Dire qu'Hazel avait un balai dans le cul était un peu exagéré, mais pourtant, ce serait mentir que de prétendre qu'elle était à l'aise et confiante en toutes circonstances. En réalité, et sans doute contre toute attente, elle l'était beaucoup plus lorsqu'il s'agissait de son travail et de ses responsabilités professionnelles que lorsqu'il s'agissait de sa vie privée. Dans ce domaine-là, Hazel était tout de suite un peu moins assurée et expansive, car finalement beaucoup moins expérimentée. En reprenant la bijouterie des Karstark, elle avait tiré un trait sur tout le reste. Ça n'avait pas forcément été une mauvaise chose, en réalité, puisqu'en se consacrant à cette mission et à ces responsabilités, Hazel avait réussi à mettre de côté tout les fragments de sa vie qu'elle ne maîtrisait plus. Il n'était donc pas inconcevable, même pour elle, de se dire qu'elle n'avait toujours pas fait le deuil de ses parents, même plus de dix ans après leur accident, et loin d'être ridicule de penser qu'elle avait été loin de concilier vie professionnelle et vie privée. Jusqu'à récemment, elle n'avait d'ailleurs pas vraiment ressenti de manque. Elle n'était pas malheureuse dans son travail, au contraire. Elle avait construit un petit empire à son image, qui la représentait sans doute mieux que tout ce qu'elle pouvait faire à côté du travail pour se donner l'impression de vivre. Pacey, lui, était arrivé juste à temps pour lui montrer qu'elle n'avait pas à se satisfaire d'une carrière seulement. Pour la première fois depuis des années, elle se sentait aimée pour ce qu'elle était en tant que personne à part entière, et c'était un sentiment qu'elle n'avait pas éprouvé depuis bien des années... Il l'aimait, et elle était à peu près sûre de l'aimer encore plus, tout simplement parce qu'elle avait l'impression d'atteindre un point de non retour chaque jour. Si on pouvait être ivre d'amour, nul doute qu'elle serait arrêtée pour conduite en état d'ivresse dès le petit matin. Cet état qu'elle découvrait avait quelque chose de transcendant, de porteur. Malgré son assurance pré-existante lorsqu'il s'agissait de joaillerie, elle se sentait maintenant pousser des ailes. Qu'il s'agisse de créer, d'organiser, de promouvoir, peu importait. Sa vie entière s'était transformée à l'image de leur première soirée à la plage : avec Pacey à ses côtés, tout lui paraissait possible. Elle avait la force de tout réaliser, maintenant. Elle n'avait plus peur de grand chose, mais une peur, celle-ci complètement nouvelle, avait pourtant vu le jour dans son esprit. Cette peur de ne pas être suffisante.

