You know, life can be complicated sometime. •
Jack et Maéva Harris, père et fille.

Je tremble, c'était la seconde fois que je me retrouvais devant cette porte. Devant cette maison. Il y a un plus d'un mois je suis arrivée ici avec le but d'ouvrir cette porte et de lui dire que j'étais sa fille, mais je n'y suis finalement pas arrivé. Matthew avait réussi à me convaincre d'une façon ou d'une autre et je l'ai suivi. C'était mon frère. S'il faisait toujours ce que je lui disais, il en était de même pour moi. Je pouvais le suivre à l'autre bout du monde, les yeux fermés. Je lui faisais confiance, mais je le trahissais en venant ici. Matthew m'avait convaincue d'attendre. On avait fui l'autre bout de pays pour retrouver un semblant de vie et pour le retrouver lui, mais je crois qu'il ne supportait pas l'idée de devoir dépendre de Jack. On ne le connaissait pas, il n'était même pas informé de notre existence, alors il y avait cette chance qu'il ne nous aide pas. Qu'il nous ferme la porte au nez et qu'il nous oublie, aussi vite qu'un mauvais rêve. Je devais admettre qu'il n'avait pas tort. Que ça soit hier ou aujourd'hui, ça ne changerait pas sa réaction. Autant avoir un plan B en cas de soucie, n'est-ce pas . On avait eu de la chance avec Richard et maintenant que je reprenais plus ou moins le lycée, je me sentais prête. J'avais un toit, un travail, des études, mon frère... Je me mords la lèvre. Il ne me manque plus que lui. J'ai 18 ans, pas 34. Je peux pas me faire à l'idée qu'il ne sait pas. Je ne peux pas non plus vivre en sachant qu'il me prendra pour une inconnue si on se croise. C'est un sentiment trop horrible que de savoir et pas lui. Mais, j'ai aussi peur que Matthew ait raison. Jack a sa vie. Sa femme, un fils même - je l'ai vaguement croisé une fois. Peut-être que la vie qu'il a actuellement lui suffit. Peut-être qu'il n'a pas besoin de nous. Deux gosses qui débarquent. Deux ados. Ce n'est pas le meilleur cadeau du monde.

Et si jamais il apprenait pour Tommy . Et s'il contactait Lilla . Ou pire, Tom ? Je ne pense pas qu'il ait le moindre numéro, après tout, s'il n'a jamais su pour nous, comment pourrait-il contacter qui que ce soit ? Je panique facilement. C'est un défaut de famille. Je prends une plus grande respiration avant de... de me retourner. Je devrais faire demi-tour et revenir plus tard. Il n'est sans doute pas là. Il n'est surement pas là... Je vois alors une voiture passait dans la route devant la maison. Elle ralentit, se gare tranquillement. Un homme sort, puis une femme et une petite fille. Elle a deux couettes et tiens une peluche dans les bras. Je suis presque sûr que c'est un panda. Et soudain j'ai envie de pleurer. Parce que si Jack est mon père, il n'a jamais été là quand j'étais petite. Il ne nous a pas vu moi et mon frère grandir. Il ne sait rien de nous, c'est horrible. On aurait peut-être pu être une famille, une vraie. Je sais que je suis une grande fille maintenant, mais j'ai ce vide en moi. Ce vide que ma mère m'a laissé et je sais que la seule personne qui peut combler ça c'est Jack. C'est mon père.

Je refais face à la porte, mais celle-ci s'ouvre. Mince, j'ai été trop lente. Je fais les gros yeux, souriant idiotement... Qu'est-ce que je fais ? Qu'est-ce que je dois faire ? Je sais que c'est lui. Grand, blond. Il devait partir ? J'ai fait du bruit et il est venu trouver l'idiote qui traînait devant sa porte ? Rien ne sort de ma bouche, à part quelques syllabes chelou. Je suis nulle à ce genre de choses. En même temps, y a pas de livre pour expliquer "comment dire à quelqu'un que vous êtes son enfant" pour les nuls.

