"Shut up and give me my pills"
kathleen & eden

Le rituel d'Eden le matin était assez complexe. Il se levait une heure plus tôt, histoire de préparer le repas du midi de sa fille - chose qu'il avait toujours beaucoup de mal à faire. Dans son tee-shirt 'The Hulk', il se baladait en chaussette de bon matin avec rien si ce n'est un jus de fruit pour petit déjeuner. Une fois que le déjeuner de sa fille était terminé, il s'autorisait à monter à l'étage et à prendre une douche afin de se changer juste après. Il avait un style assez simple, n'ayant jamais vraiment cherché à se différencier des autres. Mais il achetait surtout des choses très chers et de marque, sans doute l'héritage de sa famille. Héritage que n'avait visiblement pas reçu son petit-frère qu'Eden allait réveiller en premier à coup de soleil en pleine face. Cela ne réveillait pas Éric, qui dormait toujours malgré un réveil léger. Eden allait ensuite réveiller sa fille en douceur, l'aidant à s'habiller et descendre en bas pour manger un petit déjeuner. Une fois Faith devant la télé et avec un bol de céréale, Eden remontait tirer son frère hors de son lit. Un véritable exploit. Éric, dans sa classe habituel, rejoignait Faith sur le canapé du salon, piquant ses céréales. Après un moment, le temps qu'Eden prenne ses affaires, il récupérait Faith et il conduisait sa fille à l'école. Il avait tout fait pour que son emploi du temps lui permette de savourer cet instant, chaque matin. Pour qu'il puisse être là, avec sa fille, la voyant grandir chaque jour un peu plus. Il ne supportait cependant pas le moment où elle lui lâchait la main, courant vers ses amis. Elle s'en allait, ailleurs, elle apprenait et dans peu de temps il avait la sensation que sa jolie petite Faith allait être une vraie femme. Il ne voulait pas qu'elle en soit une, il voulait qu'elle reste cette adorable petite fille innocente qui voyait le monde comme un énorme terrain de jeu. Le monde qu'il voyait à travers ses yeux étaient le plus beau, sans aucun doute.


Mais il y avait aussi la force du vide qui dévoilait à Eden qu'il manquait Marissa à ses côtés... pire, qu'il manquait ce petit garçon qu'ils avaient perdu. La mort de Samuel avait bouleversé Marissa comme jamais, mais Eden n'avait rien montré. Il avait gardé sa peine et son chagrin pour lui, ne voulant pas que cette perte les sépares. Il avait toujours tout fait pour que les choses fonctionnent entre Marissa et lui, mais il avait commis une erreur et désormais tout était différent. Marissa était loin de lui et elle était loin de sa propre fille. Eden aurait aimé que le divorce soit moins difficile, mais voilà où ils en étaient.

L'hôpital était une seconde maison pour le psychiatre qui était un véritable don du ciel envers ses patients. Même son patron, le docteur Johar, le savait. Eden était doué, dévoué aussi. Il ne laissait pas sa vie personnelle prendre place dans sa vie professionnelle et c'était une chose très apprécié dans le domaine. Tellement apprécier que les choses allaient assez difficile. En effet, le docteur London venait de partir pour la retraire. Ses patients devaient donc se retrouver avec un nouveau psychiatre, que le chef du service venait d'engageait. Le problème c'était que le docteur London avait un très grand nombre de patient et on ne pouvait pas tous les confier au nouveau du coin. Dans le personnel existant du St-John allait devoir rajouter des heures supplémentaires à leurs semaines et découvrir de nouveaux patient. Eden n'échappait pas à cette nouveauté, ayant une heure supplémentaire en soirée, lui qui faisait tout pour emmener et aller chercher sa fille à l'école. Par chance, il avait un frère, toujours présent quand il s'agissait de Faith. Donc, Eden était encore à l'hôpital, décidant d'accueillir sa nouvelle patiente. Patiente dont le dossier provenait de Boston.

Quand il ouvrit la porte, une jeune femme apparus devant lui. Elle s'était arrêté en plein milieu de sa phrase, visiblement perturbé par quelque chose. Sans doute lui.

