Il était prêt à partir en courant, à s’enfuir même du pays, mais non. Il avait pris son temps, il avait lancé un dernier regard, envoyé son plus beau faux-sourire et avait disparus dans le couloir de l’hôpital comme il le faisait si souvent. Il n’avait rien rajouté de plus, lui, l’homme qui avait toujours son mot à dire. Il s’était simplement contenté d’écouter et de répondre par un haussement d’épaule. Rien du tout, c’était exactement ce qu’il y avait entre Neela et lui et c’était exactement ce qu’il voulait préserver. Cette ambiguïté, ces regards, ces blagues, cette colère. Il ne voulait rien de plus à ce lien qui avait déjà pris une trop grande place dans sa vie.

Il lui avait tourné le dos et après ça ? Rien. Il était retourné travaillé jusqu’à reprendre ses journées comme si rien n’avait changé. Non, rien. Sauf que la voix de Neela résonnait dans sa tête, lourdement, péniblement même. Même un bon verre ne suffisait pas à arrêter cette musique désagréable. Il s’était d’ailleurs énerver au bar, s’en prenant à une chaise avant de partir en direction de la plage. En arrivant là, il resta un moment, réfléchissant à ce qu’il devait faire. Il avait des tonnes de possibilités, des choix qui s’offraient à lui, mais il savait qu’il n’avait qu’une chose à faire. S’installant là, jouant avec le sable, il fixa l’horizon jusqu’à en faire pleurer ses yeux. Une femme plus loin dansaient dans l’eau, comme en plein jour. Elle savourait les vagues, riant de plein cœur. Ses yeux pétillaient. Il tendit alors la main, comment s’il voulait capturé cette image dans le creux de sa main. Comme s’il voulait gardé cette vision au fond de sa poche, jusqu’à son dernier souffle. Il se contenter de fermer le poing dans le vide, alors que la jeune femme se tourna vers lui, faisant signe au psychiatre de venir la rejoindre. Elle cria alors son nom qui résonna lourdement avant de tout simplement disparaitre dans l’obscurité. Posant sa tête sur ses genoux, Imran se laissa sombré dans un autre monde. Un monde où il essayait de reconstituer les puzzles qui le faisaient encore tenir sur ses pieds. Il se releva quand le soleil montra le bout de son nez. Il retourna chez lui, pris une douche, se prépara un petit déjeuner – dont une boisson pour dessoûler dont il avait le secret – avant d’aller chercher ses dossiers en cours et de partir à l’hôpital.

Il évita Neela comme il le pouvait. Il disparaissait dans un couloir, se cacher sur le toit, demandait à Jude d’aller chercher son café… Bref, là tout de suite il n’avait pas envie de la voir et puis soudain ses rendez-vous firent apparition. Neela n’était pas son amie, c’était son docteur. Il avait tendance à l’oublier, mais le cœur qui battait dans sa poitrine n’était pas le sien. Une transplantation qui demandait un suivi médical. Et comme patient Imran était un enfer. Il ne prenait que rarement ses médicaments, il fumait et surtout il buvait beaucoup. Il n’était clairement pas le patient idéal. Il mettait plus sa vie ne danger qu’autre chose.
Se penchant vers Jude, Imran ajusta ses lunettes.

« - Je crois que  c’est la première fois en deux ans que vous mater ma poitrine. Je sais pas si c’est une bonne chose ou si je devrais... » Imran retira ses lunettes. « - Raté, je lisais. Martinez ? Jude Martinez ? Pourquoi j’ai jamais remarqué ça avant. Ça me donne accès à tellement de blague en plus. Bref, tu pourrais prévenir le docteur Meyers que je vais changer de doc.’ Gracias. » Jude fronça les sourcils pour finalement accepter, laissant Imran retourné dans son bureau. Elle se releva ensuite directement de son siège, prenant une paperasse quelconque pour ensuite aller ailleurs et faire ce changement de dossier. Imran était désormais le patient dans médecin de Los Angeles, très réputé. Il savait ce que cela signifierais pour Neela. Sans doute une partie d’elle aller être ravi d’être débarrasser d’un patient aussi embêtant, mais une part aller sûrement foncer droit vers son bureau pour le frapper. L’un ou l’autre, Imran s’en fichait. Il avait pris une décision.  Et désormais, il n’avait plus besoin de se cacher.

