Chloé sursauta en sentant son portable vibrer dans sa poche. Elle était tellement concentrée sur son cours qu'elle avait fait abstraction du monde autour d'elle. C'était facile à la bibliothèque. Silence studieux seulement perturbé par des pages tournées, calme ambiant, elle aimait cet endroit presque autant qu'elle avait aimé le gymnase dans lequel elle s'entraînait autrefois. Elle extirpa son portable de son jean et regarda de qui provenait le texto. Alek. Elle aurait du s'en douter. Toi, moi, le film que tu veux, ce soir ? proposait-il. Chloé soupira. Elle aurait aimé que tout soit simple. Elle aurait aimé être une autre fille, moins farouche, moins cassée peut-être. Alek méritait une fille qui n'avait pas une peur folle de se caser et de tomber amoureuse. Quoique amoureuse elle l'était déjà même si elle ne lui avait pas dit. Mais depuis la disparition de son père c'était comme si elle était incapable de s'engager complètement, comme si elle avait trop peur d'être de nouveau abandonnée. Elle avait fait pareil avec Dany, elle avait tordu leur relation dans tous les sens, cherchant toujours ce qui n'allait pas jusqu'à ce que le lien entre eux casse définitivement et qu'il s'en aille. En lui brisant le coeur. Encore une fois. Elle faisait pareil avec Alek, elle le savait. Mais c'était plus fort qu'elle, cette peur, ancrée en elle, c'était comme si rien ne pouvait l'apaiser vraiment. Désolée, révisions pour examens. T'appelle demain. Bisous. lui répondit-elle. Puis elle rangea ses affaires et quitta la bibliothèque.

Ressentant le besoin de marcher, elle passa prendre un café à emporter en ville puis continua sa route, sans trop savoir où se rendre. Bon en fait c'était pas tout à fait vrai, elle savait où elle allait et qui elle avait envie de voir. Une personne qui ne la jugeait jamais malgré ses erreurs. Et non ce n'était pas sa mère. Sa mère aurait trouvé le moyen de parler d'Alek et de la faire se sentir coupable. Elle y arrivait toujours c'était très frustrant. Mais Sameer lui n'en n'avait rien à faire. En fait il aurait plutôt été du genre à se fiche d'elle avant de lui filer le pot de glace. En pensant à son grand frère de coeur, Chloé repensa à leur rencontre. Elle n'avait jamais entendu parler de lui jusqu'à ses dix-huit ans, quand il avait débarqué dans sa vie avec des affaires de son père, pour elle au cas où il venait à disparaître. Bizarre. Mais depuis ils ne s'étaient pas quittés. Sameer l'avait prise sous son aile, se conduisant comme un vrai grand frère avec elle et si au début, Chloé l'avait un peu harcelé pour qu'il lui parle de son père, elle avait fini par juste apprécier le fait d'avoir un grand frère comme lui. Drôle, protecteur et toujours présent en cas de besoin. Il savait toujours comme lui changer les idées. Ce n'était donc pas étonnant qu'elle finisse par se retrouver devant chez lui sans avoir fait attention.

Regardant l'heure, elle vit qu'il était presque 19h, il était probablement rentré. Elle sonna donc et après un petit moment, il vint lui ouvrir, faisant naître un grand sourire sur les lèvres de la malicieuse étudiante. - Hey Bro' ! J'me suis dit que j'allais m'incruster pour la soirée je peux ?! lança t-elle d'une voix enthousiaste quoique légèrement forcée. Sans lui laisser le temps de répondre, elle entra, déposant au passage un baiser sur sa joue. Une vraie tornade blonde et bouclée. C'était Chloé. Parfois un peu trop surtout quand quelque chose la perturbait. Y'a un des Harry Potter qui passe - ou repasse comme tu préfère - à la télé ce soir, j'me suis dis que j'allais squatter ton grand écran et que tu ne verrais pas d'inconvénient à le regarder avec moi ! Elle lui fit un sourire angélique. Pour être tout à fait exact, elle avait aussi un écran tout à fait potable, elle avait juste eu envie de compagnie. Tu veux bien diiis ?? le supplia t-elle avec une moue absolument ... Chloéesque. Le genre impossible à résister.  

Pour Chloé, rien n'est plus important dans sa vie que ses amis et sa famille. Elle donnerait sa vie pour eux si elle savait que ça pouvait servir à les sauver d'un horrible danger style fin du monde ou presque. Elle répond toujours présente pour eux et le fait qu'elle soit plus jeune que la plupart de ses amis ne compte pas vraiment. Elle est tellement plus mature que la plupart des gens de son âge sur la plupart des sujets. Pas tous, il faut l'avouer, le côté sentimental n'est pas encore au point mais pour le reste elle gère. Le pourquoi elle se retrouve devant la porte de la villa de son grand frère du coeur n'est pas très difficile à découvrir. Quand elle s'invite comme ça c'est qu'en général elle a besoin de parler ou de se changer les idées. Elle aurait pu aller chez Sophia mais sa grande soeur de coeur avait un peu tendance à ressembler à sa mère sur certains points alors que Sameer se contentait parfois de ne rien demander, juste de lui changer les idées. Il était juste génial. Chloé avait vécu dix-huit ans sans avoir de frère dans sa vie mais aujourd'hui, six ans plus tard, elle n'imaginait même plus sa vie sans Sameer.

Quand il vint lui ouvrir et qu'il se mit à sourire, elle sourit aussi. C'était agréable de savoir qu'on pouvait faire naître un sourire pareil sur les lèvres de quelqu'un. Elle savait qu'elle avait fait le bon choix en venant ici. Il avait une tête à avoir passé une journée pourrie, peut-être qu'elle pourrait lui changer les idées ! Blondinette. Ou Blondie. C'était comme ça que Sameer l'appelait en général et quiconque d'autre l'aurait appelé comme ça aurait prit un droite/gauche assez conséquent mais Sam c'était particulier. C'était son grand frère et il était pratiquement impossible de l'empêcher de l'appeler ainsi. C'était un peu comme empêcher sa mère de l'appeler "ma biche" ou "ma douce". Ah la famille hein ?!

