Surprise, surprise ! Hazel avait reçu un message de Pacey l'informant de l'heure de sa fin de service. Peut-être parce qu'elle avait un peu insisté, d'ailleurs. Il avait mis un moment à répondre, et elle avait bien eu conscience de l'embêter en plein boulot, mais, recluse dans son atelier de création, elle avait impatiemment attendu ses horaires du jour pour échafauder son plan. La vérité était qu'elle avait une petite surprise, et comptait bien la partager avec lui. Ravie, elle s'était organisée jusqu'à compter le temps qu'il mettrait pour quitter l'hôpital et rentrer chez sa meilleure amie. Elle ne comptait pas le laisser libre, cet après-midi. Pas tout de suite, en tout cas. Le principal avantage des services du matin était qu'ils leur offraient tout l'après-midi, et qu'elle-même pouvait se libérer et déléguer sans trop de soucis. Et, de plus, Louis était à l'école. C'était peut-être ridicule, mais même si leur relation avec Pacey depuis plusieurs mois maintenant, Hazel redoutait toujours autant de tomber sur son fils. Ils s'étaient déjà rencontrés rapidement, mais à l'époque, elle n'était qu'une amie de son père... Et le revoir dans la configuration actuelle l'inquiétait tout particulièrement. Aussi, elle choisissait ses moments avec soin, même si elle n'avait pas osé faire part de ses craintes à celui qu'elle appelait désormais son petit ami. Et ce moment, comme tous les autres, était choisi avec soin.

En claquant la porte derrière elle, Hazel jeta un coup d’œil à sa montre. Parfait, elle avait bien tout calculé, elle était à l'heure. Cependant, malgré un tour d'horizon, elle ne repérait pas la voiture de Pacey. Ce n'était pas grave, se disait-elle. Il avait du peiner à se garer ici et se résigner à le faire un pâté de maison plus loin. Elle pourrait le narguer, d'ailleurs, elle qui avait trouvé une superbe place en créneau juste en face de chez lui... enfin, de chez Neela Meyers. Cette jeune femme qu'elle ne connaissait que de loin, mais dont elle avait déjà squatté la maison à plusieurs reprises. La meilleure amie de Pacey, paraissait-il. Elle ne savait finalement que peu de choses à son sujet, mais ce qu'elle savait d'elle l'avait mise en confiance... Autant qu'une jeune femme comme Hazel pouvait l'être. C'est-à-dire que telle que Pacey la décrivait, Neela était la perfection. Et Hazel se sentait un peu comme ce personnage qui, dans une série à la con, fait un passage bref dans la vie amoureuse du protagoniste... parce que ce dernier est amoureux de cette jeune femme rencontrée en début de série -toute ressemblance avec des personnages ou des séries existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. Peut-être que le fait qu'il se soit réfugié chez elle n'avait pas aidé cette confiance en Neela qu'Hazel trouvait malgré tout un peu bancale. Elle venait même d'avoir un bébé... Qu'était-elle donc d'autre que le modèle féminin ultime ? Oui, d'accord, la blonde y voyait là une concurrente... Mais elle n'arrivait même pas à lui en vouloir. Le personnage de passage dans les séries était toujours celui que les téléspectateurs n'approuvaient pas, et Hazel ne pouvait pas la blâmer d'entretenir un lien si fort avec Pacey... tout simplement parce que Pacey méritait un meilleure amie qui le méritait, description à laquelle la jeune indienne semblait parfaitement correspondre. En résumé, ses sentiments envers Neela était assez contradictoires et partagés, mais ils sous-entendaient toujours une certaine admiration.

De toute façon, cet après-midi n'était pas de ceux pendant lesquels elle devait se torturer en pensant à Neela Meyers. Cet après-midi, elle allait profiter de Pacey. Neela était probablement au travail, c'était ce qu'elle avait déduit des prévisions que lui donnait Pacey de temps à autres. Louis serait à l'école. Les après-midis, décidément, meilleures alternatives pour s'accorder un peu de temps en tête à tête. Après avoir traversé la rue, Hazel gravit les marches de l'escalier de l'imposante villa de miss Meyers. Elle sonna sans attendre et, d'une main, rangea ses clés dans son sac. De l'autre, elle portait devant elle une boite en métal refermée par un couvercle. Soudain, son sac, que sa main venait de quitter, émit une longue vibration. Maladroitement et avec difficultés, elle en sortit son portable, qu'elle déverrouilla, pour aussitôt lire un message de Pacey. « Désolé, je suis retenu au travail. On essaie de se voir dans la soirée ? » L'enthousiasme d'Hazel s'envola aussitôt. Déçue comme un enfant à qui on aurait retiré un cadeau des mains, elle s'apprêtait à faire demi-tour, lorsque l'imposante porte de la villa s'ouvrit sur ... une jolie indienne. Hazel resta incrédule, tenant bêtement sa boîte d'une main et son portable de l'autre, son sac de couturier pendant pathétiquement, accroché à l'arc de son coude. C'était gênant, comme situation, ou ce n'était qu'elle qui en ressentait l'inconfort ? « Oh » fut tout ce qu'elle trouva à dire pendant quelques instants, désolée d'avoir dérangé Neela chez elle, en plein milieu de l'après-midi, sans aucune raison. « Je suis désolée, je pensais que Pacey serait là, mais il vient de me dire qu'il est encore au travail, donc il est pas là... enfin, vous devez vous en douter, vu que... enfin, à priori, vous devez savoir qui est chez vous vu que vous y êtes. Enfin, bref... » Elle lui lança un sourire gêné avant de rajouter : « Tenez, je vous les laisse, du coup, faites-y honneur. » Elle lui tendit la boîte en métal, le bras tremblant, affaibli par le poids du sac à main. « Faites en profiter Louis ! » Après lui avoir donné la boîte, elle rangea son portable à sa place et se mordit la lèvre, ne sachant plus réellement quelle réaction adopter. « Je vous souhaite un bon après-midi... Il fait beau, c'est un temps à bronzer ! A la prochaine, j'espère », et, sans attendre de réponse, elle opta pour la solution réflexe d'animal apeuré guidé par l'instinct de survie : elle choisit la fuite, et fit volte-face, se préparant psychologiquement à descendre les marches de l'escalier avec ses talons-échasses. Après avoir descendu la première marche, elle se sentit obligée de se retourner et ajouta : « au fait, c'est des muffins double chocolat, hein, pas des serpents venimeux. »

Oh, merde, se disait-elle en réalisant que tout son plan venait de tomber à l'eau. Pacey était coincé au travail, et elle se retrouvait bêtement postée devant la porte de Neela Meyers, immobilisée sur son perron. Prête à faire demi-tour, Hazel sentit une montée de stress en réalisant que la porte de la villa s'ouvrait face à elle malgré toute attente. Par élimination et après un enchaînement éclair de pensées logiques, elle en vint à la conclusion qu'elle vivait cette première rencontre avec Neela à laquelle elle pensait depuis maintenant quelques temps. Cela aurait pourtant été naïf de sa part de penser qu'être préparée à ce face-à-face lui aurait permis d'être plus à l'aise, et pourtant, Hazel se retrouvait comme pétrifiée face à celle dont elle avait tant entendu parler. Et c'est sans doute parce qu'elle paniquait au moins un peu qu'elle s'était mise à parler sans trop savoir où son monologue la mènerait, ou quelle pouvait être la réaction de Neela face au débarquement d'une inconnue chez elle. Pourtant, au bon d'un moment, Hazel se décidé à s'arrêter de parler, prête à faire demi-tour pour de bon, avant de réaliser au dernier moment qu'elle n'avait même pas présenté à Neela ce qu'elle lui avait mis entre les mains. « Pas des serpents venimeux, hein… Tu sais que je peux dire la même chose de moi... » l'avait accueillie Neela avec un sourire bienveillant qui la fit se sentir aussi stupide qu'un poisson naïf devant un tas de riz vinaigré. Pourtant surprise par la réplique du médecin et par le tutoiement qu'elle avait adopté, Hazel resta quelques instants immobile, avec un sourire figé dessiné sur son visage, comme si elle cherchait précisément quelle phrase répondre pour faire bonne impression, être politiquement correcte, tout ça... « Oh, mais... non non, je voulais pas vous offenser... » balbutia-t-elle finalement, visiblement pas très à l'aise avec l'idée de vouvoyer quelqu'un qu'elle ne connaissait finalement que via les dires de Pacey. Pourtant, Neela ne se démontait pas, et c'était tant mieux. « Neela. Hazel. Hazel. Neela. Maintenant que les présentations ont été faites, tu aimerais l’attendre à l’intérieur ? » Hazel se décoinça un peu, lâchant un sourire beaucoup plus sincère rien que de savoir que la meilleure amie de son copain était en train de se mettre en quatre pour la déstresser -ah, parce que ça se voyait ? « Enchantée, Neela, il était temps qu'on se rencontre... Comme quoi le hasard peut finalement bien faire les choses », commença-t-elle. « Vous êtes sûre ? Je veux pas vous déranger... en fait je pensais que vous seriez au travail, je passais juste voir Pacey, mais si vous êtes occupée je veux pas m'imposer... en fait je veux pas m'imposer du tout... » s'enfonçait-t-elle, gênée à l'idée de s'incruster à un moment qui pourrait ne pas être propice à une première rencontre ou à quoi que ce soit d'autre, mais également gênée d'avoir été prise en flagrant délit de squattage d'une villa qui n'appartenait finalement ni à elle, ni à son copain. C'était quelque chose qui s'était fait naturellement, les rencontres avec Pacey dans cette villa qui appartenait à sa meilleure amie, mais Hazel n'avait pas pensé se sentir aussi gênée à l'idée de rencontrer celle qu'elle forçait parfois à quitter les lieux pour mieux retrouver son petit-ami. Elles se connaissaient sans se connaître, finalement, et Hazel tournait autour d'une idée qui n'était même plus floue à force d'entendre son petit-ami décrire Neela, ce qu'elle faisait et qui elle était. Pourtant, même si elle avait l'impression de la connaître plus que de raison, la blonde se trouvait là dans une situation inconfortable : celle de devoir prétendre ne rien savoir d'elle parce qu'elles se rencontraient pour la première fois, alors qu'en réalité... et bien c'était loin d'être la vérité. « Promis, je ne te demanderai pas de changer de couches ni autre chose de ce genre ! » Neela, toujours aussi prévenante, semblait refuser les arguments d'Hazel, qui finit par accepter l'invitation. « Merci » dit-elle poliment avant de rebondir sur le sujet de conversation que représentait l'usine à caca nécessiteuse de couches. « ça se passe bien avec Maya ? Elle est calme ? » demanda-t-elle avant que son regard bleuté ne se pose sur la petite, installée un peu plus loin. Cette simple vision arracha un sourire béat à la bijoutière. « Par contre, concernant les muffins, si on s’y met à deux, je ne peux pas garantir qu’il en restera pour Louis et Pacey. » lança la jeune mère, arrachant un sourire amusé à la blonde. « Goûtez-les avant de dire ça, on sait jamais, vous êtes pas à l'abri d'une mauvaise surprise gustative... Je suis plus réputé pour mes muffins à la noisette, mais je voulais tenter de nouvelles expériences. » Hazel ne semblait toujours pas habituée à l'idée du tutoiement, pourtant parfaitement à l'aise avec le fait que Neela, de son côté, la tutoie elle. Elles avaient sensiblement le même âge et la même situation, cherchez donc la logique. Pourtant, sur le coup, Hazel ne releva même pas le réflexe de vouvoiement auquel elle semblait s'accrocher. « J'en avais fait à Pacey et Louis, des muffins à la noisette, mais je suis pas sûre que vous ayez pu mettre la main dessus à temps. Ce sera donc une vengeance méritée », approuva-t-elle Neela, qui ne semblait finalement pas si dérangée que cela à l'idée de ne rien laisser aux deux hommes. De toute façon, c'était les femmes qui dominaient le monde, voilà tout.

