« Une haie de séparation garde verte l’amitié. »




<< La vie, c'est une énorme matriochkas. On ouvre les boites, petit à petit, comme on effeuillerait une pâquerette et, avec chaque nouvelles poupées russes, sont lot de surprisse. Et on a le suspense en plus car, quand on croit avoir vécu le pire, le destin en remet une couche. Il ne faut pas croire, il ne paresse pas au soleil notre destin, non, il cherche sans cesse de nouveaux bâtons à nous mettre dans les roues. >> C'est ainsi que Cannelle clôt le texte qu'elle s'était forcée à écrire en ce douzième jours vécu à Huntington Beach. Elle n'avait jamais été très " journal intime", de toute manière, avec la vie qu'elle menait, la demoiselle n'aurait jamais rien eut à y écrire. Pourtant, à peine arrivée ici, elle avait ressentit se besoin de se confier. Comme les soldas en missions doivent s’enregistrer pour ne pas devenir fous, la jeune femme avait eu besoin de rédiger ce qu'elle ressentait afin de garder pied à terre. Ce changement radical d'existence lui donnait l’impression que tout lui était permis et c'était loin d'être une bonne solution que d'entamer une vie de vagabonde. C'était peut-être un rêve pour l'instant mais cela finirait vite en cauchemar si elle ne prenait pas ses responsabilités. Bref, la conclusion à sa petite note faisait rappel à la rencontre des plus inattendues vécue dans la journée. Elle avait rencontré Charlie. Elle ne connaissait même pas son nom de famille mais elle le connaissait mieux que quiconque, et de même dans l'autre sens. Pourtant, il était partit et la rancœur avait grandie en la jeune femme avec une étonnante vigueur, ce sentiment inavoué ne faisant que renforcer le manque.


C'était étrange comme reprendre le travail avait été éreintant. La jeune femme avait imaginé que ce mois de pause lui aurait donné entrain et énergie pour reprendre son job mais non, que du contraire, il lui semblait avoir perdu des réflexes et toutes les questions qu'elle se posait depuis toujours sur la moralité de son travail étaient revenues. C'est donc avec plaisir qu'elle avait accueillit le week-end et elle en avait profité pour faire un énième tour de la petite ville. Vêtue d'un poncho aux couleurs vives par dessus une courte tunique, Cannelle avait longtemps hésité sur les chaussures pour finalement se rabattre sur une paire de bottines brunes qui lui donnait un coté un peu plus sauvages que ses habituelles robes qui commençaient franchement à l’ennuyer. Un jean noir et ses cheveux retenu en chignon et le tour était joué. Délicat et un coté vaguement masculin qui lui allait fort bien.

Après avoir traversé la rue principale, la demoiselle prit à droit,e un peu au hasard et se retrouva sur une longue avenue bordée, d'un coté, par une allée d'arbres et, de l’autre par plusieurs cafés et restaurants. Elle hésita à s'y engager mais un pressentiment assez vague la poussa à le faire. Elle ne saura jamais si sentiment avait pour but de la pousser à aller vers Charlie mais c'est ce qu'elle fit. En le voyant, Cannelle se dit tout d'abord qu’elle était maudite et qu'il lui fallait fuir discrètement, qu'il y avait fort peu de chances qu'il l'ait remarquée et que, de toutes manières, ils n'auraient rien à se dire. Puis, elle croisa son regard, de loin mais ce fut suffisant à lui faire comprendre qu'il l'avait reconnue et à lui rappeler tous les bons moments qu'ils avaient put passer. Ils avaient eut une amitié assez étranges puisqu'ils ne se croisaient que lors de galas ou autres soirées mondaines mais ils avaient été très proches. A tel point que la demoiselle était tombée sous son charme. Cela avait été un sentiment caché, bien sure, à tous et même à elle. Pour rien au monde elle ne se serait avouée l'aimer. Pour nombres de raisons : peu de chances que ce soit réciproques, elle en aimait un autre, etc.

Elle s'avança donc vers lui, un fin sourire aux lèvres. Sincèrement, elle ne le voyait pas vraiment, trop occupée à chercher une excuse pour son indélicate fuite de la semaine dernière. Rendez-vous, travail, retard, et plusieurs autres idées lui vinrent à l'esprit mais, en le voyant, en souvenir du bon vieux temps, elle ne sut lui mentir.

