers le téléphone. À l'école, on lui avait répété plusieurs fois qu'en cas d'urgence il fallait appeler un numéro spécial pour faire venir des secours chez soi. Sa mère le lui avait aussi dit à plusieurs reprises. Elle avait ajouté de ne pas appeler ce numéro à moins qu'il ne s'agisse vraiment de quelque chose de grave. Approchant le combiné de son oreille, il hésita un instant. Il n'avait pas envie de se faire disputer plus tard… Quel était le numéro déjà? 9… 11? 911? Il le composa et presque aussitôt la voix d'une femme se fit entendre à l'autre bout du fil. "911, quelle est votre urgence?" L'enfant ne dit rien. "Allô?" Il était parvenu à stopper sa crise de larmes, mais il n'était pas sûr de pouvoir parler. "Allô?" répéta la femme au téléphone. "Ma maman est blessée… Il y a du sang." La femme lui demanda alors son prénom et tenta de lui faire expliquer la situation. Déboussolé et apeuré, Elias fût incapable de donner beaucoup plus de précisions. Lorsqu'on lui demanda son adresse, il se mit à nouveau à pleurer en réalisant qu'il ne la connaissait pas. La femme lui demanda alors de poser le téléphone et d'aller voir par la fenêtre ce qu'il voyait. Lorsqu'il reprit le combiné, il s'appliqua à lui décrire le petit magasin en face de son immeuble, et l'école au coin de la rue. Il lui parla aussi de la camionnette bleue qui était garée en bas de chez lui. On lui assura qu'une ambulance allait être envoyée rapidement, et la femme au téléphone lui proposa de rester en ligne avec lui jusqu'à ce que les secours arrivent. Mais Elias ne voulait plus parler alors il ne raccrocha pas mais laissa le combiné pendre dans le vide. Il retourna auprès de sa mère et s'allongea à côté d'elle pendant ce qui lui sembla être une éternité.
Lorsque les secours arrivèrent enfin, on se précipita sur le corps étendu de la mère et de son enfant. Elias avait glissé sa tête sur la poitrine de sa mère et il serrait son corps de toute ses forces dans un ultime câlin que les secouristes cherchèrent à briser. Lorsqu'on le sépara du corps de sa mère, le gamin se mit à hurler d'un cri à vous déchirer le coeur. Pleurant à chaudes larmes et enchainant les "Maman! Je veux ma maman!" répétitifs, il ne se laissa pas emmener facilement. Se débattant dans tous les sens, il fut malgré tout forcé de descendre avec l'un des secouristes tandis que l'on s'occupait de sa mère. On le fit s'asseoir à l'intérieur de l'ambulance, et de là où il était, il pouvait observer les gens du quartier se réunir autour de l'immeuble. Il aperçut une petite fille en robe de chambre au milieu de la foule. Elle le regardait et finit même par lui faire un signe de la main. Le secouriste tenta tant bien que mal de le faire parler mais tout ce qu'Elias était capable de dire était qu'il voulait voir sa mère. Finalement, on descendit un brancard sur lequel se trouvait un sac noir à fermeture éclaire. Du haut de ses six ans, il comprit qu'à l'intérieur se trouvait sa mère. Une chose se brisa en lui à l'instant même où il en vint à cette conclusion. Sa mère était morte et il ne la reverrait plus jamais. Elle ne lui chanterait plus de chanson le soir, avant de s'endormir. Elle ne lui caresserait plus le visage avec toute la douceur d'une maman. Elle ne passerait plus ses doigts dans ses cheveux et ne lui ferait plus de tendre baisers. Sans père, sans mère et sans aucune famille immédiate, qu'allait-il devenir? Tout en se posant un milliard de questions, Elias décida de sauter de m'ambulance et de courir à l'intérieur de l'immeuble. Le secouriste le rattrapa avant même qu'il n'atteigne l'ascenseur. "Je veux mon ours!" hurla-t-il au visage de l'homme. On l'accompagna récupérer son ours en peluche qu'il avait laissé sur le sol du placard. Lorsqu'il retrouva la rue et les ambulances, et la foule de curieux, Elias se précipita vers un homme qu'il avait vu pousser le brancard sur lequel le corps de sa mère avait été déposé. Il tira sur la manche de l'homme et lui tendit sa peluche. "Pour ma maman." Il ne voulait pas qu'elle soit seule dans ce sac tout noir, il ne voulait pas qu'elle ait peur. Alors, il confia à l'homme sa possession la plus précieuse, son doudou, avec l'espoir qu'il soit remit à sa mère.
Quelques minutes plus tard, une responsable des services sociaux se présenta à lui. Incapable de dire un seul mot de plus, il se laissa emmener sans broncher. Sans le savoir, il venait d'entrer dans le système, comme on dit. Épuisé, brisé et apeuré, Elias s'endormit pourtant sur la banquette arrière de la voiture qui le conduisait chez sa toute première famille d'accueil temporaire. Le lendemain, au réveil, dans une chambre qui n'était pas la sienne, dans un lit qui n'était pas le sien, dans une maison qu'il ne reconnaissait pas, il trouva une femme qui avait tout l'air d'une maman. Pas la sienne, non plus. Il ne pleura pas, il ne pleura plus. Il se précipita cependant vers une fenêtre et observa le ciel avec attention. Bientôt, le Père Noël descendrait avec ses rênes, bientôt on lui apporterait des cadeaux et tout à coup, sa liste s'était largement rétrécie. Il ne désirait plus qu'une seule chose désormais, retrouver sa mère à lui et oublier la nuit passée.
Février 1993, Huntington Beach. Assis sur une balançoire, Elias regardait les autres enfants. Il ne s'activait pas à plier et déplier ses jambes pour aller de plus en plus haut. Personne ne le poussait pour activer la balançoire. Il était simplement assis, bien sagement, et il observait les autres enfants courir dans tous les sens, rigoler et papoter dans la cour de récréation. On l'avait remis à l'école assez rapidement après le traumatisme qu'il avait vécu. Les psychologues et les assistantes sociales s'étaient tous mis d'accord pour dire que ça serait mieux pour lui de retrouver l'espace familier de l'école. Il avait déjà eu le temps de changer trois fois de famille d'accueil depuis le décès de sa mère. La première famille chez qui on l'avait placé n'avait pu le garder que quelques jours. Des gens très gentils, vraiment, très gentil, mais qui malheureusement avaient prévu des vacances aux Caraïbes pour Noël et étaient parfaitement incapables d'annuler leur voyage sans perdre leur argent. Les services sociaux disposaient de nombreuses autres familles d'accueil à leur disposition. On avait ainsi envoyé Elias chez une dame célibataire. C'était là-bas qu'il avait passé Noël. Elle devait avoir environ cinquante ans, pas d'enfant, ni de mari, mais un très vieux chat. Elle lui avait servi à manger de la soupe à pratiquement chaque repas, et la soupe, il avait toujours détesté ça. Celle-là était aux vieux légumes et presque toujours froide ou tiède. À croire que manger chaud était une option chez cette femme. Assis à un bout de la table, il se laissait observer par cette dame qu'il n'aimait pas beaucoup bien qu'elle ne fut pas méchante. Elias n'avait pas dit un mot depuis le soir où sa mère était morte. Pas un seul. Les médecins parlaient d'un état de choc, d'un mécanisme de défense ou d'un truc dans ce genre là. Ils disaient qu'il finirait bien par reparler un jour, quand il serait prêt. Il restait simplement là, assis sur sa vieille chaise un peu bancale face à son assiette de soupe aux poireaux tiède, sentant le regard lourd de la femme sur lui. Elle faisait un bruit abominable à chaque fois qu'elle enfournais une cuillerée de soupe dans sa bouche, un bruit qui donnait envie de vomir à Elias. Mais il ne disait rien, il ne bougeait pas. Soir après soir, la chose se répétait. Il mangeait peu, dormait peu et ne parlait pas. Autant dire que ça avait de quoi déstabiliser les gens et ses petits camarades de classe en particulier. Il avait repris le chemin de l'école en même temps que les autres enfants, au retour des vacances de Noël. La dame chez qui il habitait lui avait offert un vieux livre beaucoup trop gros et trop complexe pour un enfant de son âge, elle lui avait aussi tricoté une paire de chaussettes. Il avait attendu toute la journée, le front collé à la vitre du salon, à contempler le ciel et à espérer voir le traineau du Père Noël avec sa mère dessus. Rien n'était arrivé. En entendant les autres enfants faire la liste de tous les cadeaux qu'ils avaient reçu, il avait senti une boule se loger dans sa gorge. Il n'avait pas envie de les envier, après tout il se fichait bien des jouets, mais une part de lui ne pouvait s'en empêcher. Certains lui avaient posé des questions sur son absences des dernières semaines. Rare étaient les enfants au courant de sa situation. Pourtant, l'histoire du meurtre de sa mère avait fait le tour de la presse locale. Une prostituée baignant dans des histoires de drogues et d'argent, l'un n'allant que rarement sans l'autre, et qui se prend trois balles en plein thorax dans une ville du genre d'Huntington Beach, forcément ça fait du bruit. Quelques uns étaient tout de même au courant que sa mère était morte. La plupart de ses amis se contentaient de le regarder un peu bizarrement, mais c'était aussi dû au fait qu'il ne parlait plus du tout. L'institutrice avait demandé à toute la classe de se montrer gentille avec Elias, de ne pas se moquer de lui, elle avait promis une punition sévère à quiconque s'en prendrait à lui. Ça n'empêchait pas les autres de lui poser des questions indiscrètes ou de le dévisager. Avec son regard bleu clair, il avait adopté un air de petit chiot abandonné et au fond, c'était bien ce qu'il était, non? Parfois, il se mettait à pleurer de manière complètement inopinée, sans que personne ne lui ait rien dit ou fait. C'était comme s'il était dans sa bulle, dans un monde bien à lui. Ses pensées étaient toutes dirigées vers sa mère et il rejouait dans sa tête d'enfant de six ans les cris du méchant monsieur, les sanglots de sa maman, sa cachette dans le placard, les coups de feu, le sang sur le sol du salon, la lumière de l'ambulance… Ça ne s'arrêtait jamais. Quand il pleurait, certains enfants se mettaient à rire, d'autres le regardaient de travers et d'autres encore tentaient de le réconforter. Étrangement, ou pas d'ailleurs, les fillettes avaient tendance à se montrer plus compréhensives et gentilles, mais il y avait bien un autre petit garçon qui prenait toujours la défense d'Elias. Isaac et lui avaient été dans la même classe depuis la maternelle. Ils se connaissaient bien et étaient amis, mais depuis qu'Elias était de retour à l'école, Isaac avait su se montrer particulièrement attentif à son égard. Assez pour que le gamin le constate. Bien qu'Elias ne parlait plus, Isaac lui demandait tous les jours comment il allait, juste après l'avoir joyeusement salué avec un grand sourire et un signe de la main. Il s'asseyait à côté de lui en classe et prenait grand soin à jeter des regards assassins à quiconque aurait eu une attitude déplacée envers Elias. Ce dernier, bien que silencieux, se sentait toujours un peu mieux avec Isaac à ses côtés. Ils n'avaient pas besoin de se parler pour que sa simple présence l'aide au moins un peu. Il était aussi l'un des seuls enfants de la classe à ne pas lui avoir posé de question gênante, le seul à ne pas lui avoir parlé de sa longue liste de cadeaux de Noël, le seul à ne jamais rire ou chuchoter lors de ses crises de larmes, le seul à toujours lui proposer de jouer avec lui. Parfois, ils restaient simplement assis l'un à côté de l'autre pendant la récréation, sans dire un mot. Ils étaient juste ensemble et c'était tout. C'était suffisant. Assis sur sa balançoire, Elias se surprit justement à se demander où était Isaac. Il regarda à sa droite, une petite fille se balançait et donnait l'impression d'être prête à s'envoler. Poussée par une autre petite fille, elles avaient l'air de bien s'amuser. Elias ne laissa pas même un sourire franchir ses lèvres, ça non plus il ne le faisait plus. La troisième et actuelle famille d'accueil dans laquelle il avait été placé, avait été surprise de recevoir un enfant aussi calme que lui. En dehors de ses pleurs incontrôlés de temps à autres, il était l'enfant le plus sage de la Terre. L'un des enfants de la famille lui avait tout de même dit l'autre jour, d'arrêter de tirer une tête d'enterrement, avant de se faire réprimander par sa mère. Elias s'était contenté de regarder la mère et son fils, tour à tour, puis il était monté se coucher dans son lit. Alors qu'il fixait le sol, les mains accrochées aux chaines de la balançoire, il sentit un choc venir de derrière et l'instant d'après il se retrouva par terre. Ses genoux avaient frappé le sol dans un bruit sourd, et il avait la main droite légèrement écorchée. Aïe. Il resta un petit moment sur le sol, sans comprendre ce qu'il venait de lui arriver. Finalement, lorsqu'il releva la tête, il aperçut plusieurs paires de pieds. L'un des gamins qui l'avait bousculé s'approcha de lui et Elias leva les yeux pour voir son visage. "La balançoire est faite pour se balancer! Qu'est-ce que tu vas faire chouineur? Pleurer et appeler ta maman?" Elias ne lâcha pas le gamin du regard. Il ouvrit la bouche, comme s'il allait parler, mais aucun son n'en sortit. "Qui c'est qui t'a volé ta langue? Le père fouettard?" Le gamin ricana avec ses complices à sa propre mesquinerie. En colère, mais incapable de faire quoi que ce soit, Elias sentit la frustration le gagner. Il avait beau être encore jeune, il avait appris à connaitre ce sentiment-là depuis plusieurs semaines déjà. Sa lèvre inférieure se mit à trembler, il avait envie de pleurer à la fois parce qu'il s'était fait mal en tombant et parce qu'il était en colère. "Pfff. Tu vas encore pleurnicher Eliasounet? Y'a que les bébés qui pleurent autant!" Les autres enfants se mirent à chantonner tous ensemble "Elias est un gros bébé", tout en riant allègrement. Ils étaient un peu plus âgés que lui, peut-être de deux ou trois ans. Elias tenta alors de se relever mais un autre enfant le poussa à nouveau. "Laissez-le tranquille!" entendit-il finalement crier. Il sentit que le petit monde qui s'était attroupé autour de lui, faisait place à un autre enfant. Une main se posa sur son épaule. Isaac s'était agenouillé et il lui tendait la main pour l'aider à se relever. Elias, les yeux brillants, s'en saisit et s'appuya sur son camarade de classe pour retrouver l'équilibre de ses deux pieds. Isaac, poussé par un instinct de protection quelconque ou peut-être par une amitié profonde, ou même les deux, se plaça devant Elias, comme pour lui servir de bouclier. "Embêtez-le encore une seule fois et vous aurez affaire à moi!" Il n'était pas très grand, pas très gros, mais il y avait pourtant quelque chose chez lui qui semblait menaçant alors qu'il prononçait ces paroles. Ouais, un enfant de six ans avec un air menaçant, c'est possible. Il en était la preuve vivante. Sans réfléchir, Elias attrapa la main de son ami, comme s'il cherchait un peu de courage lui aussi. Une institutrice arriva pour dissiper le petit groupe, lorsque tout le monde fut de retour à ses occupations aux quatre coins de la cour de récréation, Elias lâcha la main d'Isaac. "Ça va? Ils t'ont pas fait mal?" Il ne répondit rien, se contentant de regarder Isaac avec ses grands yeux bleus. "Ton lacet est défait, attends." Il se baissa pour le lui refaire. Lorsqu'il se redressa à nouveau, Elias ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit… "Merci." chuchota-t-il finalement. Isaac parut surpris une demie seconde, mais rapidement il haussa les épaules, fit un large sourire à Elias et répondit: "De rien. Les amis c'est fait pour ça.".