Marchant dans les couloirs, lunette sur le nez, des baguettes chinoises dans un plat en papier de nouille, Imran se balader dans l’hôpital comme à son habitude. C’était sa façon de faire une pause et de ne rien rater de spectacle comme… la vieille qui hurlait sur la secrétaire de l’entrée parce qu’elle avait oublié de prendre un ticket et qu’elle attendait de passer depuis deux heures.  Excellent. C’était une bonne journée aujourd’hui en fait. Très bonne journée. Il ne manquait plus que la bière et un bon fauteuil. Tiens, il était temps pour lui de rentrer et de faire un chose qu'il n'avait pas faite depuis longtemps : cuisiner.

Il avait tout du mec typique qui reste chez lui pour cuisinier. Les lunettes sur le nez, un gros bouquins bien ouvert et un tablier ridicule avec l’image d’un mec musclé en slip de bain rouge. C’était un cadeau d’un ami à lui. Bon ça ne lui allait pas du tout, mais autant l’utilisait. Aussi incroyable que cela puisse être, Imran était le genre de type qui ne jetait jamais ce qu’on lui offrait. Il avait le nez penchait sur une casserole en aluminium dans lequel il faisait cuire son riz. De temps en temps il regardait si tout se passait pour ne pas faire d’erreur. On aurait  dit un vrai pro. Il savait parfaitement chaque recoin de sa cuisine et il s’amusait. De la musique s’entendait dans la pièce – du Schubert. Il laissa ensuite son riz pour s’occuper de son saumon qu’il découpa avec minutie.  Il disposa ensuite ses tranches sur des pains de riz et très vite il plaça ses sushis sur une longue assiettes blanches. Il s’occupa ensuite des makis mais avant qu’il ne puisse enroulé quelque l’arrêta. Il s’essuya les mains sur son tablier, baissant ensuite la musique légèrement. Il se dirigea ensuite doucement, un peu curieux, vers l’entrée de sa villa. Quelqu’un, visiblement un malade mentale, essayait de défoncer la porte de son entrée. Il retira le tablier qu’il posa sur la table de l’entrée, réajustant l’une des manches de sa chemise avant d’ouvrir sans prendre la peine de regarder qui était ce misérable inconnu. Il avait la main sur la poignet quand une voix féminine se fit entendre. Il attendit un instant, pris son souffle, calcula ce qui allait se produire puis ouvrit.

Neela était là. Avec sa fille. Autant dire tout de suite qu’Imran savait parfaitement pourquoi elle était là. Il n’était pas stupide, loin de là. Sans dire un mot, il laissa Neela se jeter verbalement sur lui. Elle parlait d’un ton qui se voulait énerver, sans pour autant que ça soit fort et extrêmement agaçant. Sans doute parce qu’elle avait sa fille et qu’elle ne voulait pas réveiller ou choquer celle-ci. Elle le poussa d’ailleurs pour entrer et Imran se laissa faire ne pouvant clairement pas riposter contre une femme et son bébé. Elle lui demanda alors si il n’était pas suivi par un psy et Imran pensa tout de suite à l’adorable docteur Pimberton. Elle avait été son psychiatre pendant un long moment avant de partir à la retraire. Imran allait lui rendre visite parfois, à New York. Mais passons. Neela était en colère. Et elle ne comprenait visiblement pas Imran.

« - Tu vas me faire croire que tu ne connais pas la réponse à tout ça ? » Il ferma la porte, se tournant ensuite de nouveau vers Neela.  « - Je ne voulais pas me faire soigner, c’est vrai. Mais il y a des choses auquel on échappe pas et avoir un suivi médicale était soit disant « vitale » pour moi, mais là je t’apprend rien. Quand à ce qui concerne mon choix, si j’ai tant voulu de toi c’est parce que tu me haïssais Neela. Tu me haïssais, mais tu n’en oubliais pas moins ton rôle et ton métier et je respectais ça. Mais maintenant je suis navré, mais je peux pas être ton patient et tu le sais très bien. » Il était très sérieux. Il ne pouvait pas être son patient parce qu’elle avait des sentiments pour lui. Qu’il fasse le con c’était une chose, mais là c’était bien plus compliqué et il ne voulait pas aggraver la situation. Il ne pouvait pas reprocher à Neela de s’être ouverte à lui, parce que c’était exceptionnelle et c’était même un bon pas en avant pour elle. Il était même plutôt ravie de savoir qu’il avait réussis à la faire parler sur ce genre de domaine – moins ravi par contre d’être le centre de ses sentiments. Il n’était pas fait pour elle et encore moins pour Maya.