Hazel avait toujours cru en elle. Fille unique, elle avait fait partie de ces enfants choyés et aimés depuis toujours et aussi longtemps que possible. Pourtant, le retard certain qu'elle avait accumulé au fil des ans dans sa vie personnelle l'avait fait perdre pieds. Elle avait beau aimer Pacey de tout son être, cette peur restait omniprésente. Concrètement, il s'agissait d'une personne, d'une unique personne dont l'opinion prévaudrait toujours dans l'esprit de Pacey : Louis. A présent installée à la table de la cuisine avec Neela, Hazel triturait sa tasse avec anxiété. « Je n’ai pas eu la chance de te poser la question mais, tu as déjà fait la connaissance du petit Louis ? » Neela avait sans doute posé la question sans aucune mauvaise intention, mais la blonde, autant à elle, ne pouvait s'empêcher de se mettre un peu plus sur ses gardes lorsque l'on parlait du fils de Pacey. Pas qu'elle aurait peur de ce qui pourrait être répété, au contraire. Cette simple question, par contre, lui rappelait qu'elle devrait faire tôt ou tard face à ce petit garçon, qui représentait à ses yeux l'un des défis les plus impressionnants auxquels elle avait eu à faire depuis quelques années. Pour feinter rien que quelques instants, elle commença par répondre à la première réflexion du médecin, qu'elle avait laissée de côté dans l'empressement de la préparation de boisson. « Ce placard est une vraie mine d'or, je l'adore. J'essaie de me faire une réserve à la hauteur de celle-là chez moi, mais il y a plein de marques que je connais pas, et j'arrive pas à en trouver qui puissent les égaler. Ton tchaï, par exemple... j'ai découvert ça ici, mais pas moyen de retrouver quelque chose qui y ressemble vraiment. » Comment ça, elle faisait la conversation ? Oui, bon, peut-être un peu. Elle essayait de repousser cette peur un peu irrationnelle de voir débarquer Louis en trombe dans la pièce. Elle but une toute petite gorgée de thé, juste suffisamment pour se rendre compte qu'elle venait de se brûler les lèvres au deuxième degré et qu'elle ne pourrait donc plus évincer le sujet de conversation que représentait Louis très longtemps. « Non... Pacey m'a parlé d'éventuellement fêter Noël ensemble, mais... » mais quoi ? Mais je suis sûre que je vais pas assurer et qu'il va me déglinguer ? « Pour tout avouer... » Ah, oui, oui, elle continuait bien sur cette voie-là... Tout en scrutant le contenu de sa tasse, Hazel se demandait à présent s'il serait raisonnable de confier ses états d'âme à la meilleure amie de son amoureux. Pacey connaissait déjà tous ces doutes, mais Neela avait sans doute bien mieux à faire que d'écouter ces craintes un peu ridicules de faire la connaissance du fils de son meilleur ami. « Je sais pas, il est comment ? » Elle avait lâché sa question en portant une nouvelle fois la tasse à ses lèvres, juste pour se cacher derrière. Pacey lui avait déjà largement décrit Louis, mais elle n'avait pas réussi à se calmer lorsqu'elle pensait à lui. Tôt ou tard, elle avait faire intrusion dans la vie d'un petit garçon qui n'avait rien demandé à personne. Et puis... ce n'était pas comme si elle est particulièrement douée avec les enfants. Hazel semblait ainsi réunir tous les arguments qui pourraient pousser Louis à la détester.

A présent focalisée sur Maya pour tenter d'oublier la question ridicule qu'elle venait de poser à sa mère, Hazel but une nouvelle fois quelques millilitres de thé. Et se brûla une seconde fois. Les larmes réflexe lui montaient aux yeux alors qu'elle demandait : « tu le connais depuis longtemps, toi, Louis ? Il t'aime bien ? Comment s'est passée votre rencontre ? » Son regard bleuté se posa brièvement sur la jolie brune alors qu'elle espérait très sincèrement que cette dernière lui apporterait de bonnes nouvelles. Juste de quoi être rassurée.

Lorsqu'elle était stressée, Hazel avait toujours besoin de reporter son attention sur quelque chose, même de minime, qui puisse lui faire oublier les raisons de son inquiétude. Même une seule seconde de sérénité était bonne à prendre. Pendant ses angoisses du boulot, elle portait son attention sur la création de nouvelles pièces sauvages, pièces uniques qui n'appartiendraient sans doute à aucune autre collection. Il lui arrivait aussi de rejoindre ses vendeurs en boutique et de s'y joindre. Elle rencontrait des clients satisfaits, demandeurs, amicaux... Certains connaissaient la maison depuis des générations, et elle avait déjà partagé quelques conversations avec des amis de ses parents, qui, quelque part, gardaient un œil sur l'oeuvre de leurs défuntes connaissances. Dans tous les cas, Hazel arrivait à trouver un moyen pour elle de calmer ses nerfs, et ce même si elle en était amenée à harceler une Saskia innocente pour s'assurer que sa dernière collection n'était pas une daube ridicule. Dans le cas présent, elle s'était retrouvée dans une situation qu'elle n'avait pas prévue un seul instant, et dans laquelle elle s'était vite sentie bien dépourvue. Elle savait que rencontrer Neela finirait pas s'avérer inéluctable, mais elle imaginait cette première entrevue bien plus organisée. En réalité, Hazel détestait ne pas contrôler ce qui pouvait se passer. L'inconnu lui foutait une frousse bleue, surtout lorsqu'il atteignait sa vie privée. Au travail, elle préférait parler de défis que d'angoisses inutiles, mais dans sa vie privée, le moindre imprévu lui paraissait insurmontable. Parce qu'elle avait évolué, depuis son adolescence et le décès de ses parents, avec l'idée que toutes les relations n'étaient que passagères et vouées, à terme, à un fin diabolique. Ce n'était que depuis quelques années qu'elle avait pris un tournant dans sa façon de concevoir sa vie dans son ensemble en laissant une part importante à ses relations personnelles. Et c'était pour ces raisons très exactes que dans ce genre de situations, elle était aussi rassurée qu'un chien dans un restaurant chinois.