Septembre 1996, Huntington Beach. "Pourquoi est-ce que tu crois qu'elle est venue?" Elias jongla avec la balle de baseball qu'il tenait dans le creux de son gant. Ce dernier lui avait été offert pour son anniversaire par son père d'accueil. Il en était déjà à sa cinquième famille d'accueil à seulement dix ans. Il y avait chez celle-là quelque chose de différent. Le couple qui l'avait accueilli semblait vraiment l'apprécier. Ils le traitaient comme leur propre enfant et étaient les personnes les plus gentilles auxquelles Elias avaient eu affaire depuis son entrée dans le système. Ça aurait été mentir que de dire qu'il n'espérait pas être adopté. Il n'était pas bête et il savait bien qu'à son âge, les chances d'être adopté s'amenuisaient peu à peu. Pourtant, il n'y avait rien au monde qu'il ne souhaitait plus qu'avoir une famille à lui, avec un papa et une maman, peut-être des frères et soeurs aussi, mais un papa et une maman surtout. "Je sais pas…" répondit-il à Isaac avant de lui lancer la balle. Il jeta un oeil en direction de la fenêtre de la cuisine. À l'intérieur de la maison, il y avait sa famille d'accueil et l'assistante sociale qui avait pris en charge son dossier le soir même où sa mère avait trouvé la mort. Ils leur avaient demandé à tous les deux de sortir jouer devant la maison le temps qu'ils aient une petite "conversation d'adultes". Elias détestait l'idée que ces gens soient en train de parler de lui en son absence. Il était conscient de ne pas être assez grand pour tout entendre, mais ce qui concernait sa vie, il voulait le savoir. Les choses qu'il avait traversé ces dernières années l'avaient forcé à grandir vite et à gagner en maturité plus rapidement que les enfants de son âge. Il conservait malgré tout l'allure d'un gamin comme les autres, la seule différence se trouvait dans sa tête et ça, personne n'était obligé de le savoir en dehors de lui-même et d'Isaac, parce qu'il lui disait tout. Parfois, il pensait à des choses et disait des choses qu'un enfant de son âge n'aurait même pas dû savoir formuler. Il avait des inquiétudes et des angoisses qui étaient loin d'être normales pour un si jeune garçon, et il était capable de raisonner d'une façon tout à faire singulière. Et puis d'un autre côté, il avait une bulle bien à lui dans laquelle il avait encore le droit à l'innocence et l'insouciance d'un enfant. Son refuse contre le monde. Son armure. Isaac, son meilleur ami, était lui son bouclier. Une bulle et un ami, voilà tout ce qu'il possédait pour se protéger du reste de l'univers. C'était peu et en même temps beaucoup. Il avait appris que l'amitié, surtout, valait tellement plus que bien d'autres choses sur cette Terre. Et son amitié à lui et Isaac, il la chérissait tellement, il en avait tant besoin pour continuer à avancer, pour garder un peu espoir, pour se sentir encore connecté aux autres. Elias avait souvent l'impression qu'Isaac était son seul et unique lien avec le monde, comme si sans lui il risquait de perdre pied et de basculer dans une sorte de monde alternatif, sa bulle rien qu'à lui, peut-être. Mais il savait que s'enfermer et se couper des autres n'étaient pas une bonne idée. C'est pourquoi il essayait de plus en plus de faire des efforts. Ces derniers mois, avec cette nouvelle famille d'accueil, il avait l'impression de s'être un peu plus ouvert, d'avoir changé et surtout d'être plus heureux. Ça faisait longtemps qu'il n'avait pas eu l'espoir que les choses s'arrangent finalement pour lui. "Sérieusement, t'en as aucune idée?" Il intercepta la balle qu'Isaac venait de lui relancer et il haussa les épaules. "Non, je te jure que je sais pas…" La vérité c'est qu'il ne voulait pas parler de ses espoirs à voix haute. Il se mordilla la lèvre inférieure nerveusement avant de fixer la balle dans son gant de baseball. "Je me dis que …. peut-être… Enfin… Je sais pas…" Les yeux toujours rivés sur la balle, il hésitait clairement à dire ce à quoi il songeait à Isaac. "Peut-être que quoi Elias?" Il releva la tête vers son meilleur ami. Le silence s'installa pendant quelques secondes où ils se contentèrent de se regarder droit dans les yeux. Finalement, Elias trouva la courage de dire: "Peut-être qu'ils veulent m'adopter." Il l'avait dit très vite avant de lancer la balle à Isaac, comme s'il ne voulait absolument pas en parler et simplement se débarrasser du poids que représentait ce sujet. Les deux amis continuèrent de s'observer quelques instants, sans que ni l'un ni l'autre ne brise le silence. Ils s'envoyèrent encore quelques balles, jusqu'à ce que la porte de la maison s'ouvre et qu'une femme les appelle à l'intérieur. Elias, qui s'était retourné pour regarder sa mère d'accueil, se tourna à nouveau vers son ami, une pointe d'angoisse dans le regard. Isaac s'approcha de lui et lui tapota l'épaule. Ils retirèrent leurs gants de baseball et laissèrent leurs affaires sur le gazon de la propriété, s'imaginant sans doute qu'ils pourraient reprendre leur jeu après. Un nœud s'était créé dans le ventre d'Elias. Lorsqu'ils pénétrèrent dans la maison, il remarqua tout de suite la présence de ses parents d'accueil sur un canapé du salon, l'assistante sociale se trouvait juste à côté sur un siège. On leur fit signe de venir s'asseoir à leur tour. Sur la table basse, on avait disposé des cookies et des verres de lait. Il y avait aussi du café pour les adultes. Elias s'assit sur le fauteuil faisant face au canapé où la femme et l'homme étaient assis. Ils se tenaient la main, et elle souriait. C'était bon signe, non? Elias se serra pour qu'Isaac puisse s'asseoir juste à côté de lui. "Vous voulez des cookies les garçons? Servez-vous!" lança (un peu trop) joyeusement la jeune femme qui deviendrait peut-être la nouvelle mère d'Elias. Inquiet, ce dernier demanda tout de même, d'une toute petite voix: "Est-ce que j'ai fait une bêtise?" Peut-être que c'était ça le problème, qu'il avait fait quelque chose de mal et qu'on s'apprêtait à le réprimander. La femme secoua la tête vigoureusement et l'assistante sociale s'écria presque: "Non, bien sûr que non Elias! Tu n'as rien fait de mal." Il regarda chacun des adultes tour à tour et se stoppa quelques secondes sur l'homme qui semblait fuir son regard. Il n'était pas comme d'habitude. "Elias, Nancy et Paul ont quelque chose à te dire. C'est important et je voudrais que tu les écoutes, d'accord?" Il acquiesça. Naturellement, sans même vraiment s'en rendre compte, sa main vint effleurer celle d'Isaac. Il avait peur et en même temps il se sentait impatient. Et si c'était aujourd'hui que sa vie changeait pour de bon? Et si pour une fois, on lui annonçait une bonne nouvelle? Il s'enfonça un peu dans son fauteuil, cherchant à se faire tout petit tant la pression semblait trop importante pour ses frêles épaules. Heureusement qu'Isaac était là. Heureusement qu'il était là, à côté de lui. "Elias, je voudrais te dire avant tout, que tu es un petit garçon sincèrement incroyable. Paul et moi sommes tellement heureux d'avoir eu la chance de te rencontrer et de t'accueillir chez nous." Il sentit ses joues rougir légèrement. Ça commençait plutôt bien. "On n'aurait pas pu espérer mieux comme première expérience en tant que famille d'accueil." Cette fois, il eut un petit sourire, sincèrement touché par les mots de la femme. "Mais…." Mais? Il y avait un mais? … Son sourire disparut aussitôt et son index s'accrocha instantanément à celui d'Isaac. Le mari posa une main sur la cuisse de sa femme, baissa les yeux et toussa un peu. "Elias… On… " Elle semblait clairement chercher ses mots et Elias commençait à sentir que les choses n'iraient pas dans son sens aujourd'hui non plus. L'atmosphère de la pièce était subitement devenue très lourde. Suffocante, même. "Nous t'aimons beaucoup, je tiens à ce que tu le saches… Mais… " Soudain Nancy, la mère d'accueil, porta ses deux mains à son visage et laissa un bruyant soupir s'échapper. "Je ne peux pas, je suis désolée…" lâcha-t-elle dans un souffle. Elias se tourna alors vers l'assistante sociale qui eut une expression de désolation la plus totale. "Malheureusement Elias, tu ne vas pas pouvoir rester ici avec Nancy et Paul." Il la regardait droit dans les yeux. Sans ciller. Il se demanda alors combien de fois par jour cette femme, qu'il connaissait sans vraiment connaitre, avait à faire ça… Briser les rêves des enfants comme lui. Combien de fois par mois? Combien de fois par an? Combien de fois dans une vie? Le poids qu'il avait eu dans le ventre était tombé à ses pieds. Il avait envie de pleurer, mais avec les années et l'âge, il avait aussi appris à se retenir. Son doigt s'était cependant resserré autour de celui d'Isaac. Il ne pouvait pas le lâcher, c'était tout ce qui le raccroché encore à ce moment. Son coeur battait maintenant à mille à l'heure. Il entendait les voix de l'assistante sociale et celles de ses parents d'accueil résonner dans la pièce mais il était simplement incapable de comprendre un seul mot de ce qui était en train de se dire. Il avait envie de quitter la pièce et de s'enfuir en courant. Il avait envie d'hurler et de casser tout ce qui lui passerait sous la main. Mais au lieu d'une réaction aussi violente qui n'était pas vraiment son genre, il se contenta de rester assis à l'endroit très précis qu'il avait choisi et il fit mine d'écouter ce qu'on lui racontait. Nancy et Paul avaient apparemment eu l'opportunité d'adopter un bébé. C'était l'occasion rêvée pour eux. Une proposition qu'ils ne pouvaient refuser. Ils avaient tant espéré… Ils auraient voulu pouvoir l'adopter lui aussi, mais pour des raisons administratives et financières, c'était impossible. Ils le regrettaient profondément et promettaient de lui rendre visite de temps en temps, au moins de lui écrire. Il ne devait pas croire qu'il était fautif de quoi que ce soit dans cette histoire, c'était simplement les aléas de la vie qui n'avaient pas joué en sa faveur. La faute à pas de chance, comme on dit. "Elias?" Il sentit l'un des doigts d'Isaac bouger pour l'inciter à revenir au moment présent. Il fixa l'assistance sociale. "Est-ce que ça va?" demanda-t-elle avec une certaine inquiétude. Non, ça n'allait pas. Et franchement, il avait l'impression que ça n'irait jamais plus. Ça n'allait pas du tout. Du haut de ses dix ans, il avait le coeur brisé en morceaux, et c'était tellement injuste de devoir vivre toutes ces périodes d'attachement puis d'abandon, d'espoir et de déception. Il n'en était pas à son premier coup d'essai. Ce n'était pas la première fois qu'il serait déçu. Il réalisa à quel point il était fatigué d'espérer. Et à l'instant très précis où il acquiesça la tête et lâcha un petit "Oui, ça va.", il se jura de ne plus jamais croire en ses chances d'avoir une famille. Il se jura de ne plus attendre quoi que ce soit des familles d'accueil, de ne plus s'attacher à elles, de ne plus les aimer de cette façon, de ne plus laisser tomber ses barrières, de toujours garder sa protection contre le monde. Il se jura d'essayer d'oublier le sentiment d'être aimé, d'oublier la douleur déchirante qui était en train de le tuer lentement alors qu'on avait anéanti son ultime espoir. Il se jura de ne plus se laisser prendre à ce jeu-là. "Est-ce qu'Isaac et moi on peut retourner jouer?" demanda-t-il ensuite avec le plus grand calme. Tout le monde, y compris Isaac, le regarda. Au bout de quelques secondes de silence, Nancy lui fit signe que oui, et Elias se leva pour rejoindre les escaliers qui menaient à sa chambre. Il monta tranquillement, suivit par son meilleur ami. Il pénétra dans sa chambre, referma la porte derrière Isaac, resta face à celle-ci un instant, se tourna finalement doucement et un flot de larmes inondait son visage. "Oh Elias…." murmura Isaac. La gorge nouée, étouffé par des sanglots beaucoup trop gros, Elias était incapable de dire un mot. Il se contenta d'essuyer son visage avec les manches de son maillot, mais plus il essuyait et plus il continuait de pleurer alors éventuellement il cessa d'essayer de toutes les essuyer et il se jeta sur son lit. La tête enfoncé dans son oreiller, le corps secoué par les sanglots… Isaac vint s'asseoir à côté de lui et il déposa sa main sur son dos. "Je suis tellement désolé, Elias." Il n'ôta pas sa main du dos de son meilleur ami, lui laissant sentir qu'il était toujours là pour lui. Isaac, la seule et unique personne qui ne l'avait jamais abandonné et qui ne l'abandonnerait jamais.