« - J’ai fait ce qui été à faire. Je ne doute pas de tes compétences Neela. Mais à mes yeux, je ne peux plus être ton patient. C’est aussi simple que ça. » Il était tellement posé, ça pouvait être énervant. Il lui répondait comme si c’était logique et très simple, voir facile pour lui tout ça. Comme s’il ne comprenait pas qu’elle s’énerve. « Maintenant, je peux t’offrir un verre ou quelque chose pour Maya si tu veux. » Il s’avançant en allant vers la cuisine, puis il se retourna. « - Tu peux boire maintenant, non ? Un verre de bordeaux, ça te tente ? Je pense que tu en aurais bien besoin. »  

Il y avait parfois quelque chose d’exaspérant chez Neela. Sans doute son entêtement. Le fait qu’elle avait toujours réponse à tout. Quelque part elle n’était pas si différente de lui, si éloigné de lui. Pour l’instant Imran se contentait de parler calmement, de dire les choses d’une façon réel et de ne pas trop en faire. Il ne voulait pas tourner la conversation en pur désastre et de plus, avec le visage de la petite Maya en face de lui, ce n’était pas facile de se concentrer. Mais Imran était quelqu’un de patient, d’imaginatif. Il avait beau tout faire pour se retrouvait à des kilomètres des autres, il savait ce qu’une relation impliqué, amoureuse ou non. Il savait aussi qu’il n’avait ni l’envie, ni la force de laisser qui que ce soit entrer dans son monde. Imran Johar était un livre. Le genre un peu trop long, un peu trop lourd. Les phrases font une demi-page, les actions y sont rare et on a souvent envie de jeter le livre par la fenêtre clamant que rien dedans n’est normal. Alors ce n’était pas étonnant qu’Imran gardait sa propre vie fermé aux autres. Il préférait jugé les autres qu’être jugé. Il préférait montré le pire plutôt qu’on le découvre après. Et avec Neela devant lui, il savait parfaitement comment gérer la situation, comme il avait peur de la tournure que pourrait prendre celle-ci. Très vite, la jeune femme resta fidèle à elle-même, répondant sans attendre à ses remarques, ne loupant pas une seconde pour lui dévoiler le fond de sa pensée. S’il y avait une chose de positive avec Neela, c’était qu’Imran n’avait jamais manqué de conversation. Il y avait toujours un truc à dire, à redire même.

Etrangement Imran était encore plus calme que d’habitude. Il ne savait pas trop ce qu’il voulait, mais à première vue il avait essayé de s’éloigner sans que cela ne soit un véritable chaos. Sauf que Neela était là, visiblement mécontente de ce qu’il faisait. Du fait qu’il décidait, encore une fois, comme toujours, de disparaitre de la vie des gens qui l’entouraient. Il afficha un sourire idiot alors qu’elle avait du mal à croire que pour une fois il faisait ça dans l’intérêt de quelqu’un d’autre. Ce n’était pas grave, ça ne lui faisait pas plus mal que ça. Effaçant ce sourire de son visage, il ajouta alors dans les tons les plus sérieux du monde :

« - Mais tu ne me connais pas, Neela. Pas même un minimum. » Il défiait limite la jeune femme du regard. Il avait dévoilé des choses sur lui, sans doute, sans le faire exprès, sans qu’il ne le souhaite parce qu’il était humain comme tous les autres. Mais ce n’était rien, tellement rien comparé à tout le reste. A toute cette partie que Neela ne connaitra sans doute jamais. Quelque part il était conscient que Neela avait très vite compris certains choses sur lui. Des petits détails sur sa façon d’agir, envers lui-même comme envers les autres. Mais très vite, Imran sentait qu’il allait perde patiente. Neela avait le don de le mettre hors de lui. De faire ressortir ce qu’il y avait au plus profond de lui. C’était de sa faute, il le savait. Il avait passé trop de temps avec elle, voilà tout. Il devait changer ça maintenant. Le problème c’est que Neela parlait. Beaucoup. Trop à son gout. A chaque fois qu’il aurait aimé la reprendre, elle enchainait de nouveau. Alors Imran restait silencieux, se prenant tout ce flot de parole à la figure. Prenant Maya dans ses bras, Imran regarda un moment l’enfant. Il attendit alors qu’elle termine enfin, attendant désormais qu’Imran prenne la parole.

