HUNTINGTON BEACH ™
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 ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla

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Gidéon Fitzgerald
Gidéon Fitzgerald
lama en évolution


› MESSAGES : 202
› EMMENAGEMENT LE : 16/02/2015
› AGE : 42
› PROFESSION/ETUDE : Propriétaire, gérant & barman du Red Dragon ; dessinateur / illustrateur de formation ; ancien fleuriste.
› DOUBLE COMPTE : Saskia & Bianca
› CELEBRITE : Charlie Winston
› COPYRIGHT : RaniPyaar, Northern Lights, Sparkling Lux

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MessageSujet: ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla   ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla EmptyMar 21 Juil 2015 - 23:30

' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor '
ISLA & GIDEON

Le barbu ouvrit les yeux de bonne heure. Comme tous les matins, il assistait au lever du soleil sur la ville d'Huntington Beach et faisait partie de ces rares individus à voir un nouveau jour suspendre la nuit une fois de plus. Il faisait partie de ces hommes qui se faisaient couler un café, les yeux encore collés par le sommeil, un rayon du soleil traversant timidement la fenêtre, alors qu'ils allaenit doucement prendre le chemin de sa douche, laissant un canapé encore abîmé par les traces de leur nuit en dehors de leur couette.
Alors que l'eau coulait sur ses cheveux et coulait le long de sa nuque, puis dans son dos, réveillant doucement le trentenaire, celui-ci commença à chantonner. Ce matin-là ressemblait à tant d'autres, et pourtant, comme chaque jour, il savait qu'il apprécierait le bruit de la clé dans les serrures de la porte de son bar, qu'il adorerait briquer les meubles, les œuvres qui l'habitaient, puis que quelques minutes plus tard, le visage d'Isla passerait l’entrebâillement de la porte puis accueillerait les stocks à l'arrière du bar tout en papotant. Car oui, depuis qu'ils travaillaient ensemble, les deux collègues étaient devenus davantage que cela : rapidement comparses, ils avaient même dépassé ce stade avant de se révéler être bons amis, très bons amis même. Gidéon ne laissait pas grand monde pénétrer son univers, sa personne. Il l'avait fait pour Isla. Parce que dans son regard, il avait compris qu'ils se ressemblaient, qu'ils subissaient le même genre de solitude et d'infinie tristesse. Ils le cachaient évidemment de manière relativement différente, mais leurs regards les trahissaient. Alors si à leur première rencontre, Isla avait juste été une cliente comme d'autres, intéressée par l'open-bar, elle s'était rapidement révélée bien plus. En position financière difficile, elle avait fini par presque supplier le trentenaire de lui accorder un job d'appoint. Il avait accepté. L'ouverture du Red Dragon s'était certes très bien déroulée, mais il n'avait pas de trop de quelques bras en secours.

Le Red Dragon... Cette nouvelle maison pour Gidéon, où se hataient déja les premiers habitués depuis plusieurs semaines. Ce vieil homme, Charles, passerait le pas de la porte vers onze heures et ne sortirait certainement pas avant la fin de l'après-midi. Ces deux jeunes étudiantes qui riaient toujours aux éclats de leurs voix cristallines (Mary et Catherine), boiraient sans doute un ou deux mojitos, ou des pintes selon leur humeur, tout en sortant quelques cours histoire de se donner bonne conscience. Peut-être verrait-il M. Darnmouth, ce commercial aux accents du nord qui passait une fois par semaine prendre un café silencieusement, avant de repartir sans doute sur la route vendre des meubles de salle de bain.
Son bar était comme une aéroport, un terminal. Là où les chemins et les destins se croisent sans jamais réellement se rencontrer, communiquer. Il était l'endroit où les regards deviennent langage et les gestes un moyen de communication plus efficace que les mots. Le matin, il était relativement désert, calme, paisible, amical. Le soir, il se transformait en lieu de fêtes, de rencontres plus animées. Les couples se formaient et se déformaient au gré des chansons que Gidéon choisissait ; les amitiés devenaient simples et sans grande valeur au long termes, mais fortes et fortifiantes le temps d'une soirée ; quelques heures à peine où le monde se transformait autour de chacun, où le compliqué devenait tâche aisée, où les complexes se transformaient grâce à l'alcool en monstres de confiance. Chacun pouvait se sentir libre de devenir qui il aurait aimé être le temps d'une soirée. Jamais le barbu ne jugeait qui que ce soit. Son rôle était de rendre les journées et les soirées entre ces quatre murs plus agréables. Lorsqu'il organisait des rencontres, des débats,; il découvrait encore d'autres personnes. Parfois, il les reconnaissait d'autres soirées alcoolisées. Il aimait cela, découvrir à quel point les êtres humains pouvaient être complexes, pluriels en tant qu'individus. A quel point ils pouvaient aimer se bourrer la gueule, puis venir débattre de l'intérêt de telle ou telle économie pour l'avenir.

Et lui, ce grand barbu, toujours enfermé dans ces costumes excentriques, bariolé de carreaux, de rayures et autres motifs colorés, à l'attitude bohème, ne faisait que donner à ce Red Dragon une raison de plus d'y venir. Toujours souriant, agréable et de bonne compagnie, il n'hésitait jamais à parler à ses clients, sans pour autant s’immiscer dans leur vie. On aimait cet homme parce qu'il était dans la juste mesure ; familier sans devenir envahissant.

Après son café avec la télévision en fond sonore et le soleil qui commençait à apparaître de manière plus évidente devant lui, il enfila sa veste verte, ses vieilles baskets, passa une dernière fois sa main dans ses cheveux pour les ébouriffer. Il claqua la porte derrière lui et le cliquetis de la clé dans sa serrure finit de le sortir de sa torpeur. Ca y'est. La nuit était finie, le jour se levait de nouveau sur Huntington Beach, sa ville d'adoption. Les matins étaient souvent ces moments d'intense réflexion pour lui ; mais ils étaient cassés par le retour à la réalité que son travail lui imposait. Et si parfois, sur le chemin le menant au bar, il aurait souhaité travailler à nouveau avec le silence réconfortant des fleurs, il était toujours radieux de pousser la porte de sa plus belle oeuvre : son bar.
Arrivé au Red Dragon, il fit comme tous les matins. Il ouvrit la lourde porte, posa les clés sur le bar, ouvrit les stores, fit le tour des tables, ouvrit ses cahiers de notes, de commandes. Il se dirigea en cuisine, vérifia l'inventaire fait quelques heures à peine auparavant par ses propres soins. On ne savait jamais. S'il y avait bien quelque chose que ses parents avaient réussi à lui apprendre, c'était à bien gérer les choses auxquelles l'on tenait. Pour eux, c'était leur restaurant. A présent, pour lui, c'était ce bar. Son bien. Plus que son appartement, il représentait à lui seul un havre de paix, l'endroit de quiétude qu'il avait tant cherché, l'aboutissement de sa pourtant courte vie.

Il se fit couler un second café, alluma la télévision et nettoya le bar en pensant au programme de la semaine. Un débat sur les aliments de demain et un concert de punk étudiant... quoi de mieux pour cette belle semaine d'été?
Isla n'allait pas tarder, et lui venait de renverser son café sur le bar. Une matinée comme une autre.


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MessageSujet: Re: ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla   ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla EmptyJeu 23 Juil 2015 - 4:20