« - Non, pas encore... » Il leva les yeux aux ciels. Il avait une impression de déjà-vu. « - Le docteur London a pris sa retraire. C'est moi qui le remplace désormais. Je suis le docteur Jefferson. » Il tendit, souriant, par politesse. Ce service avait sérieusement besoin de communication. « - Entrez, je vous en prie. »

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kathleen & eden

Il ne se prit pas la tête. Si elle ne voulait pas lui serrer la main, alors soit. C'était son droit. Il comprit très vite qu'elle semblait en colère, déçu peut-être même de ce qui était en train de se produire. Visiblement elle n'avait pas été prévenu et cela ne lui plaisait pas. Eden n'était pas un médecin compliqué, il avait vite compris que dans ce métier il fallait faire passer les autres avant ses propres idées. Sa nouvelle patiente était sa priorité et il le savait mieux que personne. Il avait simplement du mal avec les heures supplémentaires et les nouveautés. Normalement il connaissait ses patients depuis des années, des mois aux minimums. Le début n'était jamais simple, même si Eden savait tout ce qu'il y avait à savoir sur Kathleen. C'était à elle maintenant d'apprendre qui il est et pour certaines personnes c'est une véritable corvée. D'autre trouvé ça plus facile. Il y avait un côté rassurant de savoir que la personne en face de nous ne nous connait pas assez bien pour nous juger. Et le rôle d'Eden n'était pas de juger, mais de questionner. Il devait toucher les points sensibles et aider ses patients à trouver les solutions par eux-même. Du moins, psychologiquement parlant. Il ne faisait donc pas attention aux gestes, regards et autres signes de colère et de négativité. Son rôle n'était pas de s'énerver pour un oui ou pour un non. Il devait savoir faire preuve de patiente, voilà tout.

Plus que sa colère, Eden remarqua ses tremblements. Il garda cette information pour lui alors que la demoiselle tentait de les cacher entre ses cuisses. Le visage de la demoiselle était signe de fatigue, de malaise et d'anxiété. Eden s'installa en face de Kathleen, attendant quelques instants pour voir si elle voulait parler directement ou s'il devait ouvrir la conversation. Il fut surpris d'entendre le son de sa voix et reporta toute son attention sur elle, calepin sur les genoux. Il tenta de lui offrir un sourire réconfortant pour l'aider à prendre confiance. Elle soupira légèrement, répondit à son sourire avant de prendre la parole.

« Et bien Docteur Jefferson, je ne sais pas si le Docteur London vous a laissé une note mais je ne suis venue que pour qu'il me renouvelle mon ordonnance. Je n'ai besoin de rien d'autre aussi vous en serais-je extrêmement reconnaissante si vous pouviez me la donner. »

S'adossant à son siège légèrement, Eden fixa la jeune femme en face de lui. L'excès de politesse, une arme imparable pour demander les choses et une preuve évidente qu'un 'non' n'est pas acceptable. Cela le fit penser à un texte qu'il avait lu récemment. Katherine Anne Porter a écrit : « L'univers parait étrangement bien ordonné. On le voit à la régularité des mouvements des étoiles, de la rotation de la terre, du passage des saisons. Mais la vie humaine est l'expression même du chaos. Chaque personne tente de faire valoir ses droits, d'imposer sa volonté, ses sentiments sans comprendre ce qui fait avancer les autres, ni ce qui l'a fait avancer lui-même. »

« - Vous n'avez pas eu le temps de parler avec lui pourtant... » C'était écrit dans le dossier. Elle était sa nouvelle patiente, mais sa retraite arriva plus tôt que prévu, ce qui fait qu'il n'avait rien écrit sur Kathleen. En revanche, son ancien psy, le docteur Coleman, avait noté certaines choses. Il ouvrit son dossier, cherchant une page. Le docteur Coleman prescrivait surtout des somnifères ainsi qu'un antidépresseur.

