“What is it?” he asked his dear friend, while he spun two ice cubes around the bottom of a whiskey glass. “Her,” he replied, “Always her.” © .bizzle

Sortir à nouveau avec des hommes, Leah n’y avait pas pensé. Du moins, elle avait tout fait pour éviter d’y penser. Depuis son agression, elle avait fait profil bas, évitant à tout prix d’attirer l’oeil de la gente masculine. De toute façon, en étant enceinte, elle n’avait pas dû en attirer beaucoup. Il y avait toujours ces charmeurs quotidien qui lui sortaient des compliments par-ci par-là de temps en temps mais sans jamais aller plus loin. À chaque fois qu’elle avait l’impression d’être observée avec un peu trop d’insistance, le malaise ne tardait pas à s’installer. Son histoire avec Noah avait également joué sur son désir d’oublier les hommes et de ne pas s’investir à nouveau dans une quelconque relation. Le seul véritable homme de sa vie était Mason, et son père adoré, à la limite. Les autres, elle les maintenait derrière une cloison fortifiée. Elle les laissait l’approcher un peu, les laissait même lui parler ou flirter, mais dès qu’ils tentaient quoi que ce soit, elle faisait un grand pas en arrière et les regardait se cogner de plein fouet contre la muraille qu’elle s’était construite. Noah avait un droit de passage, parfois, parce qu’elle l’aimait toujours et parce qu’elle le veuille ou non il ferait toujours partie de sa vie en étant le père de son enfant. Il y avait aussi Keith pour qui elle avait éprouvé des sentiments sans jamais vraiment l’avouer, ni même l’assumer. Mais elle ne préférait pas penser à ces deux-là ce soir. Non, car ce soir Leah allait à nouveau se remettre sur le marché. À force de se faire bassiner par sa mère et ses soeurs, elle avait fini par accepter d’aller boire un verre avec un certain Samuel. Samuel Hamilton. Elle le connaissait depuis un moment, d’ailleurs elle ne se souvenait plus exactement comment ils avaient fait connaissance. Leurs parents étaient amis ou ils avaient grandi dans le même quartier… Quelque chose du genre. En tout cas, il faisait partie de sa vie (de loin) depuis des années. Il lui avait déjà fait des avances, mais pour une raison qu’elle ignorait elle-même, elle n’avait jamais succombé à son charme pourtant indéniable. À une époque (celle où la frivolité amoureuse ne lui faisait pas peur) elle aurait sans doute voulu faire de lui son quatre heure, et pourtant ils n’étaient jamais passé à l’acte tous les deux. Enfin, il avait toujours plus ou moins exprimé un certain intérêt pour elle et pour la première fois elle ne s’était pas contentée de sembler flattée avant de déguerpir en vitesse, elle avait au contraire accepté de lui donner sa chance. Maman Stewart n’avait eu de cesse d’encourager sa fille à se remettre dans le bain, à sortir à nouveau et à recommencer à vivre à peu près normalement, comme toutes les jeunes femmes de son âge. D’ailleurs, les parents de Leah avaient été ravis d’apprendre qu’elle allait à un rendez-vous avec le fils Hamilton. Elle ne savait pas trop pourquoi, mais il plaisait beaucoup à ses parents, apparemment il était plus respectable que Noah à leurs yeux. Soit, elle n’avait pas cherché à lutter très longtemps. Noah appartenait au passé et même si la page était difficile à tourner, il fallait bien qu’elle s’autorise à vivre, elle aussi.

