« Carrington… Devon. » Comme à chaque visite elle passait par ce qu’on aurait pu qualifier d’accueil, elle et tous les autres visiteurs devaient passer par cette entrée. Comme chaque semaine elle devait montrer ses papiers, son autorisation de parloir, laisser ses affaires personnelles et passer un dernier contrôle. Puis une sonnerie retentissait, elle avait souvent sursauté lors de ses premières visites, ce bruit, ces barreaux, ces hommes armés, toute cette sécurité l’avait angoissé. C’était le quotidien de son frère et elle ne supportait pas l’idée de le laisser là. Son regard se posa sur une jeune femme enceinte, elle donnait l’impression que l’accouchement verrait le jour d’une minute à l’autre. Elle était angoissée, comme tous ceux qui passaient cette porte pour la première fois. Harper lui adressa un sourire rassurant, il n’était pas question de se faire une nouvelle amie, mais bel et bien d’accompagner avec un simple sourire cette jeune femme paumée, comme l’avait été Harper. C’était devenu une routine, ou presque, parce que c’était tellement difficile à supporter. Elle connaissait les couloirs qu’elle devait emprunter, elle savait qu’à chaque porte elle devait attendre une sonnerie puis l’ouverture par un homme armé. La jolie blonde suivait les couloirs et les ordres avant de pouvoir poser ses fesses sur une chaise, elle posait ses mains froides sur la table qui la séparait de son frère. Voilà c’était ainsi à chaque fois. Froid, glauque et pourtant le seul endroit où elle pourrait avoir un moment avec son frère. Elle aperçut la jeune femme enceinte sur une autre table, dans sa diagonale, qui attendait-elle ? Son copain, son frère, son père peut-être… tout le monde avait une histoire. Harper se souvenait qu’un jour après une visite, elle était resté sur le parking à pleurer, une femme d’un certain âge était venu à sa rencontre. Elles avaient parlé toutes les deux, durant peut-être une heure, une heure où Harper n’avait ressenti aucun jugement, pas un seul regard méfiant, cette dame avait cru en son histoire, elle avait cru tout ce que lui disait Harper. Devon était quelqu’un de bien, il était juste perdu, il avait juste souffert comme eux de la non présence d’un père, d’une mère instable, d’un mariage qu’il n’avait pas voulu… c’était quelqu’un de bien. Puis la dame lui avait confiait qu’elle venait depuis trente ans, tous les mardis elle venait rendre visite à son mari, il était accusé de meurtre et il était coupable mais elle était toujours là, à ses côtés parce qu’elle savait que son mari n’avait pas eu le choix, c’était lui ou l’autre et elle serait toujours là à ses côtés, qu’importe ce qu’en pensent les autres. Harper l’avait revu de temps à autre avant d’apprendre par une autre visiteuse que son mari avait été agressé un soir dans sa cellule et qu’il en était mort. C’était réel, c’était bien réel et elle voulait que Devon sorte parce qu’il ne méritait pas tout ça même si il était coupable elle voulait son frère à ses côtés. Harper entendit la porte s’ouvrir, elle se releva aussitôt, elle voulait le voir, elle voulait voir son visage, ses yeux, ses expressions voir si il allait bien, si il tenait bon. La jeune femme avait tellement peur pour lui. Que ferait-elle sans Devon ? Rien, il était sa vie. Les premiers détenus se dirigeaient vers leurs visiteurs puis elle aperçut enfin son frère, elle pinça ses lèvres parce qu’elle sentait les larmes monter mais elle ne voulait pas pleurer devant lui, elle devait tenir parce que c’était pour lui que c’était le plus difficile. Lorsqu’il arriva vers elle, elle avança de quelques pas se jetant à son coup. « Devon. » Elle ferma quelques instants ses yeux, inspirant calmement pour retenir ses foutu larmes. Elle aurait voulu rester dans ses bras mais les gardiens comme toujours ordonnèrent aux détenus et aux visiteurs de se séparer. Harper se redressa, passant sa main presque tremblante sur la joue de son frère avant de lui adresser un sourire qui se voulait rassurant, comme toujours. Elle reprit place à sa place. « Comment vas-tu ? » Question étrange pour un prisonnier mais elle la posait toujours, parce qu’elle voulait tout savoir. Elle plaça une mèche de ses cheveux derrière son oreille tentant un mensonge « Lorelaï avait un rendez-vous… elle ne pouvait pas venir mais… elle va venir. » Elle tenta un nouveau sourire mais elle était incapable de mentir à Devon. La vérité c’était que leur petite sœur acceptait mal tout ceci au point de ne plus venir lui rendre visite.