Dans le cas présent, la seule feinte valable qu'elle avait trouvée plutôt que de rester debout à attendre bêtement que Pacey arrive en tentant tant bien que mal de donner une bonne impression à sa meilleure amie, avait été de proposer un petit goûter à la jeune femme. Elle avait apporté des muffins, après tout, et peut-être que Pacey serait déçu de ne pas en avoir eu la primeur, mais elle était à peu près sûre qu'il s'en remettrait. Et puis... Hazel n'avait jamais été contre piquer un peu de thé dans ce placard qu'elle aimait tant. Réelle adepte de cette boisson, la jeune femme avait trouvé ici un petit paradis. Ce qui la rendait encore plus adepte de ces lieux était sans doute l'échec qu'elle avait essuyé en essayant de retrouver ses thés préférés sur Huntington Beach. Elle avait fait les supermarchés nationaux, régionaux, et même les épiceries spécialisées, mais rien à faire. Sa recherche n'avait pas été fructueuse. « La plupart de ces marques ne sont pas commercialisées ici, à vrai dire. Ce sont des produits locaux venus d’Inde en grande partie. Mes amis m’en envoient régulièrement quand je ne suis pas disponible pour aller en chercher moi-même. » Et venait d'avoir une réponse claire à ses questions. Elle aurait pu continuer à chercher longtemps encore... et le simple fait d'avoir eu une réponse à cette question qu'elle se posait depuis des mois la fit réaliser une toute nouvelle chose : même si ça l'angoissait, même si elle était loin d'être l'aise... il était grand temps qu'elle rencontre Neela. Depuis des mois, depuis même qu'elle connaissait Pacey, l'Indienne avait fait partie de bien des sujets de conversation, au point même de la rendre bien amicale aux yeux de la blonde, mais jamais encore elle n'avaient trouvé le moyen de se voir. Peut-être que là-dedans, le hasard avait finalement été leur meilleur allié. Pour répondre à Neela, Hazel sourit en faisait un petit signe de la tête amusé. « C'est un piège ! » plaisanta-t-elle, elle-même surprise de sa référence à un film populaire comme Star Wars. « Je veux dire... du coup, je pouvais toujours chercher. J'en ai trouvé d'autres, mais rien d'aussi convaincant. T'as les meilleurs références de la région, je pense » dit-elle en buvant une nouvelle gorgée de thé, comme pour appuyer ses propos. Pourtant, elle ne s'attendait pas une seule seconde à... « Je penserai à toi la prochaine fois que je recevrai quelque chose, je t’enverrai sans doute quelques trucs avec Pacey si ça t’intéresse, et en attendant, tu peux te servir. » En réalité, tant de générosité la fit pâlir de gêne. « Merci beaucoup... Et échange de bons procédés : je te ferai découvrir mes vignobles préférés, américains et étrangers. » Il n'y avait pas beaucoup de domaines dans lesquels Hazel pouvait se vanter d'être incollable, mais le vin faisait partie de ceux qu'elle pouvait au moins prétendre connaître un minimum.

