Je roulais comme un automate, connaissant la route par coeur, depuis maintenant presque dix ans que je faisais ce chemin. J'aurais pu me garer devant la maison de mon choix, mais je choisis au dernier moment de la dépasser et de continuer un peu plus loin pour m'arrêter un peu plus bas dans la rue. Ce pâté de maison, je le connaissais bien, pour y avoir résidé à une époque qui me semblait appartenir au siècle dernier... Soudain un brin nostalgique, je fermais les yeux pour laisser choisir mon crâne contre l'appui-tête avant de refouler les souvenirs qui montaient à la surface. Ce n'était pas le moment de commencer à divaguer, pourtant, je n'eus guère le choix que de laisser le malaise qui m'étreignait soudain les tripes se dissiper. J'ouvris la fenêtre, sorti une cigarette, et commençais à fumer. Un moment, je restais là, derrière le volant, à regarder la maison dans le rétroviseur central.  Qu'est-ce que je foutais là, déjà ? Ah, oui. J'avais appris que, ce soir, Mischa serait seule. J'avais eu, pour cela, un petit coup de pouce du destin... Et ce soir, la Providence avait pris les doux traits d'Ailynn, alias Bébé Miller, comme j'aimais à l'appeler. Elle m'avait en effet innocemment laissé entendre dans un texto un peu plus tôt dans la soirée que les Miller étaient tous de sortie, ce soir... Tous, ou presque. Car Mischa, elle, ne sortait pas. Si cela avait été le cas, sûrement que cela aurait été avec nous... Avec la bande, et donc moi y compris, ce qui faisait que j'aurais été au courant. J'avais d'abord regardé mon portable avec un air un peu sceptique, avant de le fourrer dans ma poche. Choppant au passage ma veste et mes clés, voilà que j'avais donc roulé directement jusqu'à chez elle, sans réfléchir une seconde. Et maintenant, j'étais là, comme un con. Oui, je me sentais atrocement idiot, à accourir, comme ça. A crever d'envie d'aller la voir. Et puis, à présent que j'y étais, à rester là... Incertain. Qu'est-ce que j'attendais ? Une invitation, peut être ? J'aurais pu l'attendre longtemps... Et puis, après tout, c'était Mischa. Ma Mischa... Mon ex-femme, ou plutôt, la femme de ma vie. Oui, je l'aimais. Comme au premier jour. Je n'avais jamais pu faire taire ce que j'avais immédiatement ressenti pour elle, et j'étais pertinemment conscient que cela n'arriverait probablement jamais. C'était bien ce qui me tuait. Ce désir irrépressible de la voir, de lui parler, de la toucher... De simplement être avec elle, au fond. Juste être dans la même pièce, déjà, et de respirer le même air, quelque part, cela me suffisait. Alors pourquoi était-ce si dur de décoller mes fesses du cuir de mon siège et de combler la distance jusqu'à sa porte ? Peut être parce que je n'étais pas sûr qu'elle soit contente de me voir. Peut être même qu'elle me fermerait la porte au nez, tiens... Ce serait bien une première ! Cela dit, depuis quelques temps, je la sentais s'éloigner. Et, bien sûr, comme je n'étais qu'un abruti de première, je n'avais rien fait pour la retenir, ni songer à lui dire "bordel, reviens". Revenir... Je n'avais jamais eu à lui dire de le faire, jusque là. Elle était toujours revenue de son plein gré. A vrai dire, c'était même elle qui, souvent, venait me chercher, mais plus depuis quelques mois. J'avais comme la sale impression qu'elle m'évitait... Et ça me taraudait. Peut être avait-elle enfin trouvé quelqu'un d'autre. Peut être qu'elle avait fini par réaliser que, sur cette foutue planète, il y avait beaucoup mieux que moi avec qui partager sa vie. Peut être même que, si je disparaissais sans me retourner, elle n'en aurait cure. Bon sang... Tellement de peut être, et si peu de certitudes. Et j'aurais pu continuer comme ça encore longtemps, perdu dans mes pensées comme je l'étais si, soudain, le creux entre mon index et mon majeur n'était pas devenu brûlant, m'arrachant un petit cri de douleur. „Fuck !“ maugréai-je en lâchant le mégot par la portière. Je n'avais même pas remarqué que ma cigarette s'était entièrement consumée entre mes doigts. C'était dire combien j'étais absorbé par ma réflexion. Fronçant les sourcils, je sortis finalement de l'habitacle, suçotant ma main tout en farfouillant difficilement avec ma main faible dans ma poche où j'avais mis mes clés après avoir éteint le contact. Il me fallut un certain temps, mais je réussis finalement à fermer ma voiture. Fini les raisonnements bancals... Il était temps de passer à l'action. Remontant l'allée d'un bon pas, je finis par arriver devant la porte. Un instant d'hésitation et deux jurons plus tard, je toquais finalement. Trois coups un peu espacés, comme toujours. Quand la porte s'ouvrit enfin, après un temps d'attente qui me sembla interminable et où je m'étais fait violence pour ne pas rebrousser chemin sans demander mon reste, mon regard tomba immédiatement dans celui de Mischa, et j'ouvris donc la bouche pour parler. Sauf que, bien sûr, je n'avais pas la moindre traître idée de ce que j'allais bien pouvoir lui dire. Si seulement j'avais réfléchi à ça au lieu de bêtement compter les secondes... Mais, non. Il ne fallait pas trop m'en demander, non plus. Cependant, contre toute attente, des mots dépassèrent finalement mes lèvres pour former une phrase cohérente. „Hey, salut, ça faisait longtemps et j'étais dans le coin alors... Je me suis dit que j'allais passer.“ Je haussais les épaules, un peu stupidement. J'avais dit cohérent, hein, pas forcément intelligent... Et, oui, ce sont bien deux choses complètement différentes, la preuve. Après un léger silence où je faisais bouger mes doigts dans le vide, je décidai d'ajouter, un sourcil levé, me mordant légèrement l'intérieur de la lèvre : „Je te dérange pas, au moins ?“ Je laissais mon regard dériver dans l'entrée avant de revenir sur elle. Sait-on jamais qu'elle ait profité de sa soirée libre sans la marmaille pour... Je ne sais pas, moi, par exemple, inviter son amant... Ah bon, vous sentiez une pointe de jalousie dans ma voix, vous ? Je vois pas du tout pourquoi...