Courtoisement, la blonde suivit son interlocutrice à l'intérieur, fermant la porte derrière elle. Son regard s'était posé sur le petit être, installé non loin de là. Hazel n'avait que peu fréquenté des enfants, et encore plus des bébés. Elle n'était pas du tout à l'aise autour de ce genre d'être, persuadée qu'elle ne serait jamais à la hauteur de leur attention et finirait même pas devenir dangereuse. Pourtant, elle ne pouvait nier qu'une part d'elle restait toujours émerveillée devant la fraîcheur que dégageaient nouveaux-nés et jeunes enfants. Peut-être qu'elle finirait par se sentir prête à avoir son ou ses propres enfants, un jour, mais ce n'était pourtant pas à l'ordre du jour. Elle préférait pour l'instant s'extasier devant ceux de ses amis, qui, mine de rien, se faisaient de plus en plus nombreux. Une de ses employés lui avait d'ailleurs, quelques semaines auparavant seulement, annoncé sa grossesse. Fascinée par la petite Maya, Hazel s'approcha doucement d'elle, déposant au passage son sac à main par terre pour être totalement dévouée à la petite fille de Neela. Elle fixait la petite, qui, silencieuse, la regardait de ses grands yeux. « Elle est adorable », dit-elle tandis qu'elle entendait Neela s'approcher d'elle. « Elle vous ressemble. Je suis assez nulle à ça, mais je dirais que ce sont les yeux... » Elle entendit une vague réponse de Neela -plutôt un grommellement-, et fronça les sourcils. « Hein ? » lui demanda-t-elle de répéter, désolée de ne pas avoir bien entendu la première fois. « Vous me parlez de balcon, c'est ça ? » tenta-t-elle, malgré tout méfiante à l'idée de tomber complètement à côté de la plaque.

Finalement, les choses ne se passaient pas si mal que ça. Hazel commençait à découvrir le côté humain qui se cachait derrière le mythe que représentait Neela, et ça lui plaisait bien. Même si elle n'avait pas douté un seul instant de la bienveillance de Neela, il ne fallait pas nier qu'elle n'avait jamais été particulièrement à l'aise avec le fait de rencontrer de nouvelles personnes, d'autant plus s'il s'agissait de quelqu'un qui allait prendre, d'une manière ou d'une autre, une place prépondérante dans sa vie. Rencontrer des journalistes ou des clients, elle l'avait fait tellement de fois que ça ne l'intimidait plus vraiment; là, cependant, l'enjeu était totalement différent. Depuis quelques mois, elle se rendait compte que son existence depuis la disparition de ses parents s'était résumée au travail, et qu'elle n'avait fait que très peu de rencontres. C'était son absence la plus totale de confiance en son potentiel social qui le lui rappelait à chaque fois qu'elle faisait face à quelqu'un qui apparaissait dans sa vie pour n'importe quoi d'autre que pour le travail. Pacey avait incontestablement été le premier à la faire passer ce cap là, et pourtant, elle n'en restait pas moins perdue lorsqu'il s'agissait de faire bonne impression à quelqu'un sans mettre ses bijoux ou sa poitrine en première ligne. Elle avait tiré un trait sur cette facette un peu aguicheuse qu'elle avait ressortie chaque weekend, et elle découvrait peu à peu une vie de stabilité, une vie d'adulte. Une vie qu'elle avait envie de vivre, mais qui l'effrayait toujours par le nombre d'inconnues qui continuaient d'y figurer malgré les mois qui défilaient. Elle faisait donc actuellement face à une situation à laquelle elle aurait préféré avoir le temps de se préparer, mais il se trouvait qu' on ne lui avait pas donné le choix. Et finalement, c'était peut-être mieux comme ça. Elle n'avait pas eu à se répéter en boucle les différentes conversations qu'elles auraient pu avoir, en considérant toutes les variables de réponses que Neela aurait pu donner. « Tu n’as pas de soucis à te faire, si ça m’avait offensé, tu ne serais pas encore-là. » Hazel esquissa un petit sourire, mi-intimidée, mi-rassurée. « J'suis désolée si j'ai l'air un peu... à côté de la plaque. La situation est quand même assez particulière dans son genre », avoua-t-elle finalement, comme si se décharger de cette vérité lui permettrait de se sentir plus à l'aise face aux circonstances. Au passage, Hazel accusa Pacey d'un ton plaisantin de les avoir mises dans une telle situation, ce avec quoi Neela semblait d'accord. « Je pense que c’est même beaucoup mieux ainsi. Si on devait compter sur Pacey pour nous présenter l’une à l’autre, on aurait pu attendre un an encore. » Hazel répondit en gloussant brièvement. « Il a peut-être des choses à nous cacher », plaisanta-t-elle, même si elle savait pertinemment que ce n'était pas le cas. Au pire, il avait honte tellement honte qu'il n'osait pas la présenter à celle qui était sa meilleure amie et qui savait tout de lui. D'ailleurs, qu'est-ce que Neela savait à son sujet ? Hazel avait l'impression de déjà la connaître, mais était-ce réciproque ? « Je suis ravie de ne plus avoir à attendre pour vous rencontrer. J'aurais sûrement fini par penser que sa meilleure amie était imaginaire ou quelque chose comme ça ! » Ouh là là, elle enchaînait les blagues; Hazel is on fire !

Il s'agissait ensuite de savoir si elles allaient prolonger cette entrevue. C'est Neela qui le proposa spontanément, mais la bijoutière se sentait gênée, ayant l'impression de s'imposer à un endroit et un moment où elle n'était pas désirée. Et si Neela préférait les choses carrées, bien organisées et prévues ? Et si elle se sentait forcée à lui proposer de rester ? « Tu ne me dérange pas, sinon je ne t’aurais pas demandé de rester. » Que nenni. La brune continuait à la rassurer, ne perdant pas patience face à une Hazel intimidée qui ne savait pas trop sur quel pied danser. « C'est gentil », la gratifia-t-elle donc avec un sourire reconnaissant. Pourtant, elle ne comprenait toujours pas tellement pourquoi Neela avait ouvert la porte. Ou plutôt et tout simplement pourquoi elle était sur place. Elle savait par Pacey qu'elle avait du couper court à son congé maternité -pour des raisons qui lui étaient restées vagues, d'ailleurs-, alors il allait de soi qu'elle ne s'attendait pas à retrouver la brunette chez elle en ce bel après-midi. « Je le devais mais j’ai pris un petit jour de repos », lui expliqua donc Neela, répondait à sa question en toute simplicité. « Ça va ? » s'inquiéta brusquement Hazel, pour qui jour de repos pouvait rapidement devenir synonyme de fatigue extrême ou de maladie virulente. Elle profita de cette inquiétude pour demander des nouvelles de la petite Maya, qui faisait ses premières découvertes en ce bas monde depuis quelques mois maintenant. « Elle est même très calme. Parfois ça m’inquiète qu’elle ne soit pas aussi agitée que la majorité des bébés mais j’avoue que la situation arrange tout le monde comme ça. Elle est en bonne santé et rien ne cloche chez elle, ma petite déjà en train de briser les stéréotypes ! » Neela répondait avec une énergie et un amour dont personne ne pouvait douter. Elle se demanda un instant si sa mère avait déjà parlé d'elle comme ça, puis si elle connaîtrait un jour ce bonheur d'être mère elle-même. « A mère exceptionnelle, petite Maya exceptionnelle ». Hazel pensait chacun de ces mots mais ne put s'empêcher de réaliser après coup que c'était peut-être une remarque déplacée qui ne faisait que mettre en avant qu'elle la connaisse sans doute plus que Neela ne la connaissait elle, ce qui avait somme toute un petit côté glauque.