Février 2001, Huntington Beach Allongé dans son lit, Elias observait le plafond en songeant à toutes les choses qu'il aimerait avoir ou être plus tard. D'abord, il avait envie d'avoir une maison rien qu'à lui. Une grande maison. Avec une piscine et une salle de cinéma privée! Oh, et une piste de bowling aussi! Une grande et belle maison qui pue le luxe et la réussite, voilà ce dont il rêvait. Il voulait aussi des enfants. Beaucoup d'enfants. S'il avait eu ses deux parents, Elias aurait adoré avoir une tonne de frères et soeurs. Ceci dit, il ne se plaignait pas. Il n'avait pas de frère biologique mais il avait quand même Isaac sur qui compter. Ça valait bien tous les frères du monde. Il rêvait pourtant d'une maison remplie d'enfants avec qui il jouerait sans cesse. Une maison remplie de rires, de sourires, de cris aussi, de jouets et surtout d'amour. L'amour, c'était la seule chose qu'il désirait profondément, plus que n'importe quoi d'autre. Il sentit sa lèvre inférieure trembler un peu, alors Elias s'agrippa à la couverture et il ferma les yeux en tentant de se rappeler des câlins que sa mère lui faisait quand il était petit. Avant, il arrivait encore à ressentir ses étreintes, les souvenirs semblaient intactes, mais petit à petit ils s'étaient effrités et plus les années passaient plus il devenait difficile pour lui de se rappeler ce genre de chose. À chaque fois qu'il se sentait incapable de se souvenir de certains détails de sa petite enfance, il ressentait une espèce de frustration terrible qui le rongeait de l'intérieur et le plongeait dans un mutisme absolu pour plusieurs heures. Perdre ses souvenirs d'enfance, c'était un peu comme perdre sa mère à nouveau, perdre une part de lui-même surtout. Il n'arrivait pas à le supporter et ça lui faisait tellement mal de ne rien pouvoir faire pour lutter contre les lois de la nature. Le psychologue qu'il voyait de temps en temps lui avait expliqué qu'oublier était normal et qu'il n'avait pas à s'en vouloir, mais Elias ne voyait pas les choses de la même manière. Il se sentait coupable de n'être plus capable de se rappeler tous les détails à propos de sa mère et des choses qu'ils avaient vécu tous les deux. Heureusement, il y avait des choses qui restaient et auxquelles il s'accrocherait éternellement. Pour s'en assurer, il récitait parfois les histoires qu'il ne voulait pas oublier, et il se les répétait plusieurs fois de suite. Jusque là, ça marchait plutôt bien. Il y avait une chose qu'il n'oublierait jamais non plus… La nuit où sa mère était morte. Mais cette histoire-là, il ne la récitait jamais. Il n'avait pas besoin. Ses cauchemars se chargeaient de lui rappeler les faits régulièrement, il revoyait toute la scène défiler devant ses yeux et il était à nouveau ce gamin de six ans enfermé dans le placard, les mains plaquées sur ses oreilles pour ne pas entendre les cris et les pleurs. Ce soir, il passait sa première nuit dans le dortoir. Il y avait au moins neuf autres garçons dans les lits voisins. Neuf autres garçons qui pourraient l'entendre se débattre dans son sommeil, gémir, crier, pleurer et se réveiller en sursaut. Bon sang, il n'était pas prêt à subir cette humiliation. Absolument pas prêt. Elias rouvrit les yeux avec l'espoir de ne pas trouver le sommeil cette nuit. Il ne pouvait pas se permettre de s'endormir en pensant à ces choses-là. Il ne voulait pas se porter la poisse à lui-même. Faire une nuit blanche serait toujours mieux que de réveiller tout le monde en hurlant "Maman". Nerveux, il serra sa propre main et tenta de prétendre que quelqu'un était là avec lui pour le rassurer. Un gamin à l'autre bout de la pièce s'était mis à ronfler bruyamment. Elias se redressa un peu pour voir si d'autres enfants bougeaient aussi dans leur lit ou s'il était le seul encore éveillé. Il n'avait aucune idée de l'heure, pour être honnête, mais il avait l'impression que l'extinction des feux s'était produite seulement dix minutes plus tôt. En dehors des ronflements, la pièce était plongée dans le silence complet. Pas un seul enfant n'avait dit un mot, pas même des chuchotements, rien. "Pssst!" Il tourna brusquement la tête et aperçu un garçon de son âge environ, qui le regardait et lui faisait signe. Fronçant un peu les sourcils, il resta à le fixer sans oser bouger. L'autre garçon, dont il ignorait totalement le prénom, repoussa sa couverture et entreprit de sortir de son lit pour venir s'asseoir sur le sien. "Première nuit ici, hein?" murmura-t-il. Elias hocha la tête. "La première nuit est toujours la plus difficile, mais ça va aller, t'inquiète pas. D'ici quelques jours, tu t'y seras fait." Il ne bougea pas du lit, et Elias força un léger sourire. C'était un peu bizarre comme manière de faire connaissance, mais ce garçon avait l'air sympa alors il hésita une seconde et articula finalement: "Je m'appelle Elias." L'autre gamin eut pour sa part un large sourire. "Moi c'est Blake.". Il lui tendit la main et Elias s'en empara timidement pour la serrer dans la sienne. Une vraie main à serrer… Le fameux Blake se releva et demanda: "Ça te dirait de voir un truc cool?" Il voulait dire maintenant? En pleine nuit? Ça sonnait comme un très mauvais plan, ou encore comme un excellent moyen de s'attirer des ennuis dès sa première nuit… Pourtant, Elias se redressa à son tour et repoussa sa couverture. Blake lui fit signe de le suivre en silence. Un troisième garçon émergea d'un sommeil léger pour leur demander où ils allaient comme ça. "Rendors-toi, toi! On t'as pas sonné." Le gamin, mécontent, menaça de les dénoncer s'ils ne le laissaient pas venir avec eux, mais Blake avait l'air de savoir se faire respecter. Il s'approcha du lit du perturbateur, murmura un truc à son oreille qui sembla le calmer sur le champ. "Maintenant tu la fermes et tu dors, ok?" Tout de suite, il avait l'air un peu moins sympa. Elias était malgré tout impressionné par son pouvoir de persuasion et quand ils reprirent leur marche jusqu'à la porte du dortoir sur la pointe des pieds, il ne chercha même pas à savoir ce que Blake avait glissé au creux de l'oreille de l'autre garçon. Arrivés dans le couloir, Blake porta son index à ses lèvres pour demander la plus grande discrétion. Il pointa ensuite le bas des escaliers qui était apparemment la zone à atteindre. Très légèrement angoissé à l'idée de se faire chopper, Elias avait surtout l'impression d'être un espion en pleine mission. Peut-être qu'il n'aurait pas dû mais il adorait ce qui était en train de se passer. Il ne lâcha pas Blake d'une semelle. Ce dernier les guida sans problème jusqu'au bas des escaliers, puis il accéléra les pas jusqu'au bout d'un autre couloir. Elias ne se repérait absolument pas. Il n'avait pas encore eu le temps d'explorer les lieux, par conséquent il n'avait aucune idée de l'endroit vers lequel ils étaient en train de se diriger. Finalement, ils entendirent des pas venir dans leur direction et Blake se précipita vers une porte qui était fort heureusement ouverte. C'était un minuscule placard à balais, à peine assez grand pour les cacher tous les deux. Elias aurait pu jurer qu'il était à ça près de se pisser dessus, mais Blake pouffa en silence, visiblement très amusé par le fait qu'ils avaient failli se faire prendre. "On y est presque, je te jure!" Il posa une main sur l'épaule d'Elias et l'incita à se tourner pour pouvoir passer sa tête dans l'entrebâillement de la porte, voir si la voie était à nouveau libre ou pas. "C'est bon?" Elias referma la porte et se tourna vers Blake. Il pouvait sentir le souffle de l'autre garçon sur sa peau, leurs visages dangereusement proches, il hocha la tête avant de se rendre compte que dans le noir, son nouvel ami ne le verrait pas. "Oui, c'est bon." Ils s'extirpèrent de leur cachette et quelques instants plus tard réussirent à atteindre la cuisine. Elias laissa Blake fouiller dans les placards pour leur dégoter de quoi grignoter. Il trouva également une bouteille de bourbon et la tendit à Elias. "On va fêter ton arrivée comme il se doit!" Il attrapa la bouteille et la fixa sans dire un mot. Ce ne serait pas la première fois qu'il buvait de l'alcool. La dernière famille d'accueil qui l'avait accueilli possédait un mini bar tellement bien rempli qu'il lui était déjà arrivé d'aller goûter les alcools préférés du père de la famille. Ce dernier était un sacré alcoolo, il ne s'en était même jamais rendu compte. Elias ne savait pas vraiment pourquoi il avait fait ça, et une part de lui le regrettait un peu, mais maintenant qu'il avait une bouteille dans les mains il ne pouvait pas non plus nier l'envie grandissante de la déboucher et d'en piquer une gorgée. Lorsqu'il releva les yeux, Blake avait une cigarette glissée entre ses lèvres et tentait de l'allumer avec un paquet d'allumettes qu'il venait de trouver près de la gazinière. "Tu fumes?" demanda-t-il à Elias tout en recrachant un petit nuage de fumée. Il n'avait jamais fumé, non. "Je… Je veux bien essayer." Blake sembla ravi de la réponse et tendit sa cigarette à Elias qui l'attrapa. Il imita les gestes de Blake, la glissa entre ses lèvres, tira un peu dessus, tenta de contenir la fumée à l'intérieur de sa bouche mais il se mit presque aussitôt à tousser et l'autre gamin à rire. "La première, c'est toujours la pire, mais je t'assure que c'est bien plus amusant une fois qu'on s'y est fait." Elias, un peu gêné de sembler aussi peu expérimenté face à ce garçon qui avait, au contraire, l'air de l'être, déboucha la bouteille de bourbon et en but une longue gorgée. Il sentit l'alcool lui brûler la gorge, mais il ne broncha pas. "Jolie descente." Ils prirent tous les deux place sur le sol de la cuisine. Assis face à face. Blake lui raconta un peu son parcours, comment il était arrivé là après la mort de sa grand-mère qui s'occupait de lui depuis toujours. Sa mère l'avait abandonné à la naissance et croupissait actuellement entre les murs d'une prison de l'Illinois. Il n'avait pas connu son père et n'avait pas de famille proche capable de l'accueillir. Pourtant, il avait bien un demi-frère mais ce dernier étant engagé dans l'armée, il n'était pas en position de s'occuper de son plus jeune frère. Il avait neuf ans en entrant dans le système et était désormais âgé de quinze ans. Un an de plus qu'Elias. Ce dernier parla un peu de son père qu'il n'avait pas connu non plus, il avoua que sa mère était morte mais ne précisa pas comment, et raconta à Blake les différentes expériences qu'il avait pu avoir dans ses familles d'accueil. Ils passèrent une bonne partie de la nuit à s'échanger des anecdotes et à se refiler la bouteille de bourbon. Le lendemain matin, en arrivant à l'école, Elias ne raconta pas la nuit qu'il avait passé à Isaac. Lorsque son meilleur ami lui demanda si ça n'avait pas été trop difficile de s'adapter au dortoir et à la vie en communauté, Elias assura que non et ajouta même qu'il avait dormi comme un bébé. Il précisa que les gens étaient plutôt sympa et qu'il s'était déjà fait un ami. Isaac sembla rassuré et Elias, bien qu'un peu coupable d'avoir menti, était heureux de ne pas le voir s'inquiéter. Les semaines qui suivirent, lui et Blake réitérèrent leurs petites promenades nocturnes sans jamais se faire attraper. Elias était désormais capable de fumer sans cracher ses poumons. Il était à peu près sûr d'avoir perçu une pointe de fierté dans le regard de Blake l'autre jour, lorsqu'il avait tiré longuement sur sa cigarette avant de laisser une expression de détente absolue s'emparer de son visage. Ils s'entendaient vraiment bien tous les deux et ça faisait du bien à Elias d'avoir quelqu'un sur qui compter au foyer. Cependant, quelques mois plus tard on attribua une nouvelle famille à Elias et il fut forcé de mettre fin à ses aventures nocturnes avec Blake. Si les deux garçons ne restèrent pas en contact, Elias ne perdit pas ses nouvelles petites habitudes de fumeur. Il était devenu un professionnel de la cachoterie, si bien qu'il parvenait même à piquer de l'alcool en douce. Les soirs de trop grande solitude, il buvait et fumait dans sa chambre en pensant à tout ce qui n'allait pas dans sa vie, tout ce qui n'irait jamais… Parfois, s'il était chanceux, il arrivait presque à oublier.