Le calme, plus que jamais elle appréciait le calme qui régnait dans cette maison. Allongée depuis près d’un quart d’heure dans son bain, les yeux fermés elle profitait de ces moments rares où elle pouvait s’accorder une pause. Elle se souvenait avec ce petit sourire au coin des lèvres qu’on lui connaissait tant de cette époque pas si lointaine que cela où ses frères et sœurs étaient encore des gamins. Les robots d’Ayden dans l’escalier qui causait de belles chutes à la famille, les perles d’Ailynn qui se retrouvaient par hasard mélangé à la purée, ses vêtements qu’elle retrouvait sur sa sœur Lily… elle n’avait jamais craqué, elle se l’était tout simplement interdit à elle-même alors qu’elle décidait de prendre la garde de ses frères et sœurs. Mischa n’était pas le genre de fille qui pleurait sur son sort, elle prenait la vie comme elle venait parce qu’elle savait que c’était pareil pour tout le monde. Elle avait perdu ses parents, ses repères mais elle n’était pas la seule à souffrir de cette perte et ils n’étaient pas la seule famille à faire face à ce genre de situation. Tout le monde avait son lot de malheur. Ils s’en étaient bien sorti au final. Tout les cinq étaient les rescapés de la famille Miller. Les parents étaient décédés, les trois aînés avaient fuit la ville et l’une des dernières filles de la famille avait prit son envol s’en jamais remercier Mischa pour tout ce qu’elle avait fait. La jolie blonde ne voyait pas cela comme un sacrifice pourtant ça en était un. Durant toutes ces années sa vie avait été mise entre parenthèse, son mariage avait été un échec. Enroulant une serviette autour de son corps humide elle avança dans le couloir du premier étage, c’était étrange comme le calme était bénéfique mais aussi angoissant. Trop habitué à entendre la porte de son petit frère claquer, les fou rire de sa petite sœur ou bien encore les remises en question de Lily. Elle angoissait à l’idée de les voir quitter cette maison, que ferait-elle une fois seule ? La maison lui semblerait bien trop grande pour elle seule. Sortant de sa chambre vêtue d’un mini short en coton et d’un tee-shirt souvenir d’un concert de Michael Jackson pour lequel elle avait fait la queue à la billetterie durant plus d’une journée. Elle se souvenait de ce jour comme ci c’était hier, et encore plus de ce concert mythique qu’elle n’était pas prête d’oublier. Descendant les escaliers pour se rendre au rez-de-chaussée elle s’apprêtait à passer une soirée des plus simples, hésitant à se mettre un film, peut être même un vieux film à moins qu’elle fouille dans le pc familial à la recherche d’un film téléchargé récemment par les deux derniers de la famille. Pénétrant dans la cuisine elle se dirigea vers le frigidaire fouillant à l’intérieur comme une adolescente qui refusait de faire à manger. Faisant face à un dilemme crucial elle sortit de ses pensées en entendant frapper. Fronçant les sourcils elle ferma la porte du frigidaire se demandant qui cela pouvait être. Ne perdant pas davantage de temps elle couru pied nus en direction de la porte d’entrée. Une fois devant elle retira le verrou avant de l’ouvrir et aperçu alors « Nolan ? » Merde que faisait-il là au juste ? Pour une surprise ça en était réellement une. Mischa ne comprenait pas vraiment ce qui faisait ici, elle n’était pas déçue bien au contraire. Etre aux côtés de Nolan c’était comme sauter en parachute pour un passionné de la hauteur, gagner la coupe du monde pour un footballeur qui s’était entraîné durement durant des années… N’empêche elle ne savait pas ce qu’il voulait. Apparemment il était dans le coin et avait eu l’idée de s’arrêter, pourquoi pas mais elle trouvait cela étrange. La seule chose qui venait à l’esprit de Mischa était le fait qu’elle portait une tenue pas approprié, bien sûr il l’avait vu dans son plus simple appareil mais elle aurait aimé être plus attirante. La jolie blonde ne pouvait s’empêcher d’avoir ce genre de pensée, elle devait pourtant se tenir éloigné de lui sinon ça allait recommencer et elle refusait de continuer ainsi, ce n’était pas sain. Pour aucun des deux. « Non du tout… je suis seule » Pourquoi lui préciser une telle chose ? « Vas y entre. » Se poussant légèrement elle laissa le jeune homme entrer à l’intérieur avant de refermer la porte derrière lui. « Tu veux boire quelque chose ?»

Clairement, je n'étais pas doué pour mentir, j'avais même un sacré problème pour le faire de but en blanc, c'est pourquoi je me contentais bien souvent de demi-vérités. C'était entièrement vrai que je passais dans le coin... Même si ce n'était pas par hasard. Et c'était également entièrement vrai que j'avais décidé de passer... Même si je l'avais décidé bien avant de prendre le volant. En somme, cela n'était pas vraiment un mensonge, simplement une interprétation différente de la réalité qui était bien plus facile à avouer que "je ne peux pas me passer de toi, et j'étais pas loin d'en devenir fou". Surtout quand on a terriblement peur que la personne en face décide d'une rupture nette et définitive avec notre personne. „Nolan ?“ Voilà, je le savais, je n'aurais pas dû venir... A tous les coups, elle attendait quelqu'un d'autre, et elle allait me dire de repasser une autre fois. Pourquoi avais-je cru que tout se passerait comme d'habitude ? Il fallait que j'arrête de la traiter comme si elle m'était acquise... Je devais tout reprendre à zéro. La reconquérir. Avant qu'elle ne me remplace. Et, non, comme vous le devinez, je n'avais pas du tout remarqué sa tenue et ses cheveux mouillés témoignant qu'elle ne comptait sûrement pas inviter qui que ce soit ce soir, j'étais bien trop occupé à penser à ma petite personne pour ça. „Non du tout… je suis seule.“ Tâchant de cacher au mieux mon soulagement, je hochais la tête simplement, avant d'ajouter avec un demi-sourire, honnêtement mais... incroyablement stupidement : „Je sais.“ Bordel... Mais POURQUOI diantre est-ce que j'avais dit ça, moi ? Une chance qu'elle semblait ne pas l'avoir relevé. N'aurait plus manqué que je doive lui expliquer que sa petite soeur m'avait rencardé. Rien de tel pour passer pour un idiot. „Vas y entre.“

Je m'étais donc exécuté, posant une main sur sa taille assez automatiquement pour déposer une bise fantomatique sur sa joue avant de me diriger droit au porte-manteau, habitué des lieux... J'y avais déposé ma veste alors qu'elle s'enquérait : „Tu veux boire quelque chose ?“ „Volontiers.“ acquiesçai-je aussitôt, priant pour qu'elle me propose quelque chose de fort tout en me dirigeant naturellement vers la cuisine. L'expression "faire comme chez moi" aurait pu s'appliquer assez justement à la situation, puisque j'avais vécu ici, sauf que je me sentais tout de même aussi nerveux que le soir d'un premier rendez-vous, ce qui rendait la tâche un peu périlleuse. Évoluer à la fois avec aise et retenue... Sacré mélange. Car étrangement, je n'arrivais plus à me sentir vraiment à ma place, dans ce décor qui avait pourtant été la toile de fond de ma vie pendant un bon moment. J'ouvris d'ailleurs le premier placard du haut pour en sortir deux verres, sans devoir même réfléchir une seconde à leur emplacement, qui n'avait pas changé. J'avais beau savoir où se trouvait chaque chose et connaître chaque recoin de cette maison, mes gestes restaient calculés et je conservais une forme de distance avec cet environnement familier à présent devenu un peu hostile. J'ignorais quand était la dernière fois que j'avais mis les pieds ici, d'ailleurs. „Vous avez repeint la cuisine ?“ demandais-je au bout d'un léger temps, pour meubler. Question complètement stupide, cela dit, car la réelle chose que j'aurais voulu demander aurait été "qu'est-ce qui a changé ?" Ou plutôt... "Avons-nous fini par changer ?" Pour ma part, j'en doutais. Mais en ce qui la concernait... Je n'étais plus sûr de rien. Avait-elle fini par comprendre qu'elle pouvait très bien vivre sans moi, et que son monde ne s'arrêterait pas de tourner ? Mon regard se planta dans un point imaginaire tandis que je résistai à me bouffer la lèvre. „Ça faisait longtemps que je ne t'avais plus vue avec ce tee-shirt.“ J'esquisse un sourire, dont le rictus se fait légèrement nostalgique, avant de me mettre à remonter consciencieusement les manches de ma chemise. C'est seulement pour garder une contenance. Pour m'occuper les mains un moment... Alors qu'en réalité, j'aurais envie de faire tout autre chose de mes dix doigts, à cet instant. Mais je ne dois pas y penser. Pour l'heure, j'ai trop peur d'en souffrir.

