Ce soir était un soir comme un autre pour Naya M. Quinton qui n’accordait pas plus d’importance que ça à la saint valentin. Franchement, qui était aussi con pour célébrer l’amour ? Pas elle en tout cas. Elle, elle avait des trucs beaucoup plus importants à faire comme… les courses ! Elle se dirigea vers le supermarché le plus proche de son quartier, ne s’empêchant pas de rigoler sarcastiquement devant chaque couple qu’elle croisait, avant d’arriver à sa destination. Sur les lieux ne se trouvait pas grand monde ; Le vieux monsieur qui tenait la caisse, une dame et Ally N. Fleming qui était elle aussi là pour faire les courses…

Ce qui se déroula par la suite était digne d’un film à l’américaine : une bande de voyous armés accédèrent à l’endroit, dans le but de voler ce qu’ils peuvent ! Et question qu’ils arrivent à le faire en toute tranquillité, ils décident de mener les présents à la pièce de derrière, et de tous les enfermer là-bas.

A voir comment les choses s’annonçaient, il y avait plus de chances qu’un crime soit commis entre les quatre mur de cette petite pièce qui servait de stock, qu’à l’extérieur.

Cohen était de service ce soir-là, et puis, de toute façon, pourquoi Ally s'amuserait à fêter l'amour ? Elle n'en avait pas besoin. Elle savait que Cohen passerait sûrement chez elle lorsqu'il finirait son service, et qu'ils se retrouveraient, comme d'habitude. Par contre, avoir quelques provisions ne serait pas de trop. Mais c'était sans compter sur l'intervention de quelques gaillards en mal d'amour qui n'avaient rien trouvés de mieux à faire le soir de la Saint Valentin que de braquer une petite supérette de quartier... Sans trop comprendre comment, Ally s'était retrouvée poussée vers la réserve de la boutique -ce n'était pas elle qui les aurait empêché de piquer quelques bières ou paquets de chewing-gum, de toute façon. Elle était courageuse, mais pas téméraire. Et surtout, présentement, elle était enfermée dans la réserve exiguë de la supérette où elle venait se dépanner lorsqu'elle était à cours de croquettes pour chats, de capotes ou de pâtes. La situation n'était donc pas idéale pour une Saint Valentin -ou pour n'importe quel autre jour de l'année aussi, d'ailleurs. Mais au moins, se disait-elle pour se rassurer, elle était hors de portée des revolvers des braqueurs. Ou peut-être même que leurs armes étaient en plastique, après tout, Ally ne saurait même pas différencier une arme mortelle d'un jouet que l'on pouvait offrir à un gamin de dix ans. Cohen ne serait pas fier d'elle d'ailleurs.

Mais bon, les armes, ce n'était plus vraiment leur problème. L'isolation de la pièce glacée ne la laissait plus entendre l'intervention des braqueurs dans la boutique -pour autant qu'elle savait, ils pourraient encore être en train de dévaliser les rayons ou en train de menacer le vendeur s'il ne vidait pas sa caisse -qui devait à tout casser contenir 200$ vue l'affluence dans la supérette.

Bon, elles étaient trois. Et Ally, elle, s'était plongée dans son sac dès que la lourde porte s'était refermée derrière eux. Elle cherchait désespéramment un objet qui pourrait leur servir d'une quelconque façon. Mais elle devait l'admettre, elle n'avait rien de MacGyver et s'imaginait difficilement une manière de transformer un tampon en bombe susceptible de défoncer la porte. C'est la voix d'une de ses comparses de galère qui la fit relever le museau de son sac. Merde, elle la connaissait, cette voix... cette façon de parler, aussi, et puis ces seins et la tronche plantée au-dessus. Naya. La fameuse Naya. Depuis le temps qu'elles s'étaient rencontrées, Ally s'était dit qu'elles ne se reverraient sans doute plus jamais. Elle appartenait à son passé, et Ben appartenait autant à son présent qu'à son futur. Les rôles étaient distribués, et Naya s'était faite virer du casting depuis bien longtemps. Sauf que non. Elle devait avoir besoin d'un couteau pour égorger une âme innocente ce soir-là, puisqu'elle se retrouvait elle aussi dans la supérette du quartier, et, à fortiori, dans la réserve. « Eh merde ! Princesse, tu as ton téléphone sur toi ? » Eh merde, elle s'était adressée à elle, et en plus, l'avait reconnue. Deux options à présent : se faire passer pour une totale inconnue, quitte à imiter un accent japonais, ou s'avouer vaincue et répondre avec la fierté d'une Ally qui partageait maintenant la vie de son Benjamin. « Je l'ai », dit -elle en sortant sa main de son sac avec un sourcil haussé, « mais je capte pas, sinon ce serait pas dr-- » Gling ! Ally baissa les yeux sur son portable, qui venait de sonner. « ah, sisi, attends, je regarde ! Quelqu'un aura peut-être remarqué ma disparition ! » Mais c'était sans grand espoir, car, à cette heure-ci, la seule personne qui était susceptible de l'attendre chez elle était Chips. Et même s'il/elle était en manque de croquettes, Ally doutait que la boule de poil ait la capacité de lui écrire pour le lui faire remarquer.