De toute sa vie, Isla ne s'était jamais posée plus de quelques mois à un même endroit. Pas forcément par choix, mais sans doute plus par habitude ou même par peur; c'était plus facile d'être toujours sur la route, parce que c'était la vie qu'elle avait toujours connue. Elle faisait des rencontres tous les jours, mais aucun visage ne lui serait familier, elle ne revoyait jamais ces rencontres d'un ou deux jours. A quoi cela pourrait-il donc lui servir ? Elle ne savait pas réellement elle-même qui elle était. Les années et les difficultés avaient construit une Isla toute nouvelle, bien loin de ce qu'un destin tranquille l'aurait mené à être. Malgré tout, elle ne s'en plaignait pas particulièrement. Qu'est-ce que ça lui aurait changé de s'en plaindre ? Elle n'avait pas eu le choix. A aucun moment, elle n'avait eu le choix. La seule décision qu'elle avait réellement prise était celle de quitter Charlie pour retrouver sa mère... et malgré les ressentiments que cela avait éveillé, elle n'en restait pas moins persuadée d'avoir pris la bonne décision. Sa vie à Huntington Beach n'était pas parfaite, mais elle l'aimait bien. Elle commençait tout doucement et avec beaucoup de précautions à s'attacher à cette ville et à ses habitants. Peut-être parce qu'elle était née dans le coin, ou peut-être parce que sa mère y résidait maintenant sans aucune autre destination possible... peu importait. La vie sur la route lui manquait parfois, et surtout Charlie, d'ailleurs. Elle ne retrouvait plus vraiment ces frissons de la scène, de la fête jusqu'à pas d'heure, de l'alcool qui coulait à flots ou des rires de ceux qu'elle avait considéré pendant un temps comme sa famille. Sa vie avait pris un tout autre revirement. Elle n'avait connu aucun homme depuis Charlie, et, quelque part, elle n'en avait pas envie. Elle était bien dans cette petite quiétude qu'elle s'était créée, mais elle ne comptait pas la chambouler trop vite. Elle avait des marques à continuer à prendre, des habitudes à garder, des regrets et des remords à éclipser. Et pour l'aider à tout cela, il n'y avait rien de mieux que cette chose qu'elle découvrait doucement depuis qu'elle était arrivée en Californie : l'amitié. Si Charlie et son groupe n'étaient plus là, de nouvelles têtes avaient fait éruption dans sa vie. Une preuve de plus que c'était le moment de se construire une vie classique, à l'abri de tous les aléas qu'elle avait connus jusque-là. Elle n'avait qu'un regret depuis son installation : la disparition de Cooper, qui avait quitté sa vie aussi vite qu'il y était réapparu. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle n'avait aucune légitimité à le faire, et pourtant... pourtant elle lui en voulait à point qui ne tenait même plus du raisonnable. Mais ce n'était même pas comme si elle avait le temps d'y penser. Depuis qu'il avait déserté le loft pour des raisons aussi abracadabrantes qu'obscures, Isla avait fait des pieds et des mains pour gagner plus d'argent. Juste à temps, elle avait fait la connaissance du patron d'un nouveau bar qui venait d'ouvrir en ville. Elle avait été de la partie dès le premier soir, ravie de profiter de l'open-bar, puis était revenue régulièrement noyer sa détresse et sa solitude dans ces verres servis avec bienveillance par ce barman qu'elle avait d'abord pris pour un serveur. Au fil du temps, ils avaient sympathisé, se retrouvant chaque fois avec plaisir. Il y avait quelque chose dans son regard qui avait très rapidement inspiré confiance à Isla : il n'y avait rien de ces lueurs qu'elle n'avait que trop croisées. Cet homme-là était à part, et elle s'en était rapidement rendu compte. Oui, Isla aimait bien Gidéon Fitzgerald. Il avait toute sa confiance, ce qui, lorsqu'on parlait d'Isla, équivalait à un engagement aussi important que le mariage. Pendant quelques temps, ils avaient été barman et cliente, puis un petit peu plus... deux âmes égarées qui s'étaient trouvées, formant une petite étincelle qui avait permis de faire émerger une amitié presque réflexe. Quelques semaines plus tard, elle le suppliait de lui offrir une place, inventant des tâches ingrates rien que pour qu'il ait des choses à lui donner à faire.

Cette partie-là, elle l'avait gagné. Saskia et elle n'avaient pas eu besoin de quitter leur loft. Avec ses deux salaires, la blonde leur permettait de garder leur chez-elles, et Saskia avait à présent quitté son stage pour trouver mieux et surtout, quelque chose qui leur permettrait de vivre un peu plus confortablement. Car il fallait l'avouer, même dans ces conditions, les deux jeunes femmes ne roulaient pas sur l'or. Elles mettaient tous les mois leur argent en commun, et peu importait laquelle ramenait le plus. Le plus important était qu'elles arrivaient à conserver ce loft qu'elles aimaient tant. L'ancienne chambre de Cooper servait de débarras dans lequel elles avaient entreposé les derniers cartons qu'elles n'avaient pas encore pris la peine de déballer -des cartons de Saskia, bien évidemment, puisqu'Isla était arrivée avec une seule valise.

La blonde s'était donc trouvé un nouveau quotidien qui lui plaisait bien. Elle n'avait jamais le temps de s'ennuyer, et profitait de ses moindres moments de tranquillité pour s'en plaindre. Un peu de calme ne lui aurait sans doute pas fait de mal, mais il lui aurait aussi donné le temps nécessaire à une remise en question qu'elle n'était pas prête à affronter. Elle foncée, tête baissée, comme d'habitude. Elle ferait les choses progressivement. Peut-être qu'un jour, elle trouverait un temps plein quelque part. En attendant, la jeune femme se contentait très volontiers de ses deux mi-temps, au cinéma et au Red Dragon. Avant tout, les matins n'étaient jamais source de tranquillité; Isla était bien souvent la première des deux colocataires à se lever. Elle n'était pas discrète, mais Saskia avait le sommeil lourd, et elle ne l'avait jamais réveillée. Elle se permettait donc de mettre la radio, où elle avait parfois entendu un single du groupe de Charlie passer, et elle faisait couler la douche une heure, avant de se rendre compte qu'elle était en train de se rendormir sous la chaleur protectrice de l'eau qui lui rappelait celle de ses draps. Ce matin-là n'avait pas dérogé à la règle. Il faisait encore nuit lorsqu'elle avait quitté son immeuble, et les transports en commun étaient déserts. C'était agréable. Isla détestait se lever tôt, mais qu'est-ce qu'elle aimait être levée tôt...

Il n'y avait personne. Ni dans les transports, ni dans les rues, nulle part. Le monde se réveillait doucement, progressivement, et ça avait quelque chose de doux. Comme tous les matins où elle allait travailler au bar, Isla savourait les premiers rayons du soleil, orangés, qui caressait son visage encore endormi. Dans le bus, elle avait fermé les yeux pour profiter de ce moment de sérénité, et si elle n'avait pas connu son trajet par cœur et parfaitement maîtrisé chaque minute de demi-sommeil, elle aurait sans doute été capable de s'endormir et de se retrouver à l'autre bout de la ville sans avoir eu le temps de le réaliser. Mais comme tous les matins, elle était sortie à son arrêt, à une centaine de mètres à peine du bar, et avait profité quelques instants encore de ces timides rayons de soleil avant de rentrer dans l'établissement. Comme tous les matins, la télé était allumée sur les informations du jour. Et comme tous les matins, Isla avait violemment posé son sac sur le bar pour s'asseoir en face de Gidéon. « Salut beau gosse, ça va ? » D'un œil morne et encore endormi, elle le regardait, attendant, comme chaque matin, qu'ils en viennent à se motiver mutuellement à se mettre au travail et accueillir la journée qui les attendait avec l'enthousiasme qu'elle méritait. Mollement, Isla finit par réagir à ce qui s'était passé derrière le comptoir. « T'as renversé mon café ? T'es maladroit ! Bon, attends... assieds-toi, t'as le temps de faire une micro-sieste de deux secondes... » Lentement, elle fit le tour du bar « VOILA ! Ta sieste est finie. » La télé parlait de la météo d'aujourd'hui... encore une belle journée qui s'annonçait. Isla avait mis la machine à café en route, et elle attendait que les deux tasses soient remplies, les paupières mi-closes. « Il arrive à quelle heure, le mec, ce matin ? S'il a encore du retard je le bute... Mon lit était tellement confortable ce matin... » Elle s'accouda au comptoir et se mit à sourire béatement. « Au fait, j'ai pas eu de problème de peau hier... un jour on percera ce mystère. T'es mon meilleur enquêteur sur l'affaire. »
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Gidéon Fitzgerald
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MessageSujet: Re: ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla   ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla EmptyMer 29 Juil 2015 - 14:23


Le bar, en ces heures bien matinales, revêtait un air de lieu hanté par les fantômes de la veille, et des jours précédents. Gidéon ne pouvait s'empêcher de revoir les visages qui l'avaient occupé, en avaient fait leur tanière le temps de quelques heures à peine. Malgré tout, il aimait la paix qui émanait de cet endroit à son réveil ; aucune musique parasite, aucun bruit assourdissant d'un café qui coule ou d'une bière qui est en train d'être tirée. Aucun empressement devant un changement de fût, devant un quelconque rush. Non. Ce moment-là, c'était son moment à lui, sa solitude, pourtant loin de son propre appartement; c'était son petit chez lui, qu'il ne pouvait pas s'empêcher d'admirer, non pas par vanité, mais parce que cet endroit, dans cette quiétude comme dans son effervescence, était l'aboutissement de nombreux rêves irréalisés, d'autres atteints, de dur labeur, de peur permanente. Manchester et ses parents étaient bien loin, sa petite chambre dans leur immense maison également. L'avion qui l'avait relié à sa nouvelle vie même, semblait venir d'un autre temps, d'une autre existence. Et même si les fantômes anglais, eux aussi, de temps à autres, occupaient les lieux, le trentenaire n'en tenait plus compte depuis bien longtemps. Sa vie était ici ; c'était un peu sa Nouvelle Angleterre à lui. Il avait troqué la pluie quasi-perpétuelle pour un soleil éblouissant et un vent amical. Il n'y avait qu'ici qu'il pouvait d'ailleurs se laisser porter par les hasards de la vie. Personne ne lui dictait quelconque conduite ; il était lui, certes avec ses secrets, mais on l'appréciait pour ce qu'il était malgré tout.
Alors aujourd'hui, il passait le pas de la porte avec sérénité; un sourire sur les lèvres même s'il n'était point trop réveillé. Il regardait avec émerveillement et attendrissement ce qu'il avait réussi à construire. Sans doute n'aurait-il jamais d'enfant - à peine avait-il le droit d'épouser la personne qu'il aimait -, mais il considérait cet endroit comme sa progéniture. Ce lieu était sorti de ses entrailles, il l'avait construit, le laissait à présent vivre, évoluer dans le monde sensible.

