Rien ne détendait plus qu’une matinée au spa, si ce n’était une partie de Call Of Duty à shooter sur tout ce qui bougeait en hurlant des insanités. Louise faisait les deux même si elle se cachait bien de raconter à quiconque qu’elle jouait à des jeux de FPS. Ce matin, elle avait décidé de rejoindre l’un des centres huppés qui peuplait la ville, histoire de relaxer et décompresser. Louise s’était fait faire des cataplasmes de boue et avec profiter du hammam. Mais le travail n’était jamais loin, elle devait se rendre l’après-midi à Los Angeles pour un tournage dans un nouveau concept store qui venait d’ouvrir en ville. En sortant du spa, elle prit le volant de sa Maserati et prit la direction du studio où elle enregistrait les sommaires de ses émissions. C’était un local qu’elle avait loué en ville, à Huntington Beach, son équipe et elle y entreposaient leurs matériaux d’enregistrement quand ils ne les utilisaient pas pour tourner. Louise laissait aussi certaines de ses fiches, ça lui arrivait souvent de devoir travailler là-bas également.

- Oui, j’arrive au studio là, dit-elle en ouvrant la porte. On doit être à la boutique pour 15h, Mike a pris les caméras et les micros, continuait-elle de dire à son assistante.

Louise parcourait le studio, qui n’était pas si grand, à la recherche de ses fiches qu’elle avait préparé la veille. Introuvables. Elles devaient certainement être dans le bureau qui faisait aussi office de coulisse, où sa maquilleuse la préparait avant ses enregistrements. Quand elle ouvrit la porte, elle fut surprise de voir que la lumière était allumée, elle n’oubliait jamais d’éteindre lorsqu’elle quittait son studio. Son équipe n’avait pas pu s’y rendre non plus, le matériel n’étant pas stocké dans cette pièce, quoique… Sous des couvertures dans le fond de la pièce, elle vit une boule ressemblant à un corps humain bougeait. Un cambrioleur avait dû cibler le studio et surpris par la venue de Louise s’était – lamentablement – cacher. Louise sortit son gaz lacrymogène de son Birkin Bag, le cœur battant à mille à l’heure. S’approchant sur la pointe des pieds, elle tira les couvertures et aspergea l’intrus.

- Je vais appeler la police ! hurla-t-elle.

Elle courrait aussi vite que possible mais avant pourtant l’impression de ne pas avancer. C’était cette sensation étrange et désagréable qui faisait qu’elle ne pouvait pas contrôler ni l’espace ni le temps, tantôt elle avait l’impression de courir trop lentement alors qu’elle devait aller rapidement, tantôt elle avait l’impression de courir beaucoup trop vite pour que ce soit réaliste en prenant en compte la surface sur laquelle elle courrait. Au bout d’un moment, sans comprendre comment est-ce qu’elle en était arrivée là elle sentit son corps prendre de la vitesse alors qu’il se laissait tomber dans le vide.