Rien qu'au nom du film qu'elle avait énoncé, il avait prit un air exaspéré. Pourtant il accepta. Il acceptait toujours qu'importe le film. En échange, elle acceptait de suivre les matchs avec lui. Qu'importe le sport. C'était comme un accord entre eux. Qu'est ce qu'elle voulait manger ? Ah oui c'était une bonne question à poser ça ! Rien qu'en y songeant, son ventre se mit à gronder. Elle avait juste avalé un sandwich à midi et elle commençait à avoir drôlement faim. - Hum ... chinois ! lança t-elle. Elle adorait le chinois, c'était genre, un peu sa nourriture de prédilection. Les pizzas arrivaient derrière mais comme elle en avait mangé la veille au soir avec sa mère, autant changer pour aujourd'hui. De toute façon, quoiqu'il aurait prit ça aurait été. Chloé n'était pas très difficile mais Sameer connaissait ses goûts. Elle se mit à rire doucement quand il lui fit remarquer que comme d'habitude, si elle voulait quelque chose, elle allait se servir toute seule ! - C'est comme ça qu'on traite sa petite soeur tu crois ? Grand frère ingrat va ! rétorqua t-elle, ses beaux yeux bleus pétillants d'humour. Et elle fila chercher une canette de coca dans le frigo. Elle savait qu'il y en avait toujours d'avance, Sameer savait à quel point elle en buvait. Il lui arrivait d'en boire au petit déj' sérieux ! Café et coca, ses deux boissons de prédilections. Elle buvait tellement du second que sa mère disait que le liquide gazeux et marron avait probablement remplacé son sang et coulait à présent dans ses veines.

Revenant vers le canapé où s'était installé Sameer, elle s'assit à côté de lui, posant ses chaussures et remontant ses jambes sur le canapé. Journée, cours. Attaque de conversation banale. Il avait comprit que quelque chose la tracassait. Et il la connaissait assez bien pour savoir que plus le problème était gros, plus elle tournait autour du pot pour le lâcher. Et il était assez conséquent ... - Ca va ! Regarde ! Elle se leva pour aller chercher quelque chose dans son sac et aussi ravie qu'une gamine sautilla jusqu'au canapé en tendant une feuille à Sameer où s'étalait un magnifique A était inscrit en rouge en haut. C'est mon examen de grec ancien. Tu vois, je carbure ! lança t-elle toute fière comme une enfant annoncerait ça à son père. Son père n'étant plus là, son grand frère semblait être une bonne option. Elle se réinstalla sur le canapé. Et toi ta journée ? On dirait qu'elle a été merdique, je me trompe ? Chloé pouvait prendre des heures à parler de ses propres problèmes mais elle était très cash pour aborder les autres. Douceur et délicatesse ne venait qu'en troisième et quatrième position chez elle après cash et un peu trop franche.

- Chic ! répondit Chloé en se rendant dans la cuisine. Elle aurait donc droit à du porc au caramel et riz blanc ainsi qu'à des rouleaux de printemps et des samousa au boeuf et tout ce qu'elle aime tant ! En général, Sameer en prenait assez pour qu'ils puisse se gaver jusqu'à n'en plus pouvoir. C'était trop cool, elle adorait les soirées comme ça ! Elle allait pouvoir décompresser sans penser à rien d'autre et ne pas se prendre la tête style, "je lui dis/je lui dis pas", "si je lui dis il se passe quoi ensuite ?", "si je lui dis pas il va finir par se barrer", "si je lui dis il peut aussi se barrer" et toutes ces questions qui lui filait la migraine à chaque fois qu'elle s'attendait à voir Alek. Ce n'était pas sa faute, vraiment pas, c'était de la sienne à elle mais c'était comme ça. Sa mère disait souvent qu'elle se prenait trop la tête, que l'amour c'était souvent beaucoup plus simple qu'on ne se l'imaginait. Sophia la rejoignait jusqu'à un certain point. Chloé était sûre que ce n'était pas Sameer qui allait lui dire la même chose. Il avait une vie sentimentale encore plus compliquée que la sienne !

Après avoir attrapé son coca, elle revint sur le canapé tout en enlevant ses chaussures. Elle savait qu'elle était comme chez elle ici et elle savait que c'était un privilège. Entre Sameer et elle il y avait toujours eu un lien particulier. Peut-être que le fait d'avoir été tous les deux adoptés et enfants uniques avait joué ou peut-être qu'ils étaient juste destinés à se connaître parce qu'au fond, ils étaient l'un et l'autre tout ce qu'ils avaient toujours rêvé d'avoir. Un grand frère à aimer pour Chloé. Une petite soeur à protéger pour Sameer. C'était comme ça, c'était eux. Pas mal de gens avaient du mal à saisir le concept, Chlo' avait même entendu l'absurdité qu'ils couchaient ensemble ce qui l'avait fait limite vomir. Elle n'imaginait pas du tout sa relation avec Sam comme ça. Il était comme son frère quoi ! Sérieux ! Les gens étaient parfois vraiment ... bref. Trêve de bavardage.

Ses études ? Chloé soupira en levant les yeux au ciel. Parfois, Sameer était plus sévère avec elle sur ses études que sa propre mère. Comme si il était important à ses yeux qu'elle s'en sorte. Qu'elle s'en sorte vraiment et pas juste comme ça. Aussi Chloé était toujours fière de lui montrer quand elle avait de bonnes notes. Elle avait l'impression que ça le rassurait même si il ne le montrait jamais et se cachait derrière des moqueries plus ou moins gentilles. - Hé !! Elle lui donna un coup dans l'épaule. Ce n'est pas QUE du grec ancien ! Ca fait parti de mon cursus ! Et j'ai aussi eu un A dans mon cours sur l'Egypte Ancienne et un B+ en russe et ... elle grimaça, un C- en maths ce qui est quand même mieux que ce que j'ai d'habitude ! s'empressa t-elle de préciser. Elle avait toujours été nulle en maths, physique et toutes ces conneries scientifiques qui étaient un mixe entre du chinois et du martien pour elle. T'a vu je m'améliore ! tenta t-elle de l'amadouer avec son petit sourire irrésistible.