Derrière l'écran : Coucou tout le monde, je débarque sur H.B alors que personne ne me connaît alors autant faire les choses bien non ?! Tout d'abord il faut savoir que dans le monde des forums mon pseudo est très changeant , tandis que mon prénom est Léa. Je suis âgé(e) de 20 ans et je vis actuellement du côté de Paris (&Reims). Ce que je fais dans la vie ? ça ne vous regarde pas :p Passons aux choses sérieuses, j'ai connu ce forum sur PRD? , ma première impression en le voyant a été . Côté rp je vous préviens que mes fréquences de connexion seront de 7j/7 et que mon niveau rp est de Oh! Un éléphant rose! . Concernant mon personnage j'ai choisi George Blagden comme célébrité, pas mal non ? Si vous avez bien lu ma fiche vous savez d'avance que je choisi enjoy life comme groupe ! Au fait j'allais oublier le code du règlement je le connais et il a été validé par Neela. A bientôt sur le forum
Dernière édition par Elias R. Osborne le Mer 12 Nov 2014 - 23:33, édité 15 fois |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 0:52 | |
| « If Heaven and Hell decide that they both are satisfied, illuminate the "No"'s on their vacancy signs. If there's no one beside you when your soul embarks, then I'll follow you into the dark » Décembre 2003, Huntington Beach "Monsieur?" Le prof releva la tête, d'abord tout souriant, puis légèrement angoissé. C'était Dustin Kennedy qui avait interrompu le cours, la main levée, prêt à poser une question. Elias, assis vers le milieu de la classe, pas très loin d'Isaac, lui jeta un petit regard avec un sourire en coin. Ce type était une machine à conneries et à chaque fois qu'il levait la main en classe ce n'était jamais bon signe pour les profs. On pouvait sincèrement lire l'appréhension sur le visage de cet homme chargé de leurs enseigner les mathématiques, cette formidable matière tant adorée par Elias. Pas vraiment en fait. L'homme fit signe à l'élève assis au dernier rang de la classe de poser sa question. "Je voulais savoir si c'était possible d'avoir une dispense?" Elias se tourna à nouveau vers Dustin, puis vers le prof. "Une dispense?" Leur professeur de maths avait l'air sincèrement confus. Une minuscule toute petite part d'Elias en voulait presque à son camarade de faire tourner tous les enseignants de ce lycée en bourrique. Au fond, c'était cruel. Mais d'un autre côté, chaque classe promettait son lot de divertissement et ça, c'était plutôt amusant. Le seul cours où Dustin ne se faisait pas vraiment remarquer était celui d'arts plastiques dans lequel se trouvait également Elias. Ils avaient tous les deux une passion commune pour l'art et le dessin. Dustin était doué, mais Elias aussi et on le lui répétait même assez souvent. Tous les deux, ils n'étaient pas vraiment amis. Ils se connaissaient et avaient déjà eu l'occasion de se croiser en dehors du lycée, oui, mais ils n'étaient pas particulièrement proches ou quoi que ce soit. "Ouais, une dispense." Elias attrapa un crayon et commença à dessiner son professeur alors qu'il demandait à Dustin ce qu'il voulait dire par "dispense" et pourquoi diable en aurait-il besoin en cours de maths. Ce dernier s'empressa de répliquer avec l'air le plus fier qu'Elias ait jamais vu."Parce que, putain, on se fait sacrément chier ici! Et je crois bien que je fais une allergie à l'ennui que me procure les maths." Voilà, la bombe était lâchée. Oh, ils avaient tous connu pire, mais le cours allait bien être interrompu au moins quelques minutes avant de reprendre. Elias releva la tête pour observer le visage de l'homme se décomposer, puis tourner rouge vif. De sa grosse voix, il menaça Dustin de l'envoyer au bureau du principal s'il continuait à se montrer aussi vulgaire, il offrit à la classe une petite leçon de morale et pointa son feutre vers le jeune homme qui avait initié la chose avec toute la colère dont il était capable. Apparemment, il n'aimait pas qu'on insulte les mathématiques. Elias comprenait, il n'aimait pas non plus qu'on insulte ce qu'il appréciait le plus dans ce monde. Ça ne l'empêchait pas de se marrer silencieusement, ni de féliciter Dustin du regard d'être parvenu à mettre cet homme, d'apparence pourtant si calme, en colère à l'aide d'une seule phrase. Lui-même avait l'air fier de lui, quoi qu'il ne devait pas être complètement satisfait puisqu'il n'était pas encore renvoyé du cours. Son but ultime, sans doute. Le nombre de fois que c'était arrivé, il fallait forcément que ce soit son passe-temps favoris. Elias ne relâcha pas son crayon, toujours concentré sur son dessin. Il entendit Hendrix et Julian chuchoter au premier rang, sans doute pour se lamenter d'avoir perdu de précieuses minutes d'enseignement à cause de Dustin. À son tour, il jeta un oeil vers son meilleur ami. Isaac semblait plutôt indifférent au pétage de plomb de leur prof, il jouait tranquillement avec sa calculatrice. Quelques instants plus tard le calme était plus ou moins revenu dans la classe. Elias aperçu Jagger et Dustin continuer de ricaner dans leur coin tout en fixant la porte à intervalles réguliers. À son tour, il fixa la porte, sans savoir ce qu'ils attendaient. Il entendit la voix de Julian s'élever alors qu'il donnait la réponse à un problème. Il avait "Teacher's pet" collé en gros sur le front celui-là. Rien à voir avec sa copine qui n'était autre que Jagger elle-même. Franchement, Elias se demandait ce qu'ils foutaient ensemble ces deux là, même si bien sûr ce n'était pas ses oignons. Il avait d'autres chats à fouetter que de s'inquiéter de la compatibilité amoureuse entre ses camarades de classe. Il avait quitté la porte des yeux juste une minute quand il entendit toquer. Tout le monde se tourna vers la porte et un type avec une casquette rouge et une veste de la même couleur pénétra dans la pièce. "Livraison spéciale!" annonça-t-il avec un large sourire. "Dix pizzas fromage et pepperoni pour monsieur Smith en salle 205!" Il regarda le numéro peint sur la porte, il s'agissait bien de la bonne salle. Elias avait la bouche entr'ouverte à la fois parce qu'il se doutait bien de qui avait monté le coup et aussi parce qu'il mourrait littéralement de faim. Une odeur délicieuse de pizza envahit la pièce et déjà le livreur fit passer les boites aux élèves. "Vous avez un prof super cool les jeunes! C'est rare de nos jours!" Il annonça ensuite le prix à payer au fameux monsieur Smith et toute la classe se mit à retenir son souffle. Il semblait sur le point d'exploser. Elias n'avait jamais vu personne d'aussi rouge de toute sa vie. Un grand éclat de rire résonna et tout le monde se tourna vers le dernier rang où Jagger et Dustin se tordaient littéralement de rire. Une partie des élèves ne put s'empêcher de se joindre à eux, tandis qu'une autre partie se goinfrait déjà de pizza. Un marqueur vola à travers la pièce, puis tout s'enchaina très vite… Monsieur Smith commença à taper avec rage sur son bureau, il envoya valser sa chaise et secoua quelques tables d'élèves. Il lâchait des brides de phrases du genre "Ces deux-là….", "Des monstres!", "Deux ans que je me les coltine!", ou encore "C'est fini! Terminé! Plus jamais!". Il acheva le cours en pleurant sur son bureau. Alertés par les cris et le chaos général qui régnait à présent dans cette salle, le principal du lycée et d'autres professeurs se ramenèrent à leur tour. Les élèves de la salle 205 assistèrent ainsi au cours de maths le plus divertissant de toute l'Histoire des cours de maths, avec de la pizza dans les mains en plus! Plusieurs heures plus tard, Elias en riait encore. En cours de dessin, il entama un portrait de monsieur Smith et reçu même des compliments de la part de sa prof d'arts plastiques. Il s'était découvert un goût prononcé pour le dessin vers l'âge de douze ans, juste avant de se mettre à la musique. La famille d'accueil actuelle dans laquelle il vivait possédait un piano. Il avait le droit de l'utiliser et était ainsi parvenu à apprendre à en jouer de manière complètement autodidacte. Il avait l'oreille musicale, comme on dit. Il n'était pas le meilleur des élèves à l'école, mais ses qualités artistiques étaient particulièrement appréciées. Il aimait aussi la littérature, l'histoire et la géographie, mais détestait les mathématiques et les sciences. Dans ses matières préférée, il était une véritable tête, mais dans le reste il se contentait de la moyenne, ce qui au fond n'était pas si mal. Au lycée, Elias était plutôt discret, et en retrait, mais il était malgré tout loin d'être invisible. On lui disait souvent qu'il était le garçon le plus gentil du monde. Peut-être que ça venait aussi de son espèce d'air éternellement enfantin… Malgré toutes les merdes qu'il avait vécu et malgré toute la noirceur qu'il avait en lui, il était capable de sembler tellement heureux et empli de joie de vivre qu'il faisait des envieux. Ses amis les plus proches, et Isaac en particulier, savaient pourtant qu'il ne s'agissait là que d'une façade. Elias était loin d'être heureux. Il se trainait son lot de problèmes comme un poids accroché à sa cheville. Il abusait un peu trop souvent des plaisirs de la vie nocturne grâce à sa fausse carte d'identité et avait une légère tendance à faire tous les mauvais choix possibles et imaginables. Sa vie n'avait rien de charmante. Absolument rien. Il trouvait refuge dans les vieux bouquins de littérature, dans la musique et le dessins. Ses échappatoires? L'alcool et la cigarette. Isaac avait été la seule constante dans sa vie, il était là depuis le début et Elias avait besoin de lui pour continuer à avancer. Il ne lui restait plus que quelques mois à vivre sous la tutelle de l'Etat. Bientôt, il serait livré à lui-même et personne n'aurait plus à le loger, le nourrir ou l'habiller. Bientôt, il serait un adulte aux yeux de tous et il n'aurait plus le droit à rien… Il était pourtant loin d'être prêt à être livré à lui-même dans ce monde. Mais il avait Isaac à ses côtés, toujours, alors tout irait bien.