« - Pourquoi ne voulez-vous pas parler ? » Il se pencha légèrement vers elle, observant ses grands yeux. Il voulait montrer qu'il savait parfaitement pourquoi elle était là et qu'il n'était pas prêt de la laisser faire. « - Vous savez, vous n'avez rien à perdre. »

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kathleen & eden

Il était hors de question de donner à Kathleen ce qu'elle était venue chercher. Eden n'était pas un idiot, loin de là. Il connaissait les règles, les protocoles. Il savait aussi ce que certain médicament avait pour effet secondaire. Il était conscient qu'ils seraient tous les deux gagnants à en finir le plus rapidement possible. Lui, il pourrait retourner chez lui, prendre soin de sa fille et déconner avec son petit frère. Le problème c'était qu'Eden était loin d'être l'égoïste qu'on croyait qu'il était. Surtout durant son travail. S'il avait bien un point commun avec son patron, c'était ça : la façon dont son travail prenait une grande place dans sa vie et la façon dont il refusait que l'une influence l'autre. Il n'allait jamais sacrifier un rendez-vous pour son plaisir personnel. Alors il était prêt. Assis dans son fauteuil, il était prêt à débuter la conversation et à pousser Kathleen à rester. A discuter. Elle était loin d'avoir l'image d'une femme qui savait ce qu'elle faisait. Elle paraissait fatigué, dépassé par les évènements. Autant dire qu'Eden n'allait pas lui faire confiance, même pas pour son beau sourire. Si elle savait sourire, d'ailleurs. Eden joua le jeu du docteur patient et calme. C'était la meilleure façon de faire réagir le patient. La plupart du temps les gens perdaient vite leurs sang-froid. Cet air de sérénité et de 'je-sais-tout' les mettaient hors d'eux. Eden se demandait quand est-ce que Kathleen allait montrer les crocs. A quel moment, précisément, elle allait en avoir marre de ce petit jeu. Visiblement, elle était prête à prendre sur elle, convaincu sans doute que c'était la meilleure chose à faire pour avoir ses médicaments. C'était appréciable, il fallait l'admettre.

« - Je vois. » Eden marqua une pause, cherchant dans son dossier les coordonnés avec du professeur Coleman qu'il nota sur un post-it. Si Coleman avait réussi à convaincre London, pourquoi ne pas tenter de le convaincre Eden aussi ? Il avait hâte d'entendre les arguments du médecin. De savoir comment tout ça se passait. Il était curieux aussi, c'était sans doute ce qui plaisait à certains psychologue. Cette faculté de connaitre la vie des autres et de pouvoir l'influencer dans une meilleure direction. Il n'était pas habitué à ça, lui. Il faut dire que ses patients sont parfois tellement perturbé que leur vie se limite à très peu de choses. Kathleen, elle, avait une vie différente. Elle était libre, à l'extérieur, accompagné d'amis sans doute, de famille aussi. Elle avait un environnement différent de ses patients habituels et Eden était conscient qu'il devait prendre ça en compte. Mais il était hors de question de faire la moindre erreur, nouvelle patiente ou pas. Si elle n'avait pas eu l'occasion de parler avec le docteur London, elle allait le faire avec lui. C'était une certitude. Alors qu'il avait planté son regard dans celui de Kathleen, il ressentit comme un brin de colère pointer le bout de son nez. Mais la jeune femme faisait de son mieux pour se retenir et pour rester le plus calme possible.

Un sourire, finalement, en voilà un.

« - Je ne savais pas que vous rendiez encore visite au docteur Coleman. Je vais sans doute lui demander de me faire parvenir les contre-rendus de vos récentes visites. » Puis il marqua une pause, avant de reprendre. « - Donc je ne vais pas vous faire d'ordonnance, sans avoir son approbation. » Ce qu'il ne comprenait pas, c'était pourquoi faire transférer son dossier ici si elle continue à voir son psychologue là-bas. Encore moins pourquoi se faire renouveler une ordonnance ici, quand son médecin pouvait très bien le faire.

