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 Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥}

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MessageSujet: Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥}   Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥} EmptyDim 16 Aoû 2015 - 17:53

THE TIME CAME FOR YOUR SOLO
BUT THERE WAS NOWHERE TO HIDE :
HERE COMES THE RISING TIDE.

Je claquais la porte de la maison, titubant dans l'entrée, à l'image d'une autre journée presque similaire. Sauf que cette fois, ce n'était pas l'angoisse qui menaçait de me faire tomber à genoux, et ce n'était pas des sacs de shopping que je tenais dans ma main gauche... Non, c'était autre chose. Du brandy, et pas n'importe lequel : une bouteille hors de prix, les trois quart vide, que m'avait offerte mon père pour "les grandes occasions" et que j'avais récupéré à mon boulot. Je portais le goulot à mes lèvres une fois de plus en m'avançant vers la cuisine. Cette fois, Beth ne m'attendait pas avec des lasagnes. Peu importait. C'était peut-être mieux, même. Je n'aurais pas supporté l'odeur alléchante de ces dernières ; j'avais l'estomac retourné. Et puis, des lasagnes n'auraient rien changé... Car, cette fois, restait-il encore quelque chose à sauver ?

Il avait suffi d'une journée, une seule, pour me faire replonger dans l'enfer qui avait menacé de s'ouvrir sous mes pieds bien des mois plus tôt, lorsque j'avais revu celui avec qui j'avais passé les moments les plus intenses de mon existence. Son dégoût, mon dédain. Ces sentiments trop longtemps refoulés qui avaient menacé d'exploser. Beth ne le savait pas mais elle m'avait sauvé, ce soir là. Avec son amour. Sa sincérité. Et moi, je m'étais laissé aller à retrouver ses bras, face à son dévouement, face à sa dévotion, et j'avais repoussé encore un peu les mensonges qui avaient menacé d'exploser dans l'air, pour mieux les enterrer, pour mieux les garder enfouis dans mes entrailles, et qu'ils terminent de me dévorer... Jusqu'à cet instant fatidique où ils ne pourraient plus rester contenus. Je l'avais compris à l'instant où j'avais mis les pieds dans la galerie d'art de ce jeune homme, comptant acheter un cadeau à ma femme... Mais mon sourire s'était bien vite évanoui lorsque je l'avais vu, là. Sur le mur. Trônant en plein milieu de l'exposition. Son regard, ses traits fins, et sa foutue expression de chien battu. Joshua. Il était là. Ou plutôt, son image l'était. Au centre de la pièce, un tableau de lui... qui me regardait, comme pour me narguer. Comme pour lire mon âme. Le choc passé, j'étais allé voir l'artiste, fébrilement. Le seul mot qui avait réussi à dépasser mes lèvres avaient été « Combien ? », ne m'étonnant même pas de cette découverte pour le moins... inattendue. Et alors, l'autre m'avait rétorqué qu'il n'était pas à vendre. Pas à vendre... Pourtant, tout s'achetait, j'étais bien placé pour le savoir, car tout le monde avait un prix, il me fallait juste trouver le sien ; j'avais alors sorti mon chéquier, lui répétant de nommer une somme, et il avait encore refusé. Mais il ne comprenait pas. Ce tableau, il me le fallait, coûte que coûte. C'était plus fort que moi, plus fort que tout, il fallait que je l'obtienne. Et puis, il ne savait pas à qui il s'adressait. Après tout, j'étais Daniel Wilkerson, et on ne me refusait rien, ce dernier allait vite s'en rendre compte... Mais il m'avait ri au nez. Et alors, tout s'était brouillé. Je l'avais attrapé par le col, ou peut-être bien que c'était lui, et la suite, je m'en souvenais à peine. Tout avait disparu, comme dans un épais brouillard, comme au sortir d'un rêve, et il n'y avait plus que mes mains égratignées pour prouver la réalité de ces faits.

Et voilà que j'étais là, maintenant, dans ma cuisine, avec une bouteille de brandy sans âge à la main, le coeur au bord des lèvres, et l'impression d'un trou béant dans la poitrine qui se creusait encore et encore plus les minutes passaient... Une nouvelle gorgée m'arracha une grimace. J'étais seul. Littéralement, à cet instant, comme métaphoriquement. De ma vie, dans toute mon existence, je ne m'étais jamais senti aussi seul, si ce n'était, peut-être, une vingtaine d'années plus tôt, et, alors que je me faisais cette réflexion, je sentis quelque chose se briser en moi. Sans crier gare, je me mis à pleurer, comme un enfant, là, assis au comptoir de la cuisine, les mains soutenant mon visage qui menaçait de s'écraser lourdement contre le marbre sous le poids de mes regrets... Sans lui, j'étais seul. Désespérément seul. Car jamais rien n'avait pu le remplacer. Et rien ne le pourrait jamais. Pas même l'amour de la femme la plus extraordinaire que le monde ait porté... « Mais serais-tu aussi extraordinaire si tu savais tout à propos de l'homme avec lequel tu vis, c'est ce que je me demande. »

Can you tell me brother?
Was I deceived, or in denial?
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MessageSujet: Re: Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥}   Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥} EmptyVen 21 Aoû 2015 - 2:31

❝ Your heart's in the right place,
but you travel down the wrong road ❞
Daniel & Beth Wilkerson