Il savait, comment ça il savait ? Non elle devait faire erreur il ne pouvait pas savoir. Comment aurait-il pu savoir ? Nolan devait dire cela par rapport à sa tenue, elle le savait elle n’aurait jamais du mettre un truc pareil même si c’était une tenue normale vu qu’elle était chez elle et qu’elle ne comptait pas en sortir. Mais voilà Mischa en concluait que pour le jeune homme cette tenue était le résultat d’une solitude profonde. Merde elle aurait du porter autre chose, une robe courte et fendue ? Non quel horreur ! A peine une minute qu’il était planté devant elle et voilà que la jolie blonde perdait déjà la tête. Invitant le jeune homme à entrer, elle se décala quelque peu de la porte d’entrée le laissant passer alors que ce dernier posait sa main sur la taille de la jeune femme qui face à ce geste aurait été capable de lui sauter littéralement dessus. Les femmes et leurs pulsions ! Si elle se tenait loin de Nolan ce n’était pas pour rien, c’était pour éviter ce genre de penser. Depuis quelques temps maintenant ils ne se voyaient plus qu’avec leur groupe d’amis, Mischa avait préféré mettre une certaine distance entre eux pour éviter de souffrir davantage. Avec Nolan ils partageaient quelque chose, quelque chose d’unique. Elle l’aimait, réellement et pourtant malgré ses sentiments elle n’arrivait pas à le garder. Ils finissaient toujours par rompre, avant elle réussissait à supporter ses situations qu’ils avaient crée tout les deux mais depuis quelques mois ce n’était plus possible. Mischa était fatiguée par cette situation, fatiguée de leurs ruptures, de leurs ébats d’une nuit, de leurs éloignements puis de leurs rapprochements. Ils n’avaient plus vingt ans, en tout cas elle n’avait plus vingt ans dans sa tête. Elle avait besoin de plus, d’une vraie relation, d’un engagement, un vrai. Pourtant alors qu’elle refermait la porte derrière Nolan, l’observant poser sa veste sur le porte manteau, geste qu’il avait fait des milliers de fois, elle aurait pu se laisser aller à une nouvelle nuit avec lui sans aucunes promesses… mais cette pensée devait quitter son cerveau rapidement. Suivant le jeune homme qui était ici comme chez lui, ce qui est logique finalement, elle avança jusqu’à la cuisine. Nolan ouvrit un placard se chargeant de leur prendre deux verres tandis que la jolie blonde se rendait vers le frigidaire, l’ouvrant avant de se tourner vers Nolan. Elle posa son regard sur les murs de la cuisine, elle avait presque oublié cette nouvelle peinture. « Ah oui ! J’en avais un peu marre d’avoir la même couleur depuis… toutes ces années. D’ailleurs je pense qu’on ne va pas tarder à refaire le salon, enfin si on peut. » Mischa parlait très souvent au pluriel lorsqu’il s’agissait de la maison, elle y incorporait toujours ses trois frères et sœurs qui vivaient toujours ici. Cependant il était clair qu’elle paierait toute seule les travaux, ou presque. Lily avait quelque peu aidé pour la cuisine grâce un petit job qu’elle avait dégoté mais Mischa tenait à payer les travaux elle-même, comme toute mère l’aurait fait. La jolie blonde sortir de ses pensées en entendant Nolan, elle referma la porte du frigidaire un peu violement puisque quelque bouteilles s’entrechoquèrent. Etait-il obligé de dire une telle chose ? Ce n’était rien, presque rien. Une simple constatation. Il avait raison, cependant ce tee-shirt lui rappelait pas mal de souvenir, et pas seulement le concert croyez moi ! « C’est vrai… faut dire que je le porte que très rarement à l’extérieur. » Elle se pinça les lèvres trouvant sa réponse bien pire que la question du jeune homme. Passant une main dans ses cheveux elle reprit la parole. « Un whisky peut être ? » Finalement il était préférable de boire quelque chose de fort et non de chercher un soda quelconque dans ce frigidaire.

Pourquoi diable est-ce que je stressais comme ça, au point d'en arriver à poser des questions sur le papier peint ? Ça ne me ressemblait vraiment pas, moi qui me fichait de tout, moi si détaché, qui semblait toujours au dessus de tout et qui, même contrarié la minute d'avant, pouvant afficher un air radieux l'air de rien l'instant d'après tant je ne semblais pas attacher la moindre importance aux futilités. Mais voilà que la couleur des murs m'intéressait soudain. Prochaine étape, lui demander si elle avait changé la moquette de la chambre... Là, on aurait vraiment touché le fond. „Ah oui ! J’en avais un peu marre d’avoir la même couleur depuis… toutes ces années. D’ailleurs je pense qu’on ne va pas tarder à refaire le salon, enfin si on peut.“ Je laissais passer un grognement entre mes lèvres, vaguement approbateur, sans relever plus avant. Je n'étais pas venu pour parler décoration. A vrai dire je ne savais pas bien pourquoi j'étais venu, je savais simplement que discuter de la couleur des nouveaux rideaux avec elle ne m'aurait clairement mené à rien, c'est pourquoi je décidais de rester muet, et d'embrayer sur autre chose, après l'avoir légèrement détaillée. Son tee shirt. C'est stupide, mais c'est le mieux que j'ai pu faire. En réalité, j'aurais envie de lui dire combien elle est belle, quelle que soit la tenue qu'elle porte et combien, à cet instant, j'ai envie de la prendre dans mes bras. Je n'en ai cependant pas le droit. Pas sans qu'elle ne m'y ait invité, surtout après une si longue période où elle semble avoir décidé de m'ignorer. Je ne dois pas en faire qu'à ma tête, pas cette fois. J'ai trop peur de faire un faux pas et qu'elle m'échappe... Définitivement. „C’est vrai… faut dire que je le porte que très rarement à l’extérieur.“ Me répond elle alors, visiblement tout aussi gênée par mon allusion que moi par la sienne. A l'extérieur... C'est vrai que je n'ai plus été avec elle à l'intérieur depuis un moment - bien trop long, si vous voulez mon avis, mais je me garde bien d'en faire état. Je me contente de déglutir très légèrement en tâchant de faire comme si tout était normal, esquissant un sourire entendu. Quelque part, je l'ai mérité. „Un whisky peut être ?“ „Volontiers,“ je répète, comme si c'était la seule chose que je sais dire, avant de lui faire signe que je vais chercher la bouteille en désignant le salon de l'index. Comme toujours, l'alcool se trouve dans le buffet, là où sont rangées toutes les boissons alcoolisées. Cela n'a pas changé. Quelque part, cela me rassure, mais je ne sais pas vraiment expliquer pourquoi. Je récupère donc la bouteille après avoir examiné l'intérieur du placard avant de revenir. „J'arrive pas à croire qu'elle ne soit toujours pas finie,“ j'entonne, me souvenant que c'est ensemble que nous avions acheté et ouvert cette bouteille, il fut un temps... Le tout avant de froncer les sourcils, soudain, et de compléter : „Enfin, d'un côté, c'est normal, vous n'êtes pas des alcooliques...“ Je hausse les épaules, un peu gauchement. Comme si c'était réellement utile de préciser ça... Je laisse un soupir un peu excédé dépasser mes lèvres avant de secouer la tête pour moi-même. J'agis vraiment comme un idiot, et j'ai les mains qui tremblent. Je pose la bouteille sur le plan de travail pour la laisser nous servir avant de caler le bas de mes reins contre le meuble dans mon dos, et croiser les bras sur ma poitrine. „C'était pour quoi, déjà ? Thanksgiving ?“ Tout est bon pour changer de sujet, même si faire remonter nos souvenirs communs n'est peut être pas la meilleure chose à faire. C'est déjà assez dur de me tenir là et contempler tous les moments que j'ai gâché, sans en plus avoir à me rappeler une fois de plus tout ce que j'ai perdu... Et je ne veux pas la perdre, elle. „Je ne suis pas l'homme que tu voudrais que je sois, hein ?“ Ça a fini par dépasser mes lèvres, sans crier gare, là, comme ça, sans préambule ni préméditation, et cela ne sonne pas du tout comme je l'aurais voulu. C'est âpre, amer, et sur la fin, ma voix s'est légèrement brisée, gonflée par la mélancolie. J'évite soigneusement son regard tandis que je serre un peu plus mes bras contre mon torse. Je ne suis pas quelqu'un de bien, je le sais... Mais j'ai terriblement peur de l'entendre me le dire. Dans sa bouche, cela deviendrait bien trop réel, la confirmation de toutes mes craintes et de mon profond déni, pendant toutes ces années, d'avoir pensé que je pourrais changer. Je sais qu'elle m'a toujours rendu meilleur, et, si elle m'abandonne, alors je n'ai plus le moindre espoir de le devenir... Sans elle, je ne suis qu'une cause perdue de plus.

