Callie essayait tant bien que mal d’être attentive à ce que l’homme en face d’elle lui expliquait, mais le manque de sommeil commençait à avoir raison d’elle. Elle aurait voulu lui dire que dans le fond elle s’en foutait totalement mais la grosse somme d’argent qu’il proposait lui suffisait à rester attentive. Peut-être qu’un jour elle sauterait enfin le pas et exposerait ses photos pour enfin être reconnu en tant qu’artiste et pouvoir enfin en vivre et enfin arrêter ses contrats à droite, à gauche. Mais pour l’instant ce n’était pas le cas et elle devait donc rester concentré sur les demandes diverses de son nouveau client.“Donc on se voit la semaine prochaine à huit heures. Ne soyez pas en retard, j’ai horreur de ça.” La brune hocha la tête avec un sourire des plus hypocrites. “Ne vous en faites pas, je serais là.”
Elle sortit du bâtiment en lâchant un long soupir qu’elle retenait depuis plusieurs heures déjà, elle sentait d’avance qu’elle allait en voir de toutes les couleurs avec ce type, mais qu’importe, la récompense valait la peine de souffrir un peu.
Malgré le temps superbe qui d’ordinaire l’aurait poussée à se balader dans les rues de la ville, voir même s’arrêter à prendre un café en terrasse, Callie n’avait qu’une envie : rentrer dormir. La jeune femme avait été incapable de s’endormir avant six heures du matin et avait maudit son réveil quand il avait sonné vers neuf heures. Comment les gens faisaient-ils pour se lever aussi tôt? Question qu’elle se répétait sans cesse quand elle devait le faire à son tour.

Callie était donc sur le chemin du retour, occupée à lire les quelques mails qu’elle avait reçu, répondant rapidement à certain et assez concentrée sur ce qu’elle faisait qu’elle ne se sentit pas dévier de sa trajectoire sur le trottoir, ni ne vit le poteau dont elle se rapprochait dangereusement. Et bien évidemment, ce qui devait arriver, arriva. C’est dans un bruit sourd que sa tête heurta le fameux poteau, l’arrêtant net dans sa course. “Aïe! Putai...” La brune n’eut pas le temps de finir de jurer, quand reculant elle perdit l’équilibre et trébucha contre une poubelle qu’elle entraîna dans sa chute dans une tentative vaine de se rattraper à quelque chose.
Elle se retrouva donc par terre à côté d’une poubelle dont la plupart du contenu lui était tombé dessus. Callie poussa de nouveau un long soupir, de désespoir cette fois-ci. “Pourquoi j’ai une vie de merde?” Elle toucha du bout des doigts l’endroit où son crâne avait heurté le poteau, une grimace causée par la douleur se dessina sur son visage et elle retira vite sa main, en plus d’une histoire incroyable à raconter, elle gagnait une jolie bosse. Callie préféra rester sur le sol plutôt que de tenter de se relever, elle préférait vraiment reprendre ses esprits avant d'essayer de se relever de peur qu'une force divine n'en remette une couche.

Son ordinateur était nettoyé et il venait de le récupérer, Martin allait pouvoir consulter ses mails tranquillement chez lui et arrêter de jouer au ninja à son bureau. C'était une façon de dire, parce qu'il consultait ses mails personnels quand il était tranquille et il restait assez tard que d'habitude juste pour y répondre, il mettait du temps à rédiger un message. Il s'était promis d'arrêter de télécharger n'importe quoi et que les prochaines fois s'il voulait un logiciel, il devrait aller directement sur le site du développeur. C'était plus sécurisé et c'était mieux pour limiter les risques. La technologie, ce n'était pas trop son truc et il préférait se limiter seulement au téléphone portable. Martin savait aussi que s'il s'y mettait sérieusement, il se débrouillerait comme un pro, mais là, il n'avait pas la motivation et se contentait du minimum alors qu'il se concentrait sur autre chose ailleurs.

Il avait aussi garé sa voiture dans une grande rue, certain que personne n'essaierait de la voler. Martin se remémora de la confrontation avec l'indien et eut une vague grimace, mauvaise idée de s'en souvenir. Il préférait vraiment oublier cela et faire plutôt attention aux prochaines fois. Le sac à ses épaules, il marcha dans la rue principale, avec les boutiques ouvertes, peu de monde était présent. C'était normal, la majorité de gens étaient partis bosser et Martin devait être à l'hôpital aussi, mais il voulait récupérer son ordinateur portable avant, il n'avait pas de rendez-vous le matin non plus et il n'était pas trop tard en même temps. En revanche, il devait songer à s'acheter de quoi manger, peut-être des tacos... Il en avait envie tient.

Il aurait pu continuer les recherches si seulement son attention ne s'était pas focalisé sur une jeune brune qui marchait bizarrement. Non non, elle ne marchait pas comme une personne bourrée, plutôt comme une personne qui avait le nez plongé sur son téléphone et qui avait oublié à quel point le trottoir était dangereux. Martin ne pouvait rien dire, parce qu'il se retrouvait de l'autre côté de la rue et qu'il devait traverser pour la rejoindre. A moins d'hausser la voix aussi ... Mais il n'en avait pas trop envie. Si elle se prenait le poteau, ça lui apprendra à envoyer des messages avec le téléphone, encore heureux qu'elle n'était pas en voiture.