La conversation dériva sur des choses plus personnelles. Quand elle lui fit remarquer que sa journée avait eu l'air merdique il ne nia pas ce qui était déjà une bonne chose mais il ne lui dit pas tout. Chloé le savait, elle le sentait. C'était comme si il voulait la préserver, la protéger, qu'il la pensait trop jeune pour pouvoir l'écouter. Mais on a pas besoin d'être vieux pour savoir écouter. Elle avait toujours été une oreille attentive pour quiconque en avait besoin. Bon sang ! Combien de fois avait-elle consolé sa mère, ses amis, tout ceux qui en avait besoin ? Elle savait écouter et elle savait que ça faisait du bien de parler. Mais Sameer détourna la conversation. Il la détourna si habilement qu'en quelques secondes à peine, avant même qu'elle est eu le temps de s'en rendre compte et de protester, il lui parlait d'Alek. C'est à dire LA raison pour laquelle elle était venue s'incruster ici, LE sujet brûlant duquel elle ne voulait PAS parler. Elle le détestait. - Alek, précisa t-elle tout de même, même si c'était totalement inutile. Sameer savait parfaitement comment s'appelait son copain. Et oui tout va parfaitement bien. Mensonges. Ou presque. Elle ouvrit la seconde canette de coca, cherchant à toute vitesse un sujet sur lequel dévier mais elle eu de la chance. Sauvée par le gong. Ou plutôt par la sonnette d'entrée.

- C'est toi qui va le chercher, moi je me charge de la télé et des bols pour les sauces ! lança t-elle en se levant rapidement, trop rapidement pour que ça passe totalement inaperçu. Mais elle s'en fichait. Elle n'avait pas envie d'en parler pour le moment. Elle se dépêcha d'attraper des coupelles et des assiettes puis retourna dans le salon. Tout en allumant la télé elle attrapa son portable pour dire à Judy et Alexis, ses deux colocs, de ne pas l'attendre pour ce soir, elle rentrerait tard. Puis elle zappa jusqu'à tomber sur la bonne chaîne. - Chic c'est le 3 ! Le meilleur ! Mais derrière ils ont mit le 7. Weird, y en a quelques uns entre eux quand même ! commenta la blondinette en arquant un sourcil. Sam posa la nourriture sur la table basse et une lueur affamée brilla dans les yeux de Chloé. - Miam ! J'ai l'impression de ne pas avoir mangé depuis au moins hier soir ! Ce qui est presque la vérité en y réfléchissant ... Elle haussa les épaules. Ses études lui prenaient pas mal de temps, elle bossait à côté donc ouais, parfois, manger était un peu secondaire chez elle.

Attrapant un rouleau de printemps, la blondinette croqua dedans en chantonnant le générique d'Harry Potter qu'elle avait probablement vu plus de deux cents fois. Sérieusement, elle avait apprit à lire sur ces bouquins ! Mais ça restait quand même ce qu'elle préférait, ses repères, son enfance et adolescence, tout quoi ! Ils mangèrent en silence devant le film. Chloé en était presque à la fin de son porc au caramel quand elle se décida à parler. - Ca me fiche la trouille. Sérieux qui accepte volontairement d'être aussi vulnérable face à une seule personne alors qu'elle pourrait vous détruire en un claquement de doigt ?! lança t-elle alors sans lâcher l'écran. Le sujet n'était pas facile à déterminer mais Sameer la connaissait bien. Il savait de quoi elle parlait. Probablement. Je veux dire ... Elle hésita, prit une respiration et ouvrit la bouche pour parler, se tut. Après quelques minutes elle reprit la parole. Il m'a dit qu'il m'aimait. Elle baissa le regard vers sa nourriture et joua avec du bout de ses baguettes. Il me l'a dit et j'ai été incapable de lui rendre la pareille. Pourtant je ... Sa voix se bloqua et sa gorge se serra alors qu'elle se forçait à ne pas pleurer. Ce n'était pas une pleureuse. Mais parfois les circonstances la poussait à relâcher la pression par des larmes. Ca faisait du bien de temps en temps. Il mérite mieux. Mieux que tout ça. Tout ce bordel ... Mieux que moi, murmura t-elle difficilement. Elle posa son reste de nourriture sur la table basse. Enfin bref. J'vais aller me rechercher un coca, tu veux quelque chose ? Elle se leva, évitant une conversation qu'elle avait pourtant elle même lancée. C'était sorti tout seul. Une fois dans la cuisine elle s'appuya contre le plan de travail et prit une grande inspiration pour se calmer.

Retournant dans le salon, elle se rassit sur le canapé. - Je n'ai jamais compris pourquoi ils n'avaient pas essayé d'attraper Pettigrow en remontant dans le temps. Ou pourquoi ne pas avoir juste utilisé le veritaserum sur Sirius. Elle haussa les épaules. Elle s'était refermée comme un huître. C'était Chloé. Il fallait beaucoup de patience pour la faire s'ouvrir et parler d'elle. Elle était pourtant si chaleureuse, si pétillante en temps normal. Si ouverte sur le monde. Mais pas vraiment quand on parlait d'elle. Elle était une oreille attentive pour tout ceux qui avait besoin. Mais il était difficile de la faire parler d'elle. Elle tourna la tête vers Sam et tenta un sourire. - Et avec Alvi', ça va ?

Spoiler:

Fais gaffe pour le russe ? Sérieux elle avait eu un B+ ! C'était genre, la meilleure note de la classe ! Il plaisantait là ... - C'est pas comme si j'étais première de ma classe, maugréa t-elle d'un air un peu agacé. Quand elle lui annonça sa note en maths, elle crut que Sameer allait s'étouffer avec sa gorgée de vin. Compatissante elle lui tapota dans le dos. Ouais elle avait l'habitude. Il l'engueula. Elle se contenta de lever les yeux au ciel. C'était toujours la même histoire. Depuis que son père n'était plus là, Sameer avait comme prit sa place et se chargeait de lui remettre les points sur les i dès qu'elle s'aventurait un peu au delà du bon chemin. Il n'écoutait pas ses propres conseils bien sûr mais c'était sûrement pour ça que Chloé l'écoutait plus ou moins. Parce qu'il savait quelles erreurs pouvaient coûter chères et très protecteur, il voulait le meilleur pour elle. - Ca va, c'est la meilleure note que j'ai eu depuis la maternelle ! lança t-elle avec un grand sourire chaleureux pour détendre l'atmosphère. Chloé prenait ses études très au sérieux c'est juste que les maths ... et bien disons que ce n'était pas son domaine et puis restons en là.

