Grande prévoyante que je suis, j'ai déjà réservé ma place au cours d'aquaforme. Celui pour femmes enceintes... Bien sur mon terme est encore éloigné, je ne suis enceinte que de neuf semaines après tout, presque dix, mais je préfère intégrer le groupe d'ores et déjà pour mieux me familiariser avec cette discipline. Mon médecin affirme que « l'eau est notre meilleure alliée dans la grossesse ». Je la crois, elle doit savoir ce qu'elle dit vu qu'elle est gynécologue obstétricienne depuis une dizaine d'années. C'est elle qui m'a annoncée ma grossesse, juste avant que Naël ne se réveille de ces huit semaines de coma. C'est aussi elle qui m'a vue m'effondrer sur la table d'examen, de joie ou de dépit, ça je ne le sais toujours pas. Et le réveil de mon fiancé ne m'a pas aidée. Avoir un bébé est un miracle pour moi. Je n'imaginais pas que ça irait si vite, on m'avait dit qu'après plus de huit ans sous pilule contraceptive il fallait au moins un an avant qu'une femme ne puisse tomber enceinte. Et encore une fois j'ai défié les statistiques. Dès que j'ai su, je me suis donc inscrite à ces cours d'aquaforme. Ils me permettent de voir du monde et de briser la solitude qui s'est installée en l'absence de Naël. Et même maintenant qu'il est réveillé je ne me suis jamais sentie plus seule. Il a perdu la mémoire. Tout ses souvenirs nous concernant... il ne savait même plus mon prénom ! Alors comment lui annoncer que dans un peu moins de sept mois il deviendra papa ? Ce serait un choc. Alors je fais semblant d’être sa meilleure amie, en attendant... je ne sais même pas quoi attendre. Un déclic ? Qu'il soit prêt à écouter ce que j'ai à lui dire ? Qu'il se rende compte qu'il est amoureux de moi ? Tout ça peut être très long. Et du temps, je n'en ai pas vraiment avant que ma grossesse devienne visible. Si l'eau est une excellente alliée, Siobhan en est une encore plus précieuse. Sa grossesse est bien plus avancée que la mienne mais le courant est immédiatement passé entre nous deux. J'ai également appris qu'elle travaille dans l’hôpital où Naël est hospitalisé, et qu'elle envisage d'adopter Jamie, le petit garçon que j'y ai rencontré et qui se remet encore de ses blessures. C'est un geste très noble de sa part, ainsi que de celle de son petit ami. En parlant du loup, elle est devant son casier dans les vestiaires. Je la salue chaleureusement en la prenant dans mes bras. J'aurais probablement du mal à embrasser les gens d'ici à la fin de ma grossesse, si mon ventre gonfle autant. Mais Siobhan attend des jumeaux, c'est différent... j'espère du moins. Pour le moment je donne deux cours de danse par semaine à des femmes enceintes. Nous ne faisons pas d'exercices violents ni trop fatiguants pour ne pas rentrer chez nous sur les genoux, mais nous travaillons sur la souplesse et c'est déjà un sacré travail. Les spectacles auxquels je participe avec la troupe devraient cesser dans quinze jours. J'ai aussi décidé de cesser leur tournée, enceinte je ne peux pas me mouvoir autant qu'avant. « Salut Siobhan. Je suis super contente de te voir ! » Je lui souris, très enthousiaste. Quant à sa question suivante, je ne sais que répondre. Physiquement nous allons très bien. La gynécologue a vérifié tout ce qu'il fallait sur le bébé, et je me porte comme un charme. Moralement c'est autre chose... « Ça va ! J'ai hate d’être dans l'eau quand même. » dis-je avec un petit rire. « Naël s'est réveillé. Je ne sais pas si tu l'as appris ou pas, mais il a perdu la mémoire. Il ne se souvient même pas de moi... » Ma voix se perd dans l'émotion du souvenir de Naël me dévisageant comme si il ne me connaissait pas. Sauf que c'est vrai : il ne me connaît pas, puisqu'il n'a pas le moindre souvenir de moi. Mais il faut être optimiste, ne pas perdre espoir. « Et vous trois ? Pas trop mal au dos aujourd'hui ? » Je sais qu'une grossesse n'est jamais facile. Siobhan porte des jumeaux, et les grossesses comprenant deux fœtus ou plus sont considérées comme à risque...