« - J... Jack Harris ? » Finalement, j'arrive à dire ça. C'est un début. Mais j'aurais peut-être pu être un peu plus poli. 'Bonjour, comment allez-vous ? C'est une belle journée, n'est-ce pas ?'ça aurait été mieux, non ?

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Jack et Maéva Harris, père et fille.

Il était devant moi. Je n'arrivais toujours pas à réaliser l'ampleur de la situation et sérieusement c'était le moment ou jamais d'agir. De faire quelque chose. Je ne sais pas, n'importe quoi. Mon cerveau semblait être aussi choqué que moi. C'était la première fois que mon regard croisé le sien et je devais l'avouer, Matthew avait les mêmes yeux. C'était perturbant de voir cette ressemble. Avec moi, avec mon frère. C'était mon père et je le voyais tout comme je le ressentais. J'avais pourtant envie de courir et de m'enfuir. Peut-être qu'au final, je n'étais pas si prête que ça. Jene savais pas si c'était une bonne chose ou pas, je savais juste que j'avais besoin d'être là et que j'avais besoin de lui. Ça n'empêchait pas la situation de me faire mal. Entre le fait que je cachais ça à mon propre frère jumeau et le fait que mon père ne sait toujours pas qu'il est mon père... ce n'était pas la situation la plus amusante du monde. C'était malheureusement la seule façon de savoir ce qu'il allait faire pour nous, la seule façon de lui dire la vérité et la seule façon de mettre un terme à ce vide que j'ai en moi. Quand ma mère est morte, Tom et Lila avait plus ou moins comblé le vide parental, mais même s'ils étaient géniaux pendant un temps, je savais qu'il n'y avait que Matthew qui comptait, et Tommy. Maintenant, c'était comme si ma survie dépendait de mon frère et je refusais qu'il prenne seul la responsabilité de ma personne. J'étais un fardeau, je le savais.

Mon père se dirige vers la boite aux lettres, tout en s'adressant à moi. Je le suis légèrement, histoire de ne pas le perdre de vue - et pour garder une certaine distances. J'étais gênée, perdue. Il avait l'air gentil. Il m'informe alors que si j'étais venue voir Shawn Meister - c'est qui celui-là encore ? Y'a pas un type dans ma classe qui a ce nom ? Ca me dit quelque chose... - Il n'était plus là.

« - Plus là ? Euh non... non. Je suis là pour... vous. » Ma fin de phrase n'est pas très claire. C'est comme une question. J'ose pas le tutoyer en même. On m'a appris la politesse quand même. « - Je, je m'appelle Maéva Harris. » Et je m'arrête là, comme si j'en avais trop dit. Ce n'était qu'un nom de famille, ça pouvait être un truc hyper commun. Le nombre de personne qui s'appelle comme ça en plus, y'a même une marque avec ce nom. Au final, ça voulait sans doute rien dire pour lui, mais pour moi c'était comme balancer une énorme bombe qui venait d'exploser et de me blesser... mais surtout de le blesser lui. Je décide de reprendre, sans le lâche du regard. « - J'ai un frère jumeau, Matthew. On... Je ne suis pas là pour vous demander quoi que ce soit, que l'on soit d'accord. C'est juste que j'avais besoin de savoir que vous saviez. Enfin, peut-être que vous savez déjà ? Non, je pense pas. Je suis votre fille. »

Et je me tais d'un trait comme si j'avais dit une bêtise. Mais je panique et quand je panique, je parle. J'espère qu'il va pas me prendre pour une folle, sortie de nulle part, réclament une part d'héritage.

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Jack et Maéva Harris, père et fille.