Et bientôt, il le savait, celle qui avait sans doute pris une des places les plus importantes possibles pour Gidéon, passerait elle aussi le pas de cette imposante porte. Il reconnaîtrait cette frimousse, ces cheveux blonds, ces yeux bleus, et saurait que la journée commençait.
Il était bon, d'avoir des collègues avec qui partager des journées agréables, en toute confiance. Il avait des employés, des serveurs, qu'il appréciait, à qui il donnait leur chance. Souvent, des étudiants qu'il savait de passage seulement, pour arrondir les fins de mois ou payer leurs propres rêves. Isla, elle, était arrivée dans la vie de Gidéon sans trop crier gare ; entre deux verres, elle l'avait presque insulté. Puis ils avaient sympathisé. Il avait retrouvé en elle une part de lui qu'il tentait sans doute de cacher : visiblement abîmée par la vie, elle faisait tout pour se faire une place dans Huntington Beach. Comme lui, elle semblait avoir besoin d'un endroit où se poser pour enfin exister. Au fil des discussions, les deux avaient fini par s'apprivoiser, apprendre à se connaitre et à se parler. Ils avaient trouvé un équilibre ; puis Isla avait eu besoin d'un travail, et il lui avait offert. Gidéon n'accordait guère sa confiance rapidement aux inconnus, et c'était sans doute la principale raison pour laquelle il avait monté cette affaire seul. Mais la jolie trentenaire était sans doute la personne en qui il avait le plus confiance. La relation qu'ils tissaient ensemble s'épaississait ; les murs qui les séparaient s'abaissaient peu à peu.

" Salut beau gosse, ça va ? "
Gidéon écarquilla les yeux. Perdu dans ses songes, il n'avait pas fait attention à l'entrée tonitruante d'Isla.
" Ca va, et toi, ma mignonne ? "
Son café, non loin de lui, criait à l'aide. En réalité, il avait totalement égoïste sur le coup-là, et n'avait pas pensé à Isla. C'était SON café, sa drogue matinale. Mais ça, il se garda bien de lui dire. De toute façon, il avait un peu la flemme.
" Merci. " répondit-il seulement, levant la tête devant la télé qui commençait à attirer son attention. " J'espère aussi qu'il arrivera à l'heure, c'est chiant de changer de fournisseur. " répondit-il en parfait patron prêt à travailler dur dès le matin. En réalité, ça lui faisait du bien, de se poser avec Isla chaque matin, attendant désespérément que le fournisseur daigne arriver. Il avait le temps de se souvenir de la veille, de se remettre dans le bain. " Jette un coup d'oeil à l'inventaire, c'est plus prudent " proposa-t-il en bon patron, histoire qu'Isla ne prenne pas n'importe quoi du camion qui allait -on l'espérait autant qu'on le redoutait -, bientôt arriver. " Ah, tes problèmes de peau ! " Enfin, monsieur se réveilla. Enfin... Ces mots sortirent de sa bouche alors qu'il semblait obnubilé par la télévision. On y parlait du système de santé britannique. " Heuu ... " fit-il, planté devant la télé comme si sa vie en dépendait. " Ah oui, oui, ben ... " Il décrocha ses yeux de l'écran et regarda son ... amie. " C'est pas quand tu rentres chez toi quand même, si ? Tu n'es pas rentrée chez toi hier soir ou quoi?" Il haussa un sourcil. " Tu sais que faire la fête quand tu travailles le lendemain, ce n'est pas raisonnable ? Il était beau au moins ? "

Bon, en fait, cette enquête leur prenait un peu la tête depuis un moment. Les bras d'Isla revêtaient parfois une drôle de couleur, ce qui inquiétait un peu Gidéon. Non pas qu'il s'inquiétait de sa santé, non. Juste que pour l'hygiène du bar, quoi. Ouais... Bon, d'accord, il s'inquiétait pour Isla!" Par contre, si c'est moi ton meilleur enquêteur, tu devrais t'inquiéter !" fit-il en riant, attrapant le cahier d'inventaire et le tendant à son employée.
Il allait devoir aller vérifier le nombre de fûts qu'il lui restait, tout de même. Il savait qu'on lui en rapporterait, mais l'inventaire était quelque chose de crucial dans ce métier. Il comptait sur Isla pour l'aider.

C'est ainsi que le bar, en ces heures matinales, revêtit d'autres couleurs et devint le lieu de travail du duo, une fois de plus. Dehors, le soleil se reflétait, au loin, sur la mer, rouge et doré. Les premiers travailleurs se levaient sans doute difficilement. L'ancien patron fleuriste de Gidéon, lui aussi, devait être en train de s'activer. Le barbu, lui, s'étira bruyamment derrière le bar, fit une tape amicale sur l'épaule d'Isla et se mit doucement au travail.


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MessageSujet: Re: ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla   ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla EmptyJeu 30 Juil 2015 - 1:54



Isla s'était étonnée elle-même de se laisser approcher de la sorte. En plus d'avoir adopté un mode de vie qu'elle n'avait jamais connu jusque-là, elle s'était découvert un intérêt étrange pour plusieurs personnes. Comme à son habitude, elle s'était faite avoir par l'une d'elles, mais étrangement, cette fois, elle ne s'était pas recroquevillée toute seule dans son coin. Elle avait persévéré. Peut-être simplement parce qu'elle n'avait pas le choix, en réalité, et qu'après s'être engagée, elle devait vivre sa colocation avec Saskia malgré le départ du troisième mousquetaire. Mais des années auparavant, elle n'aurait même pas pris la peine de les honorer, ces engagements. Le propriétaire du cinéma aurait pu imposer des heures supplémentaires à ses employés de confiance et Saskia se prostituer pour payer le loft qu'elle aurait rit bêtement, bien fière d'avoir réussi à mettre quelqu'un d'autre qu'elle-même dans la merde. Aurait-elle retrouvé une conscience ? Rien n'était moins sûr, et pourtant, c'était à peu près la seule explication potable. L'autre justification possible viendrait de ce bout de chemin qu'elle avait fait avec Charlie et le reste du groupe ; elle en aurait hérité un besoin de se sociabiliser, et, quelque part, de s'attacher, de se faire un petit nid. Aussi contradictoire que soient ces deux théories, elles semblaient aussi applicables et réalistes l'une que l'autre. De toute façon, ce n'était pas Isla qui réfléchiraient aux raisons qui l'avaient poussée à créer un petit nid sur la côte est. Elle se disait simplement et peut-être un peu naïvement que sa maison était ici. Elle était née ici, et cette seule raison lui suffisait à rester. Peut-être n'y avait-elle plus aucune famille, mais elle y avait ses racines. Dès que ça n'irait pas, elle pourrait aller voir Moïra. Moïra l'écouterait toujours. Moïra n'avait pas voulu la laisser de côté, elle n'avait eu personne à qui confier sa petite fille en cas de disparition. Moïra était cette mère parfaite qu'elle s'était toujours imaginée : c'était une jolie brune, comme elle -Moïra, elle ne se décolorait pas les cheveux. Elle était magnifique, assurée, assumée, appréciée. Elle écoutait les gens, surtout sa petite fille, qu'elle aimait plus que tout. Elle aurait souhaité mieux pour elle que ce qui était advenu après sa disparition, mais Isla ne lui en voulait pas : elle aimait éperdument sa mère. C'était la seule qui ne lui avait pas fait défaut, et qui ne lui ferait jamais défaut. Parce que c'était la famille, et parce qu'elle avait le droit de s'imaginer de tout ce qu'elle voulait à son sujet ; personne ne viendrait la contredire. Alors oui, peut-être était-ce une simple pierre tombale à Westminster qui la retenait en Californie, mais Isla avait juste besoin de ça. C'était la première fois, enfin, qu'elle se sentait attachée à un endroit. Elle n'avait rien reconnu en arrivant ici -fallait pas déconner, elle avait du quitter les lieux à un an à peine... mais elle avait ressenti un attachement qu'elle n'avait jamais ressenti nulle part auparavant. Sans doute parce qu'elle y avait retrouver Cooper dès qu'elle était arrivée ; il avait donné à cette ville dont elle ne savait rien un petit air de déjà-vu qui lui était, il fallait le reconnaître, fort réconfortante.