Décembre 2005, Huntington Beach La rue était déserte en dehors d'une voiture qui venait de s'arrêter devant lui. Le conducteur coupa le moteur et descendit de son véhicule. Elias pouvait le deviner sans même se redresser grâce au claquement de la portière. Des pas se rapprochèrent de lui mais il ne quitta pas le ciel des yeux. Une main était tranquillement posée sur son torse, tandis que l'autre pendait dans le vide tout en tenant fermement une bouteille d'alcool. Allongé sur ce banc, son banc, Elias n'éprouvait aucunement l'envie de bouger. Il était exactement là où il voulait être. "T'as toujours su me trouver." articula-t-il tout en plissant des yeux pour apercevoir une toute petite étoile qui brillait à peine. À moins que ce ne soit un avion? L'étoile en question s'était mise à bouger, ne laissant aucun doute à Elias. Un avion… Il avait cette manie de regarder le ciel et de se demander où tout les avions qu'il croisait pouvaient bien se rendre. Parfois, il imaginait les voyageurs à bord, les hôtesses et les stewards, les pilotes aussi. Il se mettait à rêver d'une autre vie, de destinations palpitantes et exotiques, d'aventures et d'autres choses encore. Il n'y avait rien au monde qu'Elias aimait plus que regarder le ciel à la recherche d'un échappatoire. "Alors quoi? Tu t'assois, oui ou merde?" Il n'avait pas bougé d'un pouce, et il ne bougea toujours pas lorsque le conducteur mystérieux s'approcha un peu plus de lui, le contourna et vint s'asseoir de l'autre côté du banc. "Je suis pas d'humeur à ce qu'on me fasse la morale, tu sais… Alors s'il te plait, ne dis rien." Il se redressa à peine et porta la bouteille d'alcool à sa bouche pour en descendre une longue gorgée. "Ma vie c'est de la merde, j'ai bien le droit de me prendre un remontant de temps en temps, pas vrai? Tu peux comprendre, hein?" Il eut un petit rire avant d'ajouter: "Bien sûr que tu peux comprendre, tu me comprends tout le temps." Il était légèrement bourré, mais il avait aussi connu pire. Bien pire, même. "Tu devrais t'allonger toi aussi et regarder le ciel avec moi, Isaac." Il tourna finalement la tête et croisa le regard de son meilleur ami. Dans ses yeux, il ne lisait aucun jugement, pas même des reproches, mais il y trouvait un certain réconfort. Il savait qu'Isaac, même s'il n'approuvait pas de le voir se mettre dans un état pareil, serait toujours là pour lui. Il savait qu'il avait cet ami-là sur qui compter, et que quoi qu'il arrive il ne l'abandonnerait jamais sur ce stupide banc. Combien de fois Isaac s'était-il assis de ce même côté pour observer Elias, allongé de cette même façon? Et combien de fois n'avait-il rien dit pour se contenter de l'écouter? Combien de fois lui avait-il tenu la main au milieu de cette rue pendant qu'il observait avec persistance la troisième fenêtre sur la droite au quatrième étage de cet immeuble miteux? Combien de fois étaient-ils venus ici tous les deux? "Je pensais que j'arriverais à voir des étoiles ce soir, mais il y a trop de nuages et tout ce que je vois ce sont ces stupides avions qui volent à travers…" Il regardait toujours son meilleur ami, mais ses yeux semblaient dire des choses que sa bouche n'articulait pas. Il n'était pas venu ici pour les étoiles, pas vraiment. Isaac le savait. "Ça fait une bonne demi-heure que je me retiens d'aller sonner…" Il tourna la tête vers l'autre côté de la rue. La route le séparait du trottoir d'en face, ce trottoir qu'il rêvait de fouler… Et il y avait cette petite porte dont la peinture verte commençait sérieusement à s'écailler. Une porte qu'il crevait d'envie d'ouvrir. "Elias." Il regarda à nouveau Isaac qui venait de murmurer son prénom. Son meilleur ami secoua un peu la tête pour lui dire "non". "Je sais, c'est une mauvaise idée… C'est juste que…Peut-être qu'ils me laisseront entrer ce soir?" Mais Isaac secoua la tête plus fermement cette fois. "Tu sais bien que non. Et puis tu ne peux pas rentrer chez les gens comme ça… " Elias sembla contrarié. Il porta la bouteille à sa bouche à nouveau et descendit une longue gorgée d'alcool. "C'était aussi chez moi!" lâcha-t-il en haussa un peu le ton. "Elias…" Il se redressa d'un bond et souffla un grand coup. "Oui, oui, je sais. Maintenant c'est chez eux. Je leur demande pas la lune quand même, je voudrais juste pouvoir y rentrer une dernière fois. Je voudrais juste voir si c'est resté comme à l'époque…" Il sentit la main d'Isaac venir se poser sur son épaule dans une ultime preuve de son soutient. "T'as raison… Ils voudront pas. Comme la dernière fois et la fois d'avant, et celle d'avant et celle d'encore avant…" De l'autre côté de la rue se trouvait l'appartement dans lequel il avait vécu avec sa mère. L'appartement dans lequel elle était morte. Chaque année, le jour de l'anniversaire de sa mort, il venait ici. Elias n'allait jamais sur la tombe de sa mère pour la simple et bonne raison qu'elle n'en avait pas. Elle avait été incinérée et il ignorait ce qu'étaient devenues ses cendres. Il ne savait même pas qui s'était chargé de tout cela à l'époque, lui-même étant trop jeune pour régler les détails et n'ayant aucune famille, il pensait que l'État avait dû s'en charger. Pour être honnête, même aujourd'hui à dix neuf ans et des poussières, il n'avait aucune foutue idée de comment ces choses-là fonctionnaient.
Juin 2008, Huntington Beach La main tremblante, Elias était parvenu à glisser la clé dans la serrure. Il avait poussé la porte de son minuscule appartement avec force et l’avait claqué de la même manière. Entrant en furie dans la pièce, il avait jeté ses clés sur un meuble de l’entrée, et avait jeté sa veste sur son lit qui lui servait aussi de canapé. Portant ses deux mains à son visage, il le frotta un peu avant de glisser ses doigts dans ses cheveux et de s’y accrocher. Il fit d’abord les cent pas dans la pièce, marmonnant des brides de phrases incompréhensibles, et puis soudain une espèce de grand cri s’échappa de sa bouche et il se laissa tomber à terre. À genoux sur le sol, il resta immobile. Son coeur battait à mille à l’heure, mais il avait la désagréable impression qu’il était sur le point d’exploser. Il aurait voulu qu’on vienne le lui arracher sur le champ, ç’aurait été sans doute bien moins douloureux que ce qu’il ressentait à présent. Incapable de se calmer, il sentait la colère monter en lui, et un deuxième cri de rage lui échappa. Il avait connu des tas de journées merdiques, avait eu affaire à des situations purement insupportables, il avait eu des périodes plus ou moins sombres dans sa vie, mais jamais rien ne lui avait semblé aussi injuste et cruel. Isaac, son meilleur ami Isaac, celui-là même qu’il pensait avoir à ses côtés pour toujours, venait de lui annoncer qu’il avait reçu une proposition intéressante pour finir ses études et potentiellement obtenir le job de ses rêves par la suite. Jusque là aucun problème. Il aurait pu être heureux pour lui et le féliciter. Il n’avait jamais rien voulu d’autre que le bonheur de cet homme qu’il avait connu à l’époque où ni l’un ni l’autre n’avait encore un seul poil au menton. Franchement, il était même fier de sa réussite annoncée. Isaac avait bossé dur pour ça et aujourd’hui il était enfin récompensé. On lui offrait une opportunité en or qu’il ne pouvait pas refuser, qu’il ne devait pas refuser… Et pourtant, Elias n’était pas heureux. Il n’était pas heureux du tout. La proposition impliquait qu’Isaac s’en aille d’Huntington Beach. S’il l’acceptait, il allait partir de la ville qui les avait vu grandir tous les deux, et il allait commencer une nouvelle vie ailleurs, sans lui. En entendant les mots s’échapper de la bouche d’Isaac tout à l’heure, Elias avait sentit son coeur remonter dans sa gorge resserrée. Il avait été à deux doigts de s’étouffer avec. On ne pouvait pas dire qu’il était complètement surpris, après tout ils avaient déjà pensé à ces choses-là tous les deux. Mais cette fois il ne s’agissait plus seulement d’une discussion hypothétique entre deux gamins à peine sortis du lycée. Isaac allait partir, parce qu’il avait beau dire qu’il ne faisait qu’envisager la proposition pour l’instant, Elias le connaissait bien. Assez bien pour savoir qu’il allait partir. Il allait partir et le laisser derrière. Violemment, il se frappa la tête au sol dans un mouvement qui sembla incontrôlable, comme une convulsion qu'il n'aurait pu empêcher. Planté au milieu de cette minuscule pièce, vautré sur le sol, il avait l’esprit complètement chamboulé et l’impression très désagréable que son monde venait d’être bousculé à nouveau. L’univers le privait d’une personne importante à ses yeux, encore. Au fond, sans doute était-il destiné à être seul. Toute sa vie, il n’avait fait que ça, dire au revoir et regarder partir des gens qui comptaient. D’abord sa mère, puis les quelques familles d’accueil à qui il s’était attaché, et maintenant Isaac. On pouvait même compter son père dans le lot, bien que celui-ci soit parti avant sa naissance. Preuve qu’avant même d’être né, la vie le prédestinait déjà à une existence remplie d’adieux. Misérable, il se demanda pourquoi il ne s’y était pas encore fait. Il aurait dû. Pourtant, chaque séparation semblait aussi difficile, voire même plus, que la précédente. L’anticipation de celle-ci était déjà déchirante et dévastatrice à ses yeux, il ne pouvait pas imaginer sa vie sans son ami, il ne voulait pas envisager le futur sans Isaac à ses côtés. Égoïstement, il avait besoin de quelqu’un pour veiller sur lui, et Isaac avait toujours joué ce rôle-là. Il avait besoin d’une épaule sur laquelle se reposer de temps en temps, d’une main pour le relever quand il n’y arrivait pas tout seul, d’une autre personne pour le guider à travers cette vie semée d’embuches. Plus que tout, il avait besoin d’avoir quelqu’un pour qui il comptait aussi. S’il aimait Isaac, il savait qu’Isaac l’aimait en retour. Mais ce dernier avait aussi une famille et il avait sans doute beaucoup plus d’amis qu’Elias. Lui avait toujours mené une vie solitaire. Il n’avait aucune attache particulière en dehors de ce meilleur ami. Personne n’était plus important que lui. Alors oui, égoïstement, il avait besoin qu’il reste, il avait besoin qu’Isaac ne parte pas sans lui, tant pis si l’opportunité qui lui était offerte était fabuleuse. Il aurait voulu lui dire tout ça, mais tout à l’heure tout ce qu’il était parvenu à articuler avait été un bref «Ok. Cool.». Il avait même souri très légèrement pour appuyer son propos. Ensuite, il avait terminé son assiette rapidement tout en écoutant Isaac faire la conversation pour eux deux. Il n’avait pas voulu s’attarder, l’envie de courir se réfugier chez lui pour laisser exploser ce qu’il avait en lui était bien trop forte. Il avait trouvé un prétexte pour rentrer rapidement, et n’avait même pas eu de regard en arrière pour son meilleur ami après lui avoir dit au revoir. Leurs yeux s’étaient croisés un instant plus tôt et Elias avait failli lui foutre une baffe. Une vraie. Il avait failli lui hurler à la figure qu’il n’avait pas le droit de se barrer, pas comme ça, pas sans lui. Il avait été à ça près de se laisser emporter par la colère. Mais Dieu merci, il était parvenu à ravaler le tout et à continuer de sourire. À présent, il ne savait plus trop ce qu’il voulait, ni ce qu’il devait faire. Une part de lui avait pleinement conscience du fait qu’Isaac ne lui appartenait en rien et qu’il était libre d’aller où bon lui semblait, mais une autre part beaucoup moins rationnelle se trouvait dans l’incompréhension absolue et lui en voulait plus que jamais.
