Quand la sonnerie du téléphone d’Adria retentit, la jeune femme donnait un cours à une riche cliente qui résidait à Palm Avenue. La trentenaire nantie venait d’accoucher de son bébé et espérait miraculeusement perdre tous les kilos engrangés pendant la grossesse en quelques semaines. De tels miracles n’existaient pas sans le travail et la volonté, deux qualités qui fondaient comme neige au soleil chez la mère de famille lorsque les exercices de la coach sportive se corsaient un peu plus. La motivation de cette femme résidait davantage dans le poids du regard des autres, elle vivait dans un milieu où il fallait à tout prix sauver les apparences. Adria prit son mal en patience et l’encouragea à continuer, bien loin de se douter encore qu’elle aussi se glisserait dans un univers semblable pas plus tard que ce soir. Au terme de la séance, la jolie brune encouragea sa cliente à continuer des exercices chez elle durant la semaine avant de quitter les lieux. Sur le chemin du retour en direction de chez elle, l’ancienne boxeuse sortit son téléphone de la poche de sa veste et lut les messages qu’elle avait reçu pendant le cours. L’un d’eux l’intrigua mais elle ne se posa pas davantage de question. Adria avait l’habitude des mystères qu’Ulysse Neer aimait donner aux rendez-vous qu’il lui fixait. Elle confirma sa présence et arriva ensuite chez elle. La jeune femme fila sous la douche, en attendant l’arrivée d’Alvira, qui traversait pas mal de tumultes dans sa vie amoureuse en ce moment. Adria ne comprendrait jamais cette volonté de s’attacher, de se plonger dans des histoires qui ne pouvaient que finir par la décevoir. De son côté, la jolie brune fuyait l’engagement comme d’autres avaient la phobie du serpent. Alors que l’eau chaude lui rafraichissait les idées sous la douche, elle songea à la relation particulière qui la liait à Ulysse. Comme s’il se retrouvait dans un monopoly, il traçait une partie de jeu dont tous les éléments logiques échappaient encore à la jeune femme. Tout ce qu’elle savait pour le moment était d’une part le vrai visage qui se cachait derrière le détective privé en apparence bien rangé, et que ce jeu entre eux n’avait pas de fin. Jamais. C’était ainsi, ils repoussaient les limites, encore et encore. C’était sans doute ce qui faisait que leur relation, professionnelle, était aussi forte à présent. Jamais, ils ne s’arrêtaient. Adria sans doute par fierté de ne pas perdre, lui sans doute par un intérêt qu’il trouvait en elle. Elle sortit de la douche et s’habilla sobrement, sachant déjà qu’Ulysse aurait tout prévu dans les moindres détails, jusqu’à sa tenue, dans le cas contraire, il le lui aurait précisé. Elle avait l’habitude maintenant. De toute façon, si elle n’aimait pas, la coach sportive ne se priverait pas pour le dire mais jusqu’à présent, l’occasion ne s’était pas encore présentée. Adria rejoignit sa chambre quelques instants pour ranger plusieurs affaires, puis elle entendit un bruit, lui signifiant qu’Alvira venait de rentrer. Quelques minutes plus tard, les deux colocataires s’étaient retrouvées dans la cuisine. Son amie avocate avait ramené un plat indien qu’elle tenait absolument à lui faire goûter. La coach sportive en grappilla quelques bouchées mais comme elle ignorait la suite du programme pour le reste de la soirée, elle préféra ne pas trop manger. Les deux jeunes femmes avaient rarement le temps de passer un moment ensemble et profitèrent donc pour rattraper le temps perdu sauf qu’Adria devait écourter l’échange et partir, sous les regards désapprobateurs d’Alvira qui pensait sans doute qu’elle se rendait encore à ces combats de rue brutaux et violents. Pas cette fois non, cependant, la jeune femme ne partageait pas toutes ses sorties avec sa colocataire, elle ne lui détailla donc pas qui elle allait rejoindre. Adria glissa dans un petit sac à main son portefeuille, son téléphone et ses clefs et elle se rendit au lieu de rendez-vous, c’est-à-dire chez le détective privé ou en tout cas, un des endroits qui lui appartenaient. « Bonsoir. » Répondit-elle sur le même ton formel, même si elle détestait ces usages, depuis quand ils s’appelaient par leur nom de famille ? « Encore une fois, Adria suffira. » Elle espérait qu’il n’allait pas la vouvoyer non plus, il ne fallait pas pousser quand ils étaient entre eux. « Au moins, le ton de la soirée est clairement donné. » La jolie brune attendit qu’il lui en dise davantage sur ce qui les attendait ensuite, et bien sûr, elle n’était pas idiote au point de croire qu’il lui dévoilerait le contenu de la soirée. Elle songeait plutôt à la suite immédiate avant de partir. « Tu t’es encore attiré des ennuis ? » Ajouta ensuite l’ancienne boxeuse pour alléger l’atmosphère par une supposition rhétorique à laquelle elle n’attendait pas forcément de réponse.

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