Martin avait la dalle et n'avait pas pris son petit déjeuner à cause de sa mauvaise organisation : il avait oublié de faire les courses pour manger le matin... À défaut de ne pas pouvoir manger, Martin était arrivé très tôt à l'hôpital pour passer dans la salle de repos. Il avait récupéré son café, qu'il avait versé dans son thermo, de quoi tenir une matinée et avait préparé ce qui restait pour les autres qui allaient venir. Il ne restait jamais dans la salle ou restait à l'écart, il évitait le contact en ce moment avec les gens et n'aimait pas être obligé de parler avec eux. Il n'était pas d'humeur à discuter du beau temps et généralement, il s'ennuyait vite.

La matinée s'est passée assez rapidement qu'il ne l'aurait cru. Martin était assez occupé avec ses collègues et ses patients, il n'avait pas eu le temps de se poser et de passer dans un stand pour acheter au moins un donut. Vers onze heures, son ventre ne cessait pas de gargouiller et cela avait fait rire le petit patient qu'il avait vu rapidement.

Ce petit patient était un garçon qui était né avec une malformation cardiaque. Il n'avait pas de parents, était dans le système social et sa responsable était une assistante qui venait d'entrer dans ce métier ... Autrement dit, elle ne s'y connaissait rien et ne comprenait pas grand chose, elle était paumée. Cela ne rassurait pas le jeune garçon, Dylan, qui vivait ses jours dans l'angoisse. Martin était souvent là pour le rassurer et remarquait qu'il était à l'aise avec lui.

C'était sous l'invitation de Dylan que Martin vint dans sa chambre, manger avec lui. Quand sa pause de midi avait sonné, il était sorti aller acheter rapidement un sandwich avec une boisson, deux desserts... Il savait que la nourriture de l'hôpital n'était pas terrible et les desserts pas à la hauteur des attentes. Dylan aimait manger les donuts et Martin en avait acheté exprès pour lui.

Peut-être qu'il n'était pas très social, un peu froid avec les gens. Avec les patients, c'était tout le contraire, il se montrait présent pour eux, surtout ceux qui étaient tous seuls et peinés. Il discutait avec le pré-adolescent, assis à ses côtés, avec un petit sourire aux lèvres, le sandwich aux mains. Il releva son regard quand une personne entra dans la chambre et ne masqua pas sa surprise en reconnaissant Emma Stewart, avec un repas à la main. Dylan était content de la revoir, il la connaissait et le cardiologue était là, à hésiter avant de concéder finalement par un haussement d'épaules. «Vous pouvez venir manger avec nous, ça ne me dérange pas.» «Moi non plus ! Viens Emma ! » s'enthousiasma le petit.

Emma avait repris sa place de chef de service à l’hôpital. On lui avait même accordé une augmentation pour qu’elle ne reparte pas aussi longtemps. Elle n’avait pas l’intention de repartir, sa vie était ici à présent mais elle avait eu besoin de s’éloigner de HB pendant quelques mois. Et ça lui avait permis de se retrouver avec Marissa et ça leurs avait fait un bien fou. Elles avaient eu l’occasion de beaucoup parler et le voyage avait permis à Marissa de retrouver l’amour. Sa petite sœur était heureuse et Emma en était ravie. Elle était revenue pour retrouver Alek, miraculeusement revenu après plusieurs mois d’absence. On avait rien voulu lui dire sur les raisons de son absences mais Emma savait que ça n’avait rien de joyeux vu le métier que faisait l’homme qu’elle aimait. Elle était donc de retour depuis quelques semaines maintenant, elle était contente d’être de retour. Elle était auprès d’Alek et quoi qu’il dise c’est là qu’était sa place. Emma avait repris sa vie de fou à l’hôpital d’HB, entre ses nombreuses gardes, sa fille et Alek, elle n’avait pas vraiment de temps pour elle. La seule fois où elle soufflait un peu c’est quand elle s’accordait un déjeuner avec un de ses petits patients. Travailler avec les enfants, elle n’aurait pas su faire autre chose, elle était doué pour ça. Elle avait toujours eu le feeling avec les enfants.