Aujourd'hui, Beth avait passé sa journée à la mairie. Elle avait eu pas mal de dossiers à traiter, et avait vogué de bureaux en bureaux pour finir aux côtés du maire lui-même, histoire de discuter de quelques affaires avant la prochaine réunion du conseil entier. Comme de temps à autres, elle n'avait donc pas mis le pied à l'association de la journée, ce qui l'inquiétait beaucoup moins depuis que cette nouvelle routine s'était installée. Elle avait appris à déléguer aux bénévoles et employés de Knowledge Is Power, et si au début, il s'était avéré assez difficile pour elle de ne pas garder constamment un œil sur son bébé, elle s'était aujourd'hui parfaitement adaptée à ce nouveau rythme, apprenant progressivement à faire confiance à ceux qui l'entouraient. Ces journées ne s'avéraient pas plus calmes pour autant; il n'y avait que pour plus de travail qu'elle avait concédé ces quelques sacrifices. Ses journées se dessinaient toujours vaguement de la même manière, à ceci près que la mairie était devenu un nouveau repère pour elle. Depuis quelques jours, pourtant, elle s'était freinée dans son rythme, accordant beaucoup plus d'importance au calme de la villa Wilkerson qu'à tous ces travaux qui, à force, l'exténuaient. Elle continuait pourtant à s'afférer dans tous les coins, réorganisant le dressing conjugal, tentant de nouvelles recettes, s'affalant dans son canapé avec le chapitre d'un bon bouquin. Ce soir-là n'avait pas dérogé à cette règle : elle était rentrée en fin d'après-midi, et après avoir rangé sa paire de Louboutin à sa place attitrée, elle s'était simplement assise au salon, l'esprit enfumé par un million de pensées. A force de ne plus prendre réellement le temps de réfléchir aux choses, elle se retrouvait accablée par tout ce qu'elle avait laissé de côté. Tout allait bien dans sa vie, à présent. Elle n'avait certes pas été élue maire, mais quelle importance cette défaite pouvait-elle bien avoir aux côtés de tout ce que son quotidien représentait aujourd'hui ? Beth était heureuse. Cela faisait maintenant plus de sept ans qu'elle était mariée à celui qui représentait tout à ses yeux; elle faisait de chaque jour une journée prolifique et remplie, et chacune de ces belles journées finissait aux côtés de celui sur qui ses yeux s'ouvraient le matin. Oui, Beth était heureuse. Épuisée, mais heureuse.

Pourtant, elle doutait. Elle doutait de certaines choses, parfois, et peut-être un peu plus en ce moment. Certainement plus encore maintenant qu'elle avait pris le temps de réfléchir à sa situation, à ses désirs et à la réalité. Dans ses moments les plus raisonnables, Beth était tentée de discuter avec Daniel, de partager ses doutes et ses peurs; mais dans ses instants les plus incontrôlés, majoritaires, elle en revenait toujours à cette même conclusion : elle était adulte, forte et indépendante, et peu importe le contrat qui liait Daniel à elle et l'amour qu'elle portait à son époux, elle était capable de gérer ses questionnements et ses anxiétés toute seule. A plusieurs reprises, pourtant, elle avait été tentée d'appeler Eden et de lui confier ses états d'âme, avant d'être freinée par son entendement. Elle s'était d'ailleurs demandé si Eden lui serait plus utile en tant qu'ami ou en tant que psy; cette simple question avait éveillé en Beth un sentiment de solitude immense. Si elle n'arrivait pas à parler à Daniel ou Eden, elle n'arriverait à parler à personne. Elle n'aurait qu'à prendre sur elle et faire ce qui était le plus raisonnable, comme toujours. Car oui, Beth était réfléchie, et même s'il lui arrivait parfois de laisser ses idées divaguer, elle en revenait toujours aux mêmes conclusions : elle savait où elle allait, de quoi son avenir était supposé être fait, et ce qu'elle devait faire pour y parvenir. Les choses n'étaient pas sensées être plus compliquées que ça. Pourtant, particulièrement ce soir-là, Beth était sujette à de nombreux doutes et remises en question. D'abord assise sur son canapé pour quelques secondes, elle se retrouva, une heure plus tard, allongée sur le flanc, fixant d'un regard vide l'écran de télévision qui était resté éteint. Fébrile, elle se redressa, bien décidée à se changer les idées en cuisinant pour Daniel. Il n'était pas supposé rentrer particulièrement tard aujourd'hui, et ils pourraient profiter de cette soirée, rien qu'eux deux, à discuter de leur voyage en Italie désormais passé de quelques semaines et de leurs prochains projets de couple. Elle pourrait lui parler de son prochain voyage prévu au Guatemala, qui commençait à se concrétiser, aussi. Mais d'abord, il fallait qu'elle aille pisser.

Quelques instants plus tard, Beth s'afférait dans la grande cuisine de la villa. Comme à son habitude, elle l'avait laissée nickel, préférant un ordre strict et militaire à un bordel dans lequel elle ne se retrouverait pas. Cette fois-ci, elle ne lui ferait pas de lasagnes; il fallait dire qu'à Rome, Beth avait été obligée de s'avouer vaincue. Sa cuisine italienne ne pouvait pas rivaliser avec celle des plus grands chefs dont ils avaient pu apprécier le travail pendant leur voyage. Elle s'attaquait donc à de la cuisine française et tentait une nouvelle recette de quiche que lui avait conseillée sa secrétaire à l'association. Quiche aux deux saumons et aux épinards, ça sonnait bien, non ? Elle s'attaqua donc à la préparation, respectant la recette à la lettre pour éviter toute mauvaise surprise. Et dans une synchronisation parfaite, un moment plus tard, lorsqu'elle enfourna le plat dans son four, la porte de la maison claquait. Daniel était de retour. La brune sourit à l'idée de le retrouver et de passer une soirée au calme. Elle savait qu'il aurait les mots et les gestes pour lui faire oublier tout ce qui lui trottait dans la tête. C'était tout ce dont elle avait besoin.