Le sujet fini par dériver sur d'autres choses et bien sûr, sur Alek. Ca ne pouvait pas en finir autrement, Sameer la connaissait bien trop pour savoir que si elle était venue se réfugier ici avec cette excuse bidon de film c'était qu'elle avait quelque chose sur le coeur qui la tourmentait. Sauf qu'elle ne voulait pas en parler. Elle n'était pas prête. Chloé mettait en général des heures à se décider quand elle voulait parler de quelque chose qui n'allait pas avec elle. Et plus le problème était gros plus elle mettait de temps. Mais Sameer n'a souvent pas la patience d'attendre alors il la pousse à s'ouvrir. Et soit il y arrive, soit elle se braque définitivement. Là, dieu merci pour elle, la sonnette de l'entrée retentit annonçant l'arrivée du repas. Sameer se marre quand Chloé se lève pour aller chercher les couverts et lui lance un regard qui lui promet d'en reparler plus tard mais Chloé fait mine de rien et lance le film tout en attaquant les rouleaux de printemps. - Prends soin de toi quand même et fait l'effort de manger. Et me dis pas oui maman, ou je t'en colle une.. lança Sameer. Chloé le regarda avec un air innocent. - Oui papa ? Elle se mit à rire en évitant aisément la main de son frère de coeur puis reprit la parole. J'ai mangé un sandwich à midi mais j'avais pas le temps de manger autre chose, la prof de grec ancien nous a retenu une demi-heure de plus s'te garce et j'avais un cours qui reprenait derrière, rétorqua t-elle. Puis ils attaquèrent.

Ils mangèrent en silence une bonne partie du film jusqu'à ce que Chloé ne décide finalement de s'ouvrir. Enfin de s'ouvrir ... elle parle par phrase syllabine avant de finalement dire ce qui la trouble tant. Alek lui a avoué ses sentiments et elle a été incapable d'y répondre. Elle aurait voulu pourtant mais quand elle avait ouvert la bouche, les mots s'étaient bloqués dans sa gorge. Il avait alors posé les doigts sur ses lèvres en lui disant qu'il n'attendait rien d'elle, pas de déclaration, pas de mot, il voulait juste qu'elle sache ce qu'il ressentait, ce qu'il voulait. Mais depuis Chloé ne se sentait pas bien, elle se sentait comme prise au piège sans arriver à trouver la sortie. Et une fois qu'elle eu réussit à dire ça, elle s'enfuit. Finalement elle aurait du se taire, les conversations sérieuses, ça n'étaient pas pour elle. Elle avait assez donné après la mort de son père. Ses profs et sa mère avaient alors pensé qu'il serait bien qu'elle voit un psy pour en discuter. Alors elle avait parlé et il avait écrit. Elle n'avait pas forcément envie de refaire la même avec Sameer même en sachant qu'il ne la jugerait jamais ni qu'il allait l'analyser comme un psy. Mais c'était plus fort qu'elle ... elle fuyait les discussions sérieuses. Surtout celles qui la concernait.

- Tu sais, il te dit je t'aime, parce qu'il veut te montrer qu'il tient à toi. Qu'il veut te voir dans sa vie, qu'il a besoin de toi.. fit alors Sameer tandis qu'elle tentait de se noyer dans sa canette de coca en fixant Harry Potter en train d'essayer de repousser les détraqueurs. Sameer continua de parler et Chloé l'écouta, cessant de prétendre qu'elle s'intéressait au film alors que ce n'était pas du tout vrai. - C'est ce que tu fais toi ? demanda t-elle alors. Aucune raillerie ne transperçait dans sa voix, juste une intense fragilité dont elle se serait bien passée. Elle savait que la vie sentimentale de son frère de coeur était assez compliquée. Elle savait aussi qu'il avait eu le coeur brisé et du mal à s'en remettre. Mais maintenant il avait Alvira alors Chloé se demandait si il arrivait à appliquer ses propres conseils. Apparemment pas ou alors de loin. Elle eu quand même un petit rire amusé devant ses guillemets. - Ca alors, Sameer Saxena en couple, trop d'informations pour moi là, faut y aller molo mon pauvre petit coeur ne va pas tenir ! railla t-elle goguenarde. Mais elle était foncièrement heureuse pour lui et il le savait parfaitement. Elle aimait bien Alvira - qu'elle avait rencontrée tout à fait par hasard au musée et bien avant de savoir quel était son lien avec Sameer - du coup elle était heureuse que son frère soit avec une fille bien. Car pour elle Alvi était une fille bien.

- Qu'est ce que tu attends de lui ? Ou plutôt qu'est ce que tu veux toi ? Amour ou amitié ? demanda alors Sameer en finissant rapidement son verre. Chloé le vit se passer une main sur le visage comme pour se calmer. Elle se doutait de deux ou trois trucs concernant son frère de coeur, probablement parce que son meilleur ami lui ressemblait. Elle ne jugeait pas. Elle ne jugeait jamais. Au lieu de ça elle lui tendit sa canette de coca. - Caféine et sucre. Ca peut te paraître dégueulasse mais ça t'aide bien souvent à tenir. Elle eu un sourire malicieux. J'ai eu mes deux premières années grâce au coca ! Et mon bac aussi ! Elle lui fit un clin d'oeil amusé avant de soupirer en grignotant un nougat. - J'sais pas. Ce que je veux, précisa t-elle ensuite. J'veux dire ... Elle hésita et fronça son petit nez en une moue craquante. On est vraiment obligés d'aborder ce sujet ? lança t-elle en regardant Sameer. Au vu du regard que lui lança son frère de coeur elle grimaça. Ouais ... ok pigé ... Elle soupira. J'sais pas ce que j'attends de lui. Tout et rien. J'ai toujours peur d'être déçue si j'attends trop et toujours peur de ne pas attendre assez justement. Je veux pas le perdre. Je ne peux pas le perdre. Je crois que ça me briserait totalement ... Elle fini sa phrase dans un murmure en fixant triturant le bracelet qu'Alek lui avait offert pour son anniversaire. Il est tout ce qu'une fille peut rêver d'avoir comme mec. C'est quelqu'un de bien et en même temps il a ce petit côté bad boy qui fais craquer. Elle sourit légèrement en pensant à ça. Il a cette manière de voir le monde ... non en fait il a cette manière de me faire voir le monde différemment de ce qu'il est. Il me montre des couleurs que je ne voyais pas auparavant et invente les chemins que je ne trouve pas ... Elle parlait trop elle le savait pas ça faisait si longtemps qu'elle retenait ces mots là. Il fait battre mon coeur plus fort, plus vite, si vite que j'ai parfois l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. Et il me fait ce sourire ... ce sourire qu'il n'offre qu'à moi et qui me fais fondre à chaque fois. Et il y a cette lueur dans ses yeux qui me fais me sentir à ma place. Aimée. En sécurité. Et pourtant ... un nouveau soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'elle remettait ses cheveux blonds et bouclés derrière son oreille. Pourtant dès qu'il s'endort ou qu'il n'est pas là, il y a cette petite voix dans ma tête qui me dit qu'un jour il finira par partir, par me laisser toute seule ... Elle se passa une main sur le visage. Je sais que c'est n'importe quoi mais chaque fois ... chaque fois j'ai ce flash back qui me revient en tête. Je revois papa qui fait ses valises et qui part en nous laissant maman et moi ... et il se superpose à tout le reste, et la peur revient, plus intense que la fois précédente. Elle remonta ses jambes contre sa poitrine, tremblante et une larme roula sur sa joue. Le souvenir de son père quittant le domicile familial pour ne plus jamais y revenir était un souvenir qui la hantait jusque dans ses rêves et sa relation avec Alek en pâtissait un maximum.