Mischa comprenait à présent pourquoi elle évitait de se retrouver seule avec Nolan. Ils étaient tout les deux loin de l’autre, chacun d’un bout à l’autre de la pièce comme ci ils ne pouvaient pas être trop près au risque que cela dérape. La jolie blonde avait envie d’être à ses côtés, glisser ses doigts contre sa peau, sentir son souffle contre elle… si ils en étaient là tout les deux c’était par sa faute, quoi que non en y réfléchissant ils étaient tout les deux en tord. Ils étaient incapable d’avoir une relation comme le commun des mortels, si avant Mischa se contentait de cette relation sans trop en souffrir ce n’était plus le cas depuis quelques temps. Elle en avait marre, elle voulait se poser, avoir une vraie vie d’adulte. Son horloge biologique tournait un peu trop vite à son goût ! Nolan était et serait toujours l’homme de sa vie, elle en était convaincue puisqu’il n’y avait qu’à ses côtés qu’elle était pleinement heureuse, épanouie, rassurée, apaisée… Parfois l’amour ne suffisait pas, c’était apparemment leur cas. Ils en étaient arrivé à parler décoration, dans un autre contexte peut être que ça aurait été un sujet possible de conversation mais ça faisait quelque temps qu’ils ne s’étaient pas retrouvé tout les deux et franchement ils auraient pu parler d’autre chose ! Proposant un verre de whisky spontanément, tentant de changer de sujet et pourquoi pas de détendre cet atmosphère assez étrange. La réponse de Nolan fut toute aussi rapide que l’idée de la blondinette, se dirigeant vers le salon pour aller chercher cette fameuse bouteille laissant Mischa seule quelques instants dans la cuisine. Le temps pour elle de poser sa main dans ses cheveux tout en soupirant, secouant la tête pensant alors qu’elle était vraiment bête et qu’il était temps qu’elle redevienne Mischa, simplement Mischa. Relâchant ses mains contre son corps elle inspira un bon coup avançant dans la cuisine alors que le jeune homme revenait avec la bouteille. Souriant face à la remarque de Nolan, elle posa son regard sur la bouteille avant de relever le regard vers ce dernier qui reprenait la parole. « J’ai surtout l’impression que les jeunes n’ont que le mot vodka en tête ! Au moins nous sommes sûrs que personne ne touche à notre bouteille. » Hormis peut être Solan qui était susceptible de boire du whisky lors de ces passages à la maison, les plus jeunes ne semblaient pas être attiré par ce doux nectar à moins que Mischa ne soit pas au courant de tout. La jeune femme s’en moquait de toute manière, elle avait été jeune, avait fait des conneries et encore aujourd’hui elle était très mal placé pour faire des remarques à ses sœurs et son frère puisqu’elle avait toujours sa bande d’ami à ses côtés avec qui elle passait du bon temps. La seule chose qu’elle demandait aux derniers de la famille c’est qu’ils ramènent de bonnes notes, qu’ils soient respectueux et qu’ils n’atterrissent pas au commissariat. Il y avait pire ?! « Oui exact. » Elle sourit pour elle même, se rappelant cette soirée. « Si je me souviens bien, on avait arrêté de descendre cette bouteille car on faisait honte à Ailynn et Ayden ! » Il était possible que ce soir là il y avait eu un ou deux verres en trop, et qu’ils avaient mit un peu plus d’ambiance que prévu à ce repas. Se rappelant d’un ou deux fou rire assez mémorable. La belle époque ! Haussant les épaules en y repensant elle se dirigea vers le placard sortant deux verres à whisky évidemment, hors de question de servir cet alcool dans un verre à la con. Alors qu’elle se retournait vers Nolan déposant les deux verres sur le plan de travail, elle entrouvrit la bouche face aux paroles du jeune homme. Sentant son cœur se serrer, ne comprenant pas pourquoi il disait ceci et surtout pourquoi il pensait une telle chose. Elle se pinça le bord de la lèvre se rapprochant de lui, déposant sa main doucement contre son bras elle tenta de capturer son regard ne voulant pas qu’il le baisse ainsi, pas devant elle, pas après tout ce qu’ils avaient vécus. « Ne dis pas ça… je t’aime comme tu es Nolan, je ne veux pas que tu deviennes quelqu’un d’autre. » Bon sang que c’était insupportable de ne pas pouvoir être encore plus proche de lui à cet instant, elle avait envie d’être plus affectueuse, de pouvoir goûter à nouveau à ses lèvres mais ce n’était pas possible. Elle retira doucement sa main reculant d’un pas avant de dire « c’est plus compliqué que ça… tu le sais. »

Cela fait longtemps que je ne me suis pas senti comme ça, comme si soudain, je sentais le poids de la réalité peser sur mes épaules, comme une entité palpable. Il m'en faut d'habitude peu pour passer à autre chose, ou pour oublier, peu enclin que je suis à me laisser aller à l'abattement ou au désespoir. Dans le pire des cas, un peu de drogue et hop, la vie est plus fun. Mais ce soir, je suis clean. Et ce soir, la peur me tord les entrailles. Je suis rarement resté aussi longtemps loin d'elle, sans avoir un mot ou un regard d'elle, sans la toucher, et pourtant... Si je n'étais pas venu, ce soir, qui sait quand aurait été la prochaine fois ? Y en aurait même eut-il une ? Je n'en avais pas la moindre idée, même si le fait qu'elle ne m'ait pas repoussé à mon arrivée était, en soi, plutôt encourageant. Elle ne voulait pas me sortir de sa vie, en tout cas pas complètement... Ce qu'elle voulait de moi, au fond, je le savais bien, mais j'avais peut être besoin qu'elle me le rappelle encore une fois. Peut être que son éloignement soudain serait l'électrochoc qui me ferait enfin comprendre son point de vue, voir même, avec un peu de chance, l'accepter. Mais je n'étais pas vraiment sûr d'être prêt, à m'engager sur du long terme, et devenir quelqu'un de fiable à 500%... Pas du tout, même. Sinon, ça faisait longtemps que j'aurais décroché et je savais, tout au fond de moi, que ce serait quasiment mission impossible. Alors, en attendant, je lui faisais la conversation, repoussant le moment inévitable où j'allais craquer et l'implorer de me reprendre quel que soit son prix. „J’ai surtout l’impression que les jeunes n’ont que le mot vodka en tête ! Au moins nous sommes sûrs que personne ne touche à notre bouteille.“ Répliqua-t-elle suite à mes considérations sur le breuvage que nous nous apprêtions à partager. „Vodka, c'était pas le nom que Solan voulait donner à ce vieux chat errant qu'il avait trouvé dans la rue, parce qu'il titubait quand il marchait ?“ Je souris brièvement à la pensée que j'aurais pu nommer le chat sans nom qui crashait régulièrement chez moi "Ecstasy", vu comment il avait l'air perché. Non... Même pour moi, c'était une idée trop stupide, définitivement. „Si je me souviens bien, on avait arrêté de descendre cette bouteille car on faisait honte à Ailynn et Ayden !“ Continua-t-elle, et je souris largement en me remémorant notre état... Pour le moins mémorable. Ah, l'époque où on essayait encore d'avoir l'air respectable devant les plus jeunes, mais n'y parvenait pas toujours... Je me souvenais clairement combien je me sentais bien à ce moment là, et sûrement plus proche que je ne l'avais jamais été de la stabilité et du bonheur. Pourtant, ça avait fini par se terminer, un peu par la force des choses. Les enfants qui grandissaient... Et moi qui, définitivement, stagnait, incapable de me projeter dans l'avenir comme Mischa aurait voulu que je le fasse. J'essayais d'effacer ce sombre constat de ma mémoire, préférant me concentrer sur la légèreté de notre échange... On aurait pu continuer comme ça longtemps, à se rappeler des anecdotes et à en rire... Mais, non. Il avait fallu que je l'ouvre. Au fond de moi, je ne regrettais pas vraiment de l'avoir fait. Juste la façon dont c'était sorti, et qui me laissais comme un con, là, à me montrer vulnérable face à l'une des seules personnes devant laquelle j'aurais voulu constamment me montrer fort.

Je vis, du coin de l'oeil, que je l'avais troublée, à sa manière de se pincer la lèvre, comme elle le faisait quand elle ne savait pas quoi répondre. J'aurais voulu lui dire d'oublier ce que je venais de dire, mais c'était trop tard. Je me contentais donc d'attendre que le moment passe. La sentant se rapprocher, et poser sa main sur mon bras, je relevai le regard vers elle tandis qu'elle prononçait d'une voix posée : „Ne dis pas ça… je t’aime comme tu es Nolan, je ne veux pas que tu deviennes quelqu’un d’autre.“ Mais être avec moi, comme j'étais, n'était visiblement pourtant pas non plus la solution. „C’est plus compliqué que ça… tu le sais.“ „Dis moi ce que tu veux, alors.“ M'entendis-je répondre d'un ton plus faible, m'apprêtant à saisir ses doigts quand elle les retira. Je laissais ma main retomber le long de mon corps tandis qu'elle se reculait. J'aurais mieux fait de prendre le verre qu'elle venait de déposer sur le plan de travail et de l'ingurgiter au lieu de lâcher ça, mais j'avais trop besoin d'elle. J'aurais fait n'importe quoi pour la retrouver. Pour que tout redevienne comme avant, en tâchant de ne pas répéter les erreurs du passé. „Tu sais que je t'aime,“ commençai-je d'une voix qui se fit plus intense, même si de moins en moins assurée, „et que sans toi, je...“ J'ouvris la bouche avant de la refermer aussi sec, incapable de continuer. Je n'étais vraiment pas doué pour exprimer mes sentiments. C'était un problème que j'avais toujours eu, et que j'aurais certainement toujours. Pourtant, je voulais essayer, une fois de plus. Je voulais qu'elle sache combien la vie me semblait vide quand elle n'était pas à mes côtés pour la vivre avec moi. Attrapant finalement le verre qu'elle m'avait servi, je le descendis avant de combler la distance qui nous séparait. Encadrant délicatement son visage de mes mains, je repris, avec plus de confiance cette fois : „Écoute. Je ne suis pas venu juste pour qu'on... Tu sais, fasse ce qu'on fait quand je viens d'habitude...“ Je vais pas vous faire un dessin, hein. „Je veux juste savoir si... Non. J'ai besoin de savoir... Si on va encore quelque part, tous les deux.“ Je me retins de déglutir péniblement pour préciser ma pensée : „Si tu veux encore qu'on... Aille quelque part ensemble.“ Où, ça, en revanche, je n'en savais trop rien. Il ne fallait pas trop m'en demander d'un coup, non plus. C'était déjà bien, en un sens, que je sois sûr de mes sentiments au point de risquer une désillusion terrible en m'ouvrant ainsi. „Car moi, oui, je le veux.“ Et si ces trois mots avaient un jour représenté quelque chose pour moi, c'était bien quand je les avais prononcés devant l'autel pour elle. Résistant à l'envie impérieuse de me pencher pour l'embrasser, j'ajoutais dans un murmure : „C'est toi, Mischa. Ça a toujours été toi.“ Pour le meilleur et pour le pire...