Pourtant, elle déchanta très vite. Lorsqu'elle se retourna sur son époux qui venait de passer le pas de la porte de la cuisine, elle comprit bien vite que quelque chose n'allait pas. L'odeur d'alcool qui l'accompagnait la mettait sur la voie, bien entendu, mais le fait qu'il titube jusqu'au comptoir pour s'y asseoir participait également au cheminement de pensées qui l'avait poussée à conclure que oui, quelque chose n'allait pas. Doucement, elle s'éloigna du four pour s'approcher du comptoir, les sourcils froncés. Quelque chose n'allait pas, et ce n'était pas que son équipe de sport favorite avait perdu ou quelque chose de cet acabit. C'était bien plus sérieux. Et au fond d'elle-même, Beth savait que les démons de son époux l'avaient rattrapé. Depuis qu'ils s'étaient retrouvés,  elle savait pertinemment qu'ils étaient toujours là, telle une épée de Damoclès prête à s'abattre sur eux, mais elle tenait bon. Elle tenait bon parce qu'elle l'aimait, et parce qu'elle espérait de tout son être que sa force à elle pourrait être leur force, sa force à lui. Elle panserait chacune de ses blessures et le rassurerait, lui ferait savoir à quel point elle l'aimait et à quel point la perfection était ennuyeuse. Silencieusement, doucement, elle s'était approchée de lui et le vit s'effondrer sous son regard. Sans le brusquer, elle attrapa la bouteille de brandy qu'il sortait de... elle s'en moquait d'où il sortait. Elle la posa loin de l'autre côté, hors de la portée de Daniel. De l'autre côté du comptoir, elle se pencha vers lui pour passer une main douce dans ses cheveux et le long de sa joue humidifié par ses larmes qui ne semblaient pas décidées à perdre du terrain. « Mais serais-tu aussi extraordinaire si tu savais tout à propos de l'homme avec lequel tu vis, c'est ce que je me demande », finit-il par dire sans aucune introduction à ses aveux, ses regrets et ses remords qui semblaient le ronger de l'intérieur. D'abord silencieuse, Beth fit le tour du comptoir pour poser, d'un geste apaisant, ses mains sur ses épaules. Elle se pencha pour déposer une baiser sur sa joue puis laissa son visage se réfugier au creux de son cou, où elle chercha un peu de réconfort avant de répondre. « Tu continues à tenir ce discours, mais je vais maintenir le mien : je suis la femme la plus heureuse à ses côtés. On a tous... », elle marqua une brève pause, « nos secrets. On a tous nos secrets, et ça fait pas de nous des monstres. » Du moins, elle l'espérait... Elle n'avait pas regardé l'heure, ayant déjà oublié que deux saumons et une dose d'épinard étaient en train de bronzer dans leur four pour les beaux yeux des Wilkerson. Elle se détacha doucement de Daniel pour venir s'asseoir à sa gauche. Elle prit sa main dans les siennes et la serra très fort. « Il s'est passé quelque chose au travail ? Tu veux qu'on en discute ? » tenta-t-elle en espérant qu'il puisse trouver la force de partager les raisons de ces angoisses avec elle. L'une de ses mains se détacha de celle de Daniel et se perdit quelques instants sur sa joue avant qu'elle ne vienne poser sa tête sur son épaule. « Tu veux un verre d'eau ? T'as trop bu, chéri... »
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MessageSujet: Re: Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥}   Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥} EmptySam 22 Aoû 2015 - 21:26


Mes épaules se secouaient doucement tandis que les larmes maculaient de plus en plus mes joues, jusqu'à brouiller complètement ma vue, déjà bien altérée par la quantité d'alcool que j'avais ingurgité sur le chemin. Lorsque j'étais repassé au bureau, la secrétaire m'avait jeté un long regard étrange que j'avais balayé d'un geste de la main - d'abord, qu'est-ce qu'elle faisait encore là, celle là ? Et puis, j'étais ressorti aussitôt, la bouteille à la main, sans même me soucier des apparences. Qu'elle pense ce qu'elle voulait. Qu'elle me juge si bon lui semblait, je m'en contrefoutais : même Dieu ne pouvait pas me juger, non ; car seul le jugement d'une femme au monde m'importait. Celui de celle que j'avais épousé, que j'avais fait le vœu de chérir jusqu'à la mort... D'ailleurs, j'avais bien cru la voir, Beth, lorsque j'étais entré. Du coin de l'oeil, il m'avait semblé, comme une vision fugitive, qu'elle se tenait là, devant le four... Mais c'était sûrement une hallucination, les affres de mon esprit tourmenté qui se projetait de nouveau dans cette cuisine des mois plus tôt, lors de cette soirée où tout avait failli voler en éclats. Mais les apparences s'étaient maintenues, là encore. Beth avait choisi de fermer les yeux sur mes défauts, sur ma nature ; elle n'avait pas voulu entendre, elle n'avait pas voulu savoir, et par amour, ou peut-être seulement par égoïsme, j'avais respecté son choix. Je m'étais tus... et, une fois de plus, j'avais remis mes défenses en place. Une fois de plus, j'avais fait le mauvais choix. Celui de renier jusqu'à chaque fibre de mon être. Parce que je n'avais pas le droit de la décevoir... Et parce que, comme des années plus tôt, je n'avais pas eu le courage de faire face à la vérité. Au fait que je n'étais pas celui que je prétendais être... Au fait, tout simplement, que j'aimais les hommes.

Depuis toujours, j'avais vu l'amour comme une faiblesse, c'est ce qu'on m'avait enseigné, c'est ce que mes expériences m'avaient apprises : aimer quelqu'un revenait à être faible, parce que cela ne m'aurait jamais permis de devenir celui que je voulais être. Oui, aimer Joshua représentait l'échec. Être gay ne m'aurait jamais apporté tant de réussite, c'était un fait, j'en étais conscient... Pourtant, j'avais réalisé, au fil du temps, que cela aurait dû être une force. Beth me l'avait prouvé chaque jour. Avec moi à ses côtés, elle était forte, elle était fière, elle était... une battante. Oui, elle se battait, pour moi, parce que c'était ce que l'amour aurait dû être : quelque chose pour quoi on se bat, pour lequel on déplace des montagnes. Et moi, j'avais fui. A la première difficulté. J'avais choisi de me battre pour devenir un requin, un avocat respecté, un mari... respectable. Mais ce n'était qu'une illusion. J'avais eu tout faux. Parce qu'au final, cela m'avait enlevé la seule chose que l'on ne pouvait pas remplacer : l'amour inconditionnel. L'argent, la réussite, à côté de cet amour là, n'était rien... Seulement un confort illusoire, reflétant un bonheur qui n'était, au fond, lui aussi, qu'illusoire. J'allais prendre une nouvelle rasade de brandy lorsque je sentis que la bouteille me partait des mains et relevai les yeux juste à temps pour qu'ils tombent droit dans deux iris bleus vacillants.