« - Demandes-moi de cesser d’exister, peut-être que là tu seras tranquille et tes problèmes seront réglé. » On pouvait sentir de l’amertume dans la voix d’Imran. « - Chut, je veux rien entendre. Je t’écoutes bêtement et ça commence sérieusement à me donner des envies de te foutre à la porte. Tu veux une réponse, alors soit attentive. » Comme Neela, sa voix était relativement calme. Il ne voulait pas effrayé Maya, ni même la faire pleurer. L’horreur si elle pleurait quand même. « - Ce n’est pas drôle Neela, de faire chier les gens qui nous apprécient. A partir du moment où je ne suis personne pour quelqu’un, j’ai carte blanche. Et jusqu’ici j’étais personne pour le monde entier, jusqu’à toi. Oui Neela, j’en ai rien à cirer des autres, parce que je ne suis rien pour eux. Quoi que je dise, que je fasse, que je sois en vie ou non, en quoi ça va affecter leurs vies ? Et d’un seul coup, toi, Neela Meyers, tu dis avoir des sentiments pour moi ? » Il pris une grande respiration. « - Tu ne devrais pas. Tout ce que ça va t’apporter c’est de la peine. Et tu sais pourquoi ? Parce que je ne pourrais jamais t’aimer. Je n’oserais jamais. Alors je préfère te laisser tranquille. Car aussi incroyable que cela puisse paraitre, je veux te protéger de moi et du mal que je pourrais te faire. Et quoi que tu dises, je ne changerais pas d'avis. »

Imran n’était pas l’homme dont les femmes rêvaient. Il était épuisant et énervant. Il passait son temps à critiquer tous ceux qui passaient devant lui et à se considérer comme la personne la plus importante du monde. Son argent et son rôle d’écrivain déchu lui donnait cette air de gosse de riche prétentieux qui en faisait rager plus d’un. Son cerveau de psychiatre lui permettait aussi de jouer avec les mots de façon énervante. Il n’avait peur de rien. La vie était un jeu et Imran avait les cartes en main. Ce que la plupart des gens ignorés c’était qu’il était malade. Qu’il n’essayait pas de vivre et qu’il était en réalité le bienfaiteur de nombreuse association caritatives. L’homme qui s’éloignait de tous était aussi l’homme qui tendait le plus souvent la main. Comme il le disait à Neela, l’amusement qu’il éprouvait à faire du mal aux autres ne reposait que sur une chose : l’inconnu. Il était l’étranger indésiré et cela était l’image qu’il voulait qu’on garde de lui. La vie qu’Imran vivait actuellement était gouverné par la drame. Et cela lui convenait parfaitement. Etre seul lui convenait à merveille. Il ne désirait absolument rien, car il avait tout perdu. Il avait perdu l’envie de vivre depuis tellement longtemps maintenant qu’il avait encore du mal à comprendre pourquoi il était encore en vie. Mais malgré le fait qu’il n’était qu’un fantôme parmi les vivants, Neela l’avait vu. Et elle disait l’aimer. Cette idée semblait tellement surréaliste qu’il avait encore beaucoup de mal à l’accepter. Le problème avec Neela, c’était qu’elle était têtue. Impossible de poser son point de vue sans que les choses ne partent en catastrophe. Il n’avait pas peur cependant, pas peur de lui dire la vérité et de lui dire ce qu’il pensait. Il était incapable de l’aimer. Il n’osait pas. Il ne voulait pas trahir les promesses qu’il s’était faite à lui-même. Si elle l’aimait, elle allait souffrir. Elle allait avoir mal et il ne voulait pas que ça arrive. parce que oui, il tenait assez à elle pour la protéger du monstre qu’il était.

De la bombe à retardement qu’il était.