Hochant la tête de façon affirmative, se rappelant de ce fameux chat et du prénom qu’avait trouvé Solan pour ce dernier. Un souvenir de plus qui s’ajoutait à leur longue liste des souvenirs communs. Ils se connaissaient depuis longtemps, assez pour ne plus compter les années, ils avaient vécu tellement de chose ensemble, tellement de bons comme de mauvais souvenir qu’on pouvait penser qu’ils avaient déjà tout vécu sauf qu’aujourd’hui ils n’étaient pas plus avancé qu’il y a quelques mois, un an, cinq ans, dix ans… ils en étaient toujours au même stade. Ça avait toujours été ainsi, compliqué et simple à la fois. Compliqué puisque le jeune homme n’avait pas toujours été prêt pour l’engagement et même lorsqu’ils étaient mariés lui n’avait pas tenu bien longtemps. Simple parce qu’ils s’aimaient et que l’amour était plus fort que tout, ou presque. Mischa était perdu, c’était sûrement la première fois dans leur histoire qu’elle était paumée comme l’avait été si souvent le jeune homme. La jeune femme était quelque peu fatiguée par tout ceci, par cette histoire qui ne semblait menée à rien à part à des ruptures à répétition, un manque d’engagement certain de la part de Nolan et des sauteries de temps à autre ! Evidemment quand le jeune homme lui demanda si elle pensait qu’il n’était pas l’homme qu’elle voulait qu’il soit elle refusait d’en attendre davantage. Lui indiquant qu’elle l’aimait comme il était, sans aucune honte pas après tout ce temps. C’était bien plus compliqué que cela, il le savait et c’était pourquoi elle recula ne voulant pas espérer plus que ce qu’il avait à lui offrir. Haussant les épaules l’air de lui dire qu’il savait déjà ce qu’elle voulait, devait-elle encore une fois en parler, prendre les devants pour finalement tomber de haut en comprenant que lui ne pouvait pas lui donner plus que cette relation étrange qui les retenait l’un à l’autre pourtant. Se posant contre le plan de travail elle sentit son cœur s’emballait alors qu’il lui disait à son tour qu’il l’aimait. Oui elle le savait, souriant timidement elle aimait entendre ce genre de chose et ne pourrait jamais sans lasser. Arquant un sourcil elle voulait connaître la suite au lieu de le voir fermer sa bouche, encore une fois il était incapable d’aller au bout de sa pensée. Nolan avait toujours été ainsi, il avait du mal à exprimer ses sentiments elle s’y habituait difficilement comme toutes les femmes ! « Tu quoi ? » Mischa se montrait pressée, elle voulait qu’il aille au bout de sa pensée et ne voulait pas rester sur sa fin. Après tout la jolie blonde avait besoin de savoir ce que lui pensait de tout ceci également. Soupirant légèrement elle leva les yeux alors qu’il avalait le verre qu’elle lui avait servit, ce n’était pas le moment de boire à moins qu’il veuille oublier ? Une fois ce verre descendu  rapidement il avança vers elle, mettant fin à la distance entre eux. Son cœur manqua un battement alors qu’il encadrait le visage de Mischa à l’aide de ses mains. C’était foutu, elle était foutue ! Mischa était incapable de lui résister, ce contact anodin lui procurait déjà une sensation que seul Nolan était capable de déclencher en elle. Si cette situation ne l’avait pas autant déstabilisé elle aurait certainement sourit à la remarque du jeune homme qui clarifiait les choses en indiquant qu’il n’était pas venu juste pour une partie de jambe en l’air ! Nolan avait besoin de savoir où ils allaient tout les deux, si elle voulait encore continuer car lui le voulait. Mischa était prête à le suivre au bout du monde si il le fallait mais elle ne pouvait s’empêcher de se poser les mêmes questions, celles qui avaient mit fin à tout enfin fin était un grand monde la preuve ! Si ils continuaient à aller quelque part ensemble ça voulait dire qu’ils allaient coucher ensemble pour satisfaire cette obsession commune, faire comme ci de rien était devant les autres, remettre le couvert une seconde fois le lendemain et ainsi de suite… ou aller quelque part ensemble c’était être à nouveau un couple, soudé et solide ? Nolan lui indiquait que c’était ce qu’il voulait, mais quoi ? Son cœur s’accélérait, sa poitrine gonflait sous son tee-shirt face à tout ce stress naissant. Avait-elle l’air d’une ado ? Le regard posé dans celui de Nolan elle écouta ses dernières paroles, magique ! Fermant quelques secondes les yeux elle se rappelait ses mots, c’était plaisant de savoir que ça avait toujours été elle. Ouvrant ses yeux elle prit la parole, que pouvait-elle dire ? « Tout comme ça a toujours été toi, ça sera toujours toi d’ailleurs mais… ça veut dire quoi exactement aller quelque part ensemble ? Si c’est pour qu’on continue encore et toujours la même histoire ce n’est pas ce que je veux Nolan. Je ne suis pas malheureuse avec toi mais cette situation ne me convient plus… tu entres et sors dans ma vie comme bon te semble, tu sais en plus que je suis incapable de te résister ! » Mischa n’avait pas honte de ses propos, de dire la vérité, pourquoi devrait-elle avoir honte ? Pour se protéger peut être, mais franchement ce n’était un secret pour personne Nolan était sa drogue et elle ne pouvait se refuser à lui. « Tu me manques, devoir t’éviter ça me bouffe parce que tu fais parti de ma vie. Mais si tu sais que des demain tu ne seras pas capable de supporter notre relation, que tu sais que tu vas vouloir fuir, vivre autre chose… dans ce cas s’il te plaît n’insiste pas, je ne supporterais pas que tu t’éloignes une nouvelle fois. Si tu y crois autant que moi alors te pose pas de question, fonce et embrasse moi ! » C’était quitte ou double, un coup de poker mais que lui restait-il ?

C'était comme si, quelque part, tout aurait dû nous éloigner, mais que nous ne pouvions pas nous empêcher de toujours se retrouver. C'était sûrement un coup du sort, sinon comment expliquer cette symbiose entre deux êtres si différents, ce lien qui, si il s'étirait et s'emmêlait, n'avait jamais cassé ? Elle, si calme, si mûre, si confiante dans l'avenir... Et moi, si instable, si irresponsable, incapable de me projeter. Nous étions comme le yin et le yang : deux parties d'un même tout. Indubitablement, nous nous complétions. Elle était capable de faire ressortir tout ce qu'il y avait de bon en moi, tandis que je lui offrais ce frisson dans l'existence dont tout un chacun avait besoin pour se sentir exister... Ensemble, nous formions un équilibre, certes précaire, certes fluctuant, et parfois, tout ne se passait pas comme prévu. Il y avait les disputes, les fuites, les doutes... Mais aussi les réconciliations, les retours, et cette étrange certitude que malgré tout, tout irait bien, tant que nous étions tous les deux... C'était peut être ça, l'Amour. L'incomplétude dans l'absence. „Tout comme ça a toujours été toi, ça sera toujours toi d’ailleurs mais… ça veut dire quoi exactement aller quelque part ensemble ? Si c’est pour qu’on continue encore et toujours la même histoire ce n’est pas ce que je veux Nolan. Je ne suis pas malheureuse avec toi mais cette situation ne me convient plus… tu entres et sors dans ma vie comme bon te semble, tu sais en plus que je suis incapable de te résister !“ Ah, si seulement j'avais pu être capable de lui traduire tout cela en mot, tout ce que je ressentais, ce marasme de sentiments qui se bousculaient dans ma poitrine et dans ma tête, dans une si complexe alchimie... Malheureusement, c'était clairement hors de ma portée. Je n'étais pas Shakespeare, je n'étais que Nolan Buckley, l'homme qui s'imaginait réaliser des films car il se sentait à l'aise caché derrière une caméra pour faire parler des images et donner de l'émotion à une scène grâce à de la musique et de bons jeux d'acteur. Mais me livrer à coeur ouvert... Ça, ce n'était pas moi. Cela ne serait jamais moi. Même si, ce soir, j'avais tout donner pour essayer d'être cet autre qui, lui, aurait su se mettre à nu pour la femme qu'il aimait (autrement que littéralement, s'entend) comme elle le faisait à présent, me laissant pantois, et tremblant. „Tu me manques, devoir t’éviter ça me bouffe parce que tu fais parti de ma vie. Mais si tu sais que des demain tu ne seras pas capable de supporter notre relation, que tu sais que tu vas vouloir fuir, vivre autre chose… dans ce cas s’il te plaît n’insiste pas, je ne supporterais pas que tu t’éloignes une nouvelle fois.“ Une main toujours sur sa joue, je me frottais la tempe, réfléchissant intensément à ce que je pourrais bien lui répondre, le coeur serré. Je ne pouvais plus lui faire de promesses. Je lui en avais déjà trop faîtes que je n'avais pu tenir... Alors comment lui prouver que j'étais sincère, que j'étais vraiment déterminé à changer, et à faire les choses biens, pour une fois ? Que je ne comptais pas abandonner... Je n'en avais aucune traître idée. Mes pensées refusaient de s'ordonner et la seule chose qui se répercutait dans mon crâne était le bruit étouffé de mon coeur frappant furieusement contre la paroi de mes artères intra-crâniennes.