Je connaissais ce regard, je le connaissais très bien même. Oui, j'en connaissais les moindres recoins, de la plus petite fluctuation de la pupille jusqu'au bout de ces cils longs frémissants, et il me fixait ; non, il me jaugeait... jusqu'à cogner l'âme vibrante d'inquiétude qui se cachait derrière contre les lambeaux de la mienne alors que sa main, contre ma peau, m'arracha un long frisson suivi d'un hoquet de surprise qui se mêla à mes sanglots. Elle était là. Elle était bien là, bien réelle. Et elle avait assisté à toute la scène... « Tu continues à tenir ce discours, mais je vais maintenir le mien : je suis la femme la plus heureuse à ses côtés. On a tous... nos secrets. On a tous nos secrets, et ça fait pas de nous des monstres. » finit-elle par dire, et mes yeux s'arrondirent, circonspects. J'avais parlé à voix haute, sans même m'en rendre compte... J'avais prononcé ces mots, à nouveau, les mêmes que cette autre fois, cette soirée où je n'avais pas été loin de tout envoyer valser, de faire sauter le masque. Mais cette fois, elle me m'empêcherait pas de leur donner tout leur sens. Elle ne m'empêcherait pas de sortir de ma poitrine toutes ces choses que je retenais depuis bien trop longtemps. « Pourtant, les monstres existent, Beth... Ils existent, oui... Ils sont réels... Ils sont parmi nous, là... Partout... » J'eus un nouvel hoquet, peut-être un rire, noyé dans ces larmes que je semblais incapable de pouvoir retenir. Elle vint alors se poser à mes côtés, et prit ma main dans la sienne pour la serrer, la serrer fort... et ce simple geste fit redoubler mes sanglots. « Il s'est passé quelque chose au travail ? Tu veux qu'on en discute ? » De nouveau, ses doigts glissèrent sur ma peau avant qu'elle pose sa tête contre mon épaule. Mes mains encadrèrent alors mon front tandis que je tâchais de reprendre ma respiration. Quoi lui dire ? Par quoi commencer ? Je ne pouvais plus mentir... Je ne voulais plus mentir. Je mordis farouchement mes lèvres, espérant réfréner cette douleur qui enflait considérablement dans ma poitrine. « Tu veux un verre d'eau ? T'as trop bu, chéri... » Sa tendresse était un supplice. J'eus envie de me lever, et de m'éloigner, de partir en courant, mais je n'en fis rien. Je me contentais de regarder la bouteille, à l'autre bout du comptoir, d'un regard trouble, en tentant de compter mes inspirations et expirations. Alors, après un temps d'arrêt, je me tournai doucement dans sa direction, pour lui lancer un long regard flou. Terne. Triste... « Je veux bien un verre... Prends en même deux, et ramène cette bouteille ici, parce que ce n'est pas d'eau dont on va avoir besoin... Crois moi. »

'Coz the truth gonna come and cut me open wide ;
'coz you can't escape, the rising of the tide.
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MessageSujet: Re: Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥}   Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥} EmptyMer 26 Aoû 2015 - 22:56


Tell me your secrets and ask me your questions,
Nobody said it was easy, it's such a shame for us to part
Nobody said it was easy, no one ever said it would be this hard
Oh take me back to the start.