-Salut...Tu vas bien? Je peux...

Elle s'assit comme il lui faisait un signe de la tête bien qu'elle doute rester très longtemps et perdit soudain son sourire pour adopter une expression mal à l'aise.

-Excuses-moi pour mardi mais...cela faisait si longtemps.

« Une haie de séparation garde verte l’amitié. »





Ils se jaugèrent un court instant. Cannelle n'aurait sut dire si elle lisait en son regard et en son expression le même caractère qu'au paravent, mais elle savait, par contre, qu'il avait changé, évolué, grandit. Pourtant, il lui semblait reconnaître en son attitude une certaine gaieté et naïveté indissociable du Charlie qu’elle avait si bien connu. Comme il lui proposait à boire, elle refusa poliment, loin d'être prête à reprendre les bonnes vieilles habitudes. La demoiselle n'avait jamais vraiment été rancunière et, vu la complicité qui les avait lié près de cinq ans, il aurait été dur pour elle ne vraiment lui en vouloir à long terme, un simple regard et elle avait déjà sentit sa rancœur s’effriter lentement et s'envoler comme par magie. Quoi qu'il en soit, elle savait pertinemment qu'elle le pardonnerait très vite mais, en attendant, elle se devait de lui monter qu'elle lui en avait voulu, ne serais-ce que pour lui prouver qu'elle tenait à lui. Et puis, elle rechignait à dévoiler l’attirance qu'elle ressentait pour lui et déclarer que tout était oublié aurait été trop suspect. D'autant plus que ce n'était pas totalement vrai. Elle s'était sentie affreusement seule et, en plus de ce sentiment d'abandon, elle avait réalisé ne rien être sans lui lors de ce genre de soirées où ils avaient eu l'habitude de se voir, elle lui en avait donc voulut de lui avoir dévoilé cette faiblesse qu'elle ne voulait pas s'avouer. C'est à partir de là que la Guérin avait compris n'être qu'une poupée dirigée, commandée, ordonnée par ses parents et que la liberté qu'elle pensait avoir n'était qu'un peu de lest qu'ils lui avaient laissé pour ne pas qu'elle se rebelle.

Ils échangèrent un regard tandis qu'il répondait à ses excuses et Cannelle ne put s'empêcher de baisser les yeux. Elle fut sauvée par le labrador confortablement installé près de son maître, profitant d'un rayon de soleil rare ces derniers temps. Faisant mine de s'y intéresser – ce qui n'était pas totalement faux mais elle le fixait plus pour ne pas avoir à soutenir le regard de Charlie que par réel passion des chiens, elle finit par se redresser et tenta de se détendre.

-On n'était pas lié, tu fais ce que tu veux de ta vie, ce n'est pas grave...J'ai juste eu quatre Nouvels Ans d'enfer mais ce n'est rien ! Fit-elle avec un rire plus ou moins sincère afin de répondre à celui de son ami.

Lorsqu'il aborda la rencontre de mardi, Cannelle fut surprise en réalisant qu’elle avait presque omit l'enfant que portait Charlie ce jour là. Évidemment, sur le coup, elle l'avait vu et s’était interrogée sur son identité mais, plus tard, lorsqu’elle avait rejoué la scène dans sa tête jours et nuits, la petite fille n'était plus réapparue. Elle marqua donc un temps de pause et l'on put déceler la surprise qui traversa son visage quelques secondes avant qu'elle réponde.

-J'ai été contente de te revoir malgré la situation. Dit-elle avec un sourire tout en se demandant si elle devait aborder le sujet de l'enfant, mais la curiosité la poussa à le faire même si elle craignait quelque peu la réponse. Tu fais du baby-sitting ? Demanda-t-elle bien qu'elle ne se fasse guère d'illusions.

Un silence s'installa et Cannelle sentit son regard dévier automatiquement vers l'animal qui l'observait à présent. Elle fit mine de lui sourire bien qu’elle n'ait jamais vraiment compris si ce genre de réaction avait un quelconque sens avec les chiens. Les chats, là, s'était plus son rayon et elle les collectionnait si l'on peut dire puisqu'elle avait déjà recueillit trois chatons le lendemain de son arrivée en passant à la SPA avant même d'aller chercher travail ou informations pratiques sur la ville. Les chats comprenaient un sourire, ils savaient tout, c'est pour cela qu'elle les aimait. Pas besoin de s'expliquer au risque d'être incomprise comme c'était souvent le cas avec les humains.