Bougeant tout son corps violemment, c’est en pleine sueur et le cœur battant très fort que la Sullivan ouvrit les yeux. Ce n’était qu’un rêve. Rêve qui avait pourtant l’air bien réaliste, quoi qu’elle aurait dû se douter que ce n’était pas vrai quand avait vu qu’elle s’enfuyait en réalité d’une bande d’escargots qui lui en voulait. « Putain… » souffla-t-elle en se passant une main sur le visage avant de se cacher les yeux, ne supportant pas la lumière de la pièce. C’était d’ailleurs étrange qu’elle n’ait pas pensé à éteindre avant de s’endormir, ou même qu’elle ait pu trouver l’interrupteur quand on savait à quel point elle s’était lâchée la nuit d’avant. Sa tête se chargeait bien d’ailleurs de lui rappeler qu’elle avait bien fait la fête tellement elle lui faisait mal. La brunette se retourna sur ce qui semblait être son lit dans le but de trouver une position plus confortable, mais réalisa que quelque chose n’allait pas. Les dimensions n’étaient pas les mêmes que d’habitude. Ou bien elle avait grossi pendant la nuit – ce qui ne l’étonnerait pas vu comment elle mangeait ces derniers temps – ou bien son lit avait rétréci par un coup de baguette magique. C’est en fronçant les sourcils qu’elle ouvrit finalement les yeux en essayant de s’accommoder au maximum à la lumière avant de s’asseoir. Quelle ne fut pas sa surprise en se rendant compte que ce n’était ni sa chambre, ni son lit, ni même son appartement… « Whoa… » Elle porta une main à sa tête et commença à se masser le cuir chevelu en se disant que les choses allaient peut-être lui revenir, mais l’état de fatigue se faisant tellement sentir, elle décida de laisser tomber et de se rendormir en mettant les quelques couvertures qui lui couvraient le corps – et dont elle ignorait l’origine – entièrement sur elle. Elle verrait ça plus tard, de toute façon même si elle ignorait l’heure qu’il était, elle se disait que si personne n’était venu la déranger avant pour lui dire de dégager d’ici, il n’y avait pas de risques qu’on vienne la déranger maintenant. C’est donc en moins de trente secondes qu’elle replongea dans ses rêves en s’imaginant cette fois sur une plage en train de manger une grosse glace. Mais tout d’un coup, le rêve devint vivide. Tellement vivide qu’elle aurait juré avoir reçu de l’eau provenant de la mère sur elle. Son cerveau qui lui avait décidé de fonctionner cette fois-ci, sentit bien qu’il se passait quelque chose et envoya à Melissa des signaux pour qu’elle se réveille immédiatement. Enfin, c’était surtout ses yeux qui commençaient à lui brûler qui fit qu’elle se leva plus vite qu’elle ne l’avait fait la première fois. « AAAAAAAAAH ! » Hurla-t-elle à son tour en frottant ses yeux avec ses mains comme si ça allait l’aider de faire ça. Elle essaya de les ouvrir mais laissa tomber lorsqu’elle comprit que ça lui était impossible. « JE SUIS DEVENUE AVEUGLE BORDEL ! SEIGNEUR POURQUOI ? » Elle ne se leva pas pour autant,  perdue et surtout endolorie, elle essaya de chercher la couverture qu’elle avait un peu plus tôt pour essayer de s’essuyer les yeux et de retrouver la vue, mais en vain.

En plein dans le mille, Louise ne l’avait pas loupé. Mais maintenant elle ne savait pas ce qu’elle devait faire. La cambrioleuse était neutralisée, mais pour combien de temps ? Louise se dirigea dans un coin de la pièce, toujours face à l’intrus, sa bombe à la main prête à s’en resservir une nouvelle fois au cas où elle décidait de lui sauter dessus. Jamais elle n’avait eu à faire à une situation semblable à celle-ci, elle aurait très bien pu fuir et appeler la police une fois dehors mais elle ne voulait pas que la jeune fille s’enfuit. Louise croyait profondément dans la justice, c’était aussi pour cette raison que tous ces pêches passés ne lui semblaient pas dramatique dans la mesure où ceux qu’elle avait pu blesser l’avait amplement mérité par leur comportement crapuleux. Pendant que l’indésirable gigogait en hurlant qu’elle était aveugle, Louise fut prise d’une montée d’adrénaline. Comme si quelqu’un de plus courageux et audacieux avait pris possession de son corps. Elle se dirigea vers un portant et y attrapa une ceinture griffée en cuir synthétique – la base – qu’elle adorait. Avec rapidité, elle la passa autour de la taille de la jeune fille et la boucla les bras à l’intérieur pour être sûr de ne courir aucun risque.

- Donne-moi une bonne raison de ne pas appeler la police, vociféra-t-elle, toujours sous le choc de cette rencontre inattendu.

Concrètement, elle ne savait pas trop si elle devrait appeler le autorités ou non. La fille semblait jeune, peut-être même qu’elle ne voulait pas voler quoique ce soit, peut-être qu’elle était SDF et cherchait un toit pour dormir, en sécurité. Mais on n’était jamais trop prudent. On était aux Etats-Unis, pays qui avait connu les plus grands détraqués serial killer et où les gens s’armaient comme ils le voulaient.

Melissa avait l’impression que tout son visage était en feu et que ses yeux étaient en train de se dissoudre. Elle n’aimait pas du tout cette sensation et était à peu près sûre que lorsqu’elle mourrait, ce serait la même sensation désagréable qui s’emparerait de tout son corps. Ses yeux lui faisaient affreusement mal, des larmes roulaient sur ses joues et même si elle les essuyait avec sa manche, ça ne changeait rien. A croire que le monde lui envoyait un signe, sa mère avait peut-être raison, quand on fait de mauvaises choses on est puni par Dieu. Dans son cas à elle, il avait sûrement décidé de la rendre aveugle. Une sorte de message pour lui dire qu’elle était aveuglée par sa vie malsaine et son oisiveté et qu’il serait temps de se remettre dans le droit chemin. Si c’était le cas, c’était raté parce que si ses yeux la lâchaient vraiment elle pourrait toujours se servir de ses quatre autres sens pour faire sa vie comme elle l’entend. Elle ouvrit difficilement les yeux mais les referma aussitôt, pouvant toutefois voir le sol sur lequel elle était allongée ce qui la rassura un peu. Non, le ciel n’avait pas décidé de l’aveugler, du moins pas aujourd’hui et encore moins de cette façon. Elle essaya de se lever pour aller se chercher de l’eau pour se mettre sur le visage, peu importe l’endroit où elle se trouvait – son cerveau ne mettait pas encore bout à bout le fait qu’elle ne connaissait pas les lieux – mais failli lamentablement lorsqu’elle s’appuya contre le mur pour retomber aussitôt. La fatigue sûrement. Ou le manque de coordination dont elle faisait preuve même lorsqu’elle était sobre, qui sait.

La seule chose d’intelligent qu’elle fit, fut de se concentrer pendant quelques secondes sur ce qui se passait autour d’elle. Elle entendait une seconde respiration et des bruits de pas qui voulaient se faire discret en premier lieux. « Y A QUELQU’UN ? » Hurla-t-elle comme si la cécité l’avait rendue sourde en plus de ça. Elle se leva légèrement en se mettant sur un genou, mais dû s’arrêter rapidement dans sa tentative de retrouver une certaine mobilité lorsqu’elle se retrouva agressée physiquement. « AAAAAAAAAAAAAAH ! » Son vocabulaire n’était pas très varié aujourd’hui. Elle ne comprenait même pas la position dans laquelle elle était mais au moins ça confirmait qu’elle n’était pas folle et qu’il y avait bien quelqu’un dans la pièce. C’était sûrement elle qui lui avait jeté le truc bizarre au visage, la rendant presque aveugle. La Sullivan ne voulait pas se laisser faire et commença à gigoter dans tous les sens à l’aveugle – c’était le cas de le dire – mais se calma en comprenant qu’elle était réellement bloquée et qu’elle allait seulement réussir à se faire encore plus mal. « LA POLICE ? » Pourquoi elle hurlait ? Elle ne le savait même pas, mais ça compensait sûrement le fait de ne pas voir. Elle devrait peut-être changer de stratégie, pensa-t-elle. Depuis le début de cette aventure à chaque fois qu’elle hurlait il se passait quelque chose qui ne jouait pas en sa faveur. « C’EST PLUTÔT… » Elle s’arrêta en se raclant la gorge avant de reprendre d’un ton plus bas. « Ce serait plutôt à moi d’appeler la police, c’est moi qui me fait sauvagement agressée là ! » Dit-elle sur le même ton que la jeune femme qui la tenait.