Beth était forte. Pas dans le sens où elle mangeait un peu trop ou qu'elle soulevait des haltères de dizaines de kilos au-dessus de sa tête juste avec un petit doigt. Non, Beth était plutôt du genre à avoir une mentalité d'acier. Ce n'était pas ses jolis yeux qui l'avaient poussée durant sa jeunesse, pendant ces années qu'elle aurait pu passer à dépenser toute son énergie dans le cheerleading ou une autre activité qu'elle considérait superflue. Ce n'était pas eux non plus qui l'avaient faite avancer durant ses études, qui l'avaient aidée à réussir son bachelor, ses LSAT, son Juris Doctor et son examen du barreau. Non, ce qui l'avait poussée à la réussite avait été, à chaque instant, sa détermination et sa force de caractère. Ses parents, et sans doute plus particulièrement sa mère, n'y avaient pas été pour rien : c'est ainsi qu'ils l'avaient élevée, la poussant au meilleur d'elle, et peu importe le prix. Car oui, Beth avait toujours été propre sur elle, avait toujours suivi un chemin lisse et sans embûche. Ses études, à l'image de sa vie jusqu'alors, s'étaient déroulées sans accrocs. L'ensemble de sa vie pouvait se schématiser et se décrire par une ligne droite, constante. Tout était toujours allé dans son sens. Parce qu'elle avait tout fait pour, d'une part, et qu'elle avait toujours fait passer son avenir avant son présent ou, pire encore, son passé. Mais il ne fallait pas nier que d'un autre côté, rien n'avait jamais rien entravé sa route. Comme le lui avait fait remarquer celui qu'elle se décidait maintenant à appeler Tom Fuller, tout le monde n'avait pas eu la chance d'évoluer dans l'environnement qui était le sien. Pourtant, elle se plaisait à croire que cette force de caractère forgée au fil des années lui aurait permis de s'en sortir dans bien des situations, des situations que, à l'heure actuelle, elle n'osait pas envisager. Car même dans ce monde fait de paires de Louboutin par dizaines et de petites cuillères en argenterie, tout n'était pas rose. En s'intégrant peu à peu à ce monde-là, Beth avait appris les règles intrinsèques qui y étaient liées. Et la plus importante d'entre elles était la suivante : les plus belles choses, souvent les façades, qu'elles soient crées pour l'occasion ou non, devaient être exposées à qui était là pour le voir. Pour certains, c'était les médias; pour d'autres, c'était les relations personnelles, les relations professionnelles. Une convention qui découlait de ce premier code normalisé en était la suite conséquente, cartésienne et raisonnée : ce qui était moins joli, on le cachait. Beth avait ses secrets, ses parts d'ombre et ses travers. Tout le monde en avait, et la seule différence à ce sujet entre les individus était leur façon de les aborder. Dans ce monde qui était celui des Wilkerson, on les cachait, on les enfouissait sous les faux semblants et les sourires contrefaits, et on les oubliait... jusqu'à ce qu'ils reviennent vous exploser en pleine figure. Et Beth le savait, son époux était sur la brèche depuis des mois, depuis qu'ils s'étaient retrouvés. Pourtant, il y avait une chose qu'elle allait lui énoncer autant de fois qu'il en aurait besoin pour commencer à le croire : elle n'était pas ses parents, elle n'était pas les investisseurs de son cabinet d'avocats, elle n'était pas ses anciens potes compétiteurs de UCLA, elle n'était pas cet avocat qui lui en faisait voir de toutes les couleurs, et elle n'était certainement pas cette opinion générale à laquelle ils s'étaient livrés, l'un comme l'autre, quelques mois auparavant. Elle était sa femme. Elle était sa femme, et elle lui avait promis de le suivre et de le soutenir dans ses pires comme ses meilleurs moments. C'était un concept qu'il ne semblait pas avoir encore appréhendé dans son entièrement, mais elle n'en démordrait pas. Daniel et Beth Wilkerson ne formaient pas un couple frivole et chimérique, apprêté seulement sous les yeux des autres. Ils s'aimaient. Ils s'aimaient inconditionnellement et irréfutablement, et ça, rien ni personne ne leur enlèverait. Et l'une des preuves les plus fortes des sentiments de Beth à l'égard de son époux résidait dans la confiance aveugle qu'elle avait en lui et en eux. Excessive pour certains, mais à l'épreuve de tous les secrets qui pourraient tenter de s'immiscer entre eux. Oui, elle écouterait tout ce qu'il aurait à lui dire, elle l'écouterait énumérer ses défauts et ses secrets si c'était ce qu'il souhaitait, mais par-dessus tout, elle resterait à ses côtés. Parce que leur mariage était loin d'être futile et qu'il représentait tout aux yeux de la brune. Et c'était d'ailleurs pour voir Daniel dans cet état la poussait elle-même dans une zone qu'elle était loin de chérir. Lorsqu'il souffrait, elle souffrait. C'était une part du deal imposé par Cupidon et le mariage. « Pourtant, les monstres existent, Beth... Ils existent, oui... Ils sont réels... Ils sont parmi nous, là... Partout... » La jeune femme le savait; elle savait que les secrets de Daniel n'étaient pas nés de la dernière pluie, et qu'il lui faudrait sans doute de bien nombreuses heures pour lui prouver qu'ils n'importaient pas. Mais elle le ferait. Et cette mission qu'elle s'était assignée par amour ne faisait que commencer. « T'es bien manichéen... » dit-elle doucement avant de faire le tour du comptoir pour le rejoindre. Ce serait pourtant mentir que d'affirmer que Beth n'était pas inquiète par ce qu'il cachait. Bien sûr qu'elle était inquiète. Bien sûr que les mots qu'ils avaient échangés avant de se retrouver dans le lit conjugal avaient tourné dans sa tête, s'étaient répétés inlassablement jusqu'à ce que le temps et les attentions de Daniel les fasse peu à peu s'éclipser. Ou plutôt, à défaut d'éclipse, les fasse entrer en hibernation à durée indéterminée. Mais ses peurs-là, malgré le soin qu'elle prenait à les masquer face à son époux, se réveillaient doucement. Elle connaissait Daniel, elle pouvait même se vanter de le connaître par cœur. Ils se connaissaient depuis plus de huit ans et étaient devenus adultes ensemble; ils avaient construit leur vie ensemble. Elle l'avait vu quitter UCLA fièrement et devenir avocat dans l'un des cabinets les plus prestigieux du comté. Il l'avait vue finir ses années d'études avec succès et fonder son association; il avait été à ses côtés pour sa campagne électorale et avait été d'un soutien indéfectible. Ils avaient acheté leur maison ensemble, avaient affronté la famille de l'un et de l'autre soudés et unis. Alors oui, Beth le connaissait. Et à ce moment-là, encore une fois dans leur innocente cuisine, elle savait que les choses ne seraient pas simples. Elle savait qu'il ne cachait pas un excès de vitesse. On était plutôt au niveau du détournement de fonds ou à la fraude au cabinet, du licenciement après faute grave, ou du cadavre enterré sous la dalle de la terrasse. Pourtant, elle savait qu'elle pourraient faire face à toutes ces épreuves qu'elle s'imaginait. Qu'ils pourraient y faire face. Ils n'avaient pas besoin de vivre dans ce luxe, même s'il était bien confortable, et leur réputation n'avait rien de tellement nécessaire à leur vie. Tout cela n'était que futilités, et Beth savait que leur amour serait toujours assez fort pour contrer toutes ces choses-là. Même s'il avait tué un avocat concurrent, elle l'aiderait. Elle lui servirait d'alibi et l’entraînerait même à subir tous les interrogatoires qu'il aurait encore à subir. Comme Daniel, elle connaissait parfaitement les lois américaine et californienne, leurs travers et leurs avantages, comme on connait une vieille amie, mais elle serait prête à se parjurer. Pour Daniel... la question ne se posait même pas. De toute façon, si elle n'avait pas trouvé de cadavre ou de preuves un peu dégueulasses de meurtre, c'est qu'il avait plutôt bien réussi son coup. Mais, à son haleine et aux larmes qui coulaient à présent sur les joues de l'avocat, Beth savait que si meurtre il y avait eu, la peur de se faire pincer n'était le principal problème. Quoiqu'il ait à cacher, c'était à présent sa conscience qui prenait le dessus. Elle avait donc prit sa main, silencieusement, et contrairement à ce qu'elle aurait espéré de ce geste, Daniel craqua de plus belle encore. Naïvement, elle finit par demander s'il s'était passé quelque chose au travail. Elle commençait doucement, il serait amené lui-même à parler du cadavre de son concurrent ensuite. Il paraît que les cadavres faisaient de bons composts, en plus. Il avait pensé à elle, parfait. Il ne disait plus rien, mais ses sanglots semblaient dans l'incapacité la plus totale de prendre fin. Il était dans un état qui voulait tout dire de sa condition psychologique. De l'eau, oui, de l'eau, ça lui ferait du bien. A elle aussi, d'ailleurs. Le stress et l'inquiétude n'avaient cessé d'augmenter depuis qu'il était arrivé. Ses problèmes à elle avaient été relégué au second plan, mais elle avait grandement besoin d'un verre d'eau. Ou de deux. Elle avait chaud, mais c'était probablement normal dans ce genre de situations, non ?