Pourtant, depuis le départ de Cooper, deux personnes s'étaient détachées du lot. Deux personnes semblaient réussir à prouver quotidiennement à la blonde que les gens valaient un peu plus que ce qu'elle avait admis jusque-là. Il y avait la rousse, tout d'abord, cette fin folle qui partageait ce loft trop grand pour deux. Elle parlait à son chat, espérant sans doute à chaque fois secrètement qu'il lui répondre. Elle rajoutait régulièrement des bouquins qui faisaient crouler sous leur poids la vieille bibliothèque de récupération qu'elles avaient installée dans ce qui leur servait de salon. Elle buvait beaucoup de bière, aussi, et n'était jamais dérangée par le fait de roter, tentant sans doute à chaque fois de prouver à tout le quartier qu'elle pouvait faire monter les décibels du rot à un point culminant que jamais personne d'autre n'arriverait à atteindre. Avec son stage, elle ne ramenait pas énormément d'argent à l'appartement, cette boule de feu, mais Isla n'arrivait pas à lui en vouloir. Elle n'avait jamais mis l'argent sur un piédestal, de toute façon; tant qu'elle avait de quoi survivre, le reste ne tenait que du superficiel. Son vieux Blackberry abîmé prouvait tous les jours que la société de consommation n'était là que pour ceux qui s'en mettaient plein les poches; les autres en étaient esclaves. Alors, elle mettait ses deux salaires dans le loyer d'un appartement qu'elle partageait avec une apprentie journaliste qui avait encore l'espoir de voir ses rêves s'accomplir; elle rêvait avec elle, apportant chaque mois de quoi tenir le mois suivant. C'était un équilibre qui se maintenait de lui-même, et même lorsque Cooper les avait laissées dans une merde sans nom, elles avaient réussi, à force de crises de nerfs, de cris, de pleurs, d'insultes par milliers et de quelques assiettes explosées contre les murs en briques, à reconstruire quelque chose à deux. Mais il fallait avouer que sans ce second énergumène qui faisait à présent partie intégrante de sa vie, Isla ne s'en serait très probablement pas sortie. Elle ne s'était jamais demandé ce que ça aurait pu donner, d'ailleurs; elle n'aimait pas vivre avec des « si », des peurs injustifiées et des regrets ou des remords un brin acides. Sa situation était parfaite comme elle était. Pour la première fois de sa vie, d'ailleurs, elle apprenait ce qu'un meilleur ami pouvait être. Car si Gidéon était son patron, il était également son meilleur ami. Il était ce concentré de sérénité dont elle manquait cruellement, et il était une oreille attentive tout autant qu'un bavard qui s'emportait facilement. Il était un connaisseur en alcools autant qu'en marques de cacahuètes, qu'il mettait à disposition de chacun de ses clients avec une rigueur chronométrée. Elle admirait Gidéon pour la personne entière qu'il était ; il ne semblait pas être le genre de personnes qu'elle pourrait détester, mais c'était un aspect dont elle se méfiait particulièrement depuis Cooper. Pourtant, le barman et businessman semblait bien aux antipodes de ce dernier : il n'était pas perdu, pas empreint à tous ces trucs qu'Isla n'avait pas compris, même en essayant -un peu. Oh, bien sûr, il y avai une forme de malaise constant qui émanait de lui, une sensation d’inachèvement, d'incomplétude, de mal-être, peut-être, aussi, un peu. Les deux trentenaires ne s'étaient pas détaillé leurs passés respectifs, mais Isla n'avait besoin de mettre de mots sur ce qui transparaissait dans le regard du grand brun. Elle y lisait quelque chose qui la mettait en confiance, quelque chose qui, quelque part, semblait lui dire qu'elle n'était pas seule dans son tas d'imperfections, et qu'ils s'étaient trouvés dans leurs peurs et leur malaise. C'était cette connexion qui s'était instaurée tout aussi progressivement que naturellement qui donnait à Isla l'impression d'avoir toujours connu Gidéon; à l'heure actuelle, elle considérait presque leur relation comme acquise tant elle était évidente. Quelques mois à peine avaient suffi à la blonde pour se découvrir capable d'une telle affection envers quelqu'un qui ne serait jamais davantage que l'ami qu'il était. Gidéon était l'une des rares personnes, au cours de sa vie, auxquelles Isla faisait confiance aveuglément. Et si c'était au nom de cette confiance et de l'estime qu'elle lui portait qu'elle se levait aussi tôt...

Bon, ok, et peut-être aussi pour l'argent que ça lui rapportait. Isla n'avait jamais été du matin ; elle était plus de ceux qui faisaient la fête jusqu'au bout de la nuit et se levaient en pleine journée, plutôt que de ceux qui conquéraient le monde en se levant plus tôt que tout le monde. Elle n'avait jamais cru à ces conneries-là... jusqu'à ce qu'on son job au Red Dragon lui prouve que les lueurs du petit matin, effectivement, avaient quelque chose de magique. Comme si, pendant cette demi-heure là, tout devenait possible et rien n'était ridicule. Le couché du soleil ne portait ce même espoir; lorsque ses premiers rayons filtraient sur des paysages encore endormis, par contre, il devenait synonyme d'une promesse éclatante, celle d'une jolie journée, douce, où rien ne pouvait faire peur à ceux qui fixaient l'étoile droit dans les yeux, un sourire conquérant aux lèvres. Et ça, Isla l'avait réalisé depuis quelques mois seulement. Elle se tirait du lit avec autant de difficultés qu'au premier jour, mais lorsqu'elle y arrivait, elle savait qu'elle aurait le droit à un spectacle unique dès qu'elle franchirait la porte de son immeuble. Pourtant, comme tous les jours, elle finirait pas claquer la porte du Red Dragon derrière elle, plus ou moins décidée à se bouger le cul pour aider Gidéon à continuer de faire tourner son business.