Mais trêve terminée. Et c'était Hazel qui avait décidé qu'il était temps pour elle de reprendre le sujet qui la mettait dans un tel état après les progrès qu'elle avait fait depuis qu'elle était rentrée chez Neela : Louis. La brune confirmait que Pacey lui avait déjà parlé de leurs plans pour Noël, mais Hazel n'en menait toujours pas très large, malgré toute cette bonne volonté qu'elle mettait à faire bonne figure. « Depuis un peu moins de trois ans, environ. » Elles venaient d'aborder le cœur du sujet : la rencontre. Car Hazel en était bien consciente, c'était ce qui allait conditionner toute la relation qui les unirait ensuite. Et c'était justement parce qu'elle ne pouvait pas tout maîtriser de cette rencontre qu'elle s'en inquiétait autant. Louis n'avait pas besoin d'une seconde maman, Louis n'avait pas besoin que son père trouve une autre femme, Louis avait juste besoin de Pacey et, rien qu'en réalisant tout ça, Hazel avait compris que faire bonne figure face au garçon serait loin d'être suffisant. « Je ne sais pas si c’est moi qu’il aime ou ma cuisine mais, on peut dire qu’il ne fait plus autant de bêtises qu’avant. » Timidement, Hazel sourit. « T'es en train de dire qu'on peut l'acheter avec de la nourriture ? Bon à savoir... » plaisanta-t-elle en prenant un air songeur. Pourtant, ce qui était loin de la rassurer était la seconde partie de la phrase de Neela. Plus autant de bêtises qu'avant ? Avant, il posait des bombes dans sa cuisine ? Avant, il décapitait des chats et les mettait à rôtir dans son four ? Avant, il faisait quoi au juste ? Neela remarqua sans doute l'air accablé de la bijoutière, qui avait de plus en plus peur de ce que cette première entrevue -et les autres qui suivraient sûrement- pourrait donner. « Je dois avouer que je ne m’en souviens pas dans les détails, ça commence à remonter tout de même, mais, je n’en garde pas un mauvais souvenir non plus. » Elle essayait de la rassurer, ça se voyait. Pourtant, le regard d'Hazel s'était perdu sur le tupperware de muffins. « Pour rien te cacher, j'ai un peu peur de ce que ça pourrait donner. Pacey est tellement persuadé que ça se passera bien que j'ai encore plus peur de tout foirer. » Elle haussa les épaules pour tenter de rassurer Neela qui, elle, tenait de la rassurer. « On verra bien, ma foi, peut-être que t'auras bientôt plus personnage pour te piquer du thé, haha ! » Haha. Pour se donner un brin de contenance, elle attrapa le tupperware, l'ouvrit, attrapa un muffin, et fit glisser la boite jusque devant Neela. « Je vais te prouver qu'ils sont pas empoisonnés... » Et elle mordit franchement dans son muffin, savourant ce doux parfum de chocolat qu'elle aimait tant. « Chu vois, ché nickel, ch'as rien à ch'raindre. » argumenta-t-elle en jetant un coup d'oeil entendu à Maya, qu'elle prenait à parti comme témoin.

Au final et malgré les appréhensions de la bijoutière, ça n'avait pas été si mal de tomber sur Neela. Il était temps qu'elles se rencontrent ; cela faisait maintenant quelques mois qu'elle sortait avec Pacey, et encore plus de temps qu'elle le fréquentait et qu'elle entendait parler de Neela. Il se trouvait qu'elle n'avait toujours pensé que du bien de cette jeune femme, maintenant maman, qu'elle ne connaissait pourtant que via les dires de celui qui était maintenant son petit ami. Tout était maintenant confirmé, et peut-être que le hasard des choses, qui avait évité toute fioriture autour de leur première rencontre, avait permis que les choses soient un peu plus détendues... mais pas tellement plus non plus, surtout avec une Hazel constamment sur les nerfs, apeurée du moindre faux geste envers quiconque fréquentait Pacey. Si elle avait trouvé très vite un certain équilibre dans la relation qu'elle entretenait avec ce dernier, elle craignait, que ce soit justifié ou non, chaque conversation qu'elle pouvait avoir avec quelqu'un qu'il connaissait. Et si elle ne faisait pas bonne impression ? Et s'ils débusquaient d'horribles secrets à son sujet ? Elle n'était pas une meurtrière, mais elle avait déjà marché sur un escargot par inadvertance... Elle n'était à l'abri de rien, mais plus elle passait de temps auprès de son amoureux, moins elle était prête à laisser sa relation lui échapper. Ce n'était pas une réaction de psychopathe, c'était juste une réaction de femme amoureuse.