Heureusement, elle m'offrit a chance que j'attendais pour me sortir de cette douloureuse impasse. La solution rêvée. La chose que j'attendais le plus au monde depuis que j'avais posé le pied dans cette baraque. „Si tu y crois autant que moi alors te pose pas de question, fonce et embrasse moi !“ Ne plus réfléchir, et l'embrasser. Oui, j'en crevais d'envie. Depuis que j'étais entré, j'étais obligé de détourner le regard de ses lèvres pour ne pas me sentir tenté... Et elle m'y invitait. Enfin. Mon coeur aurait pu en exploser sur le champ, vu la hausse de pression artérielle que cette perspective avait déclenché... Pourtant, je m'intimais au calme en prenant une grande inspiration. Un sourire, bien qu'un peu triste, étira alors mes lèvres tandis que je prononçai : „J'ai trop agi sans réfléchir.“ C'était un fait. Je n'avais fait que ça, aller au gré de mes instincts, lui faisant subir mes sautes d'humeur et mon caractère difficile, sans réfléchir, sans songer au mal que je lui faisais... Foncer, et regretter ensuite, c'était un peu l'histoire de ma vie. Une histoire qui avait eu tôt fait de tourner au drame quand les choses avaient commencé à se déliter autour de moi. Me retenant de déglutir, je poursuivis, le plus calmement possible, mes doigts caressant machinalement sa joue : „Quand je suis parti, et quand j'ai cru qu'un divorce serait ce qu'il y avait de mieux pour nous... Je me trompais.“ Un aveu difficile, mais que je lui devais. Oui, je reconnaissais clairement que depuis lors, ma vie n'avait plus réellement eu le même sens, même si c'était dur à admettre. „Je n'en ai fait qu'à ma tête, je suis allé trop vite, et... Aujourd'hui je le regrette. J'ai fait trop d'erreurs, car je suis un idiot.“ Expirant profondément, j'extirpai ma dernière phrase de ma gorge dans un murmure un peu tremblotant : „C'est pour ça que je veux que tu saches que... Ceci est un geste tout à fait réfléchi.“ Le regard pétillant, je me penchais finalement pour venir cueillir ses lèvres, tâchant de retenir l'impatience qui bouillait dans mes veines d'enfin retrouver le goût de sa peau. Dans la manœuvre, mes paupières s'étaient fermées... Comme pour un premier baiser. Un baiser qui scellait, je l'espérais, un renouveau, ou plutôt, un nouveau départ... Mais aussi, et j'en étais conscient, ma dernière chance.

L’amour était un sentiment fort et dangereux. Dans le cas de la jolie blonde il pouvait l’être puisqu’elle était éperdument amoureuse de Nolan. Cet amour était dangereux pour la jeune femme parce que ce sentiment si fort vivait en elle, il coulait dans ses veines et il rythmait les battements de son cœur. Mischa croyait en l’amour, elle avait besoin de croire en ce sentiment puisque sans un tel sentiment elle finirait par croire que rien n’avait de sens. L’institutrice n’était pas née pour élever ses frères et sœurs, rater son premier mariage puis passer d’un homme à un autre en attendant qu’un jour quelqu’un veuille bien d’elle. Mischa était née pour être mère, ça semblait sûrement simple, trop simple pour les personnes de cette génération sans attache mais pas pour elle. La jolie blonde voulait être mère, elle voulait former une famille et agrandir le clan Miller. Cet homme était Nolan, ou peut être pas. Finalement peut être qu’elle avait tout faux depuis le début, peut être qu’ils s’aimaient réellement mais qu’ils n’étaient pas fait pour être définitivement ensemble. L’homme de sa vie, le père de ses enfants était peut être ailleurs et elle ne voulait pas perdre davantage de temps, elle ne voulait pas car cette situation la fatiguait réellement. Aimer Nolan était la plus belle chose qui lui soit arrivée mais c’était aussi de plus en plus difficile à gérer pour cette femme amoureuse de l’idée d’être mariée et mère de famille. Son horloge biologique sonnait ! Mischa voulait qu’il choisisse, qu’il fasse un choix maintenant et non qu’il joue avec ses sentiments. La situation n’était facile pour aucun des deux mais la jeune femme voulait se montrer égoïste à présent et penser à elle, à ce qu’elle ressentait et ce que provoquait en elle les faux espoirs de Nolan. Cette situation de « fuis moi je te suis, suis moi je te fuis » avait assez duré, elle avait laissé faire le temps et le destin ne souffrant pas forcement de cette situation mais aujourd’hui ce n’était plus possible. Depuis leur dernière séparation en date, Mischa refusait tout contact jugé : trop proche, par peur de lui tomber à nouveau dans les bras. Ce n’était un secret pour personne, Nolan n’avait pas besoin de la supplier bien longtemps, un regard, un mot doux et elle retombait systématiquement dans ses bras. Depuis cette séparation ils se voyaient quasiment à chaque fois avec leur petite bande ainsi elle était sûre de ne pas déraper. Ils ne pouvaient pas continuer ainsi, ils ne pouvaient pas coucher ensemble, se faire des déclarations de temps à autre puis retourner vers d’autres personnes, faisant semblant de s’oublier mutuellement avant que l’un des deux ne revienne en suppliant l’autre de le reprendre. Mischa avait besoin à présent que Nolan prenne ses responsabilités, qu’il décide maintenant de qui il voulait être, de qui il voulait devenir et avec qui il voulait finir. C’était peut être trop tôt.

Mischa avait lancé cette phrase qui voulait tout dire, soit il l’embrassait et ils pouvaient tous deux espérer à un futur commun soit il restait à sa place et lui faisait ainsi comprendre qu’il n’était pas prêt. Si c’était le cas elle ne lui en voudrait pas, elle tenait bien trop à lui pour lui en vouloir de quoi que ce soit. Apercevant ce sourire quelque peu triste, elle baissa son regard l’espace de quelques secondes alors qu’il lui avouait avoir trop agit sans réfléchir.  Nolan était un homme qui suivait son instinct, quelque chose qu’elle avait toujours apprécié chez lui mais qui à présent leur causait du tort à tous les deux. Si leur relation en était là aujourd’hui c’était en grande partie à cause du caractère de Nolan, bien sûr Mischa avait également des torts elle n’était pas parfaite mais le jeune homme avait toujours été du genre à foncer avant de regretter, revenir en arrière, tout arrêter… elle avait énormément souffert de tout ceci, Neela et Sophia ne comptaient plus le nombre de fois où la petite blonde avait débarqué en pleure chez l’une et l’autre. Posant à nouveau son regard sur le jeune homme qui la replongeait dans le passé, lui rappelant alors leur divorce qui avait été une vraie surprise pour leur entourage. La jeune femme ressentit quelque chose, une sensation étrange, peut être un pincement au cœur. Leur mariage, ce rêve devenu un cauchemar lorsqu’ils en étaient arrivé à parler du divorce. C’était le genre de chose qui vous vaccinait à vie. Leur relation idyllique n’avait pas tourné en conte de fée, ils s’étaient retrouvés dans une vie qui n’était pas vraiment la leur surtout pour Nolan qui se retrouvait à la tête d’une petite fratrie. Mischa avait fait le choix d’élever ses frères et sœurs, un choix qu’elle n’avait jamais regretté même quand ce choix avait été une des raisons de leur divorce. Si ce rôle de « mère » lui avait convenu il était clair que Nolan n’était pas prêt pour être un père. Il disait s’être trompé sur leur divorce, Mischa n’en doutait pas et l’avait toujours su puisqu’ils avaient remis ça quelques temps après redevenant un couple avant de s’éloigner à nouveau, pour revenir plus tard l’un vers l’autre et ainsi de suite. Nolan et Mischa, une très longue histoire. Le jeune homme continua sur sa lancée, lui avouant regretter tout ceci, avoir fait trop d’erreurs et n’être qu’un idiot. La jolie blonde avait un regard plein de compassion, ne voulant surtout pas qu’il s’imagine ainsi, qu’il pense ainsi, elle refusait de le voir souffrir alors que plus d’une femme aurait voulu qu’il souffre également de cette situation. Ce n’était pas le cas de Mischa, ça ne le serait jamais. Puis sa voix se fit plus basse, tremblante et ses paroles déclenchèrent des battements de cœur plus intenses pour la jolie blonde qui comprit alors ce qui allait se passer. Fermant ses yeux au contact des lèvres de l’homme de sa vie, elle sentit son cœur s’accélérer rapidement, elle retrouvait cette sensation qui ne l’avait jamais quitté depuis le jour où elle avait gouté pour la première fois à ses lèvres. L’une de ses mains monta le long de la joue du jeune homme avant de passer dans sa chevelure, profitant de ce baiser, le rendant un peu plus intense et passionné. Elle refusait de le quitter, de s’éloigner ou de reprendre son souffle. Qu’importe ce qui allait se passer par la suite, des fautes qu’il commettrait peut être Mischa était incapable de lui résister. Quittant difficilement ses lèvres elle plongea son regard dans celui de Nolan. « Tu m’as manqué… terriblement manqué. » Mordillant le bas de sa lèvre inférieure, elle retira sa main des cheveux du beau brun, la posant sur son torse elle baissa quelques instants le regard avant de le relever vers lui. « Je ne veux pas que tu sortes à nouveau de ma vie, je ne le supporterais pas Nolan. Je n’aie jamais voulu te mettre au pied du mur ou t’imposer une quelconque pression mais là je le fais… parce que je ne le supporterais pas. » Mischa ne voulait pas retourner le couteau dans la plaie, ce n’était pas pour cela qu’elle lui disait tout ceci mais juste pour lui faire comprendre que si il n’était pas sûr de finir à ses côtés ou de péter à nouveau un câble elle préférait qu’il ne lui promette rien.