Comme une petite fille en quête de réconfort elle leva ses yeux bleus vers Sameer qui l'écoutait attentivement. - Tu crois qu'il y a quelque chose qui va pas avec moi ? Que je suis cassée ou ... sa voix se bloqua dans sa gorge alors que des sanglots lui enserraient la poitrine. Il y avait forcément un truc qui clochait avec elle c'était évident. Aucune fille sensée ne réagirait comme ça face à un mec comme Alek.

A quinze ans quand elle avait perdue son père, Chloé s'était jurée de ne plus jamais croire la parole d'un homme. Ils finissaient toujours par revenir dessus et par faire du mal derrière eux que ce soit ou non volontaire. Mais Chloé avait fini par laisser approcher Alek qui ne l'avait jamais déçue pour le moment - même si elle ne cessait de penser qu'un jour il finirait par partir - et puis un jour, Sameer avait débarqué dans sa vie et lui non plus, il ne l'avait jamais déçue, jamais lâchée. Elle avait donc commencé par se dire que tout ça ne concernait pas tous les hommes mais seulement son père. Ou les hommes qui la fréquentaient étant donné son passif sentimental. Mais depuis que Sameer faisait parti de sa vie, Chloé se sentait moins seule. Elle avait un semblant "d'autorité paternelle" dans sa vie et même sa mère disait que ça lui faisait du bien que Chloé est un homme comme ça dans sa vie. Un sourire bref étira les lèvres de la jeune femme. - Moi je le dis tout le temps. A maman, a Shawn, a Soph', a toi. Ce n'est pas les mots en eux même qui me font peur. C'est l'intention qu'on leur prête. Dire "je t'aime" à Alek serait pour moi, le dernier rempart qui me protège encore, ce serait être trop vulnérable et je n'y arrive pas. Le jeune homme lui demanda si il pouvait fumer tout en tirant une cigarette et Chloé acquiesça vaguement sans y faire plus attention que ça. Elle ne fumait pas mais la fumée ne l'avait jamais dérangée. Elle vit Sameer allumer une bougie parfumée mais elle était trop perdue dans ses pensées pour faire autre chose que réfléchir justement. Pour le coup, ni l'un ni l'autre ne suivait plus le film.

La discussion prend un tour vraiment trop sérieux pour elle mais elle ne peut y couper et puis elle sait qu'elle a besoin de parler. Avec sa mère ou Sophia, ce n'est pas la peine. Surtout sa mère. Le sujet de son père est tabou. Ou presque. Elles ne parlent jamais de lui. A la base c'est parce que Chloé était en colère et sa mère triste. Ce n'était pas compatible. Aujourd'hui c'est resté comme ça. Parfois elles parlent de lui, vaguement, des souvenirs d'autrefois, une allusion a ce qu'il dirait ou ferait mais rien de plus. C'est comme s'il était un fantôme qui traînait par là mais dont on n'osait pas trop parler de peur qu'il ne devienne réel.

Mais Chloé a besoin de parler, de vider ce qu'elle a sur le coeur et Sameer est là pour l'écouter. Alors elle se lance, lui parle d'Alek, de cette façon qu'il a de lui faire voir le monde, en y mettant des couleurs et des mélodies qui n'appartiennent qu'à eux, d'imaginer leur futur et leur vie à deux, de la protéger et de la chérir comme si elle était le plus beau joyau de la planète, aussi rare et fragile qu'une fleur de cristal. Quand ils sont tous les deux, Chloé n'a jamais peur ni de l'avenir, ni de l'amour mais quand il était absent ou endormi, la peur revenir, toujours plus puissante, toujours plus intense, la faisant trembler et se recroqueviller sur elle même. Sameer vint la prendre dans ses bras et elle se blottie contre lui, comme une enfant perdue en quête de réconfort. Il tenta de lui apporter ce dont elle avait besoin, sa voix grave et rassurante desserrant un peu le coeur de Chloé. Elle le senti prendre une inspiration comme si il prenait une dose de courage avant de se lancer. - Ton père était un homme bien, un homme bon, il avait des raisons à lui, que personne ne connait.. Chloé tressaillit et se figea entre ses bras puis se détendit légèrement. - Oui et maintenant, je ne les connaîtrait jamais ces raisons là, murmura t-elle.

Alek n'était pas son père, non, ça c'était clair et net. Il était à l'opposé même. Mais ça n'empêchait pas la peur de rester ancrée en elle. - Je sais, souffla t-elle quand il lui parla de vivre avec des regrets. Elle en avait déjà un paquet qui concernait son père alors elle aimerait autant ne pas en avoir avec Alek. Il était trop important pour elle. Mais elle se sentait différente, comme si, à l'intérieur, elle était cassée. Quelque chose clochait avec elle c'était obligé. Mais Sameer ne la laissa pas penser ça plus de dix secondes. Se laisser aller. Ouais. Enfin c'était plus facile à dire qu'à faire. Mais elle se mit à rire quand son grand frère de coeur lui demanda de cesser de pleurer. - Comment ça j'suis moche ?! Moche toi même d'abord ! rétorqua t-elle au travers de ses larmes. Mais elle plaisantait, le coup de déprime était passé. Chloé était forte, très fort, bien plus forte qu'elle ne le pensait elle même. Elle survivrait. Elle arriverait à vaincre ses peurs et les fantômes de son passé. Il lui fallait juste un peu de temps. En fait de compte, elle posa un baiser sur la joue de Sameer. - Tu es le meilleur grand frère qu'on puisse rêver d'avoir. Elle se redressa un peu en séchant ses larmes. Tu sais quoi ? Je crois que je vais prendre un verre de vin moi aussi. Elle se leva pour aller se chercher un verre et se servit.