J'avais conscience que ce n'était pas forcément la façon la plus subtile de dire à quelqu'un qu'il avait une fille... ou plutôt des jumeaux. Mais j'étais maladroite de nature, impulsive aussi. Je ne savais pas comment m'y prendre pour faire les choses bien alors forcément, je les faisais mal. C'était monstrueux, je n'avais pas la moindre idée de ce que je venais de lancer comme bombe. J'étais un peu égoïste, je m'en rendais compte. Je ne pensais pas à mon frère, ni à ce qu'il penserait de moi quand il allait apprendre la vérité et je pensais encore moins à cet homme. Je ne savais pas si lui était au courant ou non, si mon existence ou celui de mon frère avait une quelconque importance à ses yeux. Est-ce si mal de réclamer ce qui nous est dû ? Alors voilà. Je lui dis, à Jack. Je lui révèle que je suis sa fille et oui, je ne suis pas subtile, mais j'avais perdu ça depuis la mort de Tommy. Le temps, c'était ce que je n'avais pas. Ce que je ne possédais pas. Je n'avais plus le temps aujourd'hui de sourire, d'être aimable, d'être gentille. Je disais ce que je pensais, ce qui me passait par la tête sans vraiment me soucier du reste et parfois, je le regrette. J'aimerais prendre mon temps, abordais les choses avec plus de réflexion, mais j'ai condamné à être directe. Parce que si je prenais mon temps, je risquais sans doute d'oublier un détail ou deux. Enfin bref. Jack me regarde alors, assimilant ce que je venais de dire. Il attrape mon poignet, m'attirant sous le perron. Intérieurement, je panique. Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais visiblement quelque chose le perturbe. Je m'assois un peu rapidement, l'écoutant.

« - Non, ce n'est pas... » J'arrivais pas à dire le mot, j'étais toute ému. Parce qu'il ne savait pas. Je trouvais ça encore plus dur maintenant. Je ne sais pas pourquoi j'avais presque envie de pleurer. D'une part parce que j'étais contente qu'il sache enfin et d'une parce qu'il n'avait jamais su. Les choses auraient pu être totalement différente si ma mère lui avait dit... tellement différente. Et puis, il dit son nom. C'était lui, plus aucun doute. Même si j'en avais jamais vraiment eut. Il a l'air d'analyser la situation, de réfléchir, de se demander si tout ça c'était possible. Et il me demande comment va ma mère... Je le fixais toujours, les yeux un peu plus rouge, mouvant ma tête de gauche à droite.

« - Elle est morte quand Matthew et moi avions 9 ans. » Je fouinais dans les poches de ma veste, à la recherche de la fameuse photo. La photo du mariage de Jack et de ma mère. Je tremble légèrement en la sortant, pour lui tendre. « - Je l'ai retrouvé dans les affaires de maman, l'année dernière. » Mais l'année tout allait bien pour moi. Tommy était vivant. Tom et Lila étaient des parents formidables et Matthew s'éclatait. Oui, il y a un an, j'étais persuadée que je n'avais pas besoin de retrouver quelqu'un qui n'avait jamais fait partie de ma vie. Les choses avaient changées maintenant.

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Jack et Maéva Harris, père et fille.

Je n'avais pas demandé à vivre ça. A vivre de cette façon et à connaitre ce genre de souffrance, mais je voulais encore moins être « celle qui ». Et pourtant, c'était arrivé. J'étais celle qui avait retrouvé mon père biologique. J'étais celle-qui lui dévoilait mon existence au monde et mieux encore... J'étais celle qui lui apprenait la mort de maman. C'était horrible. Je ne voulais pas être dans cette situation, parce que je ne voulais pas commencer une quelconque relation avec mon véritable père en me basant sur autant de peine et de mensonge. Et je savais que s'il ne savait pas, c'était trop énorme en une fois. Il avait deux enfants, dont la vie lui avait complètement échappé. On avait grandi sans lui, sans notre papa. On avait reconstitué notre famille avec Tom et Lila, mais ce n'était pas de mon point de vue qu'il fallait voir les choses, mais de la sienne. Je ne savais pas grand-chose de lui ou de ce qu'il faisait, mais j'avais remarqué qu'il y avait une femme, un fils. Il avait sans doute refait sa vie, il avait sans doute une vie et voilà que je venais tout bousculer, pauvre innocente et naïve que je suis. Je n'ai jamais eu peur d'aller vers les gens, de leurs dires ce que je devais dire, mais pour la première fois, je regrettais ce trait de caractère chez moi. J'étais contente d'être là, près de lui, tellement contente, mais au fond, je tremblais en voyant son regard. Il ne me connaissait pas. La voix de mon frère résonne quelque part dans ma tête, peut-être qu'il avait raison de ne pas vouloir venir vers Jack. Je ne sais plus trop...

