LE JOUR LE PLUS FROID DU MONDE
Il paraît que je suis née le jour le plus froid de l’hiver mille neuf cent quatre-vingt neuf. Peut-être que cela a conditionné toute mon existence…

Je n’ai que des souvenirs de mon enfance. Je ne saurais vous en raconter plus. Je me souviens de mon doudou, un lapin tout pelucheux, toujours là pour éloigner les cauchemars de mon sommeil. Je me souviens de nombreux noël en famille, avec les décorations rouges partout dans la maison. Nous avions une grande maison familiale. Mes parents l’ont toujours d’ailleurs. Trois étages, de nombreuses chambres. J’ai une famille nombreuse. Cinq enfants. Je suis celle du milieu. Adonis, l’ainé, Cassandre la seconde. Moi. Puis Priam et Penelope, les jumeaux. On a tous moins de deux ans d’égard, et pire qu’une fratrie, on est une meute. Je me souviens de nos jeux ensemble, nos chamailleries, nos câlins. Mon père est entraineur de football, ma mère décoratrice d’intérieur. Une famille modeste mais qui a toujours su bien vivre. On a toujours vécu à Huntington. Mon enfance se résume surtout à la meute familiale. Des pop corn, de la barbe a papa, des vacances en camping car, et des soirées pizzas. Le rêve américain. Et aussi ma passion de gamine : l’équitation

A dix ans, j’ai eu mon premier journal intime. Mais au lieu d’y inscrire mes pensées de la journée, j’y ai noté tout ce que je voulais faire avant de mourir. Si seulement j’avais su …

A l’adolescence, j’avais tout ce que pouvais rêver les filles, j’étais cheerleader, je sortais avec un footballeur de l’équipe du lycée. Et j’avais en parallèle un entrainement de voltige équestre, une passion de gamine qui est devenue une addiction. Je rêvais de devenir cascadeuse équestre. A mes seize ans, au lieu d’avoir une voiture comme tous mes copains, j’ai eu un cheval. Un frison, noir, du nom de Milord. L’année de mes seize ans … l’année ou tout a basculé.

SEIZE ANS, LE DEBUT DE LA LIBERTE
Les jeunes ont une voiture à leurs seize ans. Moi j’ai eu un cheval, et un cancer…

L’année de mes seize ans… la plus belle et la plus tragique. J’avais lu beaucoup de tragédies, mais j’allais vivre la mienne. Le début de l’année a bien commencé puisque j’ai été repéré par l’entraineur de l’équipe nationale de voltige, qui me proposait de m’emmener jusqu’aux Jeux Olympiques. Un rêve …
Mais mon état de santé s’est vite dégradé. La chute vers l’enfer a commencé. Vous savez ce que c’est l’enfer ? C’est moche.  Après de nombreux examens, la sentence est tombée : Cancer des lymphomes…
Tout mon système immunitaire fut touché.  Mon alimentation a du être changée. Et j’ai dû abandonner l’équitation. La voltige devenait un trop grand risque. Je me souviens encore la façon dont ma mère me l’avait annoncé « J’ai vendu Milord. » Ce fut comme si on prenait mon cœur d’une main froide pour l’écraser, lentement, histoire de bien me faire souffrir. Je lui en ai voulu d’avoir vendu mon cheval.  Je ne lui ai pas adressé la parole pendant deux mois…Mais la maladie a coupé court à mes conneries. Mon état s’est empiré, quand j’ai commencé la chimiothérapie. Cette chose vous tue à petit feu … Mais j’avais besoin d’avoir un état d’esprit positif, d’être forte pour vaincre le cancer. Ma famille, ma meute s’est encore plus soudée autour de moi. Ils m’accompagnaient chacun leur tour à l’hôpital. Et lorsque j’ai perdu mes cheveux avec la chimio ; Adonis, Cassandre, Priam et Penelope se sont rasés les cheveux … pour me soutenir.  J’en ai pleuré toute la soirée. Cassandre, pour qui ses cheveux étaient sa grande fierté était devenue chauve, pour me soutenir … rien qu’en y repensant j’ai une boule dans la gorge. Si c’est pas une preuve d’amour ça … C’est ma meute. Nous sommes allés ensemble acheter des perruques. et on se les échangé après pour ne jamais avoir la même tête.   Ils ont traversés chaque épreuve avec moi. Ils m’ont rendu lus forte, et courageuse. Il en faut du courage pour affronter tout ça.
Mais j’ai réussi à m’en sortir. Et le plus beau jour fut lorsque le médecin m’a annoncé « vous êtes en rémission. »