Lorsqu'il posa son regard sur elle, Beth se décomposa quelques secondes, avant de finalement réussir à se reprendre en main. Il fallait qu'elle soit forte, pour lui et pour eux. Elle détestait voir ce regard embué par les larmes, regard qu'elle avait d'ailleurs trop peu côtoyé auparavant pour réussir à relativiser l'instant. « Je veux bien un verre... Prends en même deux, et ramène cette bouteille ici, parce que ce n'est pas d'eau dont on va avoir besoin... Crois moi. » Oh, merde. Elle avait donc raison. Il ne s'agissait vraiment pas de quelque chose de négligeable, loin de là. Doucement, un peu abasourdie, Beth se releva donc pour aller chercher la bouteille qu'elle lui avait retirée des mains quelques instants plus tôt. Elle prit deux verres un peu au hasard, sans se rendre compte qu'il s'agissait de verre à vin, et se dirigea d'abord vers l'évier pour en remplir un d'eau. « Je préfère pas prendre d'alcool... », s'expliqua-t-elle simplement, toujours sonnée par ce qui avait sonné comme le départ de ses confessions. En passant, elle récupéra la bouteille et fit à nouveau le tour de Daniel pour se rasseoir là où elle était installée quelques instants plus tôt. Elle posa le verre vide et la bouteille devant Daniel. « Je suis pas sûre que l'alcool... enfin... » Bon, en vrai, si ça ne lui faisait pas peur, elle aurait sûrement pris un peu de brandy elle aussi. Pourtant, elle savait que son état ne lui permettait pas, et puis, étrangement, elle préférait être parfaitement sobre pour écouter ce qu'il allait lui dire. Elle lui caressa le dos avant de laisser sa main remonter vers son épaule et s'y déposer. « T'as peur de me parler ? » demanda-t-elle simplement, cherchant par là à le rassurer. Il savait pourtant pertinemment que de toutes les personnes qui l'entouraient quotidiennement, elle était celle qui avait le jugement le plus doux et affectueux à son écart. Ce qui lui fit penser que...

Ça avait à voir avec elle. C'était la seule chose qui pourrait expliquer qu'il se mette dans un tel état pour lui en parler. Alors qu'elle réalisait que cette théorie était loin d'être tirée par les cheveux, elle retira violemment sa main de l'épaule de Daniel pour la porter à sa bouche, refrénant un haut-le-cœur. De son autre main, elle attrapa son verre d'eau et but de longues gorgées, les yeux embués par des larmes à son tour. En réflexe à la panique et à un drôle de vertige, elle reposa brutalement le verre à vin, presque vidé de tout son contenu. A présent, elle fuyait le regard de Daniel. Mais une seule question l'obsédait, parce qu'elle était à l'image de l'hypothèse qu'elle considérait à présent comme étant la plus logique. C'était une hypothèse qu'elle avait maintes et maintes fois étudiées, puis évincée quelques mois auparavant. Mais c'était évident : elle n'était pas si bien que ça. Elle n'avait jamais exercé le droit, elle avait perdu les élections municipales, elle voulait un enfant alors que lui pouvait vivre dans le présent... elle représentait un lot de consolation à elle toute seule, fondant une association au lieu de trouver un vrai travail, éveillant la pitié de celui qui l'avait battue aux élections au point pour lui de lui offrir une place de consolation au sein du conseil municipal... le seul élément de sa vie qui n'était pas de second ordre, c'était lui. Il était tout ce dont elle avait rêvé lorsqu'elle était jeune et qu'elle pensait au prince charmant. Il lui avait la vie parfaite qui était la leur, mais elle n'avait pas été à la hauteur, et elle le savait. Il avait du trouver plus ambitieux. Une nouvelle associée au cabinet, peut-être. Une blonde, parce que les blondes sont toujours plus jolies. Une blonde, grande et plantureuse, qui gagnait toutes les affaires qui lui étaient assignées. Une blonde qui faisait craquer tout le cabinet, mais que seul Daniel avait réussi à charmer, parce qu'il était parfait, et que son sourire ferait même douter un chien de sa sexualité. « Il y a une autre femme dans ta vie ? » Sa voix était tremblante, douce et à peine audible. Elle avait peur de la réponse. Et elle avait chaud et besoin d'eau.
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MessageSujet: Re: Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥}   Your heart's in the right place, but you travel down the wrong road {Beth ♥} EmptyLun 11 Jan 2016 - 0:35




We can just tune this fire tonight
Daniel & Beth Wilkerson (décembre 2015)