Remettant ses cheveux blonds derrière son oreille, Chloé prit une gorgée et soupira. - J'étais tellement en colère contre lui tu sais. Tellement que quand il est parti, j'ai cru qu'il me quittait moi et quand il est mort ... Elle haussa les épaules. C'était plus facile de lui en vouloir. Elle prit une grande respiration puis secoua la tête. Bon allez suffit. Passons à autre chose. Elle jeta un oeil à la télé. Mets ce que tu veux j'dois terminer un truc pour un cours. Elle le regarda d'un air angélique. Je peux rester un peu encore ? demanda t-elle d'un air presque hésitant. En général elle n'aimait pas s'incruster plus que la normale - quoique ... - mais elle sentait qu'elle avait besoin de rester encore un peu. Et peut-être d'arriver à faire parler Sam. L'air de rien elle attrapa ses affaires avant de prendre la parole. Tu crois que tu arriveras à me parler de ce qui te tracasse un jour ? Ou tu considéreras toujours que je suis trop jeune ? s'enquit-elle d'une voix douce. Elle le fixa de ses yeux bleus. Tu sais que je peux tout entendre et que je ne te jugerais jamais. Tu m'écoute toujours parler mais toi tu ne te confie jamais. Tu as pourtant l'air d'en avoir besoin ...   

- Bien sur que j'ai peur. C'est effrayant de se dire qu'il y a une personne dans ce monde capable de te détruire d'un simple claquement de doigt, répondit Chloé. Pendant un instant les deux se plongèrent dans leurs pensées. Et l'un et l'autre avaient beaucoup souffert en amour comme dans leur vie et ils avaient autant de mal à se livrer, à faire confiance et à aimer. Mais Chloé aimait le fait que Sameer soit là pour elle malgré ses problèmes. Il était toujours là quand elle avait besoin d'elle et elle était à peu près sûre qu'il tuerait le premier qui oserait lui faire du mal. C'était rassurant de savoir que l'on pouvait autant compter pour une personne. Sa famille était très importante pour elle et elle se sentait plus forte avec elle à ses côtés. Puis Chloé sourit en redressant la tête. - Tu sais, tu devrais appliquer tes propres conseils un jour, je suis sûre que Alvi' serait ravie de savoir tout ça, lança-t-elle avec un sourire espiègle pour détendre l'atmosphère.

Mais ça n'aida pas beaucoup, la tension revint et les larmes avec. Parler de son père était toujours très difficile. Elle se blottie contre son frère qui la serra contre lui et la rassura. Encore. A croire qu'elle en avait plus gros sur le coeur qu'elle ne l'aurait pensé aux primes abords. Mais en même temps, n'étais-ce pas pour cette raison qu'elle s'était réfugiée ici ? Son sanctuaire. - Je sais, soupira t-elle. Et je l'ai accepté. Plus ou moins ... mais il me manque. Et c'était la vérité. Son père lui manquait encore plus que la colère qu'elle possédait envers lui. Cette même colère qui finissait de disparaître ne laissant plus que le froid du manque et de l'absence. La discussion passa de Alek à son père puis de son père à Alek en un rien de temps. Chlo' était encore un peu sur la défensive mais elle se détendait peu à peu. Elle savait qu'elle ne pouvait plus continuer ainsi avec Alek, elle allait lui faire du mal et s'en faire à elle en même temps. Sa mère l'avait prévenue, elle allait les détruire comme elle avait fait avec Danny et elle, si elle continuait. Et si même Sameer le remarquait c'était qu'il était grand temps qu'elle fasse quelque chose. Quelque chose de bien. Mais c'était plus facile à dire qu'à faire hein ?

Sameer la console comme il le peut, c'est à dire, en sortant une connerie qui la fit rire - la technique des mecs en général - et Chloé se mit à rire à travers ses larmes. Elle répliqua même une bêtise. Et la tension de l'atmosphère disparue, laissant la place à un bon fou rire quand Sameer lui fit promettre de ne rien dire aux autres. Après s'être calmée, la jeune fille hocha la tête. - C'est promis, je ne dirais rien, ce sera notre secret ! répliqua t-elle les yeux brillants d'amusement. Elle savait qu'elle avait bien fait de venir. Laissant Sameer choisir la prochaine émission à mettre à la télé, elle jeta un bref regard. Un documentaire. Chloé arqua un sourcil mais ne fit pas de commentaire. Comme elle n'avait pas fini son devoir, étouffée par le sms d'Alek, elle se lança dedans tout en demandant à Sam si elle pouvait rester. - Bien sûr que tu peux rester ! Tu peux même dormir ici si ça te chante, tu sais bien qu'il y a assez de chambres pour te recevoir dans cette maison.. Chloé sourit doucement mais secoua la tête. - Non ça va aller, je rentrerais après, sinon Adam va encore râler que je vais finir par emménager ici, si ça continue, lança t-elle d'un air malicieux. Et puis ... je crois qu'il faut que je parle à quelqu'un, souffla t-elle ensuite.

Elle écrivit quelques lignes puis relança sur un nouveau sujet. Et qui ne la concernait pas elle pour une fois. Sameer la regarda d'un air qui se voulait désinvolte mais qui était plutôt ... triste. Ou préoccupé. Il tenta de plaisanter, de dévier la conversation. Encore. Chloé soupira. - Tu mens encore plus mal que maman quand elle a fait quelque chose qui ne fallait pas, lança t-elle en fronçant les sourcils. Puis elle soupira en faisant un mouvement du poignet comme pour balayer ses dires. Très bien, garde tes secrets pour toi mais ... promets moi que tu parleras à quelqu'un. Tu en a besoin Sam, je ne veux pas te perdre, souffla t-elle. Un bip se fit soudain entendre : un message. Chloé regarda son portable mais ce n'était pas le sien, ni celui de Sam apparemment. Elle se souvient alors de quelque chose et alla fouiller dans son sac. Elle en sorti un autre portable auquel elle jeta un coup d'oeil. "Lalyh et Lylah adoraient se promener sur la longue jetée qui leur paraissaient infinie. Au musée, elles s'amusaient à jouer à cache-cache entre les momies et les statues grecs. Mais ce qu'elles préféraient, c'était la statue d'Artémis, la déesse de la chasse et de la lune". Quand elle redressa la tête, son regard s'était fait préoccupé. Remettant le portable dans son sac, elle attrapa celui ci et se redressa. - Il faut que je file, lança t-elle en tentant de dissimuler son trouble à Sameer.  