« - Il y aura quelqu’un dans ta vie un jour, mais ça ne sera pas moi. » Parce qu’il y avait encore un prénom dans son cœur et rien au monde ne pourrait effacer ce manque. Chaque jour était plus difficile que le précédent, mais il était encore là. Il refusait de sauter par-dessus un pont, de se coller une balle dans la tête. Il acceptait simplement la punition que Dieu lui infligeait en attendant de rejoindre celle pour qui son cœur avait battu durant toutes ses années. On pourrait bien essayer de le convaincre que ce qu’il faisait était ridicule, mais cela ne changeait absolument rien. Il savait que Neela ne croyait pas en l’amour avec un grand A. Pourtant, lui il n’avait connu que ça. Il avait baigné dedans si longtemps qu’il ne pouvait plus vivre autrement. Aujourd’hui, il était conscient que le cœur de Neela s’était tourné vers la mauvaise personne et que cela n’allait rien arranger à sa vision des choses, mais Imran ne voulait pas qu’elle cesse d’aimer à cause de lui. Elle avait eu une vie amoureuse compliqué, il le savait, mais elle ne devait pas oublier le bonheur qu’elle avait vécu avec celui qu’elle avait aimé avant lui. Peut-être que les choses se sont mal terminé avec le père de Maya, mais la vie est pleine de surprise. Imran savait que Neela finirait par trouver quelqu’un de mieux, quelqu’un de plus vivable qu’un futur mort. Neela s’approcha alors de lui, avouant qu’il ne pouvait pas lui en vouloir. Elle cherchait un peu de joie, c’était tout. Il ne rajouta rien, gardant son regard plongé dans le sien. Il savait ce que cela signifiait. Il était celui qui l’avait rendu heureux en dernier. Elle avoua alors que même le diable, son surnom fétiche, y avait droit.

Tout le monde a droit à ça.

La phrase se répétait dans sa tête, alors que dans le silence le plus total leurs visages s’effleurèrent. Bientôt, il senti les lèvres de Neela sur les siennes. Un baiser doux et sans arrière-pensée. Alors qu’il senti le contact se perdre, elle rajouta qu’ils étaient désormais quitte. Il se rappela alors du baiser qu’il avait volé quand elle n’était rien pour lui et qu’il n’était rien pour elle. Maya s’accrocha alors à lui, alors que Neela tenter de la reprendre. Imran, lui ne bougeait pas. Fixer le vide, perdu dans ses pensées.

« - Où est la joie dans la mort, Neela ? » Sa voix était brisé, presque trop lointaine. « - Même si je veux faire partie de ta vie, ce n’est pas le bonheur que tu trouveras, mais l’inverse. Que je partages tes sentiments ne changent rien au fait que j’ai cessé de vivre. » Il posa son regard sur Maya, auquel il offrit un sourire. « - Et il n’y a rien de pire au monde que de créer un vide dans le cœur de ceux qu’on aime. » Il souleva Maya pour la poser dans les bras de Neela.

« - Tu ferais mieux de me laisser. » Il marqua une pause. « - Mais si tu restes… » Parce qu’une chose était certaine, même s’il se passait quelque chose avec Neela, même s’ils sortaient ensemble, il ne changerait pas. Il resterait le même. Il continuerait à préférer la mort plutôt qu’à la vie. « - Sache que je ne changerais pas pour autant. Seras-tu capable de me supporter pour le restant de ma vie ? »

Avec le temps, c’était devenue primordial pour Imran d’éloigner les gens qui l’entouraient. Comme si c’était vitale pour lui. Comme si la seule façon de rester encore en vie, même pour le peu de temps qu’il lui restait, c’était de créer un mur invisible entre lui et le monde entier. Il n’avait pas besoin d’un psy pour comprendre ce qui se passait dans sa tête, parce qu’il le savait parfaitement. Et il y avait beau y avoir beaucoup de chose que l’univers ne comprenait pas, lui, il réalisait à quel point son monde n’était pas fait pour les autres. Neela ne se rendait pas compte de ce qu’elle lui demandait, même inconsciemment. De ce que ses mots avaient comme pouvoir et surtout de l’effet que cela faisait naitre en lui. Il n’était pas fait pour elle et il le voyait clairement. Sans doute que les sentiments de Neela à son égard l’empêchait de le voir, puisqu’elle ne semblait pas le haïr comme elle l’avait fait au tout début de ce lien tordu qu’il y avait entre eux. Et en toute simplicité, Imran essayait de protéger Neela du mal qu’il pourrait lui infliger à l’avenir.