Martin s'arrêta quand il la vit se prendre le poteau, mais vraiment en pleine tête qu'il en grimaça un peu de douleur. Oh, il n'aimerait pas être à sa place. De toute manière, elle comprendra qu'elle n'avait pas à regarder son téléphone. Il aurait pu continuer la marche s'il ne la voyait pas perdre l'équilibre, trébucher contre une poubelle qu'elle tenta d'attraper pour ne pas tomber... Ce qui était raté en la voyant se prendre les déchets de cette poubelle.

Martin qui avait assisté à tout cela de l'autre côté de la rue sut comment agir immédiatement. Il traversa la route tout en se pinçant les lèvres pour retenir ne serait-ce un sourire, ne pas rire ce serait pas mal pour sauver ne serait-ce un peu l'honneur de la jeune brune. Il espérait néanmoins qu'elle ne s'était pas fait sérieusement mal, c'était son instinct de médecin qui l'avait poussé à venir vers elle, en gardant difficilement son sérieux. Et quand il fut assez près, il put l'entendre parler - ce qui était bon signe. “Pourquoi j’ai une vie de merde?” Et c'était la fin pour Martin qui ne retint pas de pouffer de rire tout en marchant le peu de distance qui lui restait à faire, ses épaules furent secoués par ses rires étouffés. " C'est le cas de le dire ! Karma de merde !" fit-il pour signaler sa présence en même temps pour lui dire qu'il avait tout vu, avec un sourire moqueur. Pas besoin des mots en réalité, son sourire et ses rires étouffés suffissaient pour expliquer qu'il avait tout vu et que la réputation de la brune était finie. " Promis je ne dirai à personne... Vous allez bien ?" s'inquiéta-t-il néanmoins, les sourcils froncés, se voulant avoir un air sérieux, mais n'était pas crédible avec le sourire amusé. Il n'aurait jamais cru voir cela un jour !

Reprenant peu à peu ses esprits, Callie, qui était toujours assise par terre, avait commencé à retirer les déchets qui se trouvaient sur elle, les remettant dans la poubelle qui était toujours couchée à ses côtés. Bien trop occupé à se maudire sa vie aussi bien à l’oral que dans sa tête, elle n’entendit pas la personne qui s’approchait d’elle et sursauta quand cette dernière parla. Elle leva la tête, un petit air horrifié sur son visage. Si elle avait perdu les trois quart de sa dignité dans sa chute, la présence d’un témoin venait de lui faire perdre le reste. “Il fallait évidemment que quelqu’un assiste à ça, je vois que mon karma, comme vous dites, me déteste vraiment.” Mettant de côté sa gêne, elle finit par tourner sa tête vers l’homme qui avait un air assez familier, mais Callie n’y accorda que peu d’importance, elle fixait son petit sourire, elle savait qu’il avait envie de rire. En même temps qui n’aurait pas rit devant une telle cascade?

Marre de rester sur le sol, la jeune femme finit par se relever en s’aidant du poteau qui l’avait agressé quelques minutes au par avant. Sa tête tourna un instant et elle ferma les yeux un moment le temps de reprendre ses esprits avant de répondre à la question qui venait de lui être posée. “A part un mal de crâne qui va surement durer toute la journée et une dignité envolée, je pense que je vais survivre. Et vous n’avez pas intérêt à en parler, je connais des gens.” Chose complètement fausse bien évidemment, Callie était une photographe tout à fait honnête, à quel moment pouvait-elle connaître ‘des gens’?
Elle entreprit ensuite de remettre la poubelle en place tout en ramassant les ordures qui jonchaient le sol par sa faute, elle avait eu de la chance que celle-ci ne soit qu’à moitié pleine et pas trop rempli de choses sales. Une fois les preuves qu’une chute avait eu lieu ici effacée, elle se tourna vers l’homme qui avait toujours un petit sourire aux lèvres, elle savait très bien qu'il se retenait de rire. “Non mais allez-y, rigolez une bonne fois pour toute qu’on en finisse ça devient ridicule là.” Callie laissa elle même échapper un rire, se demandant comment il avait fait pour se retenir de rire pendant tout ce temps, elle aurait été à sa place, elle aurait surement fini par se rouler sur le trottoir, les larmes aux yeux avant même de demander à la victime du poteau si elle allait bien et elle remercia quand même son karma qui la détestait tant de lui avoir fait cette petite fleur et de lui avoir envoyé une personne qui n’avait pas agit de la façon dont elle l’aurait fait. Personne qui pour le coup, maintenant qu’elle avait de nouveau l’esprit clair, lui était vraiment familière, Callie le regarda un moment, cherchant dans sa mémoire où elle avait bien pu voir l’homme qui se tenait devant elle. “Excusez-moi mais, je vous ai déjà vu quelque part non? Si c’est pas le cas, je vais blâmer mon ami le poteau.”