Un mélange de soulagement et d'ivresse se déversait en mon for depuis qu'il m'avait été accordé d'épouser de nouveau ses lèvres, de la sentir contre moi. Machinalement nos corps s'étaient rapproché et une de mes mains avait retrouvé le creux de ses reins. Plus aucune retenue n'était de mise. Enfin. Je pouvais laisser libre cours à ces gestes mécaniques qu'il m'avait fallu réprimer pour ne pas la brusquer, pour ne surtout pas la blesser en lui imposant mes envies... Chose que j'avais bien trop faîte. Il me semblait que la dernière fois remontait à une éternité, même si je savais bien que cela n'était pas réellement si long. C'était juste l'impression que j'avais à la simple pensée que j'aurais pu ne jamais plus les toucher. J'aurais voulu m'abandonner à cette caresse pendant des heures, mais Mischa ne m'en laissa pas l'occasion en s'arrachant à l'échange qui s'était fait de plus en plus ardent au fil des secondes. „Tu m’as manqué… terriblement manqué.“ Et moi donc, pensai-je, à bout de souffle, ayant bien du mal à me reconnecter à la scène, appelé que j'étais par ses lèvres pulsatiles entrouvertes dont je ne pouvais détacher mon regard. Je le fis pourtant lorsque je vis qu'elle n'avait pas terminé, scrutant la moindre micro-expression apparaissant sur ses traits fins, trahissant son incertitude. „Je ne veux pas que tu sortes à nouveau de ma vie, je ne le supporterais pas Nolan. Je n’aie jamais voulu te mettre au pied du mur ou t’imposer une quelconque pression mais là je le fais… parce que je ne le supporterais pas.“ Le désarroi dans ses paroles me touchait. Je réalisai à quel point je l'avais mise dans une situation insupportable en agissant comme je l'avais fait, même ce soir, en arrivant à l'improviste. Même si je faisais des efforts, je m’immisçais tout de même dans sa maison et dans ses bras sans trop lui en laisser le choix... Parce que je n'en pouvais plus. Parce que je ne voulais qu'elle. Parce que j'avais peur de la perdre, de passer à côté de quelque chose que je ne pourrais plus jamais retrouver. Dans un coin de mon esprit, je l'avais toujours su : j'agissais égoïstement. La plupart du temps je ne pensais qu'à l'instant présent. Il m'était trop difficile de me projeter, de prendre une nouvelle décision, et j'avais préféré vivre quelques instants précaires mais intenses avec qu'elle plutôt qu'on se remette ensemble trop vite et risquer que tout éclate à nouveau. Quelque part, mon attitude était un peu immorale puisque je profitais clairement d'une condition qui me satisfaisait... L'avoir elle sans m'exposer, moi. Sans prendre le moindre risque. Mais d'un autre côté, c'était également une façon de me protéger, et de la protéger elle aussi avec. Car ne rien lui promettre, c'était plus facile, pour mon intégrité mais aussi pour lui éviter les faux espoirs. Moins de déception possible. D'un certain point de vue, on y gagnait tous les deux, car aucun de nous ne crachait sur ces moments partagés... Mais cette fois, je me plaisais à croire que c'était différent. Je voulais que cela le soit. Pour la première fois depuis longtemps, j'y étais déterminé. Pour elle, oui, mais pour moi aussi. Pour nous, et aussi notre entourage proche que mon indécision affectait bien malgré moi.

Mes mains encadrèrent son visage alors que je rivai mon regard au sien, sans ciller. J'expirai un instant avant de me pencher pour déposer un léger baiser sur son front, l'attirant contre moi. Joue contre la sienne, je tournai un peu la tête pour cueillir le creux de son oreille de mes lèvres. „Je suis désolé.“ prononçai-je dans un murmure, resserrant mon étreinte machinalement. „Moi non plus, je ne veux pas te mettre au pied du mur. Je ne veux plus faire ça, arriver et obtenir tout ce que je désire... Parce que je suis ta faiblesse.“ Je déglutis un instant avant de venir poser mon front contre le sien. J'ai envie de lui dire que je ne veux plus être un poids pour elle. Que pour une fois, j'aimerais que ce soit elle qui décide, plutôt que de subir mes caprices. Au fond, si je suis si directif et si avare de fioritures, c'est pour cacher cette profonde insécurité et cette peur du rejet que je m'évertue à cacher. Deux aspects desquels je décide de faire fi pour, finalement, me mettre en première ligne lorsque je prononce, d'un ton un peu plus assuré, en reculant mon visage pour la regarder. „Mischa Sarah Miller... Mon Amour...“ J'ai un air un peu grave lorsque je prononce ce début de phrase, que je laisse en suspend quelques secondes sur le bout de ma langue. Mon coeur s'accélère tandis que je me mords la lèvre à mon tour, tâchant de retenir le sourire un peu incertain qui veut venir relever la commissure de mes lèvres et me donner un semblant d'assurance, que je n'ai en réalité pas du tout à cet instant. Même si j'ai déjà fait ce que je m'apprête à faire à cet instant, c'est le même saut dans le vide que la première fois...Et je me jette corps et âme dans le précipice. „Veux-tu m'épouser encore une fois ?“ Ma respiration est un peu lourde. Je sens mes tempes qui palpitent. Mes mains descendent contre sa nuque et mes doigts commencent à jouer dans son cou, s'entortillant dans ses cheveux alors que je poursuis maladroitement. „Je sais, c'est soudain, et puis, tu ne sais plus si tu peux me faire confiance, après tout ce qui s'est passé... Ces dernières années, je n'ai pas été... Enfin, tu sais bien que je ne suis pas exactement la définition de l'homme à marier, quoi.“ Quel bel euphémisme. „Tu n'es pas obligée de répondre tout de suite,  j'attendrais. Tout le temps qu'il te faudra ! Je sais ce que je veux, maintenant.“ Je donne un coup de menton déterminé à cette affirmation. J'ai un demi-sourire lorsque j'ajoute, avec tendresse : „Je veux ce que tu veux toi.“ André Gide l'a bien dit : C'est dans l'abnégation que chaque affirmative s'achève. Tout ce que tu résignes en toi prendra vie. Tout ce qui cherche à s'affirmer se nie; tout ce qui se renonce s'affirme. C'est dans la parfaite abnégation que l'individualisme triomphe, et le renoncement à soi est le sommet de l'affirmation. Mais bon, au fond, la philosophie, moi, ça a jamais vraiment été mon truc. Je veux juste son bonheur, c'est tout. Et s'il peut faire le mien en même temps, tant mieux !