Cependant, des deux jeunes femmes, Hazel devait être la seule à retourner chacune de ses paroles dans tous les sens pour y trouver le moindre défaut. Neela parlait déjà de muffins et de chocolat, prouvant par là une nouvelle fois que la blonde n'avait pas de quoi être autant sur ses gardes. « Règle numéro un ; rien n’est jamais mauvais si ça contient du chocolat quelque part. » Et pour le coup elle n'avait pas complètement tort. Le chocolat, un point commun ! Bon, à y réfléchir, ce point était probablement commun à quatre vingt dix pourcent de la population mondiale, mais Hazel prenait ce qu'on lui offrait. Qui sait, peut-être que quelques mois plus tard, on les retrouverait toutes les deux affalées sur un canapé à manger des muffins devant un film. « J'approuve. Et règle numéro deux : du chocolat et une bonne bouteille de vin rouge français, c'est le must. Un orgasme gustatif. » Et oui, lorsque l'on parlait de vin et de chocolat, on avait de fortes chances de perdre Hazel. Elle embraya aussitôt sur sa spécialité muffinesque avant que son regret ne soit épongé par la révélation de Neela. « Je suis allergique à la noisette, c’est bien dommage car j’aurais bien aimé essayer les tiens. » Elle soupira de soulagement pour aussitôt répondre. « Je préfère autant avoir fait des double chocolat, alors. Ce serait dommage qu'un muffin vous transforme en Hulk, je veux pas être responsable de ça. Non, oui, non, le double chocolat, c'est bien. »

En rentrant dans la ville qu'elle connaissait déjà malgré elle, Hazel se dirigea aussitôt vers le petit être qui était installé un peu plus loin. Maya avait vraiment tout de la petite fille calme et parfaite. Elle fut interrompue dans son émerveillement par Neela, dont elle n'avait pourtant pas réussi à déchiffrer la réflexion. De quoi, balcon, c'est ça ?  « Hein ? Balcon, quel balcon ? Ou ça ? » s'étonnait le médecin alors que le sang montait déjà aux joues de la blonde, honteuse. « Ah oui, le balcon… Non je me demandais juste si j’avais fermé le balcon à l’étage… Les courants d’air, tout ça… Tu vois le truc. » Tout à coup, Hazel se sentait un peu mieux. Elle ne s'était finalement pas ridiculisée. « Je sens pas de courant d'air, mais vous voulez aller vérifier, il n'y a pas de soucis. » Elle fut surprise de ne pas voir Neela courir dans une direction précise pour vérifier que cette fameuse porte-fenêtre était bel et bien fermée, mais ne s'en formalisa pas pour autant. Elle mit ça sur le compte de la politesse. Au pire, de toute façon, ce n'était pas le temps californien qui lui faisait peur, même avec une fenêtre ouverte.

Mais Maya... Ah, Maya. Cela lui faisait tout de même un peu drôle de se dire que Saskia avait sans doute plus côtoyée la petite qu'elle jusqu'à présent. Au final, Neela et elle avaient partagé plus que de simples étrangères ; c'était elle qui avait a conseillé à Pacey une Saskia pour la fille de sa meilleure amie -si si, je suis sûre que vous arrivez encore à suivre. Et les présentations officielles se faisaient maintenant. « Eh toi », souffla-t-elle à la petite, tout sourire, « moi c'est Hazel ». Maya la regardait de ses grands yeux bleus alors que derrière elle, sa mère la prévenait du possible destin de ses cheveux. « Oh, merci de me prévenir », se retourna-t-elle vers la brune. Elle attrapa sa chevelure qu'elle glissa derrière son dos avant de se pencher à nouveau vers la petite, ses mèches retombant alors devant ses épaules pour prévenir de l'inutilité de ce geste. Elle posa doucement sa main sur celle de Maya et joua paisiblement avec. « Alors, petite Maya ? La vie, t'en penses quoi jusque là ? C'est chouette, hein ? Et encore, ce n'est que le début ! » Elle resta quelques instants à jouer avec elle, puis finit par se retourner vers Neela. « Tu... vous pouvez attaquer les muffins, hein, ils sont là pour ça. » Et elle ajouta en posant à nouveau son regard sur mini-Neela et sur le ton de la plaisanterie : « en tout cas je confirme, c'est la petite fille rêvée. Mais je suppose que c'est pas le genre de trucs à pas trop dire devant elle pour ne pas que ça lui monte à la tête. »

Hazel n'avait pas toujours été comme ça. En réalité, il aurait suffi de retourner dix ans en arrière pour s'en rendre compte; et malgré les apparences, ce n'était ces dix ans qui avaient tout changé. Quelques minutes seulement avaient suffi à transformer sa vie, et ces quelques minutes avaient permis de façonner cette femme hésitatnte qui n'arrivait plus réellement à croire à quoi que ce soit d'autre qu'à cette très chère carrière, seule compagne fidèle qui avait été là depuis le début. Cette carrière, même si elle n'avait pas été un choix mûrement réfléchi, mais plutôt une évidence imposée par ses parents, l'avait rendue heureuse. Pour un temps, du moins. Car si Hazel avait toujours rêvé de succès bien mérité dans sa vie professionnelle, elle n'en restait pas moins une grande rêveuse. Et même s'il lui avait fallu une dizaine d'années pour s'en rendre compte, les bijoux ne faisaient pas battre son cœur. Peu à peu, elle avait réalisé et compris ce manque constant, ce vide sur lequel sa vie entière semblait bâtie. Elle n'était pas réellement heureuse, car elle n'avait personne avec qui partager ses joies et ses peines. Et c'est sans doute en s'autorisant le bonheur qu'Hazel avait réalisé la beauté de ce qui l'entourait et la simplicité de l'évidence. Mais surtout, c'est à ce moment-là qu'elle avait ouvert les yeux sur ce qui aurait du être évident depuis bien longtemps déjà : Pacey. Alors oui, Hazel était incroyablement intimidée par Neela. Parce que la situation était particulière, parce qu'elles se connaissaient sans jamais s'être rencontrées, ou pare qu'aux yeux de la bijoutière, Neela était l'exemple parfait de la femme battante, indépendante et charismatique... Mais Hazel se mentirait si elle prétendait que c'était là les seuls raisons qui la mettaient un tel état. Non, Hazel était tout simplement pétrifiée à l'idée d'être jugée par la meilleure amie de Pacey. C'est sans doute ce qu'elle ferait pour Saskia si elle avait jeté son dévolu sur un homme,: s'assurer qu'il serait à sa hauteur. Et le problème était actuellement le suivant : en quoi était-elle à la hauteur de Pacey ? Elle avait connu plus d'aventures sexuelles que d'expériences de couple : qu'est-ce que ça pouvait dire sur elle ?

Pourtant, Neela était telle que l'avait décrite Pacey : bienveillante, drôle et accueillante. A y réfléchir, tout ça s'avérait être autant une pression supplémentaire qu'un soulagement. Plus que jamais, Hazel avait l'impression de la connaître. Elles en arrivaient à discuter avec une telle aisance que même elle s'étonnait de la facilité avec laquelle elle commençait à lui répondre. Soit Neela était vraiment vicieuse et considérait -à juste titre sans doute- que le meilleur moyen de connaître toutes les faiblesse de quelqu'un était de s'en faire un meilleur ami, soit elle était réellement authentique, auquel cas Hazel n'avait plus qu'à se détendre et à arrêter de s'imaginer les pires scénarios possibles. Des deux, elle était sans doute la seule à tout retourner dans sa tête avant de prendre la moindre décision, réfléchissant presque plus à chacune de ses réponses qu'elle ne le faisait lors de ses interviews de lancement de collections. Il fallait donc admettre qu'en soi, les angoisses d'Hazel n'avaient pas de quoi être fondées. Pourtant, sa seule obsession restait à présent de faire bonne impression. « J’avoue que ce n’est pas une rencontre classique mais, elle était un peu inévitable, tu ne penses pas ? » avait répondu Neela, souriante, approuvant la blonde. « Inévitable, oui, je pense aussi. Mais je me plains pas qu'elle ait lieu maintenant ou quoi que ce soit », se défendait encore Hazel, persuadée de s'être apitoyée sur les circonstances de cette rencontre, alors qu'elle avait juste cherché à justifier l'étrangeté de son état. « Je suis contente que le hasard se soit chargé de faire bouger les choses un peu plus vite, d'ailleurs. » Et elle ne mentait pas, malgré son inquiétude vis-à-vis de la brune. A dire vrai, elle ne savait pas si elle aurait préféré une première rencontre plus formelle, sous le regard de Pacey. Dans la situation présente, elles apprendraient à se connaître entre elles, sans la pression extérieure d'un meilleur ami et petit ami qui ne pourrait sans doute pas s'empêcher d'intervenir. D'ailleurs, à propos de Pacey... « Désolée, je l’imagine enterrer quelqu’un dans mon jardin, ou mettre quelqu’un dans le coffre de ta voiture… C’est peut-être ça qu’il nous cache, hein. » Neela faisait une drôle de tête, qu'Hazel se surprit à décoder assez rapidement. Elles avaient la même technique pour éviter les fous rires peu adéquats. Dans un effet miroir parfait, la blonde retint elle aussi un rire. « Vous êtes en train de dire qu'on serait toutes les deux complices de ces atrocités... Oublions pas de nous serrer les coudes en prison, hein. Je crois que la monnaie d'échange la plus courante, c'est la cigarette. J'ai vu ça dans une série ou un film, je crois. » Mais elles étaient toutes les deux parties dans des scénarios improbables, Hazel le savait bien. Elle était encore loin de connaître Pacey par cœur, mais elle était à peu près sûre d'avoir raison si elle affirmait qu'il n'était pas un meurtrier. Au pire, à y réfléchir, Louis, par contre, avait peut-être une tendance pyromane... De toute façon, les femmes étaient toujours les plus saines d'esprit, c'était sans doute une règle biologique qui avait permis aux générations de se succéder et à l'évolution d'opérer -yay Darwin !