Ce matin, comme tous les matins, elle avait donc franchi le pas de la porte du bar bien mollassonne. S'il y avait eu un matelas qui trainaît dans le coin, nul doute qu'elle se serait écroulée dessus pour se rendormir pendant quelques heures. Mais au lieu de ça, une odeur agréable de café venait lui chatouiller les narines, tandis que le présentateur des infos locales énonçait les news du coin ou du plus lointain. Isla n'écoutait jamais trop; Gidéon, lui, avait toujours un œil rivé sur les infos, à l'instar de ce matin. « Ca va, et toi, ma mignonne ? » s'enquit-il alors qu'elle regardait la marre de café sur le bar. Toujours aussi doué, son pauvre ami. « Connard, je suis pas ta mignonne, j'appartiens à personne » répliqua-t-elle mollement, comme par réflexe, avant de relever son regard vers le grand brun. « Oublie, en fait, j'aime bien être ta mignonne. Beau gosse. » Des lèvres d'Isla, ces paroles avaient quelque chose d'une conversation sortie d'un livre de science-fiction. Elle finit par faire le tour du bar pour le pousser et nettoyer le café à sa place. Elle épuisait sans doute là le peu d'énergie qu'elle avait réussi à mettre de côté pendant la nuit, mais peu importait. « Merci », lâcha-t-il alors que la douce agression auditive de a machine à café transperçait le crâne de la jeune femme, qui grimaça. « J'espère aussi qu'il arrivera à l'heure, c'est chiant de changer de fournisseur », répondit-il, à moitié là, concentré sur ce que racontait à présent le présentateur, bien loin de la météo californienne qui était exposée quelques secondes auparavant.  « A ce rythme-là, y'a bien un jour où il va oublier de venir, et tu seras pas dans la merde, hein. Je lui fais pas confiance, à ce mec. Il est roux; les roux ont pas d'âme, les roux sont fous, les roux parlent à leur chat et les entendent répondre. » Généralisation ? Oui, bon. « Non, puis, je sais pas, c'est toi qui l'engages, il pourrait au moins être à l'heure... » Heu, oups. Ça pouvait aussi s'appliquer à elle, si on réfléchissait deux secondes. Mais ses revenus étaient presque négligeables, à côté de ceux du fournisseur. Et puis, elle offrait son sourire à Gidéon, elle. « Jette un coup d'oeil à l'inventaire, c'est plus prudent. » Elle désigna le cahier, posé à côté du barman, pour qu'il lui passe. La machine à café arrêta subitement de chanter en fréquences potentiellement létales. « Ah, tes problèmes de peau ! » Avec concentration, elle attrapa les deux tasses de café, qu'elle posa sur le bar, entre eux deux. « Oui, c'est dégueulasse, comme truc, je peux pas continuer à avoir ces trucs sans savoir ce que c'est. Ça pourrait rebuter des plans cul, cette histoire. » Mais il ne la regardait pas. Il semblait transporté par les informations, qui parlaient de... remboursements de dentistes au Royaume-Uni ? Subitement et sans prévenir, elle fit claquer ses doigts à quelques centimètres du visage de l'homme. « T'inquiète, tes chicots sont en sécurité, ici ! » Il finit par reporter son regard sur elle. Elle allait pouvoir continuer à parler de ses problèmes insignifiants. Elle aimait bien ça; ça lui donnait l'impression d'être normale, et de se plaindre de futilités dont personne, en réalité, n'avait rien à foutre. « C'est pas quand tu rentres chez toi quand même, si ? Tu n'es pas rentrée chez toi hier soir ou quoi ? » Oh... elle se retrouvait toute bête. Elle ne savait absolument pas s'il pouvait y avoir un lien entre les deux. Si Charlie lui avait filé une MST, le microbe en aurait un peu rien à foutre de savoir qu'il est chez son hôte ou en train de faire du shopping dans un magasin où tout était à un dollar. « Tu sais que faire la fête quand tu travailles le lendemain, ce n'est pas raisonnable ? Il était beau au moins ? » Elle but une tasse de café, réfléchissant quelques instants. Pouvait-il vraiment y avoir une corrélation à faire entre le lieux où elle était et ses problèmes de peau ? « Non, ça fait un moment que j'ai pas baisé, si c'est la question. » Depuis Charlie. « Hier soir, j'ai fait la fermeture du ciné. C'est au moment de me coucher que j'ai vu les tâches sur mon bras. » Elle fronçait les sourcils, concentrée comme jamais. « Par contre, si c'est moi ton meilleur enquêteur, tu devrais t'inquiéter ! » Portant une nouvelle fois sa tasse de café à ses lèvres, Isla avait relevé son regard froncé vers lui. « BOIS TON CAFÉ » hurla-t-elle assez fort et abruptement pour se surprendre elle-même et se faire sursauter. « Et t'es le seul sur le coup, en fait... mais parce que je choisis la qualité pour mes enquêtes ! Élémentaire, mon cher Fitz ! » Elle prit le cahier que lui tendait son patron, non sans une petite grimace boudeuse. « Et puis aussi parce que ma coloc' préfère papouiller son chat que m'aider à sauver ma propre vie... » Elle ouvrit la cahier par réflexe, sachant pourtant pertinemment que les chiffres n'étaient plus à jour depuis la fermeture, la veille. « Une rousse, tu vois, pas d'âme. » Son regard parcourut les colonnes remplies de chiffres. « Vous avez eu du monde, hier soir ? Au ciné, c'était calme, peut-être que tout le monde était ici. » C'était tout ce qu'elle souhaitait, d'ailleurs. Ils étaient sympa, dans ce petit ciné, et Isla n'avaient aucun problème avec les autres employés et même ses chefs, mais elle préférait quand même Gidéon -allez savoir pourquoi.

Quelques instants plus tard, les deux tasses de café étaient finies et nettoyées, et les deux amis debout et prêts à abattre la masse de travail qui les attendait. Gidéon ouvrit une porte secrète, réservée au staff du bar, qui regroupait l'ensemble des réserves de boissons. Attrapant un stylo derrière le comptoir, son employée le suivit, prête à modifier le nombre de fûts et de bouteilles qu'il leur restait. « Putain, ouais, y'a eu du monde ! » conclut-elle en comparant les chiffres du cahier. « Ah ouais... puis des fans de whisky, dis donc... » Elle comptait par tas chacune des références, comparant d'elle-même leurs quantités aux chiffres déjà indiqués par Gidéon. Ce dernier lui donnait des chiffres, de son côté, qu'elle checkait également. « Dis donc, jme disais qu'une connerie informatique ce serait peut-être plus simple qu'un cahier pour tout ça... t'en penses quoi ? » demanda-t-elle en comptant le nombre de bouteilles de Coca restantes.

Soudain, quelqu'un frappa lourdement à la porte arrière du bar. Les deux amis se jetèrent un regard entendu : le roux de la livraison était arrivé. En sortant de la pièce d'un pas pressé, Isla vérifia les données du cahier, hurlant à Gidéon sa conclusion. « C'est surtout le whisky qui craint, et visiblement au niveau des fûts de Leffe blonde c'est la cata aussi ! Tu me confirmes ? » Sur ces cris poétiques, Isla ouvrit la porte sur le roux qui l'attendait, les bras croisés.


(300e message pour toi, bg.)
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Gidéon Fitzgerald
Gidéon Fitzgerald
lama en évolution


› MESSAGES : 202
› EMMENAGEMENT LE : 16/02/2015
› AGE : 42
› PROFESSION/ETUDE : Propriétaire, gérant & barman du Red Dragon ; dessinateur / illustrateur de formation ; ancien fleuriste.
› DOUBLE COMPTE : Saskia & Bianca
› CELEBRITE : Charlie Winston
› COPYRIGHT : RaniPyaar, Northern Lights, Sparkling Lux

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MessageSujet: Re: ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla   ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla EmptyVen 2 Oct 2015 - 0:13




Le quotidien pouvait faire des merveilles pour Gidéon ; le trentenaire ne se lassait pas de l'ouverture matinale de la porte du Red Dragon. Il ne se lassait pas non plus de voir apparaitre le visage de son amie, ni celui de son livreur. Même faire les comptes de dernière minute, l'inventaire, représentaient le résultat de l'achèvement d'un projet : il avait son bar. Le sien. Il n'avait repris celui de personne pour le refaire à son idée. Il l'avait créé, enfanté. Il y avait investi beaucoup de lui ; au-delà du côté financier, le barbu s'était investi corps et âme dans la présentation de son projet aux banquiers, aux investisseurs. Il avait fallu créer une âme à cet endroit, non seulement pour lui-même, mais aussi pour les autres. Il avait fallu que ce reflet de lui plaise à d'illustres inconnus. Qu'il apprenne beaucoup en peu de temps, qu'il laisse de côté ses souffrances pour s'intéresser à son avenir, chose qu'il ne savait guère entreprendre. Depuis des années, il avait vécu au jour le jour, essayant plus que tout de payer son loyer tout en faisant la fête au maximum. Il en avait rencontré, des gens, et il en avait vu, des levers de soleil sur la plage d'Huntington Beach, seul ou accompagné, mais surtout, souvent bourré. Mais il avait aussi appris, malgré lui cependant, à se connaitre, et à entrevoir, d'abord, l'ombre de ses ambitions. Peu à peu, l'ombre était devenue silhouette, puis s'était dessinée plus précisément pour ressembler, au final, au Red Dragon.

Et si le Red Dragon lui ressemblait, il lui apportait énormément beaucoup. Des sourires, des challenges, des rires, des bagarres d'ivrognes parfois, mais aussi des rencontres. Isla en faisait partie. Elle était de ses premiers clients. Il se souvenait encore de ce moment où elle avait compris, à la soirée d'ouverture, que c'était au patron du bar qu'elle s'adressait de la sorte depuis son arrivée. Gidéon avait aimé ça : sa spontaneité, son jem'enfoutisme qui gouvernait jusqu'à ses expressions faciales, ses agressions qu'il avait adoptées. Il aimait son caractère parce qu'il faisait sa force ; elle était inatteignable et pourtant atteinte par la vie. Elle était son employée,0 mais elle était bien plus que cela en même temps. Elle était la partie de lui qu'il ne montrait que rarement, elle était un peu comme une compagne de vie que le hasard lui avait apporté. Le hasard, et le Red Dragon.

" Connard, je suis pas ta mignonne, j'appartiens à personne  "
Il savait qu'elle n'était pas du matin, alors il ne broncha pas et attendit la suite qui ne se fit pas bien longtemps désirer.
"  Oublie, en fait, j'aime bien être ta mignonne. Beau gosse. "
Le barbu ne put s'empêcher de sourire. Ca avait du bon, de galérer avec le caractère de la blonde : lorsqu'elle lui sortait des trucs pareils, c'était une jolie récompense.