Ce que Beth ne savait pas à ce moment-là, c’est que la soirée serait longue, très longue. Si elle retrouvait Daniel dans un état qui l’inquiétait, elle était pourtant à mille lieues de s’imaginer ce qui se tramait dans l’esprit de son époux au moment où elle l’avait retrouvé dans leur cuisine. Un verre de brandy plus tard, il hésitait toujours à lui parler. « Je suis pas une belle personne, je suis pas ce que tu crois », répétait-il inlassablement sous le regard inquiet de sa femme. Elle avait l’impression de revivre leur dernière crise, celle qui, elle le savait, avait été à deux doigts de leur coûter leur mariage. Cet équilibre, pour une raison qui lui était encore totalement inconnue, était à nouveau rompu. Les secondes défilaient, se transformaient en longues minutes dont elle ne voyait pas le bout. Elle avait perdu leur compte et toute notion du temps. Tous ces détails-là paraissaient superflus. Car elle, de son côté, se laissait à nouveau déborder par toutes ces images fictives créées par son imagination bien trop fertile. Elle qui avait cru, quelques jours plus tôt seulement, pouvoir compter sur son époux et aller de l’avant à ses côtés, se retrouvait maintenant assaillie de ces mêmes doutes qui avaient failli la détruire un an auparavant. Plus il attendait, plus il lui répétait ces mêmes phrases, comme une annonce à l’horreur qu’il allait lui annoncer, plus Beth se tassait. Il ne pouvait pas prendre cette décision tout seul. Ils étaient deux… et elle l’aimait plus que tout. Si elle en avait eu la force, elle se serait levée de son tabouret pour quitter la pièce et la villa. Elle ne voulait pas l’entendre dire ces mots fatidiques, qu’elles que soient les raisons qu’il invoquerait. Qu’il la trompe, qu’il ne l’aime plus ou qu’il soit l’instigateur d’un trafic de drogue au Mexique, elle s’en moquait presque. Il avait pris sa décision, elle le savait. Si elle avait réussi à le calmer un an auparavant dans ses angoisses, elle savait que ce ne serait pas le cas cette fois-ci. « J’ai revu Johann, c’est bien le seul con qui revient à Huntington plutôt que de le quitter… » lâcha-t-il enfin alors qu’elle s’accrochait à son verre d’eau comme à une bouée de sauvetage. Elle ne savait pas d’où cette nouvelle provenait. Ou plutôt, elle ne savait pas ce qu’elle avait à faire dans cette situation. Si elle en avait la force, elle aurait volontiers répondu qu’elle avait revu la voisine, celle qui chassait les chats à coups de jets d’eau dans la rue, mais elle, au moins, avait conscience que cette information était hors-propos. Daniel ne s’était jamais particulièrement entendu avec son frère, elle le savait. Et, alors qu’il annonçait le divorce de ce dernier, l’avocat affichait une expression assez indescriptible. « Il veut que je m’en occupe… » Ses lèvres s’étirèrent en un sourire étrange, puis il éclata d’un rire qu’elle ne lui connaissait pas vraiment. Il commençait à lui faire peur. Tandis qu’il buvait une nouvelle gorgée de brandy, Beth, elle, se faisait de plus en plus petite sur son pauvre tabouret de cuisine. Elle ne savait pas réellement où il voulait en venir avec ce discours, mais ça ne sentait pas bon. Elle en connaissait déjà la conclusion. Elle l’avait évitée une fois, elle n’y arriverait pas à une seconde reprise. Elle était paralysée par ce qui était en train de se passer, coincée dans son corps de spectatrice passive. « Il n’y a pas d’autre femme, arrête », ajouta-t-il en prenant sa main et en la fixant de ce regard affectueux qu’elle aimait tant. « Mais j’ai choisi un métier vraiment fascinant, quand même… Détruire la vie des gens et les liens qui les unissent, réduire leurs relations à des biens matériels qu'on se partage, puis finalement les aider à oublier toutes les valeurs importantes pour gagner, et les regarder s'entre-déchirer sous les yeux d'enfants qu'on a pas aimé comme il fallait... ça représente plus rien pour personne, de nos jours, de se promettre de se chérir et de s'aimer jusqu'à la mort... Tout peut même basculer d'un jour à l'autre... Regarde Mats, sa fille... Sa vie, aujourd'hui...» Perdu dans son monologue, il ne remarqua sans doute pas le haut-le-cœur que la brune retint. Le moment fatidique s’approchait, et elle ne pouvait rien faire pour l’arrêter. Même si elle lui hurlait d’arrêter, même si elle prenait la fuite, rien ne pourrait arrêter ce qui était en train de se tramer. Si ce n’était pas ce soir, ce serait le lendemain. Et si ce n’était pas le lendemain, ce serait le surlendemain. Beth essayait de s’habituer à cette idée aussi vite qu’elle le pouvait, elle voulait minimiser tous les dégâts qu’il provoquerait. Mais elle n’y arrivait pas. En face d’elle, elle voyait l’homme qu’elle n’avait cessé d’aimer depuis huit ans, elle voyait celui auquel elle s’était donnée toute entière, celui auquel elle avait consacré chacun de ses actes, dirigée par l’amour qu’elle lui portait. Son château de cartes s’écroulait. Dans quelques instants, une heure, deux heures, peu importait… tout serait terminé. Leur mariage ne serait plus qu’un mensonge auquel il faudrait mettre fin le plus vite possible.  Perdue dans ses pensées, Beth ne s’en rendait pas compte, mais cela faisait déjà de longues secondes qu’un silence de plomb avait empli la cuisine. Elle n’arrivait plus à le regarder. Elle fixait son verre d’eau. Elle avait envie de vomir, et envie de pisser, aussi. La sentence allait tomber. C’était le moment idéal qu’il était en train de construire-là sans même s’en rendre compte. Ou peut-être s’en rendait-il parfaitement compte, d’ailleurs. L’avocat qu’il était avait toujours été un parfait orateur. Voilà ce à quoi elle était donc réduite : à une affaire, à un client lambda. Elle ne méritait pas plus de considération que ça, donc. « Je suis comme Mats. » Une phrase, quatre mots. Quatre mots vagues, trop vagues pour qu’elle en comprenne la réelle portée. Elle ne le regardait toujours pas, elle n’y arrivait pas. C’était quoi, la révélation ? Qu’il était danois ? « Je suis gay. »