En tous les cas, il se trouvait bel et bien que Neela n'était pas une amie imaginaire. De toute façon, le jour où des amis imaginaires arrivent à vous héberger... et bien ce jour-là, Hazel prétendrait volontiers que son meilleur ami était une star d'Hollywood, juste pour profiter de son spa et de sa plage privés. Mais trêve de plaisanterie, la bijoutière était à présent inquiète pour Neela, qui venait de lui expliquer qu'elle avait pris sa journée de congés. « Oh oui, ne t’inquiète pas. J’avais besoin de temps avec ma fille », l'avait aussitôt rassurée cette dernière. Hazel avait timidement souri, rassurée. « Ça doit pas être évident d'avoir repris le travail si tôt », fit-elle remarquer, bien consciente que Neela ne devait plus avoir un moment à elle. « J'espère que vous êtes pas trop fatiguée. Saskia peut peut-être étendre ses horaires, je peux lui demander », proposa-t-elle en repensant à sa rousse d'amie qui n'avait pas tari d'éloges au sujet de Maya et de sa mère. Ah, Maya... « Elle l’est, pas vrai ? » Hazel ne put s'empêcher de voir l'air attendri et fier qu'arborait le médecin en parlant de sa petite, et son cœur se pinça à l'idée d'avoir interrompu un de ces rares moments entre mère et fille que Neela avait réussi à avoir malgré le travail. Malgré tout, elle avait fini de se débattre et de s'excuser. Elle trouverait un moyen de ne pas partir trop tard, voilà tout. Elle prétendrait qu'elle avait une machine à étendre ou un programme télé à enregistrer. Oh, attendez... non, c'est vrai, elle était là pour Pacey. Mais elle s'en voulait tellement de s'imposer comme ça qu'elle se demandait à quel point elle ne s'était pas attiré les foudres de Neela en se pointant chez elle de la sorte, sans prévenir.

Pourtant, il avait suffi d'une phrase pour la soulager. « Tu sais quoi, un jour on va envoyer Pacey passer la soirée avec ses amis du boulot, et on se fera une soirée entre filles avec du vin rouge et du chocolat au menu. » Et Hazel avait souri comme une débile, se rendant compte une nouvelle fois que Neela était la meilleure amie de Pacey, et que, rien pour cette raison, elle ne pouvait pas être aussi vicieuse qu'elle le redoutait. Et, quitte à pousser le vice jusqu'au bout, Hazel en venait même à penser que peut-être... peut-être qu'elle l'appréciait vraiment. A qui d'autre que quelqu'un qu'elle appréciait un minimum pourrait-elle proposer une soirée entre filles ? « Je suis partante », accepta-t-elle, tout sourire, en tendant une main vers Neela pour sceller ce pacte. « J'amènerai le vin. Je connais un producteur qui fait des merveilles, il faut que vous gouttiez ». Une soirée entre filles avec Neela, en réalité, Hazel ne pouvait pas rêver mieux. Ce brin de femme avait quelque chose qui lui parlait; c'était sans doute le fait qu'elle ne lui était pas totalement inconnue malgré le fait qu'elles se voient seulement pour la première fois, mais finalement, une fois toutes ses peurs atténuées, la blonde réalisait qu'elles n'étaient probablement pas si différentes que ça. « Je crois que si ça ne faisait que me transformer en Hulk, ça ne serait pas si dramatique que ça… Comparé à me tuer, ça reste acceptable comme situation. » Ah, oui, l'allergie de Neela... « Non. Moi je pense que Spiderman a juste réagi à une crise d'allergie en se transformant, et c'est le lot de toutes les personnes qui ont un potentiel de super-héro. Bon, vous, ce ne serait peut-être pas Hulk, mais vous vous transformerez sûrement en une héroïne classe. Après, moi, à part Black Widow, j'en connais pas beaucoup... » Oui, encore une fois, elle était un peu partie dans tous les sens, mais elle préférait s'imaginer qu'un trop-plein de noisettes provoquerait la création d'une Super-Neela plutôt que sa disparition pure et simple. C'était un peu plus rassurant, quand même. Mais elle l'avait noté dans un coin de sa tête : pas de noisettes pour Neela. Elle n'était pas prête à découvrir la réponse à cette question de façon empirique.

Pendant que la blonde se découvrait groupie de Maya, elle avait entendu Neela dire quelque chose sans réellement comprendre quoi. Finalement, elle avait tenté quelque chose, et n'était pas peu fière d'avoir eu raison. « Ce n’est pas la peine, si ça ne dérange personne, c’est l’important. » Elle acquiesça en reportant son attention sur Maya pendant quelques instants. « Pas de problème. De toute façon, ce n'est pas avec ce temps qu'on risque quoi que ce soit, même avec des fenêtres ouvertes. » Et oui... Hazel avait toujours particulièrement aimé la météo californienne, mais ce n'était que lorsqu'elle devait partir sur la côte est ou, pire, dans les coins de Chicago ou au Canada, qu'elle se rendait compte à quel point elle l'appréciait. La jeune femme s'était à nouveau concentrée sur Maya, avec qui elle menait maintenant un débat à sens unique. C'est sa mère qui répondit à sa place. « Je crois qu’elle l’aime plutôt bien la vie. » Elle se retourna vers Neela, à qui elle sourit. « Elle a l'air. On dirait qu'elle observe tout pour mieux s'en imprégner. Je pense qu'elle deviendra une femme de réflexion. » En réalité, elle avait du mal à s'imaginer un petit être comme Maya devenir une femme, car voir un nouveau-né grandir et défier les années n'était pas une expérience qui lui avait été donnée de vivre jusqu'à présent. Mais de Maya émanait comme une sagesse, que le temps, pourtant, n'avait pas encore pu lui donner. La sagesse du regard neuf, sans doute. « Tu peux arrêter de me vouvoyer, tu sais. Je le fais moi, et puis, même ta langue semble le vouloir. » Hazel sourit, gloussant discrètement. Le tutoiement était une étape qu'elle n'avait jamais osé imposer à quiconque ; elle préférait attendre bêtement qu'on lui dise clairement qu'il était possible. Et elle venait d'avoir confirmation de Neela, d'ailleurs. « Ça marche. V... tu t'es décidée pour un muffin ? Promis, il y a pas de noisettes dedans. » Comme quoi, sortir des sentiers battus se révélait jouer en sa faveur. Elle troqua pourtant rapidement son sourire contre une grimace de douleur. Quelque chose venait de s'accrocher dans ses cheveux.

C'était un fait, Hazel se sentait de plus en plus à l'aise avec Neela, en témoigne leur discussion qui tournait autour du potentiel meurtrier de Pacey. « On a qu’à tout nier, je ne crois pas qu’ils arriveront à trouver une preuve solide pour nous inculper de toutes les façons », continuait Neela sur leur lancée. L'une comme l'autre semblait avoir regardé un peu trop de séries policières, mais cela avait au moins l'avantage de les mettre sur une même longueur d'onde. « De toute façon, on s'est jamais posé la question, on s'est laissées berner par son joli minois », démontra Hazel en prétextant ne jamais avoir eu cette conversation. Etre con était toujours la meilleure défense, non ? De toute façon, la blonde n'avait côtoyé ce genre de situations que via son écran de télévision, qu'il s'agisse de réalité ou de fiction. Elle n'avait en réalité même pas souvenir d'avoir déjà mis les pieds dans un commissariat pour une autre raison que le décès de ses parents, une bonne dizaine d'années auparavant. C'était mieux comme ça, en même temps. Mais de toute façon, il y avait des sujets plus sérieux. Des sujets un peu plus adultes, aussi. Neela venait de devenir mère, et ça restait l'une des plus belles consécrations que la vie pouvait offrir. Dans le cas de Neela, Hazel savait les circonstances de cette aventure un peu particulière, mais elle n'en perdait pas de vue la petite merveille qui accompagnait dorénavant la brune à chaque instant. « J’ai besoin d’un peu de temps pour m’habituer à devoir la laisser plusieurs heures par jour, mais ça devrait aller. » Et c'était totalement compréhensible. Neela était lancée dans un nouvel épisode de sa vie, et ce genre d'aventures n'allaient pas sans une certaine durée d'adaptation. « Ça se fera progressivement », compatit-elle, se demandant un instant à quoi pouvait ressembler ce sentiment précis qui pouvait attacher une mère à son enfant. Pourtant, sans connaître les méandres de ces impressions, Hazel concevait parfaitement tout cela. C'était quelque chose qui n'était plus à démontrer pour quiconque; même Darwin avait du mettre cet attachement sur le dos de l'évolution, lui accordant par la même occasion une raison bien moins sensible. Malgré tout, la blonde ne pouvait également pas concevoir le rôle de maman sans tout l'identité de femme dont une mère ne devait pas se départir, ne serait-ce que pour son propre bien-être. Aussi, c'est tout sauf légèrement qu'elle avait proposé à Neela de toucher quelques mots à Saskia, au moins histoire de savoir si s'occuper de Maya quelques heures de plus, à l'occasion, était concevable. La brune l'arrêta aussitôt, d'un ton posé et rassurant. « Merci, mais ça va aller. Et puis j’embête Saskia déjà assez comme ça, je suis sûre qu’elle a mieux à faire de sa vie que d’être une nounou à longueur de journée. » Elle demanda à Neela si elle était sûre, et, après confirmation, ajouta : « Vous savez, je crois qu'elle s'est attachée à Maya. Si ça peut vous permettre de décompresser de temps à autres, hésitez pas à la contacter. » Saskia semblait en effet avoir développé une affection toute particulière pour la petite, et Hazel était à peu près sûre qu'elle n'aurait rien contre un peu de temps bonus passé en sa compagnie. « Ne te préoccupes pas pour ça, va ! » la rassura-t-elle une nouvelle fois.