Gidéon était obnubilé par l'écran devant lui lorsqu'Isla reprit:
" A ce rythme-là, y'a bien un jour où il va oublier de venir, et tu seras pas dans la merde, hein. Je lui fais pas confiance, à ce mec. Il est roux; les roux ont pas d'âme, les roux sont fous, les roux parlent à leur chat et les entendent répondre. Non, puis, je sais pas, c'est toi qui l'engages, il pourrait au moins être à l'heure... "
Il tourna lentement son visage vers celui de son amie.
" Eh ça va, avec les roux là ? Dis donc, t'es de bon poil encore aujourd'hui toi ! Heureusement que tu bosses pas le soir, les clients reviendraient pas... " la rabroua-t-il. C'était ainsi que leur amitié fonctionnait - comme bien d'autres surement, mais ils n'en savaient rien, ils étaient un peu les oubliés de l'amitié jusque là... Gidéon, depuis qu'il connaissait la demoiselle, essayait de l'adoucir. Cela semblait parfois porter ses fruits (voir ci-dessus), mais dès qu'elle commençait à râler, il ne pouvait s'empêcher de faire son papa chiant. C'était le meilleur équilibre que le duo semblait avoir trouvé.
Mais déja, il était replongé dans la télévision. L'Angleterre... Le reportage aurait pu parler des dents, des vaches, des architectes, de la capitale ou d'un village paumé que ça aurait été pareil. Ca restait sa patrie, et mine de rien, elle lui manquait. Un petit peu. De temps en temps.

Il fut sorti de sa concentration par le claquement des doigts d'Isla.
" T'inquiète, tes chicos sont en sécurité ici! " compléta-t-elle. Il fit une petite moue, un petit grognement typique du mec qui vient de se réveiller, s'étira en baillant bruyemment. Puis il percuta doucement. Pourquoi lui parlait-elle de "chicos" ? Ah oui... le reportage... Il l'avait déja oublié, perdu dans ses souvenirs de Manchester et de son quartier d'enfance, de Nolan, de son piano... Il essaya, avec autant d'entrain que possible, de trouver une réponse intéressante à débiter.
" Ouais, mais ici, ta maison t'appartient pas. "
Ouais bon, tous les deux s'en foutaient bien, et il le savait bien. Ils étaient deux éternels locataires. Même si Isla semblait bien installée dans son loft avec sa colocataire, elle n'avait pas pris ce deuxième job pour rien : elle galérait à payer le loyer. Alors acheter une maison, pour elle non plus, ne semblait guère une priorité. Et lui, il avait son bar. Arriver à le garder était tout ce qui lui importait, niveau immobilier.

" Non, ça fait un moment que j'ai pas baisé, si c'est la question. Hier soir, j'ai fait la fermeture du ciné. C'est au moment de me coucher que j'ai vu les tâches sur mon bras. "
" Ah, zut, j'aurais aimé que tu nous présentes sinon. " Weiiird. " Ouais, soit un truc au ciné - le tissu des fauteuils, de la bouffe que tu sers ? Un truc dans les pellicules ? - ou un truc chez toi. Un produit de ménage... " Il rigola en regardant son amie. " Non, j'déconne. Peut-être plus un nouvel aliment que tu manges, qu'est-ce qui a changé par rapport à ton ancien appart, à part la coloc ? "
Gidéon, le nouveau Dr House. En plus gentil, et qui tient sur ses deux gambettes.

Mais Isla déja, se vengeait. Il sursauta tel un personnage de dessin animé lorsqu'elle lui hurla dessus. Ni une, ni deux, il engloutit son café cul sec. En quittant le bar, le propriétaire répondit à Isla.
" Ouais y'avait assez de monde, enfin, surtout des habitués, et quelques groupes d'étudiants. Mais on a déja fait mieux. Y'a quelques restes! " Puis il se rapprocha brusquement de nouveau de la blonde. " Un chat, t'as dit ? Tout à l'heure ?" demanda-t-il en écarquillant les yeux. Peut-être...

Le temps avait un peu passé lorsque la voix d'Isla se fit de nouveau entendre, de l'arrière boutique cette fois-ci.
" Ouais, et quand y'a un bug informatique, tu fais comment ? Non, je préfère un cahier. Tu sais bien que je suis anti-technologie, demoiselle. " râla-t-il, se retenant de rentrer dans une tirade anti-Apple, anti-Microsoft, anti-smartphones, anti-réseaux sociaux, anti-télé, anti-numérique.
Il confirma les dires suivants de son employée d'un geste de la tête, puis la rejoint à la porte pour voir le livreur. Il lui serra la main, l'air aussi mécontent qu'il réussit à trouver dans ses entrailles.
" Alors, panne de réveil ? "

Trop badboy ce Gidéon.
Il espérait juste que Isla ne fasse pas sa badgirl. Il essaya donc de couvrir tout éventuel bruit susceptible de sortir d'entre ses lèvres.
" La route a été difficile ? Y'avait un animal mort ? Vous aviez peur de dépasser les limites de vitesse autorisées ? Vous avez croisé Obama ? "
Bon, ben, au final, peut-être que le message passait quand même, mine de rien.
Le roux, en face, l'air renfrogné, simula un rire, signe que ça ne le faisait vraiment pas rire, et tendit des bons de commande à Isla.
" Bon, j'décharge maintenant ? "
Gidéon fit un signe positif de la tête. C'était à Isla de jouer maintenant. Il ne la payait pas pour parler torchons au petit déj quand même.

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MessageSujet: Re: ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla   ' I won't push you away I won't say, I don't want you no more, I won't drive you right into the floor ' ;; ft. Isla EmptyJeu 8 Oct 2015 - 1:14



Il n'y avait plus grand chose à faire, voilà ce que les choses semblaient devenir. Isla s'était laissée embarquer, sans doute malgré elle, dans une vie qui ne ressemblait à rien de ce qu'elle avait connu au cours de ses trente premières années. Peut-être qu'elle avait eu besoin de ce changement. Elle se le répétait en boucle, tentant de se convaincre d'avoir pris la bonne décision lorsqu'elle paniquait à l'idée de perdre complètement la personne qu'elle était, l'Isla qui s'était construite au fil des ans, des galères et des pièges tendus par ce putain de sort. A dire vrai, même cette Isla-là n'existait pas vraiment, mais c'était un autre débat encore. Tout ce qu'elle vivait depuis maintenant bientôt un an relevait de l'inconnu le plus total. Elle passait certains moments tétanisée, dans la chambre de son loft, à se demander ce qu'elle avait fait, pourquoi elle l'avait fait, ce qui lui avait pris. Elle pensait souvent à Charlie, aussi, et au groupe. Elle les entendait à la radio, souvent, et ils allaient forcément finir par revenir faire une tournée aux Etats-Unis, et, par conséquent, passer en Californie. Mais ils ne comptaient plus, n'est-ce pas ? Elle avait refait sa vie. Une vie fragile, sans doute, encore à ses tous débuts, fébrile, mal équilibrée. Mais cette vie, elle avançait à tâtons. A son rythme. C'était la sienne, celle qu'elle s'était choisie, elle ne savait trop comment ou pourquoi, près d'un an plus tôt. Enfin... elle savait pourquoi. Une raison unique, en réalité : Cooper. Mais elle ne pensait plus à lui. Même avec Saskia, elles évitaient de le mentionner. Pourtant, Isla avait été blessée bien plus qu'elle ne l'aurait pensé ou toléré. Elle s'accrochait à Pinky tous les soirs, s'en servant comme d'un oreiller rassurant. Elle aurait aimé penser que cette grosse licorne rose n'était que ça, un oreiller rassurant et confortable, mais elle le savait très bien : Pinky était tout ce qui lui restait des promesses que Cooper lui avait faites. Et si elle n'avait pas pleuré, elle n'en gardait pas moins un ressentiment virulent à l'égard de celui qui avait été son ami. Et puis, elle... elle avait été si bête. Et elle ne savait pas réellement pourquoi, après cette échec, elle s'était obstinée à vouloir rester. Cette tornade rousse qui lui servait de colocataire, peut-être. Elle s'y était un peu attachée. Et puis, ce loft, elle l'aimait bien. Pour la toute première fois de sa vie, elle avait eu l'impression d'avoir trouvé un lieu fixe où elle se sentait chez elle. Et c'était des mots qu'elle pesait. Et puis, quelque part, ce défi avait du s'imposer de lui-même : trouver un moyen de garder le loft. Saskia avait offert ses services de baby-sitter à une vieille qu'Isla ne connaissait pas -et dont elle se foutait éperdument, à dire vrai, tant qu'elle payait correctement sa colocataire et qu'elles pouvaient continuer à s'offrir un café quotidien chacune sans avoir à offrir leur corps-, tandis qu'Isla, elle, avait déposé une multitude de candidatures dans des coins proprets de la ville, ou d'autres coins moins fréquentables. On n'avait pas voulu d'elle à un salon de thé; sa vulgarité était loin d'avoir fait mouche. Elle avait quitté les lieux en les insultant. On n'avait pas voulu d'elle au Pim's, ce drôle de bar qui n'ont pas trouvé plus efficace pour vendre de l'alcool que d'exposer le cul de petites jeunes en conflit avec l'image paternelle. Isla était un peu trop vieille, et elle avait imposé ses conditions : elle travaillerait habillée, et uniquement habillée. Plus habillée qu'elle ne l'était dans sa vie de tous les jours, d'ailleurs, mais ça, ils n'avaient même pas eu besoin de le savoir pour la remercier. Elle avait quitté les lieux en leur faisant un doigt d'honneur. On n'avait pas voulu d'elle chez ce petit fleuriste de quartier. Lorsqu'on lui avait demandé quelle était sa fleur préférée, elle avait répondu que celles en plastique étaient les plus belles. Elle était partie en piquant un Saint-Paulia, qui, grand oublié de l'arrosage, était mort une semaine plus tard, sur le rebord de sa fenêtre, cramé par le soleil californien. Il avait trôné là un bon moment avant qu'Isla ne se rende compte que quelque chose clochait avec son Saint-Paulia. Elle l'avait alors posé près des affaires de Petit Pois. Ce qu'il en avait fait n'était pas ses affaires.