Qu…

La brune se leva précipitamment de son tabouret pour se ruer vers l’évier de la cuisine, joyeux évier qui reçut beaucoup d’amour, et encore plus de salade de pâtes partiellement digérée. Le goût lui restait en travers de la gorge. Elle voulait que tout se finisse. Que venait-il de dire, déjà ? Agrippée au rebord de l’évier, elle se tourna vers Daniel. « Désolée, je… malade… » Pas de phrase complète de son côté. Pourtant, les quelques mots de Daniel trottaient quelque part dans sa tête en replay, attendant patiemment d’être acceptés sa conscience. Elle les refoulait. Elle ne voulait pas les entendre, elle ne voulait pas comprendre. Et pourtant, elle regardait son mari, hébétée, bête. Elle comprenait. Elle était stupide. Elle était une parfaite crétine. « Comment… ? Tu m’as… menti… » dit-elle simplement en s’appuyant sur ses avants-bras, posés sur l’évier trempé. Elle n’avait même pas la force de nettoyer ce pauvre évier, qui témoignait encore du repas qu’elle avait pris à la mairie ce midi. Elle se haïssait. Plus qu’elle avait jamais haï quiconque. Elle était stupide, elle était une gamine de qui il avait eu pitié, une gamine à qui il avait donné ce qu’elle voulait parce que c’était un acte de bienfaisance, et aussi parce que ça l’arrangeait peut-être, un peu, lui. Pourtant, même en tordant cette annonce détonante dans tous les sens, elle n’arrivait pas à comprendre en quoi elle était réaliste. Elle n’arrivait pas à croire que ces huit années de mariage, avec leurs hauts et leurs bas, avaient été un pur mensonge. Il pouvait bien lui dire qu’il n’y avait aucune autre femme, oui. Elle était la seule assez lamentable pour qu’il décide de la prendre sous son aile. Il ne l’avait jamais aimée, voilà la première réalité. Pendant ces huit ans, il avait forcément connu le bonheur avec un homme, un homme qu’il aimait vraiment. Ou si ce n’était pas le cas, Beth s’en voulait encore plus. C’était elle qui l’avait embarquée dans cette histoire inventée de toutes pièces, c’était elle qui, au premier regard, était tombée éperdument amoureuse de cet homme qui, décidément, n’aurait jamais dû la choisir. Elle restait silencieuse, à présent, tournant ces quelques mots dans tous les sens dans son esprit. Comment avait-il pu lui faire l’amour pendant toutes ces années ? Comment avait-elle pu souhaiter un instant un enfant de lui ? Il avait du la trouver bien ridicule, avec ses demandes à la con. Il n’était pas heureux avec elle, ce mariage n’avait rien d’une belle fin pour lui. Il n’avait rien de beau, d’ailleurs, et il n’avait rien d’une finalité. En repensant à toutes ces fois où elle avait été persuadée que son décolleté ou ses sous-vêtements lui faisaient de l’effet, Beth se sentait encore plus bête. Elle ne lui en voulait pas tant à lui qu’elle s’en voulait à elle-même. Elle se pencha vers l’évier pour le rincer grossièrement, mais surtout, s’asperger le visage d’eau fraîche et en boire de longues gorgées. Elle se moquait de l’allure qu’elle pouvait avoir à présent. Après tout, lui aussi devait s’en moquer complètement. Elle pourrait se mettre à poil devant lui si elle avait trop chaud, pour ce qu’elle en savait, il s’en moquerait comme de voir un porc-épic se promener dans le jardin. « Je veux plus mentir, je veux pas te faire souffrir plus longtemps... je te dois la vérité, Beth. » Elle ne pouvait pas le regarder. L’évier dégueulasse, par contre, elle le fixait sans ciller. Elle en était arrivée à penser qu’elle aurait préféré ne rien savoir de cette vérité qu’il lui révélait maintenant. « Je peux pas te donner mon honnêteté ou même ma fidélité… Je peux pas te donner l’enfant que tu veux… Je veux pas être celui qui t’offre juste la sécurité matérielle. » Il continuait de parler, mais elle n’entendait plus vraiment. Deux heures plus tôt, elle était encore à la mairie à se répéter qu’elle devait absolument reparler de l’invitation d’Eden à Daniel. Maintenant, tous ces détails paraissaient à des années lumières de la scène qui se jouait sous ses yeux. Elle était assaillie par un flot de sentiments différents. Elle avait trop chaud, elle avait soif, et avait autant besoin de s’asseoir qu’elle était apeurée à l’idée de se confier à la force de ses jambes. Alors, elle ne bougeait plus. Elle attendait que ça passe. Peut-être qu’en fermant les yeux très fort, elle allait se rendre compte que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Elle allait se réveiller en pleine nuit, aux côtés d’un Daniel endormi, calme et apaisé. Il pouvait ronfler ou prendre tous les draps, elle s’en moquait. Elle voulait juste se réveiller. « Tu… tu veux juste te donner bonne conscience… » souffla-t-elle à la limite de l’audible. Elle était perdue. Elle se demandait encore s’il ne lui faisait pas une mauvaise blague, mais à dire vrai, elle savait pertinemment que ce n’était pas le cas. L’homosexualité de Daniel expliquait pas mal de choses. Elle expliquait ce dégoût illégitime qu’il avait de lui-même, cette envie irrépressible qu’il avait déjà eue de tout plaquer, un an auparavant. Elle expliquait pourquoi il ne voulait pas être père, pas tant qu’elle serait la mère de son enfant. Et ce qui ferait le bonheur de maman Walsh, elle expliquait enfin pourquoi Daniel Wilkerson avait voulu l’épouser elle. Elle l’avait aimé, dès qu’ils s’étaient rencontrés, et il n’y avait pas meilleure planque que les bras d’une femme éperdument amoureuse. Si cet homme n’avait pas été son époux et si son cœur ne venait pas de se briser en des milliers de morceaux, Beth aurait sans doute poussé Daniel à s’accepter tel qu’il était. Mais il était son mari, elle l’aimait de tout son cœur, et il venait de la détruire. Alors, toujours appuyée sur son évier, elle fondit en larmes. C’était bien plus que ce qu’elle pouvait gérer. Trop de choses se passaient en peu de temps, et même le courage d’une Beth Wilkerson avait ses limites. Elle n’était pas surhumaine. Elle pouvait encaisser seulement jusqu’à un certain point, et ce point, elle venait de l’atteindre. Les larmes, chaudes, coulaient sur ses joues brûlantes. Hors de force, alors que ses membres se transformaient en coton, elle se laissa glisser contre son meuble de cuisine. Son allure n’avait plus rien de la Beth que l’on pouvait connaitre. Sa robe avait glissé le long de sa jambe d’une manière tout sauf élégante, et ses cheveux en bataille retombaient devant son visage trempé. Elle n’arrivait plus à se calmer. Sa plus belle histoire avait été une mascarade. Sa mère avait eu raison sur toute la ligne. Il ne l’avait jamais aimée, et elle avait vécu près de dix ans persuadée de l’inverse. Elle se sentait trahie, bafouée, humiliée. Elle se sentait ridicule d’avoir cru à de pareilles promesses. Elle n’était pas digne d’une belle histoire comme celle dont elle avait rêvé pendant toutes ces années. Et elle était là, aujourd’hui, à l’aube de ses trente ans, à se demander où étaