Depuis quelques jours, Jessica était de retour à Huntington Beach avec son fils. Sans surprise, Gabrielle l'hébergeait en lui précisant qu'elle pouvait rester là autant de temps qu'elle le souhaitait. Jess savait que la présence d'un enfant aussi vivant que Sawyer allait demander, à certains moments, un effort à sa meilleure amie, mais d'un autre côté, Gabrielle adorait son filleul presqu'autant que Jess aimait son petit prince. D'autres personnes auraient l'impression d'abuser et de s'initier dans la vie de l'avocate, mais pas Jessica. Elle connaît le franc parler de son amie et si vraiment ça l'ennuyait, elle le lui dirait. En plus, Jess avait besoin de la présence de Gaby et beaucoup plus qu'elle ne pouvait le prétendre, elle ne se sentait pas encore prête à vivre seule avec Sawyer, dans une maison bien à elle à Huntington Beach. Ce jour-là, elle avait attendu que Gaby revienne de son travail non sans l'appeler toutes les dix minutes afin de savoir quand elle comptait arriver et ensuite, lui avait demandé de garder Sawyer une heure ou deux. Jessica n'avait pas vraiment eu besoin de préciser la raison de cette absence, parce que non seulement son amie d'enfance respectait sa vie privée, mais en plus, parce qu'elle devait se douter de la personne avec qui elle avait envie de passer du temps après ces longs mois sans le voir.

"Tu fais tes devoir avant d'aller jouer, Sawyer" adressa-t-elle à son fils en lui déposant un baiser sur le front. Jess expliquait à Gaby comment s'en sortir avec un enfant en train de faire ses devoirs. Les échanges entre les deux amies étaient certes, sur le ton de l'humour, mais Jess savait que l'avocate voulait son bien et pour ce faire l'encourageait à sortir, à voir des gens et d'oublier un peu Sawyer, au moins durant deux heures. C'était mission impossible, mais toujours est-il qu'elle comptait bien essayer. Il était temps qu'elle pense un peu à elle et pas juste à son petit homme. Un dernier regard dans le miroir, Jess fut interpelée par la voix de ce dernier "Tu vas voir papa ?" et là, c'est une claque qu'elle se prend, parce que plus le temps passe et plus elle a l'impression que ça devient une obsession pour Sawyer. Un jour, elle devra mettre les points sur les i, gentiment et lui faire comprendre qu'entre Tyler et elle c'était définitivement terminé, pour la simple et bonne raison qu'elle ne se ferait pas passer pour une conne une troisième fois et qu'elle échapperait à la règle "jamais deux sans trois".  A présent, il était de loin la personne qu'elle détestait le plus sur terre, alors pourquoi continuer à nourrir l'espoir d'un petit garçon de onze ans qui vit dans l'espoir qu'un jour, il pourra revoir son père autant de fois qu'il voit Jessica ? Elle échange un regard avec Gabrielle. Elle avait eu une discussion avec son amie à ce propos, et malgré les dires de Gaby, elle ne voulait pas. Elle refusait catégoriquement de changer la garde, il était hors de question que Sawyer voit son père, il était hors de question que Tyler utilise sa naïveté comme il avait utilisé celle de Jessica, pour le monter contre sa mère. Non. Jamais. "Jamais de la vie" Avait-elle envie de répondre, mais elle se contenta de le regarder. Après tout, entre eux, il n'y avait pas de secret, elle lui adressa un sourire maternel et d'une voix douce brisa tous ses espoirs "Chéri, tu dois arrêter de te faire des histoires avec ton père. Ca n'arrivera jamais, d'accord? Il ne reviendra pas. Là je vais voir Ryan, mais on en reparle demain si tu veux ?" C'était sans doute la meilleure façon pour qu'il arrête d'espérer. Elle devait passer par cette discussion et elle le savait. "Maman j'ai fait un dessin pour Ryan, tu pourras lui donner ?" Jessica évita le regard un peu trop oppressant de Gabrielle et pour cause, elle savait ce que l'avocate pensait de cette histoire et elles n'étaient pas sur la même longueur d'onde, alors elle prit le dessin, laissa son fils avec sa marraine et disparu jusqu'au magasin où travaillait Ryan.

Sur le chemin, Jess repensait à toutes les fois où Sawyer lui avait parlé de son père et oui, c'était de plus en plus fréquent. A cette pensée, la panique s'empara d'elle, mais Jessica respira un bon coup, pour éviter la crise de la dernière fois, au téléphone. Elle gara sa voiture et jeta un dernier coup d'œil sur le miroir des pare-soleils de sa voiture. Elle était simple, fidèle à elle même, mais surtout, on ne lisait pas trop qu'elle angoissait encore à l'idée que son fils veuille revoir l'homme à qui il ressemble tellement. Elle prit le dessin qu'elle plia et le glissa dans son sac à main et puis sortit du véhicule. Tirant sur le bord de ses manches, elle croisa ses bras sur sa poitrine et se dirigea vers le magasin qu'elle espérait encore ouvert. Elle passa la porte de la boutique et la referma délicatement derrière elle. Jess jeta un coup d'œil aux disques en attendant que Ryan termine ce qu'il était en train de faire et puis s'approcha, le sourire aux lèvres pour le saluer "Bonsoir Ryan. A chaque fois que je te vois, depuis mon retour, j'ai l'impression que ça fait dix ans. C'est assez déroutant" Ryan faisait partie des personnes avec qui elle aimait passer du temps et surtout, qui lui permettait d'oublier son passé sur l'instant. Il était toujours de bons conseils et sa gentillesse et son calme olympien l'apaisaient. "Comment tu vas ? En fait je me disais qu'on pouvait peut-être rattraper le temps perdu. Tu pourrais… me raconter ta vie ici durant mon absence par exemple. Enfin tu sais, comme on faisait avant que je ne parte ?" Elle se retenait d'ajouter qu'elle en avait besoin pour se changer les idées, mais elle ne voulait plus passer son temps à s'apitoyer sur son sort parce qu'au fond, Marseille l'avait aidée et la femme fragile et blessée était toujours en France. Aujourd'hui, elle n'était plus que la femme parfois parano, mais souriante. "Enfin, t'as peut-être autre chose de prévu…" et puis, elle repense à son fils ou du moins, au dessin qu'il a fait à l'adresse de Ryan. Elle fouilla dans son sac et en sorti une feuille de papier pliée en quatre "Il paraît que je dois te donner ça, c'est de la part de Sawyer. Enfin, tu t'en doutes…"