Pourtant, au milieu de tout ce bordel, de ces doutes entrecoupés de panique, Isla avait fini par trouver une évidence. Ou en tout cas, quelque chose qui était beaucoup moins ridicule pour elle que de postuler dans un salon de thé (la différence entre un earl grey et un english breakfast : une touche de rhum ?). Pourtant, ils se tournaient autour depuis quelques semaines déjà. Il avait tout su de ses démarches et de ses problèmes. Dans ses moments les plus désespérés, un peu trop imbibée, elle avait imité, avec le polaroid de Gidéon comme meilleur allié, les différents smileys de son vieux portable défoncé. Le pauvre barman n'avait pas du être déçu des nouveautés photographiques de la soirée. Mais, en réalité, et c'était peut-être ce qui avait aiguillé Isla dans sa démarche, il était resté calme. Joueur, même. Ils avaient fini par prendre la photo la plus ridicule de la soirée, qu'il avait affiché sur le mur, à côté de toutes les autres. Il était resté calme, alors que la blonde s'attendait déjà à se prendre la tête, casser des verres et voler une bouteille de vieux et cher whisky. Ce mec-là avait quelque chose de différent de tous ces cons qu'elle avait fréquentés et supporté au fil de ses aventure. Alors, sans trop d'espoir, elle lui avait demandé. Elle lui avait expliqué qu'elle avait deux trois choses à apprendre, mais que ce n'était pas le domaine où elle était la plus ignorante.

Et maintenant, elle travaillait à mi-temps au Red Dragon, auprès d'un propriétaire qu'elle considérait comme son premier réel ami. Ça lui faisait un peu peur, d'ailleurs, de se savoir capable de s'attacher à quelqu'un qui, comme ça, avait débarqué de nulle part. Mais elle s'y était faite. Parce qu'elle n'avait pas le choix, sans doute; mais peut-être que cette nouvelle vie, à mille lieues de ce qu'elle avait connu jusque-là, avait un charme qu'elle n'arrivait pas à nier. C'était un peu le luxe, de savoir où on serait le lendemain. De savoir qu'on aurait de quoi manger, prendre des transports sans frauder, si on en avait envie besoin ou envie, et que, quoiqu'il arrive, on aurait une ou deux personnes vers qui se tourner si c'était nécessaire. Pas qu'elle soit dépendante, non, ce n'était pas son genre... mais ce n'était pas vraiment désagréable de se savoir entourée. De ne plus être seule. D'avoir des gens sur qui se reposer en cas de besoin. De ne pas rentrer tous les soirs dans un lieu différent, dénué de vie et d'hygiène. D'avoir des revenus réguliers, un endroit où poser les quelques bouquins qu'elle avait gardés au cours de ses péripéties. Cette vie lui faisait incroyablement peur, mais elle comportait un charme auquel elle n'aurait même pas osé songer un an auparavant. Charlie lui manquait, le tour bus lui manquait, les concerts et les potes lui manquaient, mais c'était un autre vie. Elle était bien, ici et comme ça. Même si elle se levait tôt, même si elle apprenait la rigueur, et même s'il lui arrivait de drôles de trucs physiologiques au loft. Ça durerait le temps que ça durerait, mais en attendant, ça ne lui déplaisait pas. Et Gidéon, en particulier, ne lui déplaisait pas. Il l'avait sauvée dans sa misère sans la rabaisser, et il l'avait accueillie dans son bar et dans sa vie sans chercher à faire d'elle une employée irréprochable. Ils s'étaient adaptés l'un à l'autre, et n'en déplaise à ce Nolan, ils étaient devenus... amis, puisque ça semblait être le terme employé par les gens qui s'y connaissaient en relations sociales traditionnelles. Oui, Gidéon était son ami. Mais elle se garderait bien de le dire à quiconque... car Isla, si elle s'habituait au norme et semblait apprendre à s'y plier, n'en demeurait pas moins une outsider, qui avait tout à apprendre du mode de vie sédentaire et communautaire.

Pourtant, elle s'adaptait. Du moins, elle essayait. Elle ne voulait pas mettre Gidéon et son bar à mal. Il serait présomptueux de sa part de dire qu'elle travaillait d'arrache-pied, mais elle s'investissait dans ce job, comme dans celui au cinéma, comme elle ne s'était probablement jamais investie avant. Elle avait envie de bien faire les choses, et, grande première, ce n'était pas pour elle. Ce n'était pas pour garder son job ou être augmentée, c'était simplement parce qu'on l'avait embauchée au cinéma et au Red Dragon avec bienveillance. Et, si elle s'entendait bien avec ses supérieurs au cinéma, Gidéon était devenu bien plus qu'un boss. Alors oui, Isla avait appris à travailler. Vraiment travailler. « Eh ça va, avec les roux là ? Dis donc, t'es de bon poil encore aujourd'hui toi ! Heureusement que tu bosses pas le soir, les clients reviendraient pas... » Enfin... il arrivait encore qu'on lui reproche son caractère bien trempé, mais bon, une Isla douce et bien intentionnée serait une Isla lobotomisée, qu'on se le dise. « Hein ? Mais oui, jme suis levée du bon pied, aujourd'hui » répliqua la blonde, offusquée qu'il la trouve mal lunée. « Et puis jte rappelle que j'ai déjà travaillé le soir, et que ça c'est très bien passé ! » A peu près bien passé, quoi. Elle avait eu du mal à refuser de l'alcool à des clients qui auraient du l'arrêter depuis longtemps, et elle s'était pris la tête avec une blondasse qui lui reprochait d'avoir trop tardé à lui apporter son cosmopolitan. Si Gidéon n'était pas intervenu, nul doute que son adversaire aurait perdu ses extensions et aurait saigné ses prochaines règles par le nez.