Ça me fait mal au coeur de le voir, apprendre tout ça. Et ça me fait mal de savoir que j'étais peut-être en train de tout détruire, de tout gâcher. Qui était-je pour lui, rien ? Non ? Et lui, qui était-il pour moi ? Personne. Mais alors pourquoi avait-je la sensation d'avoir tant besoin de lui dans ma vie ? Pourquoi Matthew ne ressent pas ça, lui ? Je le vois dans ses yeux, la nouvelle de la mort de maman à l'air de le bouleverser. J'ai vraiment envie de partir en courant, mais c'est trop tard pour partir. Ça ne me servirait à rien de tout lui dire comme ça pour repartir, l'air de rien. Jack prend alors la photo que je lui tends, tremblante. Visiblement, il reconnait la chose et j'imagine la nostalgie que ça doit lui apporter. Maman ne nous a jamais vraiment parlé de lui. Je me suis toujours demandée à quoi il ressemblait, comment il était. Mais voir cette larme sur sa joue me brise le coeur. Pourquoi ils avaient divorcé ? Qu'est-ce qui n'a pas marché entre eux et pourquoi maman ne lui a jamais rien dit pour nous ? Je commence à me poser des tas de questions, mais ce n'est peut-être pas le meilleur moment de l'harceler et j'imagine qu'il n'a pas forcément les réponses à tout. Ça me met dans une position quand même. Le silence est alors rompu quand Jake se décide à savoir ce que je sais sur lui. Je me rendais compte qu'il était lui-aussi confronté à des tonnes de questions.

« - Non, pas vraiment. » Je baisse la tête. « - Elle ne nous a jamais vraiment parlé de vous. » Tout ce que je savais, je l'avais appris de moi-même. Maman ne nous avait jamais parlé de lui. Quelque part, ça n'avait pas tant d'importance. Plus jeune, je me disais que ma mère était formidable et qu'elle était tout ce dont j'avais besoin. Mais après, c'était autre chose. En voyant comment Tom se comportait avec nous, je me suis rendu compte que j'aurais aimé avoir un père dès le départ. C'est alors que je me rends compte la question de Jack. Comment maman était morte. Matthew et moi avions neuf ans quand Lila est venue nous chercher à l'école. On avait attendu à l'intérieur, parce que ça faisait plus de deux heures que notre enseignante cherchait à contacter maman pour qu'elle vienne nous chercher. Et puis je me souviens, cette année-là, en 2005, j'avais une poupée que Matthew adorait me casser et je pleurais parce que cette fois, il l'avait vraiment bien casé. Il avait essayé de réparer sa bêtise en scotchant le bras de ma Barbie pendant qu'on attendait, ce qui m'avait redonné le sourire. Et puis, on nous annonce que notre maman est morte. Qu'il l'on retrouvé, inconsciente, dans son bureau. Si je me souviens bien, Lila nous a juste dit que son coeur avait cessé de battre. Je n'ai jamais su ce qui s'était passé, mais je sais qu'on avait subi des tests avec mon frère, parce qu'il y avait un risque que ça soit héréditaire.

« - Elle était malade. » Je relève les yeux vers Jack. On était toujours devant chez lui, assis. Je ne savais pas trop comment agir avec lui, mais tout ce que je trouve à dire, c'est un vague et très tremblant : « - Pourquoi... Pourquoi vous vous êtes séparé ? »

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Jack et Maéva Harris, père et fille.