Et la conversation bifurqua sur une éventuelle soirée future entre filles. Du bon vin, du chocolat et une copine, voilà la recette parfaite pour ce genre de soirées. Hazel, pourtant, ne pouvait pas se vanter de crouler sous les amis. Elle ne connaissait finalement pas Saskia depuis si longtemps que cela, et, avant de la considérer comme une amie avec qui le nombre de points commun serait déroutant, elle la considérait comme sa sœur. Une petite sœur un brin écervelée, qui n'avait pas forcément les mêmes préoccupations et priorités qu'elle, mais qui, surtout, avait su garder un mode de vie jeune et spontané auquel Hazel avait fait ses adieux en reprenant la Midas Jewelry dix ans auparavant. Elle aimait profondément Saskia, mais avouez qu'il paraissait particulièrement difficile de caser la rousse dans un contexte « vin et chocolat entre filles ». Ses autres amis ne l'étaient pas vraiment, puisqu'il s'agissait avant tout de collègues et donc d'employés. Par conséquent, la relation qui l'unissait à ce groupe était toute particulière, scindée entre celle que l'on entretient avec sa hiérarchie et quelque chose de plus détendu lorsqu'il s'agissait de boire un verre en soirée. Et, croyez-le ou non, mais lorsque la trentaine se pointait, il devenait assez difficile de trouver des occasions de rencontrer de nouvelles personnes... En conclusion, Hazel n'était pas particulièrement contre l'entrée d'une jeune femme dans sa vie et, jusque là, tout semblait indiquer que Neela correspondait à ce qu'elle pouvait rechercher chez un ami. « J’ai hâte de gouter ça ! » L'exclamation de Neela semblait être faite pour confirmer ces premières impressions. « C'est noté, alors », approuva la blonde, tout sourire. Et puis elle était partie dans un petit monologue dont elle ne sut pas comment s'extirper à part simplement se taire subitement. Neela, elle, ne semblait pas choquée par la réaction de la blonde... Et elle marquait par la présente un point supplémentaire... encore. « Oh, il y en a des pas mal, la plus évidente étant wonder woman, il y a miss marvel, huntress, et autres… » Pourtant, Hazel la regardait, un peu interloquée. Elle devait avouer qu'elle n'y connaissait rien en la matière, et que les seuls super-héros dont elle avait déjà croisé le chemin de près ou de loin -et donc, en l'occurrence, de loin- étaient ceux dont la tronche avait été affichée sur des panneaux publicitaires à travers tout le pays et aux arrêts de bus. Il y avait notamment cette rousse, donc, la Black Widow, qu'Hazel avait trouvé assez ressemblante à feu sa maman. Bon, Wonder Woman... c'était un costume encore relativement populaire à la période d'Halloween, non ? Pour les autres... HAHA. « ... » répondit donc Hazel avec charisme qui lui était propre. « Je vous laisserai me les présenter, alors », finit-elle par répliquer, un brin dépitée de ne pas avoir plus de répondant sur le sujet.

Par contre, lorsqu'il s'agissait de Maya, Hazel maîtrisait un peu mieux la situation. Même pas si elle était aussi inexpérimentée en bébés qu'en super-héros, les premiers représentaient la possibilité d'une éventualité potentiellement réalisable, alors que les seconds... et bien, pour dire cela simplement, Hazel ne comptait pas se faire piquer par une araignée transgénique et fumeuse de marijuana, ou même pas plus que, pourtant plus raisonnablement, lire des comics entre un rendez-vous professionnel et des retrouvailles avec son amoureux. « Elle commence un peu à bouger dans tous les sens aussi. » La blonde pencha la tête sur le côté, attendrie. « Une future aventurière et femme de réflexion... Hmm, une future Indianette Jones. » Et même au-delà de cet humour discutable, Hazel était persuadée de l'avenir glorieux de la petite Maya. Avec une maman pareille et un environnement pareil, avec un caractère calme et ce tempérament observateur, elle serait probablement de ces femmes à succès qui font regretter les hommes de n'avoir que des couilles.

Elle tourna la tête vers Neela pour savoir où cette dernière en était de son processus de décision muffinesque. « Hum… Je ne sais pas, j’avoue que je viens tout juste de déjeuner, mais tu peux te servir. Tu voudrais quelque chose avec ? Du café, thé, jus ? » Ah, oui, c'est vrai, elle n'était peut-être pas venue au meilleur moment pour proposer des muffins... et pourtant, il lui restait un argument duquel elle comptait bien se servir. « T'as eu un dessert ? Un produit laitier ça compte pas, hein », tenta-t-elle donc pour la faire céder. Après avoir subi son débarquement improvisé, Neela méritait tout de même une récompenser muffinesque. « Je veux bien un thé, mais si t'en prends pas, t'embête pas. De l'eau, sinon, merci beaucoup. J'ai juste soif, en fait. » La gorge un peu asséchée par le stress subit qu'elle venait d'endurer. Tiens, muffins et thé... avait-elle des gènes de british refoulés ? Son visage se transforma dans une grimace silencieuse. Elle savait pertinemment ce qui était en train de se passer, mais ce avec quoi elle était beaucoup moins à l'aise, c'était la technique à adopter. Les bébés étaient réputés pour être fragiles, non ? Et même si son travail lui octroyait une certaine capacité à la minutie, elle était à peu près sûre qu'un bébé ne réagirait pas de la même façon à certain stimulus que de l'opale ou du turquoise, qui restaient des minéraux. « Sacrée Maya ! » Neela se rapprochait du duo, alors qu'Hazel tendait tant mieux que mal de s'extirper du piège par de petits à-coups de tête. Mais il fallait le concéder, Maya, en plus d'être une intellectuelle et une aventurière, était une femme de poigne. « Essaye de ne pas bouger, je m’en occupe », lui conseilla la brune. Elle s'immobilisa donc dans une position assez originale, à moitié cambrée, la tête penchée dans un angle assez peu confortable. Elle regardait la maman faire diversion avec un hochet. « Oh regarde toutes ces couleurs, tu aimes bien les couleurs pas vrai, hein mon trésor, tu veux attraper ? » Hazel jeta un coup d’œil à la petite, qui ne semblait plus trop savoir sur quel pied danser -ou sur quelle fesse s'asseoir, en l'occurrence. « Mais ouiiiii, tu veux attraper. Aller, tiens… » l'encourageait Neela. Maya finit par céder en attrapant le jouet, lâchant la mèche blonde la bijoutière. Tandis que Neela félicitait sa petite, Hazel se dépêcha de plaquer ses mèches derrière ses oreilles. Mais c'était bel et bien peine perdue : à moins qu'elle les attache, ils seraient toujours accessibles à Maya. Elle n'arrivait pourtant pas à lui en vouloir, attendrie comme jamais devant la bouille joueuse et innocente de la brunette, amoureusement papouillée par sa mère. « Ça va ? J’espère qu’elle ne t’a pas fait trop mal quand même » s'enquit cette dernière alors qu'Hazel se confondait en excuses. « Je suis désolée, tu m'avais prévenue, je pensais pas que... qu'elle serait si directe et qu'elle aurait autant de poigne », tenta-t-elle de s'expliquer avec un petit sourire. « Tu veux que j'aille préparer les boissons ? Je vais pas te séparer de Maya, maintenant. » Car l'un des avantages de connaître la maison avant d'en croiser la propriétaire était qu'elle connaissait un minimum la cuisine. C'était souvent Pacey qui, galant, lui préparait ses boissons chaudes, mais elle était confiante quant à ses capacités à retrouver la bouilloire et les boîtes de thé.

Depuis qu'Hazel avait mis en contact Saskia et Neela via Pacey -que d'intermédiaires, dites donc-, elle avait vu son amie se prendre d'affection pour la petite Maya. De toute façon, elle devait l'avouer, il était très difficile pour la rousse de ne pas s'entendre avec quelqu'un ; elle avait ce côté un peu loufoque qui plaisait facilement en retour, et la plupart de temps, on aimait Saskia sans trop de concessions. Et depuis qu'elle avait fait la connaissance de la petite Maya, la journaliste dévoilait une autre facette de sa personnalité à Hazel. Elle lui parlait souvent de la petite, et ne tarissait pas d'éloges pour elle. C'était donc remplie de bonnes intentions que la blonde avait proposé à la maman de prendre un peu de temps pour elle à l'occasion, rappelant que Saskia était disponible pour s'occuper de Maya si et quand besoin. « C’est noté, je n’hésiterai pas. » Hazel avait souri, se félicitant d'avoir rappelé à Neela, quelque part, qu'être maman ne lui interdisait pas de s'accorder un peu de temps. La naissance d'un enfant, surtout pour une mère célibataire, représentait le bouleversement de toute une vie, mais Hazel était persuadée qu'être mère n'était pas ce qui définissait une femme : Neela n'avait pas besoin de s'épuiser et de s'oublier pour être une bonne maman pour sa Maya. Et, maintenant qu'elle y réfléchissait, peut-être qu'elle aurait pu se proposer elle-même pour s'occuper de la petite, mais... C'était peut-être dangereux. Elle était bien loin d'avoir confiance en ses capacités lorsqu'il s'agissait de gérer une vie autre que la sienne. Rien qu'en regardant Maya en cet instant, Hazel se sentait capable des pires maladresses. Elle préférait se faire tirer les cheveux que de casser la petite merveille qu'était Maya... car oui, à la place de Saskia, en réalité, elle mourrait de peur de la casser, et oui, c'est le terme exact auquel elle pensait. « Je pense que si elle a toutes ces qualités-là, elle peut tout simplement lancer sa propre image ! La Maya Meyers. » Neela avait continué sur la lancée de la Indianette Jones proposée par Hazel. Cette dernière approuva d'un hochement de tête. « Il va falloir lui trouver un agent très tôt, tout le monde va se l'arracher », rit-elle en s'imaginant Naya sur les plateaux les plus divers et variés. « Ce sera la nouvelle Oprah, aimée et adulée de tous... avec un côté aventurier en bonus, et elle fera des émissions spéciales en mode archéologue... » Bon, elle s'emportait peut-être un peu, en fait. « Quoiqu'au final c'est avec sa maman qu'elle sera le mieux. » Hazel avait repris plus sérieusement, intimement convaincue que la célébrité ne devait pas être une fin en soi. Et puis, de toute façon, ce serait à Maya de décider ce qu'elle ferait de sa vie et de tous ces talents qu'elles s'imaginaient déjà pour la petite -tant qu'elle ne finissait pas gogo-danseuse, tout était raisonnable, n'est-ce pas ?

