De la bonne musique et surtout de quoi manger. Voilà les ingrédients qui faisaient une bonne soirée pour la Campbell, bien sûr, elle buvait et lorsqu’il s’agissait d’alcool elle n’était pas en reste, mais elle préférait mille fois manger que boire. C’était comme ça, elle avait toujours aimé manger et cuisiner pour elle. Quoi qu’il en soit, elle n’allait pas avoir de nourriture ce soir, mais elle allait être servie niveau musique, lui a-t-on dit. Ce soir elle avait décidé de sortir avec certains de ses collègues dans un bar où ils organisaient une soirée karaoké, ils s’étaient tous promis de ne pas penser au boulot ce soir, mais la productrice qui était toujours à l’affut de jeune talent ne comptait rien y faire. Si elle pouvait dénicher une nouvelle star pour son label, elle ne comptait pas laisser passer sa chance. Ils arrivèrent assez tôt pour se mettre dans l’ambiance  de la soirée, se demandant si l’un d’eux allaient oui ou non se lancer lorsque le karaoké s’ouvrirait mais mis à part Tanye, aucun d’un n’étaient chaud. Elle leva les yeux au ciel après avoir passé une bonne dizaine de minutes à les encourager, ne comprenant pas trop l’intérêt de venir à une soirée karaoké si c’était pour ne pas y participer, surtout qu’en tant que professionnels de la musique ils se devaient d’imposer le respect et de montrer à tous ces amateurs ce que c’était que la musique, la vraie. La métisse elle, avait décidé de le faire et bien comme il le fallait, dans sa tête pendant qu’elle sirotait son deuxième verre de mojito, commençait déjà à prévoir une entrée sur scène que les gens n’allaient pas oublier de sitôt. « S’il te plaît, ne te fais pas remarquer. » Lui lança un de ses camarades de soirée à voix basse. « Comment ça ne pas me faire remarquer ? Quitte à ne pas trouver de talent ce soir, je peux au moins montrer aux gens le mien, non ? » Répliqua-t-elle à voix haute, se fichant bien de ce que le groupe pouvait penser. C’était ça de sortir avec Tanye, il fallait être prêt à tout moment à ce qu’elle décide de se la jouer chanteuse et se mette à faire de la musique dans la rue. C’était ça, être passionnée par ce que l’on fait, même si la jeune femme devrait peut-être apprendre à canaliser toute cette énergie et cette passion. Lorsque le mec du bar prit la parole pour lancer la soirée, sans même y réfléchir, la métisse se leva d’un bond de sa chaise pour aller feuilleter le répertoire. Elle passa à côté d’une table où des filles étaient en train de discuter, et le temps de se frayer un chemin pour arriver jusque la scène, son oreille traîna. Elles ne savaient pas si elles devaient se lancer ou pas. « Après ce que je vais faire je pense même pas que vous aurez encore envie de monter sur scène. » Lança-t-elle d’un ton supérieur. Elle n’avait bu que deux verres pour le moment et se montrait déjà chiante, non elle n’était pas bourrée, mais elle prenait la confiance. La Campbell n’avait pas l’alcool facile mais en soirée c’était clairement la fille chiante qui cassait les pieds de tout le monde, ou bien parce que c’était sa chanson et qu’elle voulait que tout le monde fasse la chorégraphie, ou bien parce qu’elle voulait qu’on libère la piste pour qu’elle puisse break it down as she likes it. A comprendre qu’elle était toujours dans les extrêmes et c’était d’ailleurs pire lorsqu’elle était en présence de gens qu’elle connaissait. Après un hairflip parfaitement exécutée, elle alla jusque la petite table où étaient exposés tous les livres de chansons qu’elle commença à feuilleter avec minutie. Il n’y avait rien d’intéressant, ou bien des chansons vieilles de l’époque de ses parents – et vu l’âge de Tanye autant qu’on remontait à l’époque d’Hughes Capet – ou alors des chansons nulles.  « J’suis pas assez échauffée pour  monter aussi haut que Céline, donc je passe. » Lança la productrice à la recherche de la petite perle qui allait faire passer l’envie à toutes les personnes présentent de la tester. Ne prêtant plus attention à la jeune fille qui était à côté d’elle, elle tourna quelques pages avant de se faire interpeller de nouveau par la voix de la jeune brune. Quoi que ce n’était tellement pas sa voix qui la sortie de sa réflexion, mais plutôt la prononciation du prénom « Beyoncé ». « QUOI ? » Elle posa violemment le livre qu’elle tenait entre les mains, pour regarder celle de sa voisine qui venait trouver LA section qu’il fallait. Personne n’ignorait l’amour que portait Tanye pour Beyoncé, et s’ils ne le savaient pas encore, well, ils allaient bientôt le découvrir.  And if you don’t know, now you know nigga. Comme le disait si bien Biggie de son vivant. Visiblement, l’inconnue à côté d’elle semblait aussi contente qu’elle, mais problème… Elle ne pouvait pas laisser cette midinette gâcher une chanson de la Queen avec sa voix criarde de white girl, mais elle avait l’air tellement heureuse. Elle avait la même petite étincelle dans les yeux lorsqu’il s’agissait de Beyoncé, c’était si beau. « Bon… Je propose qu’on fasse un duo. » Elle regarda rapidement la liste en cherchant la chanson « Telephone » où la jeune femme pourrait faire Lady Gaga tandis que la métisse se prenait pour Beyoncé, mais le seul duo qu’ils avaient, c’était le remix de Flawless. L’occasion ou jamais d’imposer le respect avec un rap d’entrée de jeu, et si ça voulait dire ne pas être Beyoncé cette fois-ci, alors certes, ce sera pour une prochaine fois. « J’espère que tu ne feras pas honte à la Queen, parce que ce sinon ce sera ta première et dernière chanson sur cette scène. » Dit-elle avec un petit rire mais qui laissait sous-entendre qu’elle n’hésiterait pas à la descendre si elle n’assurait pas sur cette chanson.