« - Ce n’est pas une raison pour perdre espoir. » Et il disait ça avec beaucoup d’amertume. Lui il avait trouvé quelqu’un, il avait aimé quelqu’un et il était persuadé que Neela avait le droit de connaitre ce genre d’histoire, ce genre de sentiment, si puissant qu’il vous chamboulait complétement. Non, il n’était pas Devin, mais il connaissait la logique de ce monde. Cette histoire d’âme-sœur coupé en deux, cherchant à se réunir. Il savait aussi que Neela n’était pas une romantique, elle n’était pas du genre à parler de sentiment et il savait que pour arriver là où elle en était désormais, c’est qu’elle avait fait du chemin. Mais Neela avait une belle vie sous les yeux, une fille adorable à protéger d’un monde parfois difficile à supporter. Le fait qu’Imran ne voulait plus d’elle comme médecin, devrait être le cadet de ses soucis, vraiment. La situation n’était pourtant pas en train de s’améliorer et Neela avait le don de faire parler le psychiatre. Comme si elle possédait un mode d’emploi. Et ce baiser, aussi surprenant qu’alarmant, réveilla certaine chose en Imran. C’était comme si cela avait provoquer quelque chose en lui, quelque chose d’incontrôlable et qu’il s’était perdu dans un autre monde. Un monde qui s’ouvrait désormais à Neela.

Il était tellement évident pour lui qu’il était mort, tellement. Depuis que Minissha était morte, il s’était retrouvé avec cette sensation-là. Comment Dieu dans sa grande sagesse avait-il osé lui prendre l’unique bonne chose de sa vie ? Et pourquoi maintenant, après autant de temps, retrouvait-il ce frisson qui affirmait les propos de Neela ? Il n’était pas mort. Il encaissait chaque jour cette même douleur, encore et encore. Comme si le temps n’avait pas bougé. Mais pour la première fois depuis des mois, le temps avait avancé et Imran avait senti la seconde passait. Avant même qu’il ne s’en rende compte, Neela avait repris Maya dans ses bras, mais il était tellement sous le choc du baiser qu’il ne réalisait plus ce qui se passait. Les paroles de Neela le sortirent de ses ténèbres, sans qu’il ne rajoute quoi que ce soit. C’est vrai que sa mort avait un avantage et il l’usait, tout le temps. Entendre le médecin s’exprimer de cette façon l’interpella. Elle s’ouvrait à lui d’une façon assez surprenante, ce qui le bouleversait complétement. Pour la première fois, Imran n’avait rien à dire. Il avait perdu les mots, lui qui avait toujours quelque choses à rajouter. Il écoutait, encaissait avant de finir reculer. Il connaissait déjà la réponse, elle avait raison. Elle ne serait pas là sinon. Elle ne lui dirait pas tout ça sinon. Il était face à un choix assez dangereux et Imran le ressentait. Il en savait pas quoi faire et comme toujours, quand c’est le cas, il choisissait l’option qui était le mieux satisfait pour lui et pour personne. Il faisait le choix d’être égoïste.

Neela ne se rendait pas compte, mais aux yeux d’Imran, ses problèmes étaient tellement ridicule face aux siens. Il avait beau avoir un lourd passé, ses valises il les trainait, encore et toujours. Même si elle ne le voyait pas, c’était là. En face d’elle. Il était lui-même un problème grandissant qu’elle finirait tôt ou tard par regretter. Il soupira alors, avant de reposer son regard sur Neela.

« - C’est un jeu d’enfant de te supporter. » Un léger sourire se dessina sur son visage, alors qu’il reposa son regard sur Maya quelque seconde pour revenir sur Neela. « - Soit, je laisse tomber. » Et il attrapa le visage de Neela d’une main, s’emparant de ses lèvres. Il avait dit ce qu’il avait à dire. Il l’avait prévenu et même si les sentiments d’Imran refusait de faire vivre l’enfer à Neela, il faisait ce qu’il faisait de mieux en ce monde. Suivre son instinct et montrer son doigt aux autres.