- Je sais, rétorqua t-elle espiègle quand Sameer lui fit remarquer qu'elle était un ange. Au fond, elle était un peu triste d'être l'une des seules à connaître le vrai Sameer parce qu'il était extraordinaire quand il ne se dissimulait pas derrière sa carapace de connard fini. C'était quelqu'un de doux, de patient, d'attentif aux autres, il était drôle, chaleureux et protecteur. Le meilleur grand frère qu'on puisse rêver d'avoir. Il fait le mort ? demanda t-elle en arquant un sourcil intriguée. Adam était l'un des colocs de Sameer. Sa relation avec lui variait du "on s'envoie des piques plus ou moins sympas" au "vas y je te saoule avec mes histoires de filles". Ils s'entendaient ... plus ou moins bien. Chloé l'appelait le "Schtroumph Grognon" ou "Grincheux" toujours à râler quand il la voyait dans les parages. Mais elle était persuadée qu'il l'aimait bien. Ne serais-ce que parce que chaque fois qu'elle avait besoin d'aide pour un truc et qu'il était dans les parages avant Sameer, il répondait présent. Chloé ne connaissait pas bien son autre coloc, Jason. Evidemment, Sameer la taquina sur son envie de parler avec quelqu'un d'autre. - Oui j'ai des excuses à présenter, répondit Chlo' avec un petit sourire mystérieux. Mais elle ne dit rien de plus. Sameer comprendrait parfaitement de qui elle parlait.

- Et oui ! Rien ne peut échapper à l'inspecteur Davenport qu'est ce que tu crois ! rétorqua Chloé d'un air amusé. Mais il était vrai qu'elle avait toujours été douée pour savoir qui lui mentait. C'était instinctif. Probablement parce qu'une fois qu'on découvre qu'on lui a menti profondément une fois, on repère très vite les menteurs derrière. Puis la discussion redevint sérieuse. Il lui promit qu'elle ne le perdrait pas et elle hocha la tête en essayant d'avoir l'air convaincue ce qu'elle n'était pas vraiment. Ce n'était pas contre Sameer mais elle savait que parfois, dans la vie, certaines choses pouvaient pousser à briser des promesses même quand on ne le désirait pas. Elle ne voulait pas perdre Sameer, pas plus qu'elle ne voulait perdre Alek. Mais c'était ça la vie. C'était prendre le risque de s'attacher, d'aimer et de tout perdre derrière. Mais c'était si bon d'aimer. Et si bon de se savoir aimée.

Son portable sonna. Enfin, pas celui de base et elle se leva pour aller regarder le message. Message qui la perturba plus qu'elle ne l'aurait pensé. Elle tenta de cacher son trouble à Sameer mais vu qu'elle se dépêcha de ranger ses affaires en disant qu'il fallait qu'elle y aille alors que quelques minutes auparavant elle demandait si elle pouvait rester, n'aida pas. Sam tenta de l'arrêter mais elle ne l'écoutait même plus. - Tu reçois un message d'un portable dont je n'ai jamais vu la couleur, je peux comprendre, mais tu fuis comme ça, l'air de rien avec cet air que je n'aime pas voir sur ton visage, tu penses vraiment que je vais te laisser partir ? Chlo' lui offrit un sourire angélique et un regard tout aussi craquant. A la manière du chat potté dans Shrek. - Heu ... oui ? lança t-elle en priant pour qu'il s'en contente. Mais nooon ça aurait été trop beau pour être vrai et Sameer fronça les sourcils, la fixant d'un air sévère. On aurait tellement dit son père que la blondinette se figea un instant. - Chloé Davenport, tu peux t'asseoir sur ce canapé et me dire ce qu'il se passe ? Sa voix, sa posture. Il lui rappelait son père quand elle avait fait une bêtise. Chloé failli presque obéir. Presque. Puis elle se rappela le message et secoua la tête. - Désolée Sam mais faut vraiment que je file. Ne t'inquiète pas pour moi bro' ce n'est pas grave c'est juste important. Elle déposa un rapide baiser sur sa joue et fila avant qu'il n'est pu la rattraper.

Prenant sa voiture, elle roula en réfléchissant au message qu'elle avait reçu. Lalyh et Lylah étaient les héroïnes du livre qu'elle avait écrit avec son père. Ils avaient inventés des tas d'aventures avec ces jumelles à l'imagination débordante. Et elle adorait lire ces histoires le soir avec son père. Chloé adorait déjà l'histoire et la mythologie à cette époque et l'extrait qu'elle avait reçu provenait du tome 2 comme son père et elle l'avait appelé. Les jumelles L et les statues magiques. C'était Chloé qui avait trouvé le titre. Elle devait alors avoir cinq ou six ans. Peut-être sept mais pas beaucoup plus. Jetant un coup d'oeil à l'heure elle espéra que le conservateur serait encore présent. En arrivant devant le musée elle se gara. Bingo sa voiture était encore là et de la lumière filtrait. La chance était avec elle pour une fois. Elle frappa à la porte et le vieil homme vint lui ouvrir. - Chloé ? Mais enfin tu as vu l'heure ? Qu'est ce qui se passe ? demanda t-il surpris. L'étudiante lui sorti l'excuse qu'elle avait brodé en vitesse sur le chemin. - Je suis désolée de venir à cette heure mais j'ai absolument besoin de voir une statue pour mon exposé de demain et je vais me faire saquer si je ne l'ai pas fini à temps et ... commença Chlo'. - C'est bon c'est bon j'ai compris. Vas-y entre mais je pars dans un quart d'heure alors fais en sorte d'avoir fini avant. Je vais te désactiver l'alarme. Quelle section ? Chloé sautilla et déposa un baiser sur la joue du vieux monsieur. Elle adorait cet homme, c'était un vieil ami de son père et un peu comme un grand-père pour elle. Il lui avait tout apprit et c'était en parti grâce ou à cause de lui qu'elle voulait travailler au musée après. - Grèce Antique. Merci merci merci ! Le vieux monsieur grommela vaguement quelque chose à propos des jeunes et du retard mais la laissa entrer.