En temps normal, lorsque la jeune femme faisait des karaokés, elle avait deux règles : 1. On devait absolument faire du Beyoncé. Tout karaoké qui se respectait devait absolument proposer au moins une chanson de la Queen, même une chanson de son premier album ou de l’époque où elle était avec les Destiny’s Child. Peu importe. 2. Beyoncé c’était elle. Après tout elle est black, elle aime chanter – et surtout elle sait chanter – et puis, personne n’était aussi fan de Beyoncé qu’elle ne pouvait l’être. Cependant elle devait savoir faire des sacrifices quelques fois, comme ici. Elle allait devoir se contenter d’être Nicki Minaj, on aurait pu trouver pire comme second choix. Elle aurait pu être la Michelle du groupe. Une fois que les menaces furent lancées et qu’elle commençait à se mettre dans la peau de Nicki – le gros boule en moins – elles allèrent au bar prendre un verre avant de faire leur grande entrée sur scène. « Leggo ! » Lança la jeune femme après avoir descendu son shooter d’une seule traite, assez confiance pour monter sur scène et tout donner. Elle fit des petits sauts sur places en s’étirant légèrement comme si elle allait monter sur le ring et affronter un adversaire, puis lança un rapide coup d’œil à la table où elle était avant de venir. Ses collègues qui évitaient de la regarder faisaient comme si ils ne la connaissaient pas. Elle avait l’habitude, en temps normal lorsqu’elle commençait à faire sa star et à se prendre pour les plus grandes diva, ils faisaient comme si elle n’existait pas et la laissait dans son monde. Ils devraient cependant penser à faire comme elle car les artistes qui marchent le mieux sont souvent ses trouvailles à elle, ils n’ont certes jamais décroché un Grammy, mais ils sont déjà plus connus localement que les leurs. Elle leva les yeux au ciel avant de monter sur scène avec la white girl qui allait devoir bien faire si elle ne voulait pas que Tanye la tue, et elle alla se placer au fond de la scène. D’elle-même, elle serait restée en backstage et une fois que les trompettes commençaient à jouer et annonçait sa partie, elle serait revenue pour faire une entrée à la Nicki. Mais il n’y avait pas de backstage là où elles se trouvaient, il n’y avait qu’une scène et un mur, si on voulait faire une mise en scène avec les jeux de lumières et les arrivées stylées, il fallait au moins demander à toute la régie de s’y mettre. « Non Tanye, pas de scandale. » Se dit-elle à elle-même tandis qu’elle tournait le dos à son public qui l’avait acclamée elle et sa nouvelle camarade de chant de façon aussi chaleureuse qu’ils avaient pu le faire. Lorsque la jeune femme commença à chanter, un sourire s’afficha sur son visage en entendant qu’elle ne chantait pas trop mal, elle chantait même juste. Bon, elle n’avait pas non plus ce petit grain de voix que la Campbell recherchait à chaque fois qu’elle signait un artiste, mais elle avait quelque chose qui faisait que chanter avec elle c’était plus une distraction qu’un massacre. Bien, elle n’aurait pas à lui planter ses talons dans le dos parce qu’elle aurait fait honte à la Queen Bey. Plus sa partie approchait et plus elle sentait la pression qu’elle se mettait à elle-même monter. Elle ne voulait pas que le public la hue et surtout, elle voulait montrer une bonne leçon à ses collègues. Soudain, les trompettes arrivent. Elle se retourne doucement comme le ferait Nicki – parce que son gros boule ne lui permet de toute façon pas d’aller plus vite – et s’approche tout doucement de la jeune femme qui ne connaissait pas son nom et dont elle ignorait encore l’identité. C’était pour ça qu’elle l’avait appelé Onika d’ailleurs. « Looking Trinidadian, Japanese and Indian. Got Malaysian, got that Yaki, got that wavy Brazilian.. » Commença à rapper la Campbell qui y mettait tout son cœur. Elle se sentait comme une vraie star, commençant même à sautiller un peu partout sur la petite scène en occupant l’espace un maximum avec sa camarade. Tout ça pour le plaisir de divertir, une fois son rap de fini, elle ne pu s’empêcher de lâcher son micro d’un geste symbolique et alla saluer son public qui les acclamait toutes les deux comme la diva qu’elle était devenue pendant son rap.