Mais il n'y pensait déjà plus, obnubilé par la télé qui crachait quelques informations diverses sur les actualités britanniques. Oui, la maison lui manquait, tout ça. Mais Isla n'était pas du genre à s'étendre sur les sentiments, c'était bien connu, et par conséquent, elle avait fait remarquer à Gidéon avec la plus grande des délicatesses dont elle était capable que ses dents, ici, risquaient beaucoup moins que dans son pays natal. « Ouais, mais ici, ta maison t'appartient pas. » Elle haussa les sourcils, se demandant un instant s'il était sérieux, puis, après avoir conclu qu'il avait répliqué avec cynisme, éclata de rire. « Ahah, elle est bonne, celle-là ! On serait deux grands châtelains en Europe, je suis sûre ! Lord Fitzgerald and Lady Hemingway ! » Son imitation de l'accent anglais laissait quelque peu à désirer. Personne ne pouvait égaler Gidéon, de toute façon. Isla en était persuadée, s'il y avait une quelconque royauté en Angleterre, Gidéon en ferait partie -no comment. Mais il s'habillait comme un lord moderne, et ça, ça n'avait pas de prix -sauf s'il achetait du Karl Lagerfeld. De toute façon, être propriétaires de châteaux n'était même plus le sujet. Gidéon rêvait maintenant à une conquête qu'elle n'avait pas eue. « Ah, zut, j'aurais aimé que tu nous présentes sinon. » Heu... Pas qu'Isla soit choquée -rien ne pouvait vraiment la choquer, soyons bien d'accord-, mais elle avait une drôle d'image en tête, à présent. « T'es en train de dire que... tous les trois... ? » Elle fronçait les sourcils, ses lèvres crispées dans une grimace plus ou moins contrôlée. Pas qu'elle appréciait pas Gidéon, mais de bonne heure, cette blague passait... étrangement. Et puis, ce n'était pas comme si elle parlait de ses poussées régulières de problèmes dermatologiques, ce qui, avouons-le, était tout sauf sexy... Gidéon, lui, avait directement embrayé sur autre chose, se rendant sans doute compte en même temps qu'elle que, même après un café, certaines blagues étaient mieux lorsqu'elles étaient tues. Il s'inquiétait à nouveau de sa santé, et, Isla et son côté un peu égocentrique aimaient bien ça. « Ouais, soit un truc au ciné - le tissu des fauteuils, de la bouffe que tu sers ? Un truc dans les pellicules ? - ou un truc chez toi. Un produit de ménage... » Il n'était vraiment pas bête. « Non, j'déconne. Peut-être plus un nouvel aliment que tu manges, qu'est-ce qui a changé par rapport à ton ancien appart, à part la coloc ? » Le truc, par contre, c'est qu'à force de faire le tour des théories, ils arrivaient toujours sur les mêmes. « Des fois jme dis que c'est le café de ma coloc'... il est vraiment dégueulasse... » soupira-t-elle avant d'ajouter, ne manquant pas l'occasion de brosser son patron dans le sens du poil : « surtout quand on a goûté le tien, ô grand prêcheur du café dans son excellence... » Elle lui fit une petite révérence pour accentuer son effet, mais les idées de Gidéon continuaient à la travailler. Comme d'habitude, ils en viendraient plutôt à la conclusion que s'il existait un quelconque déclencheur à ses problèmes cutanés et respiratoires, cette chose serait liée à son loft. « C'est peut-être ma coloc', tout simplement... », lâcha-t-elle finalement en haussant les épaules, « tu la verrais, elle est putain de rousse. » Elle soupira. « Y'aurait qu'un moyen de tester ça, ce serait de la virer pendant quelques jours. Vivement qu'elle ait un reportage de guerre à faire, hein », dit-elle avec un sourire en coin, ayant alors abandonné l'idée de trouver ce qui pouvait la mettre dans tels états lorsqu'elle rentrait chez elle.

Et, deux secondes après, elle le tirait de ses pensées en lui hurlant dessus. Sélection naturelle : parmi ses proches, elle ne pourrait ainsi garder auprès d'elle aucune personne cardiaque. Saskia et Gidéon passaient le test régulièrement et bien malgré eux. Gigi sortit de sa torpeur en répondant à sa question, l'air de rien. « Ouais y'avait assez de monde, enfin, surtout des habitués, et quelques groupes d'étudiants. Mais on a déja fait mieux. Y'a quelques restes! » Isla haussa les épaules d'un air entendu. « C'est parce que j'étais pas là pour servir et mettre l'ambiance », conclut-elle en toute humilité. Mais le brun n'en fut pas choqué, se rapprochant subitement d'elle alors qu'elle écarquillait les yeux, apeurée, se demandant ce qui allait lui tomber dessus. « Un chat, t'as dit ? Tout à l'heure ? » Isla resta bloquée quelques instants, perplexe. « Heu... oui... tu sais, les mammifères à quatre pattes, là... souvent, ils ont un pelage et une queue -voire deux-, et ils ont envahi le net avec la même efficacité que le pudding chez les anglais, pour parler un langage que tu comprends » Elle avait haussé ses sourcils, lui répondant avec un sérieux déroutant, se demandant où il voulait en venir.

Mais quelques instants plus tard, le débat paraissait bien loin. Malgré l'heure bien matinale, il y avait du travail. Isla ne rendait pas une visite de courtoisie à Gidéon, et, une fois le traditionnel café passé, ils se mettaient toujours au travail, et ce malgré la fatigue, les plaintes qu'ils partageaient ou les jurons échangés. Le bar ne se tenait pas tout seul. Mais Gidéon restait le patron, et si Isla avait la délicatesse d'un porc-épic recouvert de cyanure pour lui proposer des idées, elle n'en demeurait pas moins empreinte de bonnes intentions. « Ouais, et quand y'a un bug informatique, tu fais comment ? Non, je préfère un cahier. Tu sais bien que je suis anti-technologie, demoiselle. » Isla, avec sa grâce habituelle, le fusilla du regard -à travers le mur. « Et si y'a un putain de feu, hein ? Niveau probabilités, y'a plus de chances qu'un con foute le feu à ton bar avec un mégot de merde mal éteint, plutôt qu'un cloud quelconque perde toutes tes infos. » Et oui, Isla qui défendait l'informatique, on aurait tout vu... avec son vieux portable, il relevait presque du miracle qu'elle ne connaisse ne serait-ce que l'existence d'un cloud. « Pourtant tu sais que j'aime pas ces trucs-là. Mais joue-la un peu sécurité, des fois, non ? Quitte à utiliser les deux. » Elle avait bien argumenté. Elle avait putain de bien argumenté, non ?

Mais le débat entre eux ne tarda pas à se terminer. Enfin le livreur roux fit acte de présence. « Alors, panne de réveil ? » Gidéon était énervé, elle le sentait. Le roux n'était pas loin de se faire virer, et ça faisait sourire Isla. Ou alors, c'était la hargne avec laquelle le patron du bar défendait son steak qui étirait ses lèvres. Parce que oui, on pouvait le dire : elle le connaissait, le grand brun. Et si les remarques comme celle-ci, des lèvres de la blonde, seraient d'une tendre gentillesse, dans la bouche de Gidéon, elles avaient une toute autre consonance. Dans sa tête, il lui tirait dessus à la kalachnikov. Et Isla comptait bien profiter de la situation. Elle avait accueilli le roux, fils du diable, dans les starting-blocks, et son boss venait de lui donner le départ. « J'ai cru que vous étiez... » « La route a été difficile ? Y'avait un animal mort ? Vous aviez peur de dépasser les limites de vitesse autorisées ? Vous avez croisé Obama ? » QUOI ? Gidéon avait osé la couper ? Elle lui lança un regard noir, glacial, et attendit d'être sûre qu'il l'avait remarqué pour reporter son attention sur le livreur, qui semblait ne rien comprendre à la petite scène -en fait, il avait surtout l'air de s'en foutre. Il eut un rire faux et grinçant, qui initia un sourire empreint d'antipathie à la jeune femme. « Arrêtez, c'est gênant pour tout le monde » claqua-t-elle, sans cérémonie aucune. Autre chose la tourmentait, mais elle préférait se retenir, pour l'instant du moins. Gidéon aurait sans doute remarqué la même chose qu'elle, mais il se tairait, elle le connaissait. « Bon, j'décharge maintenant ? » Isla grimaçait, mais se força à sourire. Elle était en milieu professionnel, après tout, et ne voulait pas foutre Gidéon dans la merde. Mais quand même... il faudrait lui dire quelque chose.

Elle attrapa les bons de commande et se retourna pour faire dos au livreur. « Donnez-moi deux secondes », lui intima-t-elle alors qu'elle devinait un Gidéon, gêné, faire face au roux. Il ne lui fallut que quelques instants pour faire le tour des bons et fit signe au livreur de commencer à transporter les caisses à l'intérieur. Au moment où il allait entrer avec les premières caisses, elle lui déboîta sous le nez sous s'en rendre compte, manquant de créer un carambolage, et récupéra un classeur sur une étagère, qu'elle ouvrit, les sourcils froncés. « Vous avez pas le jus de canneberge ? » demanda Isla en relevant la tête vers le livreur, qui resta bête avec ses caisses. « J'apporte ce qu'on me dit d'apporter, tout est sur les bons de commande, si c'est pas là, c'est que ça viendra plus tard. » Isla acquiesça d'un signe de tête. « Ca fait un moment qu'on attend, là, quand même, jviens de regarder la date de commande... » Le mec haussa les épaules avant de demander où poser les caisses. Isla tendit la main vers les caisses analogues. « Dites, vous voulez pas un chewing-gum ? » demanda-t-elle enfin, les sourcils froncés, une main portée devant son nez. Elle ne tenait plus. « Si oui, y'a une supérette un peu plus loin, j'en ai pas sur moi. » Apeurée de se mettre le livreur à dos -elle se voyait mal bouger toutes les caisses elle-même-, elle ajouta : « jdis ça pour vous, imaginez, vous vous faites arrêter sur la route en sortant d'ici ! Le flic tombe dans les pommes, c'est outrage à un agent, hein. » Elle haussa un sourcil pour appuyer ses dires et reposa le classeur à son endroit dédié. Ils allaient finir par le recevoir un jour, ce jus de canneberge... heureusement qu'ils avaient encore de quoi tenir.
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