Chloé fila directement dans la section Grèce Antique vers la statue d'Artémis et l'examina. Puis ressorti le message. "... Au musée, elles s'amusaient à jouer à cache-cache entre les momies et les statues grecs. Mais ce qu'elles préféraient, c'était la statue d'Artémis, la déesse de la chasse et de la lune". Ok elle y était mais qu'est ce qu'elle était sensée trouver ? La jeune femme fit le tour de la statue, effleurant la statue, son marbre ancien, sa pierre granuleuse. Et puis soudain elle le vit. Dans le creux de l'arc d'Artémis il y avait un chiffre de gravé. 2. Elle fronça les sourcils puis prit son portable. Un second message venait d'arriver. "Une nuit, les deux petites filles se cachèrent dans le musée la nuit. Et quand minuit sonna, les statues s'animèrent. Artémis descendit de son socle et se baissa à leur hauteur leur confiant une clé et un coffre. - Deux gardiennes pour le coeur et pour l'esprit. Un secret à jamais gardé." Chloé fronça les sourcils. Elle comprenait de moins en moins mais elle nota le chiffre avant de quitter la salle, passant par le bureau du conservateur. - J'ai fini. Merci pour tout Monsieur Tatch. Le vieil homme lui sourit. - Bonne chance pour ton exposé. Chloé hocha la tête et sorti du musée. Alors qu'elle se rendait à sa voiture, une ombre se dressa devant elle la faisant crier d'effroi. Mais ce n'était que Sameer. - Sam ! Tu m'a fichue une peur bleue ! Mais qu'est ce que tu viens faire ici ?! s'exclama t-elle en se baissant pour ramasser ses clés.

Chloé n'était pas du genre à faire des cachotteries ou à mentir d'une telle manière et surtout pas à Sameer à qui elle avait tendance à tout confier mais cette fois là elle le fit. Et elle s'en voulu profondément surtout au vu de la réaction de son grand-frère. Elle lui promit que tout irait bien mais elle senti bien qu'il n'était pas convaincu. Sauf que cette fois, il lui faudrait lui faire confiance parce que c'était quelque chose qu'elle devait faire entièrement seule. Aussi le laissa t-elle pour foncer au musée. Oui, je sais, drôle d'endroit mais pour Chloé et son père quand elle était petite, c'était un lieu très spécial. Ils y passaient des heures, des week-end à y découvrir chaque fois de nouveaux trésors, de nouvelles merveilles. C'est lui qui avait fait aimé l'Art et l'Histoire à Chloé au point qu'elle veuille en faire son métier. Depuis le temps elle avait fini par devenir proche du conservateur qui l'avait vu grandir en quelque sorte. Chlo' savait que si il était toujours là - ce qui était plus que probable - il la laisserait entrer.

Ce qu'il fit au grand soulagement de l'étudiante qui fila droit vers les statues grecques. A ce moment là elle reçu un nouveau message encore plus déroutant que le précédent. Pourquoi l'envoyer ici à cette heure pour trouver un simple chiffre qu'elle aurait pu récupérer en journée sans attirer l'attention ? Ok probablement parce qu'elle avait du regarder d'assez près pour trouver le numéro mais ça ne changeait rien, elle ne comprenait toujours pas. Les sourcils froncés elle fixa la Déesse Artémis comme si elle s'attendait à ce qu'elle lui réponde. Un bip attira son attention. "Tout vient à point qui sait attendre" Chloé pâlit brusquement et regarda autour d'elle. Evidemment il n'y avait personne. Elle se dépêcha de sortir après avoir salué le vieux conservateur qui lui souhaita bonne chance pour son exposé. Un instant la blondinette failli lui demander de quoi il parlait puis elle se rappela son mensonge pour débarquer à cette heure indue. Alors elle sourit. - Merci ! lança t-elle en filant.

Toujours dans ses pensées, perturbée par ce qu'elle venait de vivre encore plus que par la soirée confidences avec Sameer, Chloé ne vit pas ce dernier surgir devant elle et poussa un cri avant de le reconnaître. Mais qu'est ce qu'il fichait là enfin ?!! Est-ce qu'il l'avait suivie ? Sérieusement ?! - Mais toi, qu'est ce que tu fous là ? Tu décides de partir comme ça, sans rien dire pour venir ici. Chloé tu me caches des choses ? Chloé leva les yeux au ciel. - Oh tout de suite ! J'étais contrariée parce que mon partenaire pour l'exposé a oublié de passer au musée faire des photos de notre sujet d'étude et qu'il faut le rendre demain ! Et tu sais comment je suis quand on ne fait pas les choses correctement ?! rétorqua t-elle en levant les yeux au ciel. Bon. Son mensonge était à peu près potable et il serait passé avec un bon nombre de personne mais pas avec Sameer. Après tout ... il était avocat. - Sérieux mentir j'ai du le faire un millions de fois, alors vient pas me faire croire que tu ne caches rien.. répliqua t-il en s'approchant. Chloé fronça les sourcils à la fois paniquée et furieuse. - Qu'est ce que ça peut te faire de toute manière ? Et de quel droit tu m'a suivie ? Tu n'est pas mon ... Elle se coupa en pleine phrase en écarquillant les yeux, réalisant la connerie qu'elle allait sortir. Il n'était pas quoi ? Son père ? A bien des égards il l'était, prenant la place que Karl aurait du occuper, venant à ses remises de diplômes, à ses compétitions de shi shei kan, lui faisant réciter ses cours, étant là pour elle chaque fois qu'elle avait besoin. Son quoi alors, son frère ? Il était encore plus légitime à cette place que n'importe qui. Alors elle baissa les yeux. J'suis désolée Sam, je voulais pas dire ça, murmura t-elle. Relevant les yeux elle tenta de lui sourire. Tout va bien je te le promet, je ne suis pas en danger. Je ne peux juste rien te dire. Ce qui était très différent du fait qu'elle ne veuille pas lui dire. J'ai envie d'une crêpe ça te tente ? proposa t-elle dans l'espoir de détendre l'atmosphère. Je sais où en manger de super bonnes !