« - Vous savez, on a toujours quelque chose à perdre. Vous en êtes en vie, non ? C'est un bien comme un autre. Un bien que l'on peut perdre. » Il arracha son post-il, se tournant vers le téléphone qui était sur son bureau. « - Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi vous êtes là. Qu'est-ce qui vous amène à Huntington Beach, Miss Dickinson ? Mais soit. Voulez-vous que je contact le docteur Coleman tout de suite pour votre ordonnance ? »

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Des patients difficiles, il en avait déjà eu plusieurs. Plus difficile que la jeune femme actuellement en face de lui : Oui. Des gens avec des problèmes plus graves, plus ingérables, plus dangereux encore. Mais l'addiction était tout de même une chose à prendre avec douceur et Eden le savait. Il ne voulait pas que ce rendez-vous se transforme en catastrophe. En prenant donc son temps, il avoua qu'il allait parler à l'ancien médecin de Kathleen pour avoir son approbation. Il ne ferait rien sans avoir discuté avec ce médecin. Sans en savoir plus sur la jeune femme. Il ne voulait pas commettre d'erreur et dans son métier, c'était souvent très grave si jamais on ne faisait pas attention. Depuis son divorce avec Marissa, Eden était très pointilleux sur son travail. Il passait beaucoup de temps à l'hôpital, trop sans doute. C'était sa façon d'oublier ses propres problèmes et de laisser de côté une vie assez difficile pour le moment. Si Faith n'avait pas été là, Eden aurait sans doute souffert encore plus de cette rupture déjà trop difficile à son gout. En observant Kathleen, il voyait bien qu'elle avait aussi des choses à cacher, des squelettes dans son placard qu'elle préférait sans doute laisser à Boston. Sans doute que le fait de s'être installé ici était une phase de reconstruction. Un moyen de tout reprendre à zéro et de démarrer une vie sans l'ombre d'analyse psychologique qui pourrait changer le regard des inconnus. Eden trouvait la faculté de concentration et la patiente de Kathleen extraordinaire. Si elle dévoilait tous les signes apparents d'une forte dépendance, elle en restait pas moins fidèle à un calme et à une éloquence soutenue. Cependant, Eden ressentait que ce n'était qu'une question de minute avant qu'elle n'explose. Qu'elle lui saute dessus, suppliant pour sa dose.

Bon, il n'était cependant pas quelqu'un qui jugeait trop vite. Il imaginait tout aussi bien Kathleen garder son calme jusqu'à la fin.

« - Ne vous inquiétez pas, je comprends parfaitement. Mais c'est dommage. » Il lui offrit un sourire, un léger sourire, mais un vrai sourire. « - Avoir des avis divergeant sur plusieurs choses, ça peut être intéressant. En tout cas, si vous avez besoin de parler, je serais là. »

Elle semblait avoir tout fait dans l'ordre. Comme si c'était un besoin à prendre. Qu'il fallait agir avec précaution. Il savait que ce n'était pas facile pour elle. Qu'elle avait des démons qui l'empêchaient de dormir correctement. De vivre correctement. Sans doute avait-elle subi une nuit blanche de trop. Mais toute addiction était invisible à l'oeil nu. Eden n'allait pas lui faire ce plaisir. Il ne le faisait pas pour l'énerver ou juste pour l'amusement de lui refuser quelque chose. Il faisait avant tout son travail. Son job de psy qui nécessitait un regard profond sur les choses.

En entendant le rire de la jeune femme, Eden compris. Elle ne donnait aucune valeur à sa vie. Voilà qui lui confirmer que lui donnaient ces calmants ne l'aiderais pas. Elle ne semblait pas être le genre de personne à vouloir mettre fin à ses jours, pourtant, le suicide était un acte parfois irréfléchi pris à la dernière seconde. Il ne voulait pas laisser son inconscient parlait de lui-même. Pas au risque qu'elle perde sa vie, bêtement.

Il fixa un instant Kathleen avant de prendre son téléphone et de composer le numéro du docteur Coleman. Après deux tentatives, il raccrocha. Personne ne répondait.

« - Je suis désolé, mais je ne peux rien faire pour vous. Vous allez devoir revenir une prochaine fois pour votre ordonnance. » Il s'adossa à son siège. « - Sinon, il suffit de demander au docteur Coleman de vous faire une ordonnance lors de votre prochaine visite à Boston... » Il jouait avec son stylo, tout en fixant Kathleen. « - Mais dans ce cas, je tiens juste à signaler que vous ne ferez plus partie de nos patients. » Autant dire qu'il avait trouvé le point sensible de toute cette histoire.