CARPE DIEM
Il est temps que je réalise mes rêves, maintenant que la mort m’a accordé quelques années de plus.

A dix-huit ans, j’étais définitivement en rémission. Mais rémission ne veut pas dire que le cancer est définitivement parti. Il peut revenir à n’importe quel moment. J’ai mis un an à me remettre physiquement de la maladie. J’avais perdu beaucoup de poids, la chimio m’avait épuisé. Et je voulais voir mes cheveux repousser. J’ai mis du temps à reprendre un rythme normal, de plus j’avais des suivis assez souvent pour vérifier que tout allait bien.  
Mais je n’avais qu’une idée en tête : profiter de la vie. J’avais frôlé trop longtemps la mort pour ne pas en profiter. Et j’avais ce journal avec tous mes rêves de gamines, celui que j’avais ressorti avec le cancer et où j’y avais inscrit tout ce que j’aimerais faire avant de mourir. Je voulais réaliser le plus possible de ces rêves… Si ma vie devait être courte, autant qu’elle soit remplie.
A Vingt ans, mon état de santé me permettait de partir. J’allais faire le tour du monde. Je partais à l’aventure, avec peu de sous en poches, mais en trouvant des petits boulots à gauche et à droite je pourrais avancer. Je ne savais pas quand j’allais rentrer, mais j’allais profiter de la vie. Je suis donc partie, avec ma valise et mon journal de choses à faire avant de mourir. J’ai commencé par le brésil, puis le Mexique, le Pérou … avant de quitter le continent pour l’Australie,  puis de partir à la conquête de l’Asie, et l’Afrique. J’ai terminé mon périple en Europe. Je restais en moyenne trois mois dans chaque pays pour gagner assez de sous. J’ai testé les covoiturages, j’ai gouté milles et une saveur du monde, j’ai vu les pyramides, les requins, les dauphins et les baleines, la tour Eiffel,
Pendant quatre ans j’ai vécu au jour le jour. Et chaque année je la faisais avec un de mes frères et sœurs. Ce fut la seule condition de ma mère. Elle ne voulait pas que je parte seule. J’ai fait la première année avec Adonis, il voulait profiter de la vie avant de fonder une famille. On a découvert les plus belles merveilles de notre continent. La deuxième année, j’ai fait l’Océanie et l’Asie avec Cassandre, qui a voulut découvrir le plus de spécialités culinaires possibles. Et les deux dernières années, c’est avec les jumeaux, inséparables que je les ai faite. L’Afrique, et nous avons terminé notre voyage en Europe.  Et l’Europe restera mon continent préféré. Il y a tellement d’histoire là, et de belles choses ! J’en suis repartie avec une paire de Louboutins !
Mais toutes les bonnes choses ont une fin …

RETOUR EN ENFER
Le cancer ne part jamais vraiment. Il semblerait que le mien n’est pas voulu accepter le divorce …

Mon retour aux Etats unis a été forcé. Je suis retombée malade en Europe, avec des complications pour bien faire. Priam et Penelope ont préféré me ramener à Huntington.
Résultat : Je fais une rechute. Le cancer est revenu.
Mais ce doit être la dernière année de ma vie, si mon destin est écrit de cette façon, alors soit. Mais j’essayerais de réaliser tout ce que j’ai noté sur mon journal.
Quitte à être condamnée, autant partir en ayant tout fait. Car je sens que cette fois, je n’aurais pas autant de force …