Il ne fallait pas paniquer ; après tout, la situation n'amenait pas la panique, si ? Bon, d'accord, si. Mais Ally, malgré tout, ne paniquait pas réellement. Les braqueurs qui les avaient enfermés n'avaient pas l'air bien féroces. Il fallait peut-être se méfier des apparences, mais des fois c'était impossible; et c'était le cas ce soir-là, depuis qu'elle avait vu l'allure des mecs en mal d'amour qui n'avaient rien de mieux à faire un soir de Saint Valentin que braquer une supérette de quartier. Le seul truc, c'était qu'Ally était ennuyée. Elle n'avait pas prévu de grandes choses pour ce soir-là, qu'elle considérait comme tous les autres de l'année, mais s'il y avait bien une chose à laquelle elle tenait, c'était à ses heures de tranquillité entre deux gardes à Saint John. Et au temps qu'elle pouvait passer avec celui qu'elle arrivait à considérer comme son petit ami -car oui, Benjamin Cohen était son petit ami ! Et c'était avec ce raisonnement qu'Ally était bien déterminée à quitter cette petite réserve. Tant pis pour la malbouffe et les bières qu'elle ne ramènerait pas chez elle pour ne pas fêter cette soirée qui puait le chocolat, les huîtres et le gingembre. Si elle arrivait à ressortir d'ici vivante, d'ailleurs, et qu'elle racontait sa mésaventure à Cohen, peut-être aurait-il un peu de peine et l’emmènerait-il au restaurant. Enfin... dans un fast-food, quoi. C'était tout ce dont elle avait besoin. Les restaurants huppés n'étaient pas franchement ses amis, et sa rencontre avec Tyler pouvait en témoigner, même s'il en était ressorti une amitié à laquelle elle ne s'attendait pas.

Bref, trêve de bavardage. Tout ça, c'était encore avant qu'elle réalise qu'elle n'était pas enfermée avec n'importe qui. A côté de la vieille et sa potentielle très future patiente -oups, de la femme mure-, il y avait Naya. Le destin semblait acharné contre elle, ce soir-là. Si on ajoutait en plus le fait que son copain était policier mais qu'elle n'avait aucun autre moyen de le joindre que la télépathie, alors on pouvait clairement penser qu'elle avait fait quelque chose de très mal dans une vie antérieure. Mais ce n'était pas vraiment le moment de penser à toutes ces vies passées -et à même sa vie présente, qui pouvait présenter quelques arguments dans ce sens. Non, à ce moment précis, tout ce qui comptait, c'était sortir. Elle ne comptait pas passer la soirée dans une réserve plutôt moyennement chauffée avec une mamie au bord de l'infarctus et... heu, bah, Naya. Car, en réalité, Ally n'aurait pas su qualifier la brunette, surtout lorsqu'il s'agissait de la situer par rapport à Cohen. Son ex, peut-être, quelque chose comme ça. De toute façon, elle n'avait pas besoin d'être Madame Irma pour savoir que Naya ne pouvait pas la piffer et que, par conséquent, c'était au moins un peu réciproque. Ally était pourtant relativement sociable, du moins elle se plaisait à le croire, mais il ne fallait pas pousser mémé dans les orties. Les choses étaient mal, très mal parties entre elles, et semblaient impossibles à récupérer -surtout étant donné le caractère de la brune.

Les choses se confirmaient d'ailleurs à ce moment précis. « Hm. Un membre de ta famille peut-être ? » avait-elle lancé alors qu'Ally venait de recevoir un message, et donc, par la même occasion, de réaliser que leur situation n'était pas totalement désespérée. Il y avait au moins un peu de réseau par ici ! Mais la blonde n'eut pas le temps de comprendre quoi que ce soit d'autre. Elle entrevit seulement le nom de l'expéditeur, et le portable lui était déjà arraché. « Pas vr-- » avait-elle commencé avant d'avoir le sifflet coupé par la rapidité du geste de Naya et surtout, par sa familiarité. Parfait, alors, elle allait voir que Cohen lui avait écrit. « Fais voir un truc. » Pas comme si elle avait le choix, de toute façon... « Peut-être que ça va capter assez de signal d’ici pour passer un coup de fil. » Sans déconner. Naya se la jouait donc sauveuse; pourtant, c'était à la portée de n'importe qui de chercher du réseau avec un portable. Ally la regardait d'un œil morne. « Peut-être », se contenta-t-elle de répondre froidement. « Mais on était peut-être pas à cinq secondes près. Par contre, on était peut-être à un mètre près. » Oui, elle voulait avoir raison. Oui, elle ne voulait pas laisser Naya contrôler la situation. Oui, elle ressentait toujours cette concurrence intrinsèque avec Naya, alors que le seul témoin présent dans la pièce était une petite vieille qui allait sûrement passer l'arme à gauche tant la situation semblait la paniquer -mais elle n'y prêtait pas attention, en réalité, à cette petite vieille. Traversant la petite pièce pour rejoindre Naya, elle demanda avec une politesse qui lui écorcha les lèvres : « Je peux juste voir ce qu'on m'a envoyé ? Ou y'a vraiment le feu au lac ? »

Bornée, Ally ? Oui, un peu.