« Tu vas bien ? » elle arqua un sourcil ne croyant pas un mot de son frère, pas avec un coquard et la lèvre abîmée. « Pourquoi on t’a fait ça cette fois ci ? » Le milieu carcéral était un monde où l’être humain était bien pire qu’un animal, on pouvait comprendre qu’un lion mange pour sa survie mais on ne pouvait pas comprendre pourquoi des gangs s’en prenaient ouvertement aux autres détenus sans que personne ne change quoi que ce soit. Combien étaient mort par la faute d’autres détenus ? Harper détestait savoir son frère derrière ses barreaux, elle craignait pour sa vie et avait toujours peur de recevoir un appel de la prison l’informant que son frère était décédé. Son emprisonnement était si injuste, évidemment elle n’aurait pas dit une telle chose si son frère était mort dans un accident de voiture causé par un fêtard. Elle serait comme tous ceux qui étaient ravis de savoir que le chauffard était en prison pour le restant de sa vie. Malheureusement c’était son frère qui était en vie et qui devait payer le décès de ces quatre innocents, mais c’était difficile d’accepter une telle sanction. « Non je refuse de t’abandonner. » Elle secoua la tête négativement. « Lorelaï devrait être là, nous sommes une famille, nous devons nous soutenir quoi qu’il arrive. Ce n’est pas la seule à souffrir de cette situation ! » Harper refusait de comprendre sa sœur et le restant de sa famille. La jeune femme pouvait comprendre que c’était dur, que le regard des gens étaient difficile à supporter mais son frère n’était pas un monstre, c’était  un accident, il avait mal agit en prenant le volant sous l’effet de l’alcool mais il n’avait pas voulu tuer ces gens. Il les avait tué c’était certain mais il ne l’avait pas fait intentionnellement. Prendre la perpétuité c’était trop lourd. Harper était seule. Sa mère, Madison et Lorelaï ne voulaient pas prendre part à ce combat qui pensait être une peine perdu.

La jeune femme était ici pour changer les idées à son frère, elle était là pour lui et non pour se plaindre ou refaire tout le procès. Alors elle répondit à ses questions, tentant par tous les moyens de lui changer l’esprit. « Je vais bien. » Elle sourit. « Le café marche toujours aussi bien, j’ai bien fais de l’ouvrir parce que ça occupe bien mes journées, les clients sont vraiment sympas et ça permet de rencontre du monde ! » Harper avait longtemps hésité à ouvrir ce café, elle en avait envie mais avait peur de se louper et d’avoir moins de temps pour son frère mais finalement elle conciliait bien les deux et surtout ça la sortait de l’univers carcéral. « J’invente plusieurs recettes, tu verrais je n’arrête pas de faire des cupcakes à croire que mon imagination est sans limite. » La jeune femme sourit naturellement, elle aimait cuisiner surtout le sucré et cela depuis toute petite. « J’ai un apprenti en cuisine, il m’aide beaucoup à préparer tous les gâteaux et les sandwich pour le midi également, tu verrais tous les étudiants qui viennent chercher des sandwich. A croire qu’ils avaient besoin de changement aussi ! » Un sandwich ça n’était pas un repas gastronomique mais ça sortait un peu des fast-foods et cantine scolaire pas toujours géniales. Harper tentait de modifier les sandwiches, elle proposait des pains différents, se basant sur les modèles Français et Italiens principalement. Elle variait les aliments dedans, mélangeant même les saveurs sucré et salé. « Les journées passent vite, je suis épuisé lorsque je ferme. » Ça lui évitait de penser. « Tu as eu des visites depuis ma dernière visite ? Est-ce que Samuel est passé ? »