Il y a des jours où je me pose vraiment des questions sur ma vie et sur les choses que je fais. Est-ce qu'avec Matthew nous avions choisi la facilité en partant ? Est-ce que c'était lâche de ma part d'avoir tout quitté pour retrouver mon véritable père ? Peut-être... à quoi bon y réfléchir maintenant qu'il était en face de moi ? Jack était... sans doute perdu. Sans doute incapable de savoir ce qu'il devait faire à l'heure actuelle. Je devrais peut-être lui répéter que je n'étais pas là pour prendre quoi que ce soit où réclamer quoi que ce soit. Mais ce qui me brise le coeur, c'est de savoir que maman nous avait éloigné de lui et que par la même occasion, il n'avait jamais su qu'elle était morte. J'avais beau vouloir que les choses soient différentes, je ne voulais pas en arriver là. Je ne voulais pas débarquer dans sa vie pour lui dire que tout ce qu'il n'avait jamais su. Et ça devait être dur à avaler pour lui. Je suis persuadée qu'il aimait maman, peut-être pas autant qu'il aime sa femme actuelle, je n'en sais rien, mais je suis persuadée qu'il l'a aimé quand même. Où plutôt qu'il ne la détestait pas. Je me rends compte aussi que j'aurais aimé que Matthew soit avec moi. Qu'il soit présent. Et une partie de moi aurait aussi aimé de pas arriver comme ça dans la vie de Jake. Peut-être que j'aurais dû attendre, comme mon frère me le demandait si bien, mais j'en avait juste marre de savoir que Jack était là, à porter de main. On n'allait pas en vouloir à une gamine comme moi de vouloir découvrir qui est son père, surtout si ce n'est pas quelqu'un de mauvais. C'était étrange, mais il y a quelques années, son existence ne m'importait pas plus que ça. On avait eu Maman et sa présence était largement suffisante. Et puis Tom et Lila avaient pris le flambeau de parent, sans laisser le moindre vide en nous. En réalité, on a toujours vécu en ne sachant rien de Jack et à force, on s'était habitué à son absence. Mais une fois qu'on avait plus rien, son absence n'a fait que grossir.

Jack fini par me demander si ma mère nous a déjà parlé de lui et en baissant la tête, je lui explique que non. A quoi bon ? Elle ne voulait pas enfoncer les choses et elle savait que moins nous en parlions, mieux s'était. Elle n'avait pas tort. Je ne sais pas ce qui s'est passé entre Jack et ma mère et j'avoue que plus je restais là, plus j'avais envie de savoir. Si elle en était arrivée au point où elle voulait oublier le passé, c'est que quelque chose avait mal tourné. Et qu'elle avait eu le coeur brisé - Bon je ne faisais que des suppositions, mais je n'allais pas tardé à lui demander ce qui s'était passé. J'étais connu pour ma curiosité. Et je n'avais pas tort. Jack l'avait aimé. La façon dont il se décrivait, je trouvais ça touchant. Jeune et con. Mais pourquoi Jeune devait forcément rimer avec Con ? Visiblement, Jack avait quitté ma mère pour son travail. Et puis soudain, j'ai une illumination.

« - Je pense. Peut-être qu'elle ne voulait tout simplement pas que vous mettiez votre travail de côté pour revenir... pour nous. Elle a toujours été du genre à vouloir tout faire toute seule, c'est quelque chose que j'ai hérité d'elle. » Je souriais légèrement. J'étais jeune, je sais, mais je me souviens parfaitement du nombre de fois où ma mère a tenu tête aux autres. Elle était si fière d'elle, si indépendante et si têtu ! J'aime l'image que j'ai d'elle actuellement. Celle de la femme prête à sacrifier plus pour l'homme sa vie. Bon, peut-être que je regarde trop de film, mais pour moi, c'était ça. Jack avait eut une opportunité importante et ma mère ne voulait pas qu'il gâche ça pour elle, ou pour nous. En vrai, c'était un peu abusé. Elle aurait pu le prévenir quelques années après, qui sait ? Mais je pense qu'elle avait fini par aimer sa vie, sans lui. Qu'elle avait fini par tourner la page, ou quelque chose dans le genre.

« - Je suis désolée, de débarquer comme ça dans votre vie. J'étais persuadée que vous étiez au courant et que quelque part, vous nous détestiez peut-être moi et mon frère ou pire.. et je sais que vous avez une famille à vous et votre vie et je ne veux pas que vous pensiez que vous nous devez quoi que ce soit... mais je voulais vous voir, au moins une fois. »

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Jack et Maéva Harris, père et fille.