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«C’est le dernier sac.» Elias, debout au milieu de l’allée observait Isaac remplir le coffre de sa voiture. Il se mordillait nerveusement la lèvre, appréhendant le moment où son meilleur ami se tournerait vers lui avec un petit sourire pour lui dire qu’il était enfin l’heure de se dire au revoir. Tout était en place pour le grand départ, les affaires de toute une vie réunies dans des sacs et des valises, Isaac emportait avec lui les souvenirs d’une amitié longue de plus de seize ans. Il emportait aussi sa copine, Olivia. Elias n’était pas prêt et à bien y réfléchir, il ne le serait sans doute jamais. Les yeux dans le vague, il ne vit pas Isaac et Olivia échanger une étreinte, il préférait ne pas le voir de toute façon. Dire qu’il était jaloux aurait été un euphémisme. Oui, il était jaloux. Totalement et indéniablement jaloux. Il connaissait Isaac depuis bien plus longtemps que cette fille avait été dans sa vie, et pourtant c’était avec elle qu’il partait et c’était lui qu’il laissait en arrière. Que pouvait-il dire? Isaac avait bien le droit de se construire une vie. N’était-ce pas ce que chaque être humain aspirait plus ou moins à faire? Se construire une carrière, une vie de famille? Elias, lui, n’avait ni l’un ni l’autre. Oh bien sûr, il faisait des études, mais depuis quelques jours il commençait déjà à tout remettre en question. Le départ de son meilleur ami était un évènement bouleversant qui ne le laissait certainement pas indifférent malgré sa tendance à prétendre le contraire. Jusqu’à présent, il n’avait jamais rien dit à Isaac mais avait essayé de tout son être de se montrer le plus encourageant possible, allant à l'encontre de ce qu'il ressentait au plus profond de lui-même. Il affichait un semi-sourire, affirmait être heureux pour lui, et lui assurait surtout que tout irait bien de son côté. Il ne voulait pas priver son meilleur ami d’une telle expérience, ça avait beau le briser de l’intérieur, la vie l’avait rendu assez solide pour savoir faire semblant à la perfection. Même Isaac n’y voyait rien. Alors, il n’avait rien dit du tout. Pas un seul mot de travers, pas un seul reproche, pas de supplique. Il se contentait de regarder son meilleur ami faire ses valises et préparer sa nouvelle vie. Le simple fait de ne rien faire et de ne rien dire pour l’arrêter lui demandait un effort surhumain qui l’épuisait. Elias était fatigué mais voilà que le jour du départ était enfin arrivé et il n'avait plus à faire semblant encore longtemps. «C’est l’heure, il faut qu’on y aille.» Elias observa Olivia. Tous les deux, ce n’était pas exactement l’amour fou, mais elle avait l’air de rendre Isaac heureux, alors bon… Elle lui fit un sourire et un signe de la main auquel il répondit de la même façon. «Bon voyage.» parvint-il à articuler. Isaac et lui la regardèrent monter dans la voiture avant de se faire face l’un et l’autre.
«Je … Je crois que c’est le moment où on est censé se dire à bientôt. On se dit pas au revoir, pas vrai? Tu sais qu’on va se revoir rapidement et on s’appellera aussi. Ok?» Elias cligna des yeux comme s’il ne comprenait pas totalement ce qu’Isaac venait de dire. Il le fixa en silence quelques secondes avant de porter une main à son front et de fermer les yeux. «Elias?» La voix d’Isaac résonnait dans sa tête. « On va se revoir rapidement et on s’appellera aussi, ok? ». Il n’était pas ok. Il était loin de l’être. Il tenta tant bien que mal de repousser tout ce qu’il voulait dire mais qu’il ne s’autorisait pas à prononcer, il tenta même de se mordre la langue jusqu’à sentir le goût du sang dans sa bouche. «Pars pas.» s’entendit-il articuler malgré tout. Il rouvrit les yeux, et laissa son bras retomber le long de son corp. «Quoi?» Isaac semblait à présent le plus perdu des deux. Ils avaient l’air de deux cons dans cette allée de garage, et ce qui allait suivre ne promettait pas d’être très joli. Elias aperçu le visage d’Olivia dans le rétroviseur de la voiture, elle se demandait sans doute ce qu’ils se disaient. Il répéta: «Pars par.». Le visage impassible mais la voix suppliante, il était près à se mettre à genoux. Incapable de rester silencieux jusqu’au bout, Elias ne pouvais pas le laisser partir sans avoir au moins essayé de le retenir. «Elias… Mes affaires et celles d’Olivia sont déjà toutes dans la voiture, et elle a sans doute attaché sa ceinture. T’as dit que ça allait aller. T’as dit que t’étais ok avec ça. Tu peux pas me demander de rester alors que je suis censé partir tout de suite.» Elias, la respiration un peu plus forte qu’en temps normal, ancra ses magnifiques yeux bleus dans ceux de son meilleur ami. «Si tu pars, il me reste quoi, putain? Je deviens quoi? Je peux pas continuer tout seul, Isaac. Je suis un putain d’égoïste, je sais, mais je peux pas continuer tout seul. C’est pas ok. Ça va pas aller. Si tu pars, ça n’ira pas du tout même. Comment ça pourrait?» Il souffla un coup, repris une profonde inspiration et ajouta: «S’il te plait, pars pas.». Ses yeux n’avaient pas quitté ceux d’Isaac. Il n’avait aucune foutue idée de ce qu’il était en train de faire, mais il savait qu’il devait le faire. C’était le seul moyen s’il ne voulait pas perdre son meilleur ami. Il savait ce que la distance pouvait faire à une amitié et il ne voulait pas que ça leur arrive. Il n’avait pas envie de dire au revoir, ni à bientôt. «Pars pas.» répéta-t-il dans un murmure.
«Elias? Ça va?» La voix d’Isaac s’éleva et il retrouva ses esprits. Il avait divagué quelque peu. Un sourire triste se glissa sur son visage et il acquiesça. «Oui, ça va.» Il laissa Isaac s’approcher de lui et pudiquement ils se serrèrent la main avant que l’un des deux n’attire l’autre près de soi pour une chaleureuse accolade. «Tu vas me manquer.» entendit-il Isaac articuler. Un instant de silence laissa place à la simple accolade qui n’était pas encore tout à fait terminée. «Toi aussi.» lâcha-t-il à son tour en rompant le contact et en faisant un pas en arrière pour installer une première distance. «Tu devrais y aller avant de te mettre à pleurer comme un bébé. Ça craindrait un peu que ton Olivia te voit dans cet état-là pour moi.» Il eut un petit rire, ne sachant même pas lui-même où il trouvait encore la force de se montrer taquin. Il avait envie de tout sauf de rire. En fait il était lui-même plus proche des larmes qu'autre chose. Mais il n’allait pas craquer, pas devant Isaac. Il ne lui ferait pas ça. «On s’appelle rapidement, ok?» Elias hocha la tête. Ils s’observèrent à nouveau, comme si l’un et l’autre cherchait à garder cette image-là en mémoire. «À bientôt.» Elias eut un mouvement de la tête en direction de la voiture pour inciter Isaac à rejoindre la place du conducteur. Il avait besoin que son ami mette fin à ce moment le plus vite possible. Il avait besoin de le voir partir pour pouvoir craquer seul après coup. Il ne pouvait rien laisser paraitre avant qu’Isaac ne soit monté dans cette fichue voiture. «À bientôt.». Une minute plus tard le véhicule avait démarré et quitté l’allée. Elias fit signe de la main jusqu’à ce que la voiture disparaisse au tournant de la rue. Le corps tremblant, il avait la mâchoire serrée et un grand sourire dessiné sur les lèvres tandis qu’une douleur intense le saisit au coeur, comme un coup de poignard bien placé. Il se laissa tomber sur le sol et resta assis des heures durant au milieu de cette allée. Isaac était parti et il l’avait regardé faire sans un seul mot pour le retenir. La culpabilité et les regrets étaient déjà immenses. Mais Elias ne prononça pas un mot, il ne pleura même pas. Il se contenta de fixer ses pieds tout en cherchant un moyen et une raison de continuer à vivre à présent, de continuer à avancer. Sans Isaac.