Pourtant, ce jour-là, avec Neela, les choses avaient un peu changé. Elle qui avait toujours idéalisé la jeune femme sans l'avoir jamais rencontrée réalisait à présent qu'elle était humaine. Elle était toujours impressionnée, mais Hazel avait réussi, quelque part, à comprendre que Neela ne lui voulait pas que du mal. Elle avait été cordiale, amicale, accueillante... qu'aurait-elle pu demander de plus ? Peut-être que la spontanéité de leur rencontre, en réalité, avait contribué à rendre les choses plus tranquilles... qui sait comment elles se seraient rencontrées, autrement. Peut-être auraient-ils tous finis au restaurant ou autour d'une bonne table, guindés au point de pouvoir héberger plusieurs balais dans l'arrière-train de chacun. Non, là, les choses s'étaient faites autour d'un petit thé et d'une Maya avide de cheveux. « Hihi, oui, je suis une petite sadique » , rit Neela alors qu'Hazel comprenait doucement pourquoi elle n'avait jamais retrouvé les thés de Neela ailleurs que chez elle. Pour toute réponse, Hazel but une gorgée de thé bien chaud, savourant le parfum du mélange qu'elle avait choisi. C'était clairement loin de ressembler aux classiques et sans saveurs qu'elle trouvait dans son supermarché -malgré tout les plus simples à se procurer, il fallait l'avouer. Mais puisqu'elles parlaient de boissons, Hazel ne comptait pas laisser passer une occasion de mettre en avant les viticulteurs qu'a l'époque déjà, ses parents admiraient. « On devrait faire un petit roadtrip et visiter tout ça. A la Thelma and Louise… Youh ! » Hazel sourit et répondit, un brin intimidée par sa propre remarque : « Oui mais je compte pas recracher le vin que je goûte, moi... C'est toi qui conduiras ? » Ouais, Hazel l'alcoolique, tout ça. Mais pourtant, même avec cette plaisanterie, elle prenait cette proposition très au sérieux. Depuis qu'elle avait rencontré Neela, les propositions avaient fusé. Elles allaient clairement se revoir dans d'autres circonstances, et ça lui faisait bien plaisir. Pourtant, méfiante comme elle l'était, elle s'était déjà mis dans un coin du crâne de demander à Pacey ce que son amie dirait à son sujet. Il lui dirait la vérité, non ? « Un weekend, pendant l'été, avant les vendanges... » s'imaginait-elle déjà. « Certains viticulteurs avaient sympathisé avec mes parents, je suis sûre qu'on pourra avoir des traitements VIP », glissa la jeune femme en les imaginant toutes les deux, libres comme l'air, dans les vignes californiennes. Elles prendraient le soleil en même temps que le raisin, en croqueraient peut-être quelques grappes, puis iraient goûter les cépages des années précédentes. Tout un programme...

