Ce jour-là était un jour parfaitement normal pour Aedan. C'était un jour d'école, et il avait depuis un bon moment établi une routine pour ces journées-là: lever tôt, bisous à maman puis papa (toujours dans cet ordre là. Non il n'était pas un fils à maman...Hem.), petit déjeuner avec la fratrie encore présente à la maison, une petite farce à sa sœur (son tee-shirt blanc? Un peu de chocolat ne fait jamais de mal...), enfilage d'une tenue dans laquelle il pouvait se sentir à l'aise et en route pour l'école! Tout cela sans se presser, avec une complète tranquillité qui ne l'empêchait pourtant jamais d'être pile à l'heure à l'école. Ensuite, il descendait de la voiture, promettait d'être sage et avançait d'un pas mesuré à la suite de ses camarades, qui, déjà de bon matin, chahutaient et s'appelaient en criant tout autour de lui. Il n'était jamais inclus dans ce genre de chose...Tout d'abord parce qu'il était loin du côté survolté de beaucoup d'enfants de son âge et qu'il ne parlait de toute façon très peu et de façon très douce...Mais surtout parce qu'il n'y avait que Louis pour être ami avec lui par ici, et même lui avait une vie sociale qui ne lui permettait pas de passer tout son temps avec le petit irlandais. Aedan comprenait très bien cela et il accommodait donc, bien qu'avec un certain chagrin et un peu d'ennui, à la solitude. Peut être qu'aujourd'hui serait différent? Peut être qu'il pourrait enfin se faire d'autres amis! Cela n'avait pas vraiment été un succès jusqu'à présent...mais il y a un début à tout! Aedan entra en cours, saluant doucement la maîtresse, avec un léger espoir d'enfin trouver quelqu'un que la douceur presque excessive de son caractère ne ferait pas fuir...Mais, comme d'habitude, personne ne voulut s’asseoir à côté de lui. Condamné à la solitude...Il soupira et sortit ses affaires, se concentrant sur le cours de la maîtresse et recopiant soigneusement la leçon dans son cahier. Tant pis, il se consolerait en ayant des bonnes notes! Et en passant un peu plus de temps avec Nora à la maison...Elle, au moins, elle ne l'évitait pas comme la peste! Tout ça parce que les autres enfants ne le trouvaient pas amusant...Ce n'était pas de sa faute s'il n'était pas bavard et énergique comme eux...Il soupira de nouveau et regarda brièvement l'horloge. Le temps avait passé vite, l'avantage d'être un bon élève et d'aimer travailler: l'heure de la récréation allait bientôt sonner. Qu'allait-il bien pouvoir faire? Les autres garçons ne voulaient jamais qu'il joue avec eux...Allait-il devoir passer toute la récréation assis dans un coin, encore? Ça ne le gênait pas plus que ça de rester tranquille mais la solitude devenait lassante...et il avouait qu'il aurait bien aimer pouvoir jouer, comme tout le monde.

Finalement, la sonnerie retentit. Aedan rangea paisiblement ses affaires, se leva, murmura poliment un «à tout à l'heure» en direction de sa maîtresse et sortit, évidemment le dernier, tous ses camarades s'étant précipités dehors dès que l'occasion s'était présentée. Arrivée dans la cour de récréation il observa les autres garçons, l'envie de s'amuser avec eux toujours bien présente malgré les rebuffades qu'il avait pu subir, et s'approcha un peu, retentant sa chance à se faire une place parmi eux. Mais dès qu'il le virent approcher les autres s'éloignèrent en le regardant d'un air très peu avenant. Il s'immobilisa donc, soupira pour la troisième fois de la journée et alla s'installer avec lassitude sur le petit muret, les regardant jouer au foot tous ensemble avec envie. Pourquoi fallait-il toujours que personne ne lui laisse une chance? Oui il venait d'ailleurs, oui il n'était pas très sociable, oui il n'était pas tout à fait comme les autres: mais était-ce une raison pour ne pas regarder derrière ses silences? Apparemment, cela leur suffisait amplement pour décider qu'il était ennuyeux et infréquentable... Il en était là dans ces réflexions quand il entendit une voix féminine le saluer avec énergie, ce qui le sortit de ces pensées misérables. Il posa son regard sur la petite fille à présent assise à côté de lui sur le muret, qu'il reconnut immédiatement comme étant Faith. Elle était déjà venu discuter avec lui auparavant: elle posait beaucoup de questions et de façon très rapide, ce qui donnait parfois des difficultés à suivre et répondre à tout pour le jeune irlandais, mais n'était jamais gênée par la brièveté et la rareté de ses paroles, ce qui était suffisamment rare pour être noté et considéré très favorablement. Il sourit donc chaleureusement à la petite fille, hochant le tête en guise de salut. Comme il se doutait, Faith poursuivit ses paroles avec des questions:

-Pourquoi tu restes là tout seul ? Tu veux pas jouer avec tes copains ?

Aedan secoua doucement la tête, avec une certaine tristesse. Si ça ne tenait qu'à lui, ils seraient déjà en train de jouer ensemble depuis longtemps! Non, c'était bel et bien les autres qui lui refusait une place dans leurs jeux à l'exception de Louis quand il n'était pas occupé...Pour son plus grand chagrin, sa solitude lui était imposée. Il répondit tout doucement, se recroquevillant un peu sur lui-même, d'un ton dépité:

-Ils ne veulent pas de moi...

Il suivit ensuite le regard de Faith, remarquant à son tour le groupe de filles qui les observaient. Pensaient-elles aussi qu'il ne fallait pas s'approcher de lui, pas jouer avec lui? Était-ce pour cela qu'elles les fixaient ainsi? Aedan ne pouvait pas s'empêcher de se sentir nerveux, déjà déçu qu'il était par le comportement des garçons à son égard. Mais Faith contredit innocemment cette idée en quelques phrases:

-Mes copines n'arrivent pas à se décider sur un jeu, donc je suis venue ici. Je te voyais de là-bas ! T'aimes bien jouer à quoi ? Tu veux qu'on joue à quelque chose que t'aimes bien ?

Le jeune garçon regarda la petite fille avec de grands yeux, très surpris. Venait-elle juste de lui demander de...? Avec elle et ses amies? Pour de vrai? Ça serait tellement bien d'avoir enfin des gens avec qui jouer! Il demanda lentement, d'un ton mélangeant une certaine joie et un espoir prudent:

-Tu veux...jouer avec moi? Vraiment? (Il hésita un long moment puis poursuivit avec douceur, les yeux pétillants) Aimerais-tu jouer au loup?