Février 2012, Huntington Beach Courant à travers le jardin tout en retirant ses fringues, Elias riait aux éclats. L’instant d’après, il sautait dans la piscine en lâchant un grand cri. Les quelques secondes qu’il passa sous l’eau le firent se sentirent plus libre que jamais. Le silence totale dans sa tête, le calme plat, jusqu’à émerger à la surface. L’instant précis où sa tête surgit hors de l’eau, il afficha à nouveau ce grand sourire. Un type tout aussi dévêtu que lui arriva en courant, glissa au dernier moment et fit un énorme plat dans la piscine. Elias ne put s’empêcher de rire encore plus fort. L’autre émit quelques gémissements. «Putain, c’était beau! » lâcha-t-il en riant toujours. «Oh, la ferme!» s’écria l’autre type tout en se redressant et en passant une main dans ses cheveux mouillés. Il nagea jusqu’à Elias et ils restèrent à s’observer quelques secondes, jusqu’à ce que l’homme l’attire à lui et l’embrasse. «J’ai une question pour toi Osborne.» Il ouvrit de grand yeux vers le type qui devait bien faire une ou deux têtes de plus que lui. Serrés l’un contre l’autre, il pouvait sentir sa musculature bien développée sous la paume de sa main et il ne se gêna pas pour évaluer la marchandise à coup de petites caresses. «Pourquoi t’es aussi mignon?» Elias se pinça la lèvre, sans lâcher l’autre homme du regard. Il lui fit signe de se baisser un peu pour atteindre son oreille et il murmura: «C’est un secret!» Il s’accrocha ensuite au coup de son compagnon de jeu et tenta de lui mettre la tête sous l’eau. L’autre ne se laissa pas faire et ils s’engagèrent dans une espèce de petite bataille où les coups étaient remplacés par des mains baladeuses et des tentatives de baisers volés. Soudain, les lumières du jardin s’allumèrent et ils se stoppèrent dans une simultanéité parfaite. «Tu ne vis pas seul?» demanda le grand blond. À la lumière, Elias constata qu’il ressemblait trait pour trait à un top model de chez Abercrombie avec un côté bad boy. Il le regarda sans dire un mot, puis un sourire se dessina sur ses lèvres et il répondit: «Bah je sais pas.» Le blond sembla légèrement perturbé par la réponse et une seconde question ne tarda pas à suivre. «Comment ça tu sais pas?» Elias haussa les épaules, très innocemment. «Bah ouais, je sais pas. C’est pas chez moi.» Le type ne réagit pas tout de suite, mais Elias brisa le court instant de silence en éclatant de rire. «Fais pas cette tête, on se barre!» Il s’approcha du bord de la piscine mais l’autre homme n’avait pas bougé, visiblement sous le choc. «Allez, bouge-toi! On se fera pas choper si tu bouges ton cul de là!» répéta-t-il. Il était déjà en train d’enfiler son t-shirt et son jean. Pas top sur la peau mouillée mais tant pis, à la guerre comme à la guerre! Les deux hommes parvinrent à quitter la propriété avant même que le propriétaire ne soit parvenu à les voir. Ils pouvaient l’entendre crier et menacer d’appeler la police, ce qui bien sûr, fit rire Elias d’avantage. «Putain, t’es con!» Il se fit bousculer par le grand blond et il cessa de rire pour aller s’accrocher à son cou. «Pardon. Je suis désolé. Mais si t’avais vu ta tête!» L’autre n’avait pas l’air de trouvé ça amusant, mais il se laissa embrasser malgré tout. «Je suis mignon, j’ai le droit.» Il fallait bien en jouer de temps en temps. «C’était ton baptême de squattage de piscine privée?» Tout en tentant d’ôter l’eau de sa chevelure, il commença à avancer sur la route, pieds nus parce qu’il avait oublié ses chaussures dans le jardin. «Au moins tu pourras dire que tu l’as fait une fois dans ta vie. Ose me dire que tu te sens pas super vivant après ce coup de pression!» Cette sensation très exacte était pile poil ce que lui-même recherchait en s’offrant des petites frayeurs du genre. Au fond, c’était simplement un jeu. Il n’était ni un cambrioleur, ni un tueur, il n’entrait pas chez les gens pour leur faire du mal, uniquement pour profiter de ce que leur fortune pouvait leur permettre. Fortune qu’il n’était pas assez chanceux pour posséder. Quelque part, il se voyait un peu comme un Robin des Bois des temps modernes. Et dans une ville comme Huntington Beach, voler aux riches (ou en tous cas emprunter), était un jeu d’enfant! Elias se stoppa net, se tourna vers le grand blond, et un sourire aux lèvres, il dit: «On va chez moi?».
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Un corps était étendu dans un petit lit aux draps à l’effigie des Pokémons, comme s’il s’agissait là de la chambre d’un gamin qui dimanche après dimanche ne ratait jamais ses dessins animés préférés, un bol de céréales dans les mains et les yeux brillants devant Sacha et Pikachu. La silhouette semblait totalement inerte, et pourtant une respiration régulière s’échappait de ce corps mou et immobile. C’était la seule chose qui rompait le silence dans laquelle la pièce était plongée. De la lumière passait sous une porte close. Derrière cette porte, il y avait Elias assis sur le sol de sa salle de bain. Une toute petite salle de bain pas très clean, pas très bien rangée, mais dans laquelle il passait de nombreuses nuits. Légèrement tremblant, il se préparait à se shooter. Elle était loin l’époque où ses gestes étaient maladroits, presque hasardeux. Aujourd’hui, il savait exactement ce qu’il faisait, connaissait le meilleur moyen de faire ça vite et bien. Il dosait tout avec précision, était capable de trouver un endroit où piquer en moins de deux, sans jamais laisser de trace. Il était tombé dans la drogue tout doucement d’abord, et puis brutalement ensuite. Il y avait eu la drogue dite douce avant celle dite dure. Éventuellement, sans même vraiment le vouloir, il avait mis un pied là-dedans et depuis il n’en était jamais sorti. Ça aussi c’était un jeu. Rien qu’un jeu. Un jeu pour se sentir vivant, un jeu qui lui donnait une raison d’être toujours là et de se lever tous les jours (ou au moins tous les deux jours). Il se souvenait encore parfaitement de sa première fois. C’était une semaine à peine après le départ d’Isaac. Une semaine, c’était tout ce qu’il avait été capable de tenir. Une part de lui était pourtant très fière de cette unique semaine où il avait eu la force d’avancer sans son meilleur ami. Une semaine, c’était déjà beaucoup. En général, il préférait ne pas trop penser au passé. Elias ne parlait jamais d’Isaac, c’était trop pénible. Les deux hommes s’étaient rapidement détachés l’un de l’autre après le départ d’Isaac. Elias n’avait pas été capable de continuer à faire semblant, il en voulait à son meilleur ami de l’avoir abandonné, il s’en voulait aussi à lui-même de n’avoir rien fait pour l’en empêcher. S’enfermer dans le silence avait été son moyen à lui de repousser Isaac. Il avait cessé de répondre à ses appels, et à toute autre tentative de contact. Il avait cessé de prendre des nouvelles et même de passer devant la maison dans laquelle il avait grandi avec ses parents. Petit à petit, Elias avait tenté d’effacer son ami, parce que c’était plus facile, moins douloureux, moins pénible… Petit à petit, aussi, il avait perdu l’équilibre. Isaac avait toujours été celui qui lui permettait de rester debout, qui l’encourageait à progresser dans la vie et à regarder plus loin que l’instant présent. En le rayant de sa vie, il avait dit adieu au minimum de structure dont il avait besoin pour ne pas perdre pied. Ça pour perdre pied, il l’avait sacrément perdu. Il s’était laissé couler doucement, en silence, sans chercher à lutter. Elias avait accepté ce qu’il nommait aujourd’hui sa « destinée ». Une vie solitaire que seules l’alcool et la drogue pouvaient véritablement remplir. Comme un pansement que l’on mettrait sur un plaie béante, ça ne le guérissait pas de son malêtre et c’était inutile à le rendre heureux, mais au moins ça lui donnait l’illusion d’avoir quelque chose auquel se raccrocher.
L’aiguille pénétra dans son bras, Elias ferma les yeux mais fut forcé de les rouvrir lorsqu’il entendit la porte de la salle de bain s’ouvrir. Le grand blond se tenait dans l’encadrement, il avait le regard plongé sur lui et la bouche légèrement entr’ouverte. «Je t’ai réveillé?» Il affichait un sourire inquiétant qui ne cachait rien du malaise qu’il ressentait à l’intérieur de lui même. La main toujours refermée sur la seringue qu’il tenait, il détourna la tête pour ne pas avoir à regarder sa conquête. «Tu sais ce qui est génial à propos de l’héroïne?» demanda-t-il avant de lâcher un léger gémissement. Il retira l’aiguille de son bras et la laissa tomber sur le sol, juste à côté d’un vieux briquet, son préféré. «La mort?» La voix de l’autre homme était glaciale. Elias osa encore moins relever les yeux vers lui. Un frisson lui avait parcouru le dos et il s’entendit rire à nouveau. «Non, la vie.». Cette merde le conduirait sans doute à sa propre perte, mais il en était venu à la conclusion que peut-être, mourir était la meilleur des façons de vivre. Il était mourant, chaque jour un peu plus que le précédent, mais comme tout le monde, non? Chaque jour qui passe est un jour de moins à vivre. Lui, il brûlait la vie par les deux bouts, allant encore plus vite que tous les autres dans cette course vers la mort. De toute façon, qu’est-ce que ça changeait? Il n’avait personne pour le retenir, personne pour lui dire d’arrêter, personne pour l’aimer assez fort, personne pour lui prouver que sa vie avait encore de la valeur et qu’il était toujours temps de changer les choses. Et quand bien même quelqu’un se pointait demain, il n’était même pas sûr d’être capable d’y croire encore. La cause était perdue et il était le premier à l’affirmer. «Y’a rien qui me fait plus me sentir en vie que ça.» déclara-t-il en relavant finalement le visage vers l’autre homme. «Tu te détruis la santé… C’est ça que t’appelles te sentir en vie? Cette merde va te tuer.» Il resta immobile, incapable de trouver quoi répondre. «Et alors?» finit-il par demander après un court instant de silence. «Je me casse.» Il entendit le type reprendre ses affaires, l’observa se rhabiller, mais Elias ne bougea pas d’un pouce, pas même lorsque la porte de son appartement claqua et que le grand blond partit. Il reposa simplement sa tête contre le meuble sur lequel il s’était appuyé. Une question résonnait dans sa tête: « Et alors? ». Elle demeurait sans réponse.