Ce midi-là elle avait prévu de manger avec Dylan, un petit garçon atteint d’une maladie cardiaque qu’elle avait diagnostiqué quelques semaines avant. Il se remettait doucement d’une lourde intervention et Emma s’était un peu prise d’affection pour lui. Elle avait toujours plus d’attachement pour ses patients masculins parce qu’ils lui faisaient penser à son fils, Noé qu’elle avait perdu quelques heures après l’accouchement… Elle avait préparé à manger pour elle et pour Dylan, la bouffe de l’hôpital n’avait rien de ragoutant et elle était sûre que ses légendaires lasagnes plairaient au petit garçon. Elle fit chauffer sa boîte Tupperware avant de retrouver Dylan dans sa chambre, quand elle entra dans la pièce elle ne cacha pas sa surprise. Il y avait déjà un homme dans la chambre qui semblait avoir eu la même idée qu’elle. Elle leur adressa un sourire alors que l’homme et le petit garçon s’exclamait : «Vous pouvez venir manger avec nous, ça me dérange pas.» «Moi non plus ! Viens Emma ! » Elle referma la porte derrière elle et annonça : «Merci. J’ai des lasagnes à la place de … ça » Elle avait posé son regard sur le plateau repas du petit garçon et elle ne savait pas vraiment ce que c’était censé être. Elle retira le plateau et posa une des 2 assiettes qu’elle avait prises, sur la tablette du petit garçon. « Cool des lasagnes ! » s’exclama Dylan ravit de pas avoir à manger le plateau de l’hôpital. Elle posa ensuite son regard sur Martin, elle ne le connaissait pas personnellement mais elle savait qui il était et dans quel service il exerçait. « Vous en voulez ? Il y en a assez pour trois ! » Elle en avait fait pour un régiment et partager ne la dérangeait pas le moins du monde et puis se serait plus sain que le sandwich qu’il s’apprêtait à manger. Elle posa l’assiette devant Martin, il n’allait probablement pas dire non. Elle partagea les lasagnes en trois et servit Dylan et Martin. Elle garda la boîte pour elle et voilà ils pouvaient manger. « Bon appétit ! » dit-elle un sourire sur les lèvres. Elle savait qu’elle n’était pas censé se lié autant avec un patient mais le cas de Dylan était particulier il n’avait personne. C’était un enfant de l’assistance et personne ne venait le voir. Son assistante sociale semblait se noyer dans une goutte d’eau et ne passait le voir que très rarement. Alors forcément elle était plus touchée par son cas qu’un enfant qui avait ses 2 parents à son chevet. Ce n’était pas juste que Dylan n’est personne auprès de lui pour qu’il sente que sa vie aussi était importante pour quelqu’un. Elle allait suivre Dylan pendant plusieurs années après sa sortie vu la gravité de l’intervention alors ce n’est pas comme si elle n’allait pas le revoir après. « Alors t’en pense quoi de mes lasagnes ? » Demanda-t-elle au petit garçon un sourire amusé sur le visage. Il était en droit de dire qu’elle était dégelasse, Emma ne lui en voudrait pas. Mais bon en règle générale c’était quelques choses qu’elle réussissait plutôt bien. « C’est mieux que votre sandwich non ? » Demanda-t-elle à Martin.

«Merci. J’ai des lasagnes à la place de … ça » Martin regarda le plateau repas et hocha la tête. Il aurait pu remplacer un repas par un autre, mais il n'avait pas eu la motivation de cuisinier hier soir et ne pensait pas à ce moment-là qu'il mangerait avec Dylan. Un sandwich n'était pas plus sain qu'un plateau repas. Apparemment, cela devait être des pommes de terre avec du steak et il était sûr que cela sortait tout droit du hard discount, d'un micro-onde mal nettoyé. Martin avait immédiatement arrêté de manger à la cantine quand il avait remarqué que la qualité des repas n'avait pas changé du tout et se contentait d'acheter des sandwich ou ramener les plats qu'il s'était préparé. « Cool des lasagnes ! » Le cardiologue observa discrètement le repas que Stewart avait apporté et aimait déjà la vue. Cela ressemblait à des lasagnes faites maisons et ce serait mentir s'il disait qu'il n'aimait pas ça : il adorait ça.

« Vous en voulez ? Il y en a assez pour trois ! » Martin fut un peu surpris par la proposition d'Emma et ne sut pas répondre tout de suite. Emma avait dû lire l'envie sur son visage et il n'avait pas eu le temps parce qu'elle lui a déposé l'assiette devant lui, lui servit une part. Il regarda son sandwich et concéda finalement en le rangeant dans son emballage et récupéra la fourchette. « Merci et bon appétit. » sourit-il aux deux personnes.