Leah avait donc enfilé une jolie robe, constatant avec satisfaction qu’elle avait retrouvé sa taille de guêpe d’avant sa grossesse. Elle rentrait à nouveau dans tout ses vêtements préférés et elle avait fêté ça avec un premier verre de vin histoire de se détendre un peu. Elle qui avait pourtant une expérience sans limite quand il en venait des hommes, elle se trouvait drôlement nerveuse. Elle n’avait pas eu de rendez-vous depuis des mois. Pour la première fois depuis longtemps aussi, elle s’était offert un petit tour chez la manucure et l’esthéticienne. Elle était à présent à peu près aussi poilue que son bébé de bientôt un an… No comment. Un verre dans une main, elle marchait d’un bout à l’autre de sa vaste villa, ramassant au passage les affaires de Mason qui trainaient un peu partout. C’est dingue comme les bébés parviennent à s’éparpiller, il faut dire que Mason savait lancer ses jouets désormais et il ne se lassait pas de voir sa mère courir partout pour tenter de limiter les dégâts. Elle essayait de lui apprendre à jouer avec Sparrow, son chien était tout de même nettement plus adapté pour ce petit jeu de « Va chercher! ». À chaque fois qu’elle passait devant un miroir, elle s’assurait que son maquillage était impec’ et qu’elle ne ressemblait pas à un clown. Elle n’avait pas l’habitude d’être aussi nerveuse, ni de manquer de confiance en elle, mais elle tenait de moins en moins en place à mesure que l’heure du rendez-vous approchait. Ses soeurs étaient au téléphone, elle avait enclenché le haut-parleur afin de les entendre et de leur parler tout en gardant ses mains de libre. L’une d’elles étant déjà occupée par un verre, il lui en fallait au moins une pour enfiler ses chaussures et se mettre une dernière petite touche de rouge à lèvres.   « Les filles, je crois que je n’ai plus envie d’y aller. » lâcha-t-elle avant de s’écrouler sur le sofa et de balancer ses Marc Jacobs sur le sol. À l’autre bout du fil, elle pouvait entendre ses soeurs pouffer avant de se mettre à lui crier de bouger son petit cul avant de se faire un peu trop désirer par ce pauvre Samuel. Leah descendit son verre de vin d’une seule traite, enfila ses chaussures et attrapa une peluche qui se trouvait juste à côté d’elle. Elle la serra contre elle. « Bon ok. J’y vais. Mais si ça se termine en rendez-vous merdique, je sais d’ores et déjà qui sera à blamer. » Mason était chez ses parents, elle ne le récupérerait pas avant demain après midi. Sa mère l’avait presque supplié de lui laisser leur petit fils pour un petit moment, étant le seul garçon de la famille son fils était vite devenu la nouvelle coqueluche des Stewarts. Elle n’aimait pas être séparé de lui, et même si elle l’avait serré dans ses bras pour la dernière fois trois petites heures auparavant à peine, il lui manquait déjà. Sauf que voilà, elle s’était promis de ne jamais devenir une de ces mères incapables de prendre son pied sans ses gosses, elle était jeune et méritait un peu de temps pour décompresser et se délaisser de son rôle de mère pour quelques heures. « Bisous bande de connasses! » Chantonna-t-elle à l’attention de Marissa et Emma. « Je vous aime. » Et elle raccrocha. Après une dernière petite larmichette de vin rouge et une dernière contemplation devant le miroir, elle avait fini par décoller de chez elle en taxi. Ouais, parce que boire ou conduire, il faut choisir.

Le rendez-vous avait été donné au Red Dragon. Leah n’y avait encore jamais mis les pieds mais elle se souvenait bien en avoir entendu parler. L’ouverture avait fait un tabac et ses amis lui en avait vanté tout un tas de qualités. Apparemment c’était « the place to be » en ce moment. Si elle avait accepté l’invitation de Samuel, elle avait tout de même instauré ses propres règles. D’abord, ils allaient boire un verre. Pas de diner, c’était déjà trop lui demander. Ensuite, ils se rendraient sur place séparément. Non, elle n’avait pas besoin qu’on vienne la chercher chez elle, galant ou pas galant, elle s’en fichait bien. Pour ce qui était de rentrer à la maison, ça elle n’y avait pas encore trop réfléchi… Ils verraient bien la tournure que prendrait la soirée. Pour finir, l’idée du Red Dragon avait été la sienne. Elle avait eu envie d’un endroit où elle ne possédait aucun mauvais souvenirs, aucun souvenirs tout court d’ailleurs. Pas trop guindé, un bar plutôt relax avec une ambiance sympathique. En entrant dans l’établissement, elle fut ravie de constater que l’endroit était idéal. Elle avait à peine dix minutes de retard, ce qui était tout à fait respectable. Elle aurait pu pousser jusqu’à quinze, mais bon, maintenant qu’elle était là elle n’allait pas se cacher dans les toilettes sous prétexte que le quart d’heure de politesse n’était pas entièrement respecté. Elle s’avança vers le bar où elle repéra presque aussitôt Samuel. Elle s’autorisa un instant à le regarder de loin, sans qu’il ne s’en aperçoive. Il était séduisant, c’était indéniable. Il lui plaisait physiquement, cela dit il avait encore tout à prouver niveau personnalité. « Bonsoir. » Elle posa délicatement sa main sur l’épaule du jeune homme et prolongea son geste dans une légère caresse de son dos. « J’espère que je ne t’ai pas trop fait attendre. » Elle prit place sur un tabouret à ses côtés et fit signe au barman de s’approcher. « Un espresso Martini pour moi, s’il vous plait. » Elle se tourna vers Samuel avec un large sourire séduisant. « Et pour toi? » Au final, ce ne serait peut-être pas aussi difficile qu’elle l’avait pensé de se remettre à flirter. De toute façon, cette soirée ne l’engageait à rien. Elle ne pouvait cependant pas nier que le désir qu’elle lisait dans les yeux de Samuel éveillait en elle un certain plaisir. C’était bon de se sentir séduisante. Et justement, dans cette robe noire et moulante, avec ce rouge à lèvres rouge écarlate, et sa paire de talons vertigineux, elle était beaucoup, beaucoup trop belle.