Joshua Orwell, minuit et des poussières, devant le Diamond’s. C’avait commencé comme une soirée tranquille – le genre où l’on va boire un coup avec quelques collègues, et où l’on se rend compte, alors que tout le monde est sur le départ, que l’on n’a absolument aucune envie de rentrer se faire un plateau TV en solitaire avant d’aller se coucher. La base, quoi. C’avait commencé comme une soirée tranquille – et il s’était retrouvé avec un, ou deux, voire même trois coups de trop dans le nez, tout seul devant l’entrée principale de la boîte, se bouchant une oreille pour mieux entendre le combiné téléphonique qu’il tenait contre l’autre, et parlant peut-être un peu trop fort. A l’autre bout ? La seule, l’unique, la légendaire Naya Quinton, spectatrice impuissante d’un discours quand même un tantinet incohérent : « Ouais Naya, c’est Joshua et je… bah en fait il y a un type déguisé en bite qui vient de me passer à côté alors que j’allais entrer au Diamond’s, et ça m’a rappelé qu’on s’était pas vus depuis longtemps tout à coup. » Il fronça légèrement les sourcils, sous le regard suspicieux de quelques passants. Ca lui avait paru super logique quelques minutes plus tôt, alors qu’il recherchait la jeune femme dans son répertoire, et là… beaucoup moins. Bref. « Essaye pas de comprendre je… crois que j’ai un peu trop bu. Mais ouais. Tout ça pour dire que je suis au Diamond’s, là. Et si tu te pointes très très très vite j’aurai peut-être pas trop décuvé et je pourrai te payer un ou plusieurs coups à boire, et on pourra danser jusqu’au bout de la nuit. » Un silence. « Et je crois que ça devait être un enterrement de vie de garçon. » Un autre silence. « La bite. », se sentit-il obligé d’ajouter, histoire de prouver que son cerveau marchait encore d’une façon relativement normale. Et puis il raccrocha. Pendant quelques secondes, il fixa sans un mot la file de personnes devant lui, attendant patiemment de pouvoir pénétrer dans le Saint Graal de la fête. Un regard vers son téléphone, avant qu’il ne l’enfonce dans la poche de son jean et… il haussa un peu les épaules. Il venait de décider, tout bonnement et simplement, d’oublier la teneur de la discussion qu’il venait d’avoir avec la jeune femme pour retenir la seule donnée essentielle : elle allait le rejoindre, et ils allaient passer une nuit d’enfer. Deux données essentielles, en fait. Oh et puis merde. Il écrasa sa cigarette du talon, et rentra dans le club.
Deux ou trois dizaines de minutes à peine s’étaient écoulées depuis le coup de fil – en langage-soirée, ça voulait dire qu’une paire de shots vodka-barbapapa supplémentaire avait eu le temps de descendre le long de son œsophage. Cela dit, son taux d’alcoolémie ne l’empêcha en rien de réaliser l’exploit auquel il assistait quand il entraperçut, tout près de l’entrée, un visage reconnaissable entre mille. Efficacité ! Il effaça fissa de son cerveau tout les préjugés à la con du genre « une fille met trois plombes et demi à se préparer, blabla ». Naya. Naya était là, et lui il décrocha un immense sourire en fendant la foule pour la rejoindre au pas de course. Quelques secondes plus tard, elle se prenait de plein fouet un Joshua aux yeux brillants (l’alcool.), s’acharnant à lui faire ce qui était probablement le plus gros câlin de sa vie (l’alcool, aussi, même si la chose aurait été possible dans son état normal, quoique à légèrement moindre échelle), et parlant toujours un peu trop fort (l’alcool, aussi, décidément) quand il s’adressa à elle : « Je suis tellement content que tu sois venue ! » - comme s’il lui avait réellement laissé le choix. Il l’attrapa par les épaules, avant de déposer sans plus de préliminaires un baiser sur sa joue. Nouveau grand sourire. « Et t’as été rapide. Putain. T’avais peur que je sois en train de vomir dans un coin ou bien ? » Ok, pas drôle. Il n’aurait pas apprécié non plus avoir à vivre cette hypothèse. Il se laissa un temps de réflexion, fausse, jetant un regard tout autour d’eux deux qui alla finalement se fixer droit sur le bar. La sentence tomba une seconde plus tard à peine, ferme, définitive, comme si Naya n’avait strictement rien à redire à ce qu’il allait proposer – et il avait comme l’impression… que c’était le cas. « Soif. Vodka ! » Le dernier mot avait été ponctué d’un accent russe, faux à souhait. Déjà il s’était saisi de la main de la jeune femme et l’entraînait sans ménagement vers le comptoir, cherchant de l’autre côté les quelques billets roulés en boule au fond de sa poche.