-Je...Mes parents sont morts.

Elle réalisa voir répondu un peu trop spontanément pour qu'il puisse penser qu'elle n'y avait pas encore réfléchit. C'était un sujet qu’elle n’aimait pas aborder et, comme il les avait connu, elle avait voulu y passer le plus rapidement possible. Pas pour les raisons que l'on pensait. Pas car elle souffrait en en parlant. Simplement car elle avait peur d'être jugée sur son manque de sensibilité, mais qu'y pouvait-elle ? Ils étaient partit et elle s'était enfin sentie libre alors oui, c'était cruel mais ils ne lui manquaient pas vraiment.

-Je ne sais pas si tu le savais...Cela a fait pas mal de bruit en Europe mais je ne sais pas où tu étais en 2010...A part cela, ma vie a été bien banale, j'ai juste hérité d'une énorme fortune et je ne sais toujours pas ce que je veux en faire. Et toi, ta vie a du être intéressante ces quatre dernières années, non ?

« Une haie de séparation garde verte l’amitié. »




Cannelle se sentait maladroite et cette impression la troublait. Depuis sa naissance on lui avait apprit à réagir, à masquer ce qu'elle ressentait, à jouer un jeu qu'importe les conséquences, simplement paraître et cacher pour ne pas souffrir, pour être acceptée. Elle s'en était bien tirée bien qu'elle n'ait pas toujours approuvé l'utilisation qu'on la poussait à faire de ce genre de stratégie. Mais avec Charlie, tout comme avec Jules, cela avait été tellement différent. Ils avaient toujours été sincères l'un avec l'autre et la demoiselle n'avait jamais ressentit le besoin de masquer ce qu’elle ressentait, de peindre sur son visage une expression toute faite. Aujourd'hui bien et elle enrageait. Ne fut-ce qu'un regard et elle réalisait à quel point il avait put lui manquer alors qu'ils n'avaient jamais été que des amis qui se croisaient de temps à autres aux galas.

Lorsqu'il aborda le sujet de Nastasia, ce fut avec un plaisir non camouflé, cette enfant était bien à lui et il semblait épanoui, que pouvait-elle demander de plus, s'il était heureux? Elle refoula les centaines de sensations qui se bousculaient en elle, inspira un long moment et se reprit.

-Mais c'est merveilleux! Elle se redressa un peu. Surprenant, évidemment, mais merveilleux! Elle rit calmement et observa son ami avec enthousiasme. Elle était vraiment heureuse pour lui et peu importe si tous ses souvenirs n'avaient plus guère d'intérêt maintenant qu'il avait recommencé sa vie. Elle avait finit par l'oublier, elle pourrait recommencer. Peu importe le prix. J'avoue que baby-sitting...Elle ne put retenir un fou rire imaginant Charlie.

Cannelle réalisait à quel point il avait put changer et lorsqu'il clôt en expliquant avoir intégré Harvard, décroché son diplôme et, elle le savait déjà mais n'en revenait pas plus pour autant, était devenu père. Le Charles qu'elle avait connu naguère aurait plutôt été genre rebelle et intenable mais tellement libre. Celui de ses souvenirs n'existait-il vraiment plus qu'en sa mémoire?

-Nastasia...Ce n'est pas le nom d'un membre de ta famille, surprenant!

Ironique, bien évidemment, lui comme elle n'aurait jamais accepté qu'un de leur enfant se nomme comme un de ceux qui avaient dirigés leur existence, ceux qu'ils avaient tellement critiqués et voulu changer.

-Et tu es marié ou vous vivez simplement ensemble?

Interrogea-t-elle sans se dire un instant que son ami pouvait ne pas avoir de compagne.
Lorsqu'il avait proposé une oreille attentive pour ses parents, Cannelle avait poliment refusé. Il était hors de question qu'elle en parle. Elle souffrait plus de ne pas ressentir de manque à vrai dire et à qui pourrait-elle avouer une telle chose?