Avec Matthew nous n'avions jamais manqué de rien. Le fait que notre père soit inexistant ne nous a jamais vraiment affecté. Notre mère avait réussi à combler ce vide sans qu'on ne s'aperçoive de rien. Le pire je pense, c'est quand elle est morte. A ce moment précis, on s'est vraiment rendu compte de l'énorme trou qu'on avait dans le coeur. Elle avait toujours été là pour nous, mais malheureusement la vie avait décidé de changer les choses. Je n'ai jamais vraiment demandé pourquoi notre père n'était pas venu nous chercher. Pourquoi il n'était pas venu la remplacer elle. Sans doute parce qu'on s'est tout de suite retrouvé sous la tutelle de la meilleure de maman. Je crois que j'aurais aimé qu'il soit là. Qu'il partage notre vie. Qu'il nous apprenne des choses, nous gronde aussi parfois. C'est difficile de se dire aujourd'hui qu'il va réussir à prendre ce rôle sans qu'il y ait le moindre problème. Avouons-le tout de suite : J'étais arrivé à un âge ou je savais qu'on ne pouvait compter que sur soi-même. Mais une autre partie de moi voulait lui laisser une chose et voir comment les choses allaient évoluer. J'avais beau faire la dur, sans un adulte à mes côtés, je savais que je pouvais être très irresponsable. Je savais aussi que Matthew en aurait plus besoin que moi, même s'il ne le montre pas. Peut-être que lui, au fond, déteste déjà Jack par avance parce qu'il n'a jamais fait partie de notre vie. Quelque part je peux le comprendre et même faire comme lui, mais je me refuse de détester quelqu'un sans connaitre cette personne. Finalement, j'avais bien fait de venir le voir, de me rendre compte que maman ne lui avait jamais rien dit et que peut-être, s'il avait su notre existence, les choses seraient différentes - dans le bon sens des choses. J'aimais à croire à un happy end, pour nous. Maintenant, je ne savais pas du tout comment parler de choses aussi difficiles. Il n'était même pas au courant que maman était morte et je n'aimais pas la position que j'avais actuellement. Je me sentais assez mal à l'aise vis-à-vis de tout ça. Parfois, quand je le regarde parler, j'essaye de trouver les quelques ressemblances que j'ai avec lui. J'en reviens toujours pas d'avoir trouvé mon père, d'être actuellement en train de lui parler. C'est un énorme pas en avant, pour moi, comme pour mon frère. Même si Matthew n'était pas là, je savais qu'il allait m'en vouloir, mais je ne voulais pas m'en inquiéter.

Alors qu'il me répond, j'ai tout simplement des étoiles dans les yeux. Il aurait aimé être là, pour nous. Il aurait aimé savoir la vérité, prendre soin de nous et faire son rôle, parce que c'était ainsi. Il avait du mal à accepter que ma mère lui avait caché la vérité, alors qu'elle le connaissait et savait qu'il n'aurait pas aimé que ses enfants vivent ainsi. Ces paroles me font un bien fou. J'ai l'impression que c'est un type bien. Peut-être qu'il ne faut pas se filler aux apparences, mais cette première rencontre me donne juste cette impression. C'est alors que Jack fini par reprendre la parole. Il n'a pas d'autre famille. Une femme avec un beau-fils, certes, mais on dirait que les choses ne vont pas très bien. D'ailleurs, il espérait même que Matthew soit un peu plus supportable que son beau-fils... ouch. J'espère que Matthew allait faire un effort ! Je pense que je préviendrais Jack avant que Matthew ne débarque un jour, mais pour l'instant, j'allais éviter de lui dire que mon frère n'était pas vraiment pour que je retrouve notre père.

« - Je... Nous ne manquons de rien, vraiment. Je pense que la prochaine fois je passerais avec Matthew. On pourrait peut-être manger un morceau ? » Je marque une pause, avant de reprendre. « - Et si votre... ta femme et son fils sont là aussi, ça pourrait être une bonne chose, non ? » Il s'est quand même marié, je sais que son beau-fils est difficile, mais sa femme, il doit l'aimer quand même, non ?