Rhiannon & Timéo

Si il y avait bien quelque chose qui m’ennuyait plus qu’une autre, c’étaient mes jours de congé. Je n’en prenais habituellement jamais, faute de ne pas vouloir prendre de retard sur mes papiers administratifs, mais il y avait bien des moments où j’en étais obligée si je ne voulais pas que mon boss ne rouspète après moi. Elliot étant au lycée durant les jours de semaine, j’étais seule à la maison et sans dossiers à me mettre sous la paume. On m’avait carrément interdit de les prendre, sous prétexte qu’un jour de congé n’est pas fait pour travailler chez soi. « A ce compte là, installe ton bureau dans ton salon, ma poule. » qu’ils me disaient tous. Alors généralement, je me repliais sur la console et tentais de faire monter mon magicien de niveau. Histoire d’enfin parvenir à battre Elliot, pour une fois.

Aujourd’hui c’est un grand soleil qui s’élève au dessus de ma maison. Assise sur mon canapé, manette dans les mains, mes yeux sont rivés vers la télé et ne semblent pas près à s’en décrocher. J’ai peut-être passé l’âge de ce genre de chose, mais il n’empêche que je m’y amuse tout autant que lorsque la toute première Playstation avait fait son entrée dans ma maison. J’étais alors âgée de quinze ans, et mon frère et moi s’étions cotisés pour nous l’acheter. Je me souviens encore des soirées –que dis-je, des nuits- passées à y jouer.
Alors que je suis perdue dans ces pensées, je sens quelque chose tirer sur ma robe et surprend Navan en train de la mordiller. Ça, je savais ce que cela voulait dire : « On va faire une promenade ? » Pourquoi pas. Après tout, cela me ferait du bien de sortir un peu.
Je souris et sauvegarde avant d’éteindre la console, puis lève enfin mes fesses du canapé.  Après un bref passage devant le miroir pour lisser les plis de la robe blanche parsemée de quelques sequins noirs que je portais, je me recoiffe légèrement et fait un rapide tour de la maison, histoire de tout fermer, tandis que Navan trottine derrière moi, manifestant son impatience par des petits couinements.

« On y va ma belle, laisse moi seulement cinq petites secondes. »

Toute sourire quant à son enthousiasme après ces paroles, je chausse des escarpins blancs et ceci fait, m’empare de la laisse. Navan ne voit aucun inconvénient à ce que je la lui mette, et se laisse sagement faire, comme à son habitude. Je la lâcherai au parc, mais pour le moment, je préférais la tenir. Qui sait ce qui pouvait arriver, surtout avec la route à côté…
Après être sortie, je ferme la porte derrière moi, met mes lunettes de soleil et commence alors à marcher sur mon allée de pavés, jusqu’à déboucher sur la rue. Comme à mon habitude, je pars sur la droite, direction le parc, tout en tenant Navan en laisse qui trottine gaiment, langue pendant.

Alors que nous marchons toutes les deux tranquillement, j’aperçois au loin une petite silhouette qui se dessine jusqu’à devenir plus net à mes yeux : Un jeune garçon. Et visiblement, il semble regarder en notre direction, intéressé très certainement par Navan, du moins à ce que j’en pensais. Et visiblement, je ne me suis pas trompée !
Je souris à nouveau tandis qu’il s’approche, me salut et me demande alors l’autorisation de caresser mon chien. Désormais arrêtée, j’hoche gentiment la tête, fondant complètement face à mon interlocuteur. J’avais toujours eu un faible pour les enfants, ce qui m’avait d’ailleurs valu l’adoption d’Elliot, et le fait qu’un jeune garçon vienne ainsi me voir et m’adresser la parole me comblait de joie.

« Bonjour ! Oui, bien sûr que tu peux la caresser, elle n’est pas méchante. »

J’avais dit cela sur un ton doux et presque maternel tandis que mon accent écossais avait du s’entendre dès la première syllabe de mes paroles. Quant à Navan, elle semblait bien contente qu’on lui apporte de l’attention, et sa queue battait l’air avec vivacité. Echappant un petit couinement de joie, elle se laissa approcher et caresser par le jeune homme, essayant de lui laper le visage au passage.
Quant à moi, le sourire qui s’était précédemment imprimé sur mon visage ne faisait que s’agrandir face au comportement des deux. Attendrie, je restais immobile en regardant tout en écoutant attentivement la rafale de questions  provenant des lèvres du petit garçon, et y répondis alors tout aussi gentiment que mes premières paroles :

« Elle s’appelle Navan et c’est une Golden Retriever croisée Setter Irlandais. Elle a eu un an il y a trois semaines à peine. »

J’étais comblée de bonheur en cet instant précis. Ça faisait beaucoup de bien de voir sa journée, pourtant si ennuyante, se faire subitement illuminée par la simple présence d’un enfant. Certes j’avais bien le mien, que j’aimais plus que toute autre chose au monde, mais ça faisait aussi beaucoup de bien de rencontrer d’autres bambins. Après un petit instant, je gratouille gentiment la tête de Navan avant de demander :

« Comment est-ce que tu t’appelles mon grand ? Moi c’est Rhiannon. »

C’est toujours sur le même ton que je venais de me présenter, et lui avais demandé son prénom. J’étais curieuse de savoir, de plus si l’on pouvait sympathiser ça en serait encore plus génial. Il avait l’air d’être un jeune garçon adorable.