Novembre 2014, Huntington Beach Balai en main, Elias était en train de nettoyer le sol du fast-food qui l’employait depuis environ trois semaines. Il était du genre à ne pas garder ses emplois beaucoup plus d’un mois. En fait, trois semaines étaient déjà un exploit. Jouer à la femme de ménage, ce n’était pas terrible, mais c’était assez pour payer ce qu’il avait besoin de payer. C’était assez pour survivre. Personne ne venait l’embêter ici, tant que le sol était à peu près brillant et que les chiottes n’étaient pas bouchés, tout le monde était content. L’été avait été difficile, il avait été mis à la porte de l’appartement dans lequel il vivait depuis un an. Son logement aussi changeait régulièrement. Ça dépendait de ses moyens et justement, il en avait un peu manqué il y a quelques mois. Elias s’était retrouvé à la rue quelques semaines, crashant chez l’un ou l’autre de ses amis et dormant même parfois dehors. Ce n’était pas glorieux, et il n’en était pas spécialement fier, mais il ne se cachait pas non plus. Il affichait un air de lassitude presque constant. Comme si peu importe ce qui lui arrivait, bon ou mauvais, il n’en avait pas grand chose à foutre. Il se laissait porter par la vie, une vie qui le malmenait plus que jamais sans qu’il n’y trouve grand chose à redire. Il avait cessé de lutter contre le mauvais sort, et s’accommodait de tout et n’importe quoi. De n’importe quoi, surtout. Le fast-food vide de tout client, il avait allumé la télé. Jeopardy, son show préféré, était en pleine rediffusion. À chaque fois, il était capable de trouver les questions plus rapidement que n’importe quel candidat, de temps en temps il lâchait un « abruti » ou un « pauvre con », à l’attention des personnes s’affrontant sur l’écran de télévision. Dehors, la pluie s’abattait sur les vitres. Un jour pluvieux comme celui-là c’était plutôt rare ici, même pour un mois de novembre. Lorsque l’émission fut terminée, il éteignit la télé et enfila un casque sur ses oreilles avant de lancer la musique à fond. Instinctivement, il se mit à chanter tout en continuant de nettoyer. Il passait la serpillère, remontait les chaises sur les tables, ramassait les papiers que l’aimable clientèle avait laissé là, et il ne bronchait pas un seul instant face à ces tâches pourtant bien peu gratifiantes. Effectuant chaque geste comme un robot, il faisait les choses sans même y réfléchir. Réfléchir était devenu trop fatigant pour lui, en dehors du moment où il regardait Jeopardy, Elias semblait se transformer en un espèce d’abruti. Du moins, il ne montrait que très peu de signes de réactivité et d’intérêt pour quoi que ce soit. Les seuls moments où il parvenait à réveiller la petite étincelle en lui étaient lorsqu’il croisait des enfants ou des animaux. L’autre jour, une petite fille était venue le voir en pleurant parce qu’elle ne retrouvait plus sa mère. Il l’avait prise par la main et l’avait consolé en attendant que quelqu’un vienne la chercher. L’envie d’engueuler la mère qui avait oublié sa gamine ne lui avait pas échappé, mais il s’était abstenu. Après tout, ce n’était pas ses affaires. Une autre fois encore, il avait trouvé un chien perdu et au lieu d’appeler immédiatement le numéro sur son collier, Elias avait passé plusieurs heures à jouer avec et à lui faire des câlins, envisageant même l’idée de le garder. Autrement dit, l’innocence n’était plus que l’unique chose qui parvenait encore à le toucher. Son contact humain ne se limitait pourtant pas aux enfants et aux animaux. Il trainait encore avec des gens comme lui, des personnes bien trop prises par la drogue pour véritablement se soucier de quoi que ce soit d’autre. Ainsi, ils n’avaient pas à entretenir de véritables relations, pas de conversation, ni d’échange quelconque, en dehors peut-être des chamailleries concernant le partage de la marchandise. Elias dormait plus le jour et vivait la nuit. Il faisait tout pour éviter le moindre contact avec le reste de la population. Il n’avait pas vraiment sa place dans une ville comme Huntington Beach et son angoisse aurait été de croiser quelqu’un appartenant à son passé. Il n’aimait pas qu’on le reconnaisse dans la rue, il n’aimait pas devoir répondre à la fameuse question « Alors, qu’est-ce que tu deviens? » qui l’obligeait à répondre « Rien. » et qui foutait toujours un gros malaise entre lui et la personne qui l’interrogeait. Il détestait se montrer mal poli, alors pour ne froisser personne le mieux était encore de marcher la tête baissée et de faire semblant de ne pas exister. Son rêve le plus fou aurait été de disparaitre, de devenir complètement invisible. C’était déjà un peu comme ça qu’il se sentait de toute façon. En fait, ce n’était pas simplement à Huntington qu’Elias ne se sentait plus à sa place, c’était dans ce monde tout entier. Flirtant toujours avec des idées noires et un goût prononcé pour l’auto-destruction, il entretenait une relation malsaine avec l’idée de la mort. Il n’avait jamais cherché clairement à se tuer. Il préférait se faire du mal et se laisser agoniser. C’était bien plus cruel et quelque part bien plus amusant. Il avait tout de même terminé à l’hôpital plus d’une fois, et on lui avait dit « Monsieur, vous avez beaucoup de chance. ». Lui, un chanceux! Si on osait ajouter « Vous avez frôlé la mort, vous savez? », il se mettait à rire jusqu’à manquer de s’étouffer. Toujours prêt à demander en retour « Et alors? ». Cette question-là n’avait jamais su trouver de réponse, personne n’avait été capable jusque-là de lui donner une seule bonne raison valable de ne plus rire, personne n’avait su lui dire pourquoi frôler la mort était si grave. Elias reposa son balai contre un mur et se pencha au sol pour ramasser une photographie. Elle avait été prise ici avec l’un des ces polaroïds récents que l’on pouvait trouver dans le commerce. Elle montrait deux enfants, deux garçons d’environ neuf ans. Il observa la photo en silence, ôta son casque de ses oreilles, et se surprit à penser à cette époque où lui aussi il affichait cet espèce de grand sourire candide. Avant, il avait connu des moments joyeux, et lui aussi avait eu un acolyte pour l’accompagner à travers ces instants. Isaac… Son vieux copain Isaac. Bon sang! Ça faisait toujours aussi mal d’y penser. Elias observa encore longuement la photo avant de la chiffonner et de la jeter. Il avait mis cette partie-là de sa vie à la poubelle des années auparavant. Il avait rayé Isaac de son existence. Il ne voulait plus y songer. Elias repositionna le casque sur ses oreilles et continua son ménage tout en chassant la moindre pensée parasite. Isaac était le sujet interdit. Qu’aurait dit ce dernier s’il l’avait vu aujourd’hui? Il ne voulait même pas le savoir. Ils avaient continué leur vie chacun de leur côté. Allant même jusqu’à ignorer le mariage d’Isaac, Elias ne s’autorisait même plus à penser à lui et à l’amitié qui les avait lié. Chaque être qu’il aimait représentait un risque, celui d’être perdu. C’était une chose qu’il avait refusé de revivre depuis longtemps déjà et aujourd’hui il ne s’attachait plus à personne. La vie était beaucoup plus simple ainsi, non? Sauf que la vie n’avait rien de simple pour lui. Abimé, fatigué, lassé, il se contentait de survivre dans un monde qui allait à mille à l’heure. Sa place était ailleurs.
Dernière édition par Elias R. Osborne le Lun 10 Nov 2014 - 3:07, édité 15 fois |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 0:54 | |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 2:31 | |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 8:39 | |
| Welcome |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 11:41 | |
| Re-bienvenue |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 13:20 | |
| Bienvenue à toi charmant ton avatar :D |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 15:52 | |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 16:13 | |
| Personne ne m'avais dit que tu faisais un DC Bro me parlait de faire un scénario avec Blagden il y a quelques jours avant. Peu de chance que l'avatar soit pris avant qu'elle fasse un scénario, à moins qu'elle ne convertit quelqu'un Puis ne pas remplir la partie derrière l'écran, ton profil et la réaction de Bro'. Ça se voit trop (utilise une fausse identité the next time ) |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 16:41 | |
| Non, non, j'ai rien rempli parce qu'à la base j'étais censée travailler Je cherchais pas à me cacher, voyons! DC, je dirais même 5C |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 16:45 | |
| hin hin hin ! Toute façon je t'ai reconnue à des kilomètres et j'suis contente |
| | | Neela Meyers THIS WORLD IS MINE
› MESSAGES : 12654 › EMMENAGEMENT LE : 02/03/2013 › AGE : 38 › STATUT CIVIL : en relation passionnelle avec son cheeseburger parce qu'il n'y a que ça de vrai. en couple avec imran devil johar et il est boiling hot. maman de la petite maya meyers aka cutest baby girl ever. › QUARTIER : presidente drive. › PROFESSION/ETUDE : médecin, chirurgien cardiaque. › DOUBLE COMPTE : naya m. quinton, la garce sublimissime que tout le monde déteste + taleisha campbell, aka da delicious cookie. › CELEBRITE : vidya balan. › COPYRIGHT : ranipyaarcreation.
| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 18:31 | |
| rebienvenue |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 19:06 | |
| PARTNERS IN CRIME |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 19:54 | |
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| | | Julian Mcneal GOOD COP
› MESSAGES : 517 › EMMENAGEMENT LE : 09/03/2013 › AGE : 37 › STATUT CIVIL : EN COUPLE AVEC SASKIA ; › QUARTIER : CHEZ SA GRANDE SOEUR KATE, A LOS ANGELES ; › PROFESSION/ETUDE : ANCIEN RÉDACTEUR POUR LE HUNTINGTON BEACH DAILY. IL ECRIT SON PREMIER ROMAN "SOUS LES PLUMES OBSCURES" ; › HB AWARDS : (2013) PERSONNAGE LE PLUS COINCÉ (2015) PERSONNAGE LE PLUS COINCÉ ; HOMME PARFAIT (2016) PERSONNAGE LE PLUS SENSIBLE ; DUO LE PLUS IMPROBABLE AVEC NAYA ; › DOUBLE COMPTE : CF : ELOW ; › CELEBRITE : HAYDEN CHRISTENSEN ; › COPYRIGHT : ELOW' ;
| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 20:02 | |
| Je connais pas le type, mais gosh, il ressemble à Justin Timberlake ou c'est moi qui louche ? *sort* Re-bienvenue j'ai hâte de voir ce que tu vas faire |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Mer 22 Oct 2014 - 23:21 | |
| Tu trouves? Je sais pas, y'a peut-être un léger air, mais j'avoue que j'ai du mal à le voir Merci Elow |
| | | Julian Mcneal GOOD COP
› MESSAGES : 517 › EMMENAGEMENT LE : 09/03/2013 › AGE : 37 › STATUT CIVIL : EN COUPLE AVEC SASKIA ; › QUARTIER : CHEZ SA GRANDE SOEUR KATE, A LOS ANGELES ; › PROFESSION/ETUDE : ANCIEN RÉDACTEUR POUR LE HUNTINGTON BEACH DAILY. IL ECRIT SON PREMIER ROMAN "SOUS LES PLUMES OBSCURES" ; › HB AWARDS : (2013) PERSONNAGE LE PLUS COINCÉ (2015) PERSONNAGE LE PLUS COINCÉ ; HOMME PARFAIT (2016) PERSONNAGE LE PLUS SENSIBLE ; DUO LE PLUS IMPROBABLE AVEC NAYA ; › DOUBLE COMPTE : CF : ELOW ; › CELEBRITE : HAYDEN CHRISTENSEN ; › COPYRIGHT : ELOW' ;
| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 12:08 | |
| Non, mais tout ça pour dire que Lorelai va lui sauter dessus, hein. *sort* |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 15:50 | |
| euh… au secours? ( ) |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 16:19 | |
| Lorelai saute sur tout ce qui bouge |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 18:10 | |
| effectivement, vous commencez à me faire peur Merci! William, il y a très peu de chances pour qu'elle saute sur Elias |
| | | Neela Meyers THIS WORLD IS MINE
› MESSAGES : 12654 › EMMENAGEMENT LE : 02/03/2013 › AGE : 38 › STATUT CIVIL : en relation passionnelle avec son cheeseburger parce qu'il n'y a que ça de vrai. en couple avec imran devil johar et il est boiling hot. maman de la petite maya meyers aka cutest baby girl ever. › QUARTIER : presidente drive. › PROFESSION/ETUDE : médecin, chirurgien cardiaque. › DOUBLE COMPTE : naya m. quinton, la garce sublimissime que tout le monde déteste + taleisha campbell, aka da delicious cookie. › CELEBRITE : vidya balan. › COPYRIGHT : ranipyaarcreation.
| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 19:30 | |
| ne dis pas ça comme ça, elle le prendra pour un challenge |
| | | Lorelai Daniels BAD COP
› MESSAGES : 473 › EMMENAGEMENT LE : 03/08/2013 › AGE : 49 › STATUT CIVIL : DIVORCÉE DEPUIS 2008. MÈRE ADOPTIVE DE KIRA. EN COUPLE AVEC 90% DES HOMMES DE LA VILLE ; › QUARTIER : N°837 PALM AVENUE ; › PROFESSION/ETUDE : DIRECTRICE ARTISTIQUE DE SA MAISON DE COUTURE (DANIELS) ET PRÉSENTATRICE TÉLÉ DE SON PROPRE TALKSHOW : TONIGHT WITH LORELAI DANIELS. EN GROS JE SUIS UNE STAR. › HB AWARDS : (2013) MEILLEUR PERSONNAGE (RUMOURS ARE OUR PASSION) ; LE PERSONNAGE LE PLUS MECHANT ; SEX-SYMBOL SENIOR (2014) MEILLEUR PERSONNAGE (RUMOURS ARE OUR PASSION) ; LE PERSONNAGE LE PLUS AGAÇANT ; LE PERSONNAGE LE PLUS DRAGUEUR (2015) MEILLEUR PERSONNAGE (RUMOURS ARE OUR PASSION) ; LE PERSONNAGE LE PLUS DRAGUEUR ; SEX SYMBOL SENIOR (2016) MEILLEUR PERSONNAGE (RUMOURS ARE OUR PASSION) ; LE PERSONNAGE LE PLUS DRAGEUR ; › DOUBLE COMPTE : CF : ELOW ; › CELEBRITE : AMY ADAMS ; › COPYRIGHT : ELOW ;
| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 20:25 | |
| CHALLENGE ACCEPTED.
*sort* |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 20:57 | |
| - Nolan J. Buckley a écrit:
Moi sur l'avatar au début j'ai cru que c'était Vincent Cassel (les Elow ont un soucis de vision apparemment ) Et re-bienvenue
HA HA HA HA HA HA HA HA HA AH AH AH AH AH AH AH HA HA HA HA :#31: Okay. Be careful people. A wild Lorelai appear. |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias Jeu 23 Oct 2014 - 23:04 | |
| ARRÊTEZ DE FLOODER SUR MA FICHE BANDE DE CHACALS! C'est pas la fête du slip Et vous êtes en train de la salir avec vos bêtises |
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| Sujet: Re: « Do you wanna build a viking ship? » — Elias | |
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| | | | « Do you wanna build a viking ship? » — Elias | |
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