Elles pourraient continuer leur conversation autour d'un petit dessert/goûter, peu importait où ces muffins pourraient bien se classer. En tous les cas, Hazel était bien décidée à ne pas le prendre toute seule, ce dessoûter. Sauf que ses arguments semblaient tomber à l'eau au fur et à mesure. « J’en bois, habituellement, mais je suis en consommation réduite actuellement. Tout comme pour le café d’ailleurs », avait confessé Neela, laissant une Hazel toute désolée de proposer à la brune quelque chose qui lui était interdit. « Une petite tisane digestive, alors ? » tenta-t-elle en dernier recours, s'imaginant assez peu boire un thé seule chez son hôte. Quoique même en proposant une tisane, la bijoutière n'était pas réellement sûre que les placards de la cuisine en contenaient... Mais elle se souvenait en avoir déjà bu une ici une fois... souvenir erroné ou non ? Là était toute la question. Sous le regard sans doute -et involontairement- attendrissant d'Hazel, Neela finit par céder. « D’accord, mais juste un seul par contre, je suis du genre à profiter de mon dessert deux ou trois heures après, en fait. » Les lèvres d'Hazel s'étirèrent en un grand sourire satisfait, sincèrement heureux. Neela allait goûter ses muffins ! Elle n'aurait jamais deviné, quelques heures plus tôt, arriver à un tel niveau d'intimité avec la meilleure amie de son amoureux...

C'est ce moment crucial qu'avait choisi la petite Maya pour se saisir d'une mèche de cheveux d'Hazel. La douleur n'était clairement pas aussi forte que celle qui l'assaillait lors de certaines séances chez l'esthéticienne, et, pour tout dire, elle s'inquiétait plus d'un geste brusque de sa part qui pourrait être délétère à la petite. Elle n'osait même pas essayer de défaire l'étau que représentait la petite main : une petite main comme ça, malgré toute cette force, était forcément fragile, non ? Alors elle avait laissé Neela voler à son secours, tout simplement. « Tu n’as pas à t’excuser voyons. Si elle était plus grande, ça aurait été à elle de le faire » avait répondu la maman, qui tenait à présent sa fille dans ses bras. « Tu m'as mise en garde, j'ai été un peu casse-cou... Et t'as volé à mon secours. T'es vraiment une super-héroïne, en fait. Il faudra faire ma culture en la matière. Je te laisserai choisir ton identité, mais je veux pas être totalement dans l'ignorance non plus. » Elle abandonna ces idées saugrenues pour revenir à Maya, qui se faisait gronder sur le ton léger d'une maman amoureuse de sa petite fille. Hazel était attendrie, presque béate devant la relation qu'entretenaient mère et fille. Le regard qu'elles s'échangeaient était pratiquement le même, rempli d'un amour inconditionnel l'une pour l'autre. « C'est de son âge et typique de son esprit aventurier », sourit la blonde sans cesser d'observer les deux demoiselles. « Tu as besoin de quelque chose pour t’attacher les cheveux ? » finit par demander l'Indienne, brisant le moment pour le bien-être de son invitée, qui, gênée, fit un mouvement de la main. « Non merci, t'en fais pas, je vais faire attention... » Comme pour prouver sa bonne foi, Hazel passait ses deux dans ses cheveux dans un parfait parallélisme, plaquant les mèches les plus en avant derrière ses oreilles.

Bon, ce thé ! Peut-être que Maya se joindrait à elles avec un peu de dînette ? Non ? Ce n'était pas tout à fait à cet âge-là qu'on commençait la dînette ? « Oh, je n’ai pas envie de t’embêter avec ça… Au pire, on viendra te tenir compagnie. » refusait poliment Neela. « T'inquiète pas, je sais où est l'essentiel, et puis ça me rassure de te voir occuper le fauve », plaisanta-t-elle jetant un coup d’œil attendri à Maya. Comme pour sceller ce pacte, Hazel récupéra sa boîte de muffins laissée sur un meuble et tendit le bras dans la direction de la cuisine, invitant par la présente la propriétaire des lieux à la rejoindre. Elle suivit Neela jusqu'à la grande pièce claire et, après avoir posé la boîte sur la table, se dirigea vers la bouilloire pour la remplir. « Alors ? Tisane or no tisane ? » se retourna-t-elle vers le médecin pour avoir une bonne estimation de l'eau à faire chauffer. Après avoir mis la dispositif en route, Hazel se dirigea vers l'un des placards dont elle était persuadée qu'il renfermait les tasses. Bon, non. Là, c'était les assiettes. Essaie encore. Ah, pas là non plus, c'était encore des assiettes. Ce qui devenait gênant, c'était qu'elle avait l'impression de s'imposer dans une cuisine qui n'était pas la sienne, et de fouiller un endroit ou elle n'avait pas sa place. Sans doute pour se rassurer, l'espace de quelques microsecondes, elle avait oublié que Neela était là, et s'était imaginé Pacey derrière elle. Et ses réflexes étaient réapparus. Elle avait enfin trouvé les tasses. « T'as le droit d'ouvrir la boîte », dit-elle en faisant volte-face, se retrouvant face à Neela. « C'est pas des muffins farceurs, promis ! » Après avoir déposé sur la table la vaisselle qu'elle avait fièrement trouvée, Hazel ouvrit un autre placard, dont, cette fois, elle était particulièrement sûre. Tous ces thés à foison... Elle avait toujours trouvé son bonheur ici, même si Pacey avait pris pour habitude de se moquer de son temps de décision dès qu'elle ouvrait cette porte.

Dire qu'Hazel avait un balai dans le cul était un peu exagéré, mais pourtant, ce serait mentir que de prétendre qu'elle était à l'aise et confiante en toutes circonstances. En réalité, et sans doute contre toute attente, elle l'était beaucoup plus lorsqu'il s'agissait de son travail et de ses responsabilités professionnelles que lorsqu'il s'agissait de sa vie privée. Dans ce domaine-là, Hazel était tout de suite un peu moins assurée et expansive, car finalement beaucoup moins expérimentée. En reprenant la bijouterie des Karstark, elle avait tiré un trait sur tout le reste. Ça n'avait pas forcément été une mauvaise chose, en réalité, puisqu'en se consacrant à cette mission et à ces responsabilités, Hazel avait réussi à mettre de côté tout les fragments de sa vie qu'elle ne maîtrisait plus. Il n'était donc pas inconcevable, même pour elle, de se dire qu'elle n'avait toujours pas fait le deuil de ses parents, même plus de dix ans après leur accident, et loin d'être ridicule de penser qu'elle avait été loin de concilier vie professionnelle et vie privée. Jusqu'à récemment, elle n'avait d'ailleurs pas vraiment ressenti de manque. Elle n'était pas malheureuse dans son travail, au contraire. Elle avait construit un petit empire à son image, qui la représentait sans doute mieux que tout ce qu'elle pouvait faire à côté du travail pour se donner l'impression de vivre. Pacey, lui, était arrivé juste à temps pour lui montrer qu'elle n'avait pas à se satisfaire d'une carrière seulement. Pour la première fois depuis des années, elle se sentait aimée pour ce qu'elle était en tant que personne à part entière, et c'était un sentiment qu'elle n'avait pas éprouvé depuis bien des années... Il l'aimait, et elle était à peu près sûre de l'aimer encore plus, tout simplement parce qu'elle avait l'impression d'atteindre un point de non retour chaque jour. Si on pouvait être ivre d'amour, nul doute qu'elle serait arrêtée pour conduite en état d'ivresse dès le petit matin. Cet état qu'elle découvrait avait quelque chose de transcendant, de porteur. Malgré son assurance pré-existante lorsqu'il s'agissait de joaillerie, elle se sentait maintenant pousser des ailes. Qu'il s'agisse de créer, d'organiser, de promouvoir, peu importait. Sa vie entière s'était transformée à l'image de leur première soirée à la plage : avec Pacey à ses côtés, tout lui paraissait possible. Elle avait la force de tout réaliser, maintenant. Elle n'avait plus peur de grand chose, mais une peur, celle-ci complètement nouvelle, avait pourtant vu le jour dans son esprit. Cette peur de ne pas être suffisante.