Oui, avec Neela, tout se passait le mieux du monde. Hazel s'était laissée apprivoiser comme un pauvre faon apeuré, mais maintenant, elle commençait à baisser les boucliers. C'est peut-être aussi l'inquiétude qui la submergea lorsqu'elles abordèrent le sujet Louis qui fit passer Neela pour un gros nounours rose avec lequel elle aurait joué à la dînette. « Quelque chose comme ça, oui. Mais attention à ne pas le goinfrer à longueur de journée. » Bizarrement, ça se rapprochait de certaines choses qu'avaient déjà avancées Pacey au sujet de son fils. « Je serais modérée dans mes méthodes, t'en fais pas », plaisanta-t-elle sans arriver pour autant à se départir de son sourire crispé. Et Neela, à ce moment-là, eut la réaction la plus parfaite au monde. « Ne t’inquiète pas. Tu connais Pacey, il déborde de positivité, et tu devrais faire comme lui. Il n’y a pas de raison pour que Louis te voue une haine insurmontable… » avait-il dit, sans doute sans se rendre de l'impact de ses mots sur la bijoutière. A croire qu'elle comprenait tout ce qui se passait dans son crâne à ce moment précis. « T’es humaine, Hazel. Personne ne te demande d’être parfaite à longueur de journée. Si tu foires une fois, tu en auras des dizaines d’autres pour te rattraper. » La jeune femme avait à nouveau trempé ses lèvres dans son thé, mais elle regardait Neela, la larme à l’œil. Elle était la seule, jusque-là, qui semblait avoir réellement compris l'enjeu que cette première rencontre avec Louis représentait pour elle. Le visage de la blonde s'était relaxé, mais il laissait encore transparaître des dizaines d'émotions. Quelque part, les conseils de l'indienne semblait s'appliquer à plus encore que sa relation avec le fils de Pacey et, si elle avait connu Neela un peu plus, elle lui aurait sans doute sauté dans les bras. Mais elle se connaissait depuis une demi-heure, peut-être, elle se contenta donc d'un « merci, Neela » empli d'émotions. Elle lui aurait bien offert un muffin pour la remercier. Non, deux muffins. Ou une fournée entière de muffins. Non, non, c'était pas assez. Elel lui offrirait un bijou, tiens. Elle avait d'ailleurs un bracelet en tête, un bracelet donc les couleurs et le travail semblaient lui correspondre totalement, comme s'il l'avait toujours attendue; elle ne manquerait pas de le lui faire passer par Pacey -n'allez pas croire qu'elle aurait le courage de lui offrir en face, quand même...

Neela mit bien vite fin à ce moment un brin gênant pour Hazel, en décidant de craquer pour l'un des muffins qui attendaient dans leur tupperware. « Ché très bon. Ch’veux bien la recette. » Comme une gamine, Hazel la regardait à présent, les yeux remplis d'étoiles. Elle était fière d'avoir satisfait les papilles gustatives de la chirurgienne. « Pas de problème. En plus c'est pas très compliqué. Mais l'utilise pas pour Louis, hein, c'est mon arme... » tenta-t-elle de plaisanter, maladroite. C'est ce moment précis que choisit la porte d'entrée pour claquer. Ouh la... déjà ? Elle se voyait déjà toutes les deux sur le canapé, à se présenter leurs programmes télé favoris... Hazel émit une exclamation de surprise en écho à celle de Neela. En buvant une gorgée de thé, Hazel se leva. Maya la regardait sans rien dire, et elle lui fit un petit signe de la main, attendrie par la petite. « Je pense qu’il a finit plus tôt tout compte fait », fit remarquer la brune, alors qu'Hazel regardait sa montre. Pas vraiment, non... Mais elle n'osa pas lui dire. Ce serait peut-être un peu déplacé de dire qu'elle avait passé un moment et que le temps était passé drôlement vite en leur compagnie à toutes les deux. « Allez, on va vous laisser, Maya a besoin d’un peu de soleil, et moi de me promener. » Elles se dirigeaient toutes les deux vers le hall d'entrée, où elles retrouvèrent Pacey.

Quelques minutes plus tard, après quelques formalités échangés entre eux, Neela avait quitté sa propre maison avec sa petite fille. Hazel l'avait remerciée chaleureusement sans oser en rajouter davantage, puis avait brièvement joué avec Maya pour lui dire au revoir. La première chose qu'elle fit lorsqu'elle se retrouva seule avec Pacey fut de le remercier de son retard. Elle avait enfin rencontré Neela, et elle était tout ce qu'il avait décrit pendant toutes ces années.

Sujet terminé ~~