Martin ne connaissait pas Emma, il l'avait croisé assez souvent quand il s'occupait des enfants qui étaient malades mais n'avait jamais discuté avec elle. Il connaissait sa soeur, Marissa et il avait eu l'occasion de travailler avec elle et de discuter un petit peu quand il le pouvait. Il ne s'attendait pas à manger avec sa grande soeur et Dylan, c'était la surprise de la journée et cela ne le dérangeait pas parce qu'ils mangeaient tous ensemble. Cela changeait de manger à son bureau. Normalement, il ne devait pas faire cela à cause de l'éthique et la relation patient-médecin... Il faisait quand même exception à la règle quand il trouvait un patient seul, sans un proche... Il ne pouvait pas rester indifférent au cas de Dylan et il lui sourit quand il croisa son regard malgré la bouche pleine. Ce n'était pas un sourire qu'il abordait d'habitude avec tout le monde et même en dehors du travail, il s'en fichait qu'ils le voit sourire ainsi.

« Alors t’en pense quoi de mes lasagnes ? » « Ils sont super bons ! Je les adore ! » répondit Dylan, tout enthousiaste et ça faisait chaud au coeur de Martin de le voir sourire. Le petit avait vécu des merdes à un si jeune âge... Le cardiologue termina son assiette et veilla à ce qu'il ne laisse aucun morceau derrière, il remarqua qu'il avait mangé trop vite et était le premier à avoir terminé. Il avait tellement faim en même temps. « C’est mieux que votre sandwich non ? » Martin déposa l'assiette sur ses genoux et hocha la tête. « En effet, cela faisait longtemps que je n'ai pas mangé quelque chose d'aussi bon. J'adore. » sourit-il à Emma avant que Dylan n'intervienne tout sourire « Je l'ai fait venir parce que ce matin, il avait le ventre qui grognait pendant qu'il discutait avec l'infirmière. Tu aurais vu sa tête, c'était drôle ! » « Je n'avais pas de quoi prendre mon petit-déjeuner ce matin... »« Oui ce n'est pas bien Martin ! Et tu as de la chance qu'Emma soit venue avec des lasagnes que tu as adoré. Je suis sûr que le sandwich n'aura pas fait l'affaire pour le reste de ta journée. » « Au moins, j'aurai mangé... » Il soupira, dépité par son côté tête en l'air. Comment il avait pu oublier de faire les courses pour son petit déjeuner...? « Vous faites cela à tous les enfants ? » demanda-t-il à Emma.

Emma était une jeune femme qui avait le cœur sur la main, c’était quelqu’un d’emphatique et elle n’aimait pas voir le monde autour d’elle souffrir. D’aussi loin qu’elle se souvienne, elle avait toujours eu ce besoin de « sauvez le monde ». Même si elle avait vécu l’enfer en Afrique les missions humanitaires restaient ce qui l’épanouissait le plus. Elle avait l’impression d’être vraiment utile, de donner un sens à sa vie. Travailler dans un hôpital aux Etat Unis c’était différent, elle n’était pas moins passionner par ce qu’elle faisait. Mais lors de ses missions elle avait fait des rencontres extraordinaires. Notamment une qui marquerait sa vie à jamais, qui lui avait offert le plus beau des cadeaux. Emma avait quitté l'Afrique parce qu’elle souhaitait offrir à Lilou une vie en sécurité, rester en Afrique aurait pu être dangereux. Elle ne pouvait pas risquer d’être enlevé une seconde fois et que Lilou se retrouve toute seule. Alors elle avait fait le choix de revenir à HB, pour y vivre en sécurité. Mais sa dernière mission en Inde lui avait fait beaucoup de bien, c’était quelques choses de vital pour Emma et elle savait déjà qu’elle serait obligée de repartir juste pour son équilibre. Elle se replongeait à fond dans sa fondation, c’est Alvira qui avait géré les choses d’ici alors qu’elle était en Inde et du coup Emma avait réussi à inclure l’Inde dans son projet et avait un partenariat avec plusieurs dispensaires là-bas. Elle espérait pouvoir faire venir prochainement les premiers enfants à opérer. Simon le copain de Marissa était super emballer par le projet et avait accepté tout de suite d’être le chirurgien qui opérerait les enfants. Tout était prêt il ne manquait plus que les enfants. Emma avait besoin d’être là pour les autres alors c’est naturellement qu’elle s’était prise d’affection pour Dylan, un enfant seul comment peut-on rester indifférent ?