Hazel avait toujours cru en elle. Fille unique, elle avait fait partie de ces enfants choyés et aimés depuis toujours et aussi longtemps que possible. Pourtant, le retard certain qu'elle avait accumulé au fil des ans dans sa vie personnelle l'avait fait perdre pieds. Elle avait beau aimer Pacey de tout son être, cette peur restait omniprésente. Concrètement, il s'agissait d'une personne, d'une unique personne dont l'opinion prévaudrait toujours dans l'esprit de Pacey : Louis. A présent installée à la table de la cuisine avec Neela, Hazel triturait sa tasse avec anxiété. « Je n’ai pas eu la chance de te poser la question mais, tu as déjà fait la connaissance du petit Louis ? » Neela avait sans doute posé la question sans aucune mauvaise intention, mais la blonde, autant à elle, ne pouvait s'empêcher de se mettre un peu plus sur ses gardes lorsque l'on parlait du fils de Pacey. Pas qu'elle aurait peur de ce qui pourrait être répété, au contraire. Cette simple question, par contre, lui rappelait qu'elle devrait faire tôt ou tard face à ce petit garçon, qui représentait à ses yeux l'un des défis les plus impressionnants auxquels elle avait eu à faire depuis quelques années. Pour feinter rien que quelques instants, elle commença par répondre à la première réflexion du médecin, qu'elle avait laissée de côté dans l'empressement de la préparation de boisson. « Ce placard est une vraie mine d'or, je l'adore. J'essaie de me faire une réserve à la hauteur de celle-là chez moi, mais il y a plein de marques que je connais pas, et j'arrive pas à en trouver qui puissent les égaler. Ton tchaï, par exemple... j'ai découvert ça ici, mais pas moyen de retrouver quelque chose qui y ressemble vraiment. » Comment ça, elle faisait la conversation ? Oui, bon, peut-être un peu. Elle essayait de repousser cette peur un peu irrationnelle de voir débarquer Louis en trombe dans la pièce. Elle but une toute petite gorgée de thé, juste suffisamment pour se rendre compte qu'elle venait de se brûler les lèvres au deuxième degré et qu'elle ne pourrait donc plus évincer le sujet de conversation que représentait Louis très longtemps. « Non... Pacey m'a parlé d'éventuellement fêter Noël ensemble, mais... » mais quoi ? Mais je suis sûre que je vais pas assurer et qu'il va me déglinguer ? « Pour tout avouer... » Ah, oui, oui, elle continuait bien sur cette voie-là... Tout en scrutant le contenu de sa tasse, Hazel se demandait à présent s'il serait raisonnable de confier ses états d'âme à la meilleure amie de son amoureux. Pacey connaissait déjà tous ces doutes, mais Neela avait sans doute bien mieux à faire que d'écouter ces craintes un peu ridicules de faire la connaissance du fils de son meilleur ami. « Je sais pas, il est comment ? » Elle avait lâché sa question en portant une nouvelle fois la tasse à ses lèvres, juste pour se cacher derrière. Pacey lui avait déjà largement décrit Louis, mais elle n'avait pas réussi à se calmer lorsqu'elle pensait à lui. Tôt ou tard, elle avait faire intrusion dans la vie d'un petit garçon qui n'avait rien demandé à personne. Et puis... ce n'était pas comme si elle est particulièrement douée avec les enfants. Hazel semblait ainsi réunir tous les arguments qui pourraient pousser Louis à la détester.

A présent focalisée sur Maya pour tenter d'oublier la question ridicule qu'elle venait de poser à sa mère, Hazel but une nouvelle fois quelques millilitres de thé. Et se brûla une seconde fois. Les larmes réflexe lui montaient aux yeux alors qu'elle demandait : « tu le connais depuis longtemps, toi, Louis ? Il t'aime bien ? Comment s'est passée votre rencontre ? » Son regard bleuté se posa brièvement sur la jolie brune alors qu'elle espérait très sincèrement que cette dernière lui apporterait de bonnes nouvelles. Juste de quoi être rassurée.

Lorsqu'elle était stressée, Hazel avait toujours besoin de reporter son attention sur quelque chose, même de minime, qui puisse lui faire oublier les raisons de son inquiétude. Même une seule seconde de sérénité était bonne à prendre. Pendant ses angoisses du boulot, elle portait son attention sur la création de nouvelles pièces sauvages, pièces uniques qui n'appartiendraient sans doute à aucune autre collection. Il lui arrivait aussi de rejoindre ses vendeurs en boutique et de s'y joindre. Elle rencontrait des clients satisfaits, demandeurs, amicaux... Certains connaissaient la maison depuis des générations, et elle avait déjà partagé quelques conversations avec des amis de ses parents, qui, quelque part, gardaient un œil sur l'oeuvre de leurs défuntes connaissances. Dans tous les cas, Hazel arrivait à trouver un moyen pour elle de calmer ses nerfs, et ce même si elle en était amenée à harceler une Saskia innocente pour s'assurer que sa dernière collection n'était pas une daube ridicule. Dans le cas présent, elle s'était retrouvée dans une situation qu'elle n'avait pas prévue un seul instant, et dans laquelle elle s'était vite sentie bien dépourvue. Elle savait que rencontrer Neela finirait pas s'avérer inéluctable, mais elle imaginait cette première entrevue bien plus organisée. En réalité, Hazel détestait ne pas contrôler ce qui pouvait se passer. L'inconnu lui foutait une frousse bleue, surtout lorsqu'il atteignait sa vie privée. Au travail, elle préférait parler de défis que d'angoisses inutiles, mais dans sa vie privée, le moindre imprévu lui paraissait insurmontable. Parce qu'elle avait évolué, depuis son adolescence et le décès de ses parents, avec l'idée que toutes les relations n'étaient que passagères et vouées, à terme, à un fin diabolique. Ce n'était que depuis quelques années qu'elle avait pris un tournant dans sa façon de concevoir sa vie dans son ensemble en laissant une part importante à ses relations personnelles. Et c'était pour ces raisons très exactes que dans ce genre de situations, elle était aussi rassurée qu'un chien dans un restaurant chinois.

Dans le cas présent, la seule feinte valable qu'elle avait trouvée plutôt que de rester debout à attendre bêtement que Pacey arrive en tentant tant bien que mal de donner une bonne impression à sa meilleure amie, avait été de proposer un petit goûter à la jeune femme. Elle avait apporté des muffins, après tout, et peut-être que Pacey serait déçu de ne pas en avoir eu la primeur, mais elle était à peu près sûre qu'il s'en remettrait. Et puis... Hazel n'avait jamais été contre piquer un peu de thé dans ce placard qu'elle aimait tant. Réelle adepte de cette boisson, la jeune femme avait trouvé ici un petit paradis. Ce qui la rendait encore plus adepte de ces lieux était sans doute l'échec qu'elle avait essuyé en essayant de retrouver ses thés préférés sur Huntington Beach. Elle avait fait les supermarchés nationaux, régionaux, et même les épiceries spécialisées, mais rien à faire. Sa recherche n'avait pas été fructueuse. « La plupart de ces marques ne sont pas commercialisées ici, à vrai dire. Ce sont des produits locaux venus d’Inde en grande partie. Mes amis m’en envoient régulièrement quand je ne suis pas disponible pour aller en chercher moi-même. » Et venait d'avoir une réponse claire à ses questions. Elle aurait pu continuer à chercher longtemps encore... et le simple fait d'avoir eu une réponse à cette question qu'elle se posait depuis des mois la fit réaliser une toute nouvelle chose : même si ça l'angoissait, même si elle était loin d'être l'aise... il était grand temps qu'elle rencontre Neela. Depuis des mois, depuis même qu'elle connaissait Pacey, l'Indienne avait fait partie de bien des sujets de conversation, au point même de la rendre bien amicale aux yeux de la blonde, mais jamais encore elle n'avaient trouvé le moyen de se voir. Peut-être que là-dedans, le hasard avait finalement été leur meilleur allié. Pour répondre à Neela, Hazel sourit en faisait un petit signe de la tête amusé. « C'est un piège ! » plaisanta-t-elle, elle-même surprise de sa référence à un film populaire comme Star Wars. « Je veux dire... du coup, je pouvais toujours chercher. J'en ai trouvé d'autres, mais rien d'aussi convaincant. T'as les meilleurs références de la région, je pense » dit-elle en buvant une nouvelle gorgée de thé, comme pour appuyer ses propos. Pourtant, elle ne s'attendait pas une seule seconde à... « Je penserai à toi la prochaine fois que je recevrai quelque chose, je t’enverrai sans doute quelques trucs avec Pacey si ça t’intéresse, et en attendant, tu peux te servir. » En réalité, tant de générosité la fit pâlir de gêne. « Merci beaucoup... Et échange de bons procédés : je te ferai découvrir mes vignobles préférés, américains et étrangers. » Il n'y avait pas beaucoup de domaines dans lesquels Hazel pouvait se vanter d'être incollable, mais le vin faisait partie de ceux qu'elle pouvait au moins prétendre connaître un minimum.

Mais trêve terminée. Et c'était Hazel qui avait décidé qu'il était temps pour elle de reprendre le sujet qui la mettait dans un tel état après les progrès qu'elle avait fait depuis qu'elle était rentrée chez Neela : Louis. La brune confirmait que Pacey lui avait déjà parlé de leurs plans pour Noël, mais Hazel n'en menait toujours pas très large, malgré toute cette bonne volonté qu'elle mettait à faire bonne figure. « Depuis un peu moins de trois ans, environ. » Elles venaient d'aborder le cœur du sujet : la rencontre. Car Hazel en était bien consciente, c'était ce qui allait conditionner toute la relation qui les unirait ensuite. Et c'était justement parce qu'elle ne pouvait pas tout maîtriser de cette rencontre qu'elle s'en inquiétait autant. Louis n'avait pas besoin d'une seconde maman, Louis n'avait pas besoin que son père trouve une autre femme, Louis avait juste besoin de Pacey et, rien qu'en réalisant tout ça, Hazel avait compris que faire bonne figure face au garçon serait loin d'être suffisant. « Je ne sais pas si c’est moi qu’il aime ou ma cuisine mais, on peut dire qu’il ne fait plus autant de bêtises qu’avant. » Timidement, Hazel sourit. « T'es en train de dire qu'on peut l'acheter avec de la nourriture ? Bon à savoir... » plaisanta-t-elle en prenant un air songeur. Pourtant, ce qui était loin de la rassurer était la seconde partie de la phrase de Neela. Plus autant de bêtises qu'avant ? Avant, il posait des bombes dans sa cuisine ? Avant, il décapitait des chats et les mettait à rôtir dans son four ? Avant, il faisait quoi au juste ? Neela remarqua sans doute l'air accablé de la bijoutière, qui avait de plus en plus peur de ce que cette première entrevue -et les autres qui suivraient sûrement- pourrait donner. « Je dois avouer que je ne m’en souviens pas dans les détails, ça commence à remonter tout de même, mais, je n’en garde pas un mauvais souvenir non plus. » Elle essayait de la rassurer, ça se voyait. Pourtant, le regard d'Hazel s'était perdu sur le tupperware de muffins. « Pour rien te cacher, j'ai un peu peur de ce que ça pourrait donner. Pacey est tellement persuadé que ça se passera bien que j'ai encore plus peur de tout foirer. » Elle haussa les épaules pour tenter de rassurer Neela qui, elle, tenait de la rassurer. « On verra bien, ma foi, peut-être que t'auras bientôt plus personnage pour te piquer du thé, haha ! » Haha. Pour se donner un brin de contenance, elle attrapa le tupperware, l'ouvrit, attrapa un muffin, et fit glisser la boite jusque devant Neela. « Je vais te prouver qu'ils sont pas empoisonnés... » Et elle mordit franchement dans son muffin, savourant ce doux parfum de chocolat qu'elle aimait tant. « Chu vois, ché nickel, ch'as rien à ch'raindre. » argumenta-t-elle en jetant un coup d'oeil entendu à Maya, qu'elle prenait à parti comme témoin.

