J'avais toujours comparé les universités américaines avec la jungle. Mais j'étais tellement fier de moi d'étudier dans cette jungle. La chimie moléculaire, matière qui faisait fuir tout le monde sauf moi. J'aimais pousser mes recherches dans ce domaine, histoire de m'évader un peu de ce monde réel. Je m'appelais Noah Kher, j'avais 18 ans et ma vie n'était pas simple. Commençons par le début. Je vis avec ma mère, qui est tout pour moi, j'ai un géniteur, un crétin qui nous avait abandonné ma mère et moi. C'était dingue comment je pouvais être rancunier à son sujet. Surtout qu'il habitait par là, aux dernières nouvelles et que donc, j'avais de fortes chances de le croiser un jour. Que ce jour soit loin alors, car il était hors de question que je fasse comme si tout était normal. En plus j'avais encore un autre souci. Abbygaelle, que j'avais plaqué sans ménagement. Elle était enceinte . De moi. Oui, bon d'accord, présenté comme ça, je passais pour le salaud de service, ça ferait au moins un point commun avec mon géniteur. Mais j'avais peur d'être père, peur de devoir tout chambouler dans ma vie, renoncer à mes études, à mes sorties, bref, être adulte avant l'âge.

Ma mère m'avait conseillé de me remettre avec Abby, que je devais assumer cet enfant et qu'elle serait là pour nous aider. Mais je n'avais jamais eu de modèle paternel pour savoir ce qu'il fallait faire. En gros, je n'avais pas le mode d'emploi du papa idéal. Alors j'avais peur d'échouer dans ce rôle là. Du coup, ma vie était compliquée. Se sentir salaud et coupable d'abandonner la fille qu'on aime, refuser d'assumer ses erreurs, n'avoir pas de père à qui se confier sur ça. Heureusement que j'avais mes livres de chimie qui m'aidait à oublier. J'étudiais surement plus que les autres. Ca ne me faisait pas peur des rester tout un après midi à la bibliothèque pour étudier. Comme aujourd'hui. Il était près de 19h lorsque je pointais le bout de mon nez dehors, histoire de rentrer à la maison. J'avais prévenu ma mère que j'avais un partiel de chimie et de chimie moléculaire à réviser et que je préférais travailler au calme, sans voir mon ex débarquer chez moi, pour me demander d'assumer l'enfant. Maintenant, j'avais même tendance à vouloir fuir mon chez moi pour éviter de la croiser. C'est l'histoire d'un pauvre type qui n'assume pas.

J'avais croisé un professeur au détour d'un couloir, et histoire d'avoir une excuse supplémentaire pour rentrer un peu plus tard chez moi, j'allais lui parler de mes doutes de rater l'examen sur la molécule d'eau. Il était vrai que j'étais un peu voire même beaucoup anxieux quand il s'agissait d'étudier. Après avoir discuté pendant près d'une demi heure, je dus me rendre à l'évidence, il était temps de rentrer. Je sortis enfin de l'université, me dirigeant, vers la station de bus. J'avais pas encore le permis mais ça me dérangeait pas. Je devais attendre vingt minutes avant le prochain bus. Résigné, je m'assis sur le banc, et je sortis mes cours. Jusqu'au bout, j'allais réviser car il était hors de question que j'échoue, je me le devais à moi, si je ne le devais à personne d'autre. Je m'étais promis de réussir ma vie. Jusque là j'avais tenu ma promesse. Alors autant continuer. De temps en temps, je levais la tête pour vérifier que le bus ne pointe pas en avance.

Comment expliquer, sa nouvelle vie à Huntington Beach, tout était simple et calme. Ses voisins curieux de voir un nouvel arrivant dans cette riche ville, semblaient cacher des secrets, mais qui ne cache pas de secret me diriez vous ? C’était un grand changement. Loin du bruit et de ses racines, Adam avait quitté l’Inde à son retour afin de retrouver son fils, de s’expliquer et de voir s’il allait bien. Car selon lui c’était la chose la plus importante. Voir son fils, constater qu’il allait bien. Que sa mère veillait bien sur lui. Mais il voulait plus que tout, renouer le lien qu’ils avaient eu il y a longtemps. Bien qu’Adam conçoive que son fils ait surement oublié les souvenirs dans lesquels ils jouaient au foot, ou dormaient ensemble l’un contre l’autre. Le trentenaire le comprendrait, il n’était lui-même pas un très bon exemple. Il avait quitté sa famille pour sa carrière. Regrettant ainsi, ses actes, il tentait de revenir sur ses pas, en vain …

Neela, avait eu la gentillesse de l’accepter chez elle, sans bouder. Son geste de bonté, il le lui revoudra, car pour le moment, c’était la seule personne à qui, il pouvait vraiment parler et tenter de lui expliquer la vraie situation. Il était loin d’être la victime, c’était clair et net, mais il avait une part de responsabilité à tenir, trop tard, certes, mais c’était à son tour de reprendre la relève, bien qu’il ne pourrait jamais remplacer la femme qui a éduqué son fils, la mère de Noah, il voulait, du moins c’est ce qu’il souhaitait, partager la vie de son fils. De ce fait, il décida d’un pas décisif d’aller voir Noah, de lui parler. De le serrer dans ses bras, bien que ce soit trop tôt pour les accolades.

Ses pas le menèrent à l'université dans laquelle son fils étudiait. Il l’avait deviné pour la simple raison que c’était la seule université dans le coin qui avait pour élèves des enfants, de parents … très … très … riche ! Rentrer ou continuer son chemin, il hésitait, face à l’établissement, il ne savait plus vraiment quoi faire, comment agir. Il traversa, afin de se trouver devant les grilles de l’école. Il soupira fortement en se frottant le front et se pinça le nez, quoi faire ? Reculant d’un pas, il se dit qu’il pourrait revenir un autre jour, voir s’il pouvait repousser la date de l’échéance. Repousser la fin de cette longue « séparation ». L’arrêt de bus n’était pas très loin, à quelques pas, il n’avait pas de voiture, pas pour le moment, il était arrivé en touriste, avec pour bagages une petite valise avec quelques vêtements et un portable. Il s’avança et remarqua qu’une personne était assise sur le banc, s’approchant, il attendrait aussi assis. Mais quelque chose clochait, il ne savait pas quoi mais lorsqu’il s’assit près du jeune garçon, il eu besoin de vérifier, il plongea son visage entre ses mains, se gueulant à l’intérieur de lui-même qu’il en faisait trop, jusqu’à inventer des choses. Mais il finit par tourner son visage vers l’adolescent, le scrutant du regard. Il ne lui fallut qu’une seconde, pour reconnaitre son fils, Noah. Il était assis là, à relire ses cours, attendant le bus. Avalant sa salive, il voulait repartir sans faire de bruit. Et puis peut être qu’il ne se souvenait plus de lui ? Non ! Mauvaise supposition, il devait se souvenir de lui ! Sa mère avait dût lui montrer des photos, rien que pour qu’il ait un visage à mettre sur la voix du salopard qui l’avait quitté ! Ne trouvant rien à faire, il s’étira, et tapota ses doigts sur les rebords en ferraille du banc de l’arrêt de bus. –Bonjour. Finit-il par lui dire. Il ne savait pas comment agir, lui demander directement ce qu’il voulait ou juste attendre … attendre l’orage et la tempête. Attendre qu’il lui dise tout ce qu’il avait sur le cœur. Il voulait juste une dernière chance, c’est ce qu’il désirait. Une chance de pouvoir se parler, s’expliquer … et à nouveau s’aimer …