C’est comme ça qu’elle se retrouvait à manger dans la chambre de l’enfant avec un de ses collègues qui avait semble t’il eu la même idée qu’elle. « Ils sont super bons ! Je les adore ! » Lui répondit le garçon, elle lui adressa un sourire satisfait. Elle était vraiment contente de le voir si enthousiaste. « En effet, cela faisait longtemps que je n'ai pas mangé quelque chose d'aussi bon. J'adore. » Lui répondit Martin alors qu’elle lui avait fait remarqué que c’était mieux qu’un sandwich. Dylan fit alors remarqué amusé : « Je l'ai fait venir parce que ce matin, il avait le ventre qui grognait pendant qu'il discutait avec l'infirmière. Tu aurais vu sa tête, c'était drôle ! » Emma laissa échappé un léger rire amusé. Oui elle se moquait un peu. Martin répondit pour se défendre : « Je n'avais pas de quoi prendre mon petit-déjeuner ce matin... » Les deux garçons c’étaient lancés dans une petite chamaillerie au sujet de la façon qu’avait Martin de se nourrir. Le garçon reprit : « Oui ce n'est pas bien Martin ! Et tu as de la chance qu'Emma soit venue avec des lasagnes que tu as adoré. Je suis sûr que le sandwich n'aura pas fait l'affaire pour le reste de ta journée. » Elle ria de bon cœur alors que Dylan faisait une leçon de morale à son médecin. Martin répondit : « Au moins, j'aurai mangé... » Emma posa les yeux sur lui et lui proposa : « Vous voulez finir ? Moi je n’ai plus faim. » Elle n’avait presque rien mangé mais faut dire qu’elle n’avait pas un très gros appétit, déjà en temps normal mais ces derniers temps c’était pire. Elle était préoccupé par Alek, elle s’inquiétait beaucoup pour lui et du coup ça lui coupait un peu l’appétit. « Hey j'en veut moi aussi! » s'exclama Dylan. Elle tendit la boite où il restait encore une bonne part de lasagne à Martin alors qu’il demandait : « Vous faites cela à tous les enfants ? » Elle sourit, si seulement elle en avait le temps elle le ferait. Mais entre Lilou et Alek, ses gardes à l’hôpital et sa fondation elle manquait de temps à consacrer aux enfants d’ici. Elle répondit : « Si seulement j’avais plus de temps je le ferais ! » Elle marqua une pause avant d’ajouter : « Mais disons que Dylan est un petit privilégié, c’est mon petit coup de cœur. » Elle ébouriffa la tignasse trop longue du garçon avant de demander à son tour : « Et vous ? » Il avait posé une question elle pouvait la lui retourner, autant discuter un peu maintenant qu’ils étaient là tous les deux.

Martin avait laissé Dylan faire la petite morale parce que c'était un petit retour des choses. Quelques jours avant, il lui avait demandé de manger quand même le plat même si cela n'était pas bon, parce que ce n'était pas bien de sauter un repas. Il faisait son métier en s'assurant que Dylan aille bien, même si la nourriture cantinière n'était pas fameuse. Il n'aurait jamais pensé que cela se retournerait contre lui aujourd'hui et il l'avait laissé faire. Il aimait beaucoup Dylan pour son courage et sa force, son sourire malgré la situation... Sinon, il ne l'aurait pas permis... « Vous voulez finir ? Moi je n’ai plus faim. » Martin fronça les sourcils quand il regarda qu'Emma avait à peine touché son repas, il observa Dylan pour lui demander s'il avait remarqué la même chose... Non, il était focalisé sur les lasagnes, il en voulait une autre et c'était rare qu'il avait autant d'appétit. « Hey j'en veut moi aussi! » « On va partager. » ajouta-t-il en prenant la boite et regarda Emma pour vérifier si elle était sûre de ce qu'elle faisait, la journée allait être longue... Il ne vit pas la réaction de la pédiatre à la question occupé à partager les lasagnes en deux et à servir Dylan. «Merci! » Il sourit et écouta Emma répondre. « Si seulement j’avais plus de temps je le ferais ! »  Il ne retint pas le rictus, les yeux rivés sur son assiette. « Mais disons que Dylan est un petit privilégié, c’est mon petit coup de cœur. » Il avait la bouche pleine pour répondre tout de suite et la regarda ébouriffer les cheveux du petit qui rigolait.

« Et vous ? » En général Martin restait évasif sur les réponses qu'il donnait ou se contentait d'hausser les épaules, tout simplement. Il ne posait jamais les questions de façon anodines non plus, mais il l'avait fait parce que c'était agréable d'avoir de la conversation dans cette chambre. Il voulait donner la simplicité à Dylan, la légèreté et lui faire oublier un peu l'ambiance hospitalier en montrant son côté Martin. Emma semblait faire de même. Il ne discutait pas et ne faisait pas connaissance avec ses collègues d'habitude et préférait rester dans son coin. Il avait encore du mal à se remettre des événements de l'année dernière aussi et ne voulait pas que quelqu'un s'en mêle. « Maintenant, assez rarement. Généralement, je n'ai pas beaucoup de temps pour une pause et aujourd'hui, c'est exceptionnel. J'en ai profité pour aller voir Dylan. » Il lui sourit et continua à manger ses lasagnes. « Vous vous connaissez tous les deux ? » Martin répondit par une moue et secoua la tête, il termina de mastiquer. « Pas personnellement non... Pourquoi ? » « Je ne sais pas... Vous vous vouvoyez alors que tous les deux me tutoyez. C'est un peu bizarre aussi parce que le peu que je vous connais tous les deux, vous vous ressemblez beaucoup. J'étais persuadé que vous seriez des amis ! »  

« On va partager. » répondit Martin au petit garçon qui lui aussi voulait encore un peu. C’était bien la première fois que Dylan avait autant d’appétit, ça faisait plaisir à voir. Emma comme à son habitude n’avait pas mangé grand-chose, elle avait encore moins d’appétit que d’habitude c’était pour dire. Et le fait qu’elle ait perdu du poids commençait à sérieusement se voir. Mais ce n’était pas l’important, elle ne faisait pas vraiment attention à sa santé en ce moment elle était beaucoup plus focalisé sur Alek. Elle se montrait le plus présente pour lui tout en lui laissant la liberté qu’il désirait c’était un juste milieu assez compliqué à trouver mais elle semblait bien y parvenir. Elle ne cherchait pas à le guérir ou quelques choses dans ce genre-là. Elle n’était pas magicienne et savait ce que c’était que de perdre quelqu’un qu’on aime. Elle était juste patiente avec lui et lui montrait qu’il y avait encore des gens pour qui il comptait. Et elle espérait qu’avec le temps il se sentirait mieux comme elle aujourd’hui. Elle avait encore des coups de blues, notamment la nuit quand un cauchemar la réveillait. Ils étaient moins fréquent qu’au début mais encore présent quand même. Elle s’était fait une raison de toute façon, elle savait que ça la hanterait jusqu’à la fin de sa vie. C’était un épisode de sa vie beaucoup trop marquant pour qu’un jour elle parvienne à ne plus du tout y penser. Et ça voudrait dire ne plus penser à Noé ou Jake et ça elle en était incapable. Il resterait le premier amour de sa vie. Bref Emma n’avait pas faim mais ça semblait au moins rendre 2 hommes heureux. Dylan et Martin n’avaient pas demandé leur reste quand elle leur avait proposé le reste des lasagnes. Elle était contente de voir que Dylan appréciait le plat qu’elle lui avait fait.

Martin lui avait finalement demandé si elle venait manger comme aujourd’hui avec tous ses patients. Elle aurait aimé pouvoir le faire mais elle manquait cruellement de temps. Elle n’avait jamais très longtemps pour manger, entre les urgences et les dossiers qu’elle avait à remplir elle n’arrêtait jamais. Mais elle était passionner par son métier alors y laisser du temps ne la dérangeait pas le moins du monde. Finalement elle avait retourné la question à son interlocuteur : « Maintenant, assez rarement. Généralement, je n'ai pas beaucoup de temps pour une pause et aujourd'hui, c'est exceptionnel. J'en ai profité pour aller voir Dylan aujourd'hui. » Il était dans le même cas qu’elle finalement en même temps ils avaient le même poste et il devait comme elle manquer cruellement de temps. C’était la joie d’être chef de service dans un hôpital aussi grand que celui de HB. Dylan brisa alors le silence : « Vous vous connaissez tous les deux ? » Elle s’apprêta à répondre mais Martin la devança. « Pas personnellement non... Pourquoi ? » Martin n’était pas là depuis longtemps et Emma avait été absente quelques mois donc difficile de faire la connaissance avec Martin. Elle le connaissait de loin et de nom c’est tout. Et il faut dire qu’Emma n’était pas franchement du genre à faire copain/copain avec tous les médecins de l’hôpital. Elle était curieuse de savoir pourquoi Dylan pouvait penser qu’ils se connaissaient. Le petit garçon s’expliqua alors : « Je ne sais pas... Vous vous vouvoyez alors que tous les deux me tutoyez. C'est un peu bizarre aussi parce que le peu que je vous connais tous les deux, vous vous ressemblez beaucoup. J'étais persuadé que vous seriez des amis ! » Elle sourit, elle ne savait pas grand-chose sur Martin mais elle était prête à croire Dylan quand il disait qu’il était sûr qu’ils pourraient être amis. Elle avait toujours trouvé ce petit garçon très observateur. Elle répondit à Dylan : « Tu trouverais ça moins bizarre si je tutoyais Martin ? » Elle avait toujours ce même sourire sur les lèvres et elle répondit : « Je ne doute pas que Martin et moi on puisse devenir amis mais tu sais bien que pour ça il faut connaître un peu les gens ! C'est qu'on est compliqué nous les adultes ! » Elle laissa échapper un léger rire, c’était vérité. Elle n’était pas contre le fait de se faire un nouvel ami, mais en tant qu’adulte il fallait apprendre à connaître un minimum la personne avant de la qualifier d’ami.

Il mangeait ses lasagnes quand Dylan se mit à expliquer et sourit rapidement avant de vouloir se concentrer pleinement sur son plat. Connaître quelqu'un ? Martin n'avait pas pris le temps de se faire des amis... Comme il l'avait dit, il n'avait pas le temps à cause de son travail et n'était pas le genre à vouloir faire le premier pas vers les gens. Il tolérait le monde et ne devenait pas ami avec n'importe qui, c'était assez compliqué pour lui d'expliquer sans devoir raconter toute sa vie... Il avait vécu assez d'abandons pour vouloir faire à nouveau confiance et il avait déjà son petit cercle d'amis qui était en dehors de l'hôpital. C'était mieux que tout le monde soit de simples collègues ici, cela lui évitera peut-être un erreur de jugement...

« Tu trouverais ça moins bizarre si je tutoyais Martin ? » Martin pouvait tutoyer Emma sans problème, il le faisait comprendre par son haussement d'épaules. Il pouvait la tutoyer en la présence de Dylan, mais il avait l'impression que ce n'était pas ce que cherchait le petit. « Oui... » fit-il avec son petit sourire timide et amusé à la fois. « Je ne doute pas que Martin et moi on puisse devenir amis mais tu sais bien que pour ça il faut connaître un peu les gens ! C'est qu'on est compliqué nous les adultes ! » Et Emma se mit à rire un petit peu alors que Martin gardait le sourire et termina encore son assiette. Elle avait raison, il fallait faire connaissance et ce n'était pas dans le domaine de Martin, même s'il avait remarqué que Dylan ne se trompait pas souvent dans ses observations, il pouvait juger qu'il pouvait être ami avec Emma... Mais il n'irait quand même pas jusque là, connaissances... Pourquoi pas. Mais pas amis.

« Alors, vous pouvez faire connaissance maintenant ! » « Pardon ? » eut-il mal comprendre. Il était un peu surpris parce qu'il ne s'attendait pas à la réponse du petit tout comme il ne s'était pas attendu à manger avec Emma au départ. « Emma a raison, tu ne peux pas être ami avec elle si elle ne te connait pas un peu ! Pareil pour Emma ! Et moi je veux vous connaître aussi parce que je sais que je vais vous voir régulièrement » Martin voulut reprendre le petit tout de suite en montrant sa main. Il n'était pas contre de vouloir faire connaissance, mais ils étaient en train de franchir la limite médecin/patient en faisant cela. Mais en même temps, il venait de le faire en mangeant avec lui et pour Dylan, Dr. Stewart était Emma, Dr. O'Gyana était Martin. Cependant ce petit était conscient de la limite. « Je ne vais pas vous demander où vous vivez et comment est composé votre famille non plus ! Je sais que vous venez d'arriver tous les deux, je me demande ce que vous faisiez avant d'arriver ici par exemple. » Martin resta silencieux et regarda Emma. S'il n'était pas d'accord, il l'aurait dit tout de suite mais il y avait une part en lui qui se disait pourquoi pas. Il lâcha un soupir discret et répondit en déposant l'assiette. « J'étais médecin sans frontières, j'intervenais en Afrique. Avant ça, je travaillais ici. »
 

Emma ne s’attendait pas à ce que son déjeuner avec Dylan tourne en un speed dating bizarre avec Martin. Mais elle n’avait pas envie de contrarier le petit garçon, il semblait s’amuser de la situation et ça faisait un moment qu’elle ne l’avait pas vu sourire de cette façon. Elle voulait bien faire un effort pour lui et puis de toute façon elle n’était pas obligé de raconter sa vie à ce nouveau collègue. Elle avait des doutes sur le fait qu’ils puissent devenir amis, ce n’était pas si facile que ça. Une fois adulte c’est plus comme à la maternelle où il suffit de demander à un autre enfant d’être son copain et le tour est joué. Une fois adulte, on se méfie, on n’accorde pas sa confiance au premier venu et il faut un peu plus de temps pour qualifier quelqu’un d’ami. Mais bon elle pouvait laisser le gamin prendre les choses en mains juste le temps du déjeuner. « Alors, vous pouvez faire connaissance maintenant ! » s’exclama le petit garçon. « Pardon ? » répondit Martin surpris par le culot du petit garçon. Emma elle laissa échapper un léger rire, la situation l’amusait plus qu’autre chose. Dylan repris la parole pour expliquer à Martin comment il voyait les choses : « Emma a raison, tu ne peux pas être ami avec elle si elle ne te connait pas un peu ! Pareil pour Emma ! Et moi je veux vous connaître aussi parce que je sais que je vais vous voir régulièrement » C’est qu’il en avait dans la tête du haut de sa dizaine d’années. Emma savait bien qu’elle ne devrait pas être si proche d’un patient mais pour Dylan c’était différent, il avait besoin d’être entouré. Il n’avait pas de famille, personne ne venait le voir hormis parfois son assistante sociale. Elle allait le voir régulièrement, le petit garçon était conscient qu’il avait encore pas mal de temps à passer ici. Et la compagnie des 2 médecins semblaient lui faire du bien et lui changer les idées. Dylan reprit la parole : « Je ne vais pas vous demander où vous vivez et comment est composé votre famille non plus ! Je sais que vous venez d'arriver tous les deux, je me demande ce que vous faisiez avant d'arriver ici par exemple. » Emma sourit, techniquement elle ne venait pas d’arriver. Elle avait mis sur pause son poste à l’hôpital pendant quelques mois pour partir en Inde avec Marissa. Avant ça elle avait quand même vécu là 3 ans mais avant ça elle avait passé 4 ans en Afrique. Plus précisément au Mali. Elle laissa Martin répondre en premier, elle devait bien avouer qu’elle était un peu curieuse de savoir d’où venait Martin. Il était plutôt du genre mystérieux comme homme. « J'étais médecin sans frontières, j'intervenais en Afrique. Avant ça, je travaillais ici. » C’était quand même une drôle de coïncidence, ils avaient quasiment le même parcours. Probablement pas le même vécu mais Emma n’avait pas l’intention de s’étendre sur son séjour en Afrique. Elle sourit à Dylan et répondit : « En fait je suis revenu il y a 3 ans et demi d’une mission humanitaire de plusieurs années au Mali. Et en début d’année je suis partie quelques mois pour une mission en Inde avec ma sœur ! » Elle n’avait pas besoin d’en dire d’avantage, elle n’allait pas raconter sa vie. Ca n’avait jamais été son genre de s’étaler sur sa vie. Elle demanda à Martin curieuse de savoir où il avait été en Afrique. « Où en Afrique ? » Emma ne se sentait vraiment utile que quand elle était en mission. Etre médecin à l’hôpital c’était complétement différent, ça ne lui amenait pas la même satisfaction que quand elle exerçait dans un pays ravager par la maladie et la famine. Elle avait l’impression d’être vraiment utile, d’avoir eu son diplôme de médecin pour quelques choses de plus important qu’un rhume.

Est-ce que ce serait le moment où Martin devrait dire que les choses commençaient à devenir étranges et que cela allait au delà de la limite du raisonnable ? Non, il ne voyait pas en quoi il franchissait une limite avec Emma, il échangeait tout simplement des informations sans trop raconter sa vie. Il lui racontait en grandes lignes sa carrière tout simplement et c'était sa façon de faire connaissance avec elle et aussi Dylan qui était intrigué par les parcours des professionnels ici.

Ce petit garçon n'avait personne à part une assistante sociale et venait à faire connaissance avec tout le monde dans cet hôpital, il voulait les appeler par leur prénom et savoir un minimum histoire qu'ils soient tous à égalité. C'était un concept assez étrange parce que les autres patients ne faisaient pas cela, ceux de Martin étaient généralement des adultes et quand il tombait sur les enfants, ils avaient leur parents qui étaient là. Il n'était quasiment jamais confronté à un tel cas où un patient poussait un médecin à faire connaissance avec l'autre en sa présence, comme si c'était un speed-dating. Les fois où il mangeait avec les patients qui étaient seuls, c'était un échange tout simple, juste faire connaissance sans que ça aille trop loin.

« En fait je suis revenu il y a 3 ans et demi d’une mission humanitaire de plusieurs années au Mali. Et en début d’année je suis partie quelques mois pour une mission en Inde avec ma sœur ! » Au Mali ? En Afrique ? Martin ne cacha pas sa surprise quand il découvrit qu'il avait presque le même parcours qu'Emma, il regarda Dylan qui souriait comme s'il était content d'avoir fait trouver un point commun entre les deux médecins. Sûrement serait-il en train d'espérer qu'ils feraient connaissance en dehors. Emma aimait sûrement se rendre utile dans son métier et cela passait par les missions humanitaires, c'était sûr.

« Où en Afrique ? » « En Somalie, pendant onze ans. » Et comme s'il devinait déjà d'avance la question que ce soit de Dylan ou d'Emma, il continua à parler, en joignant discrètement les mains pour arracher un peu la peau de son pouce, légèrement stressé « J'ai toujours voulu me rendre utile et vraiment aider les gens qui sont dans le besoin. Euh ... On est tous dans le besoin, peu importe où on est c'est sûr, mais je veux dire qu'ici, on n'a pas les mêmes moyens qu'en Afrique. Les gens de là-bas n'ont pas cette chance que tu as Dylan, la majorité n'y survivent pas et je veux faire mon maximum pour empêcher cela. » « Pourquoi tu as arrêté ? » « Besoin d'une petite pause avant d'être prêt à repartir. » répondit-il vaguement avec un petit sourire. Puis, il se rendait compte que le monde ici n'était pas pareil qu'en Afrique et c'était moins éprouvant, il devait se remettre de ce traumatisme et ce n'était pas le lendemain qu'il reprendra les missions humanitaires... Cependant, il ne pouvait pas s'empêcher comment tout le monde ne pouvait pas imaginer la chance qu'ils avaient par rapport en Somalie. Ce qui l'énervait un peu plus aussi, c'était la politique de cet hôpital et l'importance qu'avaient les papiers. C'était sûr que cela n'avait rien à voir avec tout ce qu'il avait vécu pendant toutes ces années ailleurs, en abandonnant sa famille du jour au lendemain et ce, pour une bonne raison. Il n'avait pas eu besoin de poser la question à Emma, sur pourquoi elle s'était engagée dans les missions humanitaires, parce qu'il s'imaginait déjà que c'était pour la même raison que lui, mais dans tous les cas, elle avait éveillé sa curiosité. Il regarda la montre et fronça les sourcils en voyant l'heure, c'était assez ennuyeux...! « Urgh... Je devrais y aller. Je n'ai pas vu le temps défiler... J'ai un patient à voir dans dix minutes... » Et comment les dix minutes pouvaient passer assez rapidement s'il ne faisait pas attention. Il regarda Emma et Dylan avec un air désolé, mais dans le fond, l'était-il vraiment ? Martin cherchait sûrement à fuir les questions qui pouvaient être posée encore, il n'avait pas trop envie de parler des missions humanitaires, même s'il avait trouvé quelqu'un qui avait un parcours similaire au sien, possiblement quelqu'un avec qui il pouvait s'entendre, mais Martin ne se liait pas facilement avec quelqu'un.