Au final et malgré les appréhensions de la bijoutière, ça n'avait pas été si mal de tomber sur Neela. Il était temps qu'elles se rencontrent ; cela faisait maintenant quelques mois qu'elle sortait avec Pacey, et encore plus de temps qu'elle le fréquentait et qu'elle entendait parler de Neela. Il se trouvait qu'elle n'avait toujours pensé que du bien de cette jeune femme, maintenant maman, qu'elle ne connaissait pourtant que via les dires de celui qui était maintenant son petit ami. Tout était maintenant confirmé, et peut-être que le hasard des choses, qui avait évité toute fioriture autour de leur première rencontre, avait permis que les choses soient un peu plus détendues... mais pas tellement plus non plus, surtout avec une Hazel constamment sur les nerfs, apeurée du moindre faux geste envers quiconque fréquentait Pacey. Si elle avait trouvé très vite un certain équilibre dans la relation qu'elle entretenait avec ce dernier, elle craignait, que ce soit justifié ou non, chaque conversation qu'elle pouvait avoir avec quelqu'un qu'il connaissait. Et si elle ne faisait pas bonne impression ? Et s'ils débusquaient d'horribles secrets à son sujet ? Elle n'était pas une meurtrière, mais elle avait déjà marché sur un escargot par inadvertance... Elle n'était à l'abri de rien, mais plus elle passait de temps auprès de son amoureux, moins elle était prête à laisser sa relation lui échapper. Ce n'était pas une réaction de psychopathe, c'était juste une réaction de femme amoureuse.

Pourtant, ce jour-là, avec Neela, les choses avaient un peu changé. Elle qui avait toujours idéalisé la jeune femme sans l'avoir jamais rencontrée réalisait à présent qu'elle était humaine. Elle était toujours impressionnée, mais Hazel avait réussi, quelque part, à comprendre que Neela ne lui voulait pas que du mal. Elle avait été cordiale, amicale, accueillante... qu'aurait-elle pu demander de plus ? Peut-être que la spontanéité de leur rencontre, en réalité, avait contribué à rendre les choses plus tranquilles... qui sait comment elles se seraient rencontrées, autrement. Peut-être auraient-ils tous finis au restaurant ou autour d'une bonne table, guindés au point de pouvoir héberger plusieurs balais dans l'arrière-train de chacun. Non, là, les choses s'étaient faites autour d'un petit thé et d'une Maya avide de cheveux. « Hihi, oui, je suis une petite sadique » , rit Neela alors qu'Hazel comprenait doucement pourquoi elle n'avait jamais retrouvé les thés de Neela ailleurs que chez elle. Pour toute réponse, Hazel but une gorgée de thé bien chaud, savourant le parfum du mélange qu'elle avait choisi. C'était clairement loin de ressembler aux classiques et sans saveurs qu'elle trouvait dans son supermarché -malgré tout les plus simples à se procurer, il fallait l'avouer. Mais puisqu'elles parlaient de boissons, Hazel ne comptait pas laisser passer une occasion de mettre en avant les viticulteurs qu'a l'époque déjà, ses parents admiraient. « On devrait faire un petit roadtrip et visiter tout ça. A la Thelma and Louise… Youh ! » Hazel sourit et répondit, un brin intimidée par sa propre remarque : « Oui mais je compte pas recracher le vin que je goûte, moi... C'est toi qui conduiras ? » Ouais, Hazel l'alcoolique, tout ça. Mais pourtant, même avec cette plaisanterie, elle prenait cette proposition très au sérieux. Depuis qu'elle avait rencontré Neela, les propositions avaient fusé. Elles allaient clairement se revoir dans d'autres circonstances, et ça lui faisait bien plaisir. Pourtant, méfiante comme elle l'était, elle s'était déjà mis dans un coin du crâne de demander à Pacey ce que son amie dirait à son sujet. Il lui dirait la vérité, non ? « Un weekend, pendant l'été, avant les vendanges... » s'imaginait-elle déjà. « Certains viticulteurs avaient sympathisé avec mes parents, je suis sûre qu'on pourra avoir des traitements VIP », glissa la jeune femme en les imaginant toutes les deux, libres comme l'air, dans les vignes californiennes. Elles prendraient le soleil en même temps que le raisin, en croqueraient peut-être quelques grappes, puis iraient goûter les cépages des années précédentes. Tout un programme...

Oui, avec Neela, tout se passait le mieux du monde. Hazel s'était laissée apprivoiser comme un pauvre faon apeuré, mais maintenant, elle commençait à baisser les boucliers. C'est peut-être aussi l'inquiétude qui la submergea lorsqu'elles abordèrent le sujet Louis qui fit passer Neela pour un gros nounours rose avec lequel elle aurait joué à la dînette. « Quelque chose comme ça, oui. Mais attention à ne pas le goinfrer à longueur de journée. » Bizarrement, ça se rapprochait de certaines choses qu'avaient déjà avancées Pacey au sujet de son fils. « Je serais modérée dans mes méthodes, t'en fais pas », plaisanta-t-elle sans arriver pour autant à se départir de son sourire crispé. Et Neela, à ce moment-là, eut la réaction la plus parfaite au monde. « Ne t’inquiète pas. Tu connais Pacey, il déborde de positivité, et tu devrais faire comme lui. Il n’y a pas de raison pour que Louis te voue une haine insurmontable… » avait-il dit, sans doute sans se rendre de l'impact de ses mots sur la bijoutière. A croire qu'elle comprenait tout ce qui se passait dans son crâne à ce moment précis. « T’es humaine, Hazel. Personne ne te demande d’être parfaite à longueur de journée. Si tu foires une fois, tu en auras des dizaines d’autres pour te rattraper. » La jeune femme avait à nouveau trempé ses lèvres dans son thé, mais elle regardait Neela, la larme à l’œil. Elle était la seule, jusque-là, qui semblait avoir réellement compris l'enjeu que cette première rencontre avec Louis représentait pour elle. Le visage de la blonde s'était relaxé, mais il laissait encore transparaître des dizaines d'émotions. Quelque part, les conseils de l'indienne semblait s'appliquer à plus encore que sa relation avec le fils de Pacey et, si elle avait connu Neela un peu plus, elle lui aurait sans doute sauté dans les bras. Mais elle se connaissait depuis une demi-heure, peut-être, elle se contenta donc d'un « merci, Neela » empli d'émotions. Elle lui aurait bien offert un muffin pour la remercier. Non, deux muffins. Ou une fournée entière de muffins. Non, non, c'était pas assez. Elel lui offrirait un bijou, tiens. Elle avait d'ailleurs un bracelet en tête, un bracelet donc les couleurs et le travail semblaient lui correspondre totalement, comme s'il l'avait toujours attendue; elle ne manquerait pas de le lui faire passer par Pacey -n'allez pas croire qu'elle aurait le courage de lui offrir en face, quand même...

Neela mit bien vite fin à ce moment un brin gênant pour Hazel, en décidant de craquer pour l'un des muffins qui attendaient dans leur tupperware. « Ché très bon. Ch’veux bien la recette. » Comme une gamine, Hazel la regardait à présent, les yeux remplis d'étoiles. Elle était fière d'avoir satisfait les papilles gustatives de la chirurgienne. « Pas de problème. En plus c'est pas très compliqué. Mais l'utilise pas pour Louis, hein, c'est mon arme... » tenta-t-elle de plaisanter, maladroite. C'est ce moment précis que choisit la porte d'entrée pour claquer. Ouh la... déjà ? Elle se voyait déjà toutes les deux sur le canapé, à se présenter leurs programmes télé favoris... Hazel émit une exclamation de surprise en écho à celle de Neela. En buvant une gorgée de thé, Hazel se leva. Maya la regardait sans rien dire, et elle lui fit un petit signe de la main, attendrie par la petite. « Je pense qu’il a finit plus tôt tout compte fait », fit remarquer la brune, alors qu'Hazel regardait sa montre. Pas vraiment, non... Mais elle n'osa pas lui dire. Ce serait peut-être un peu déplacé de dire qu'elle avait passé un moment et que le temps était passé drôlement vite en leur compagnie à toutes les deux. « Allez, on va vous laisser, Maya a besoin d’un peu de soleil, et moi de me promener. » Elles se dirigeaient toutes les deux vers le hall d'entrée, où elles retrouvèrent Pacey.

Quelques minutes plus tard, après quelques formalités échangés entre eux, Neela avait quitté sa propre maison avec sa petite fille. Hazel l'avait remerciée chaleureusement sans oser en rajouter davantage, puis avait brièvement joué avec Maya pour lui dire au revoir. La première chose qu'elle fit lorsqu'elle se retrouva seule avec Pacey fut de le remercier de son retard. Elle avait enfin rencontré Neela, et elle était tout ce qu'il avait décrit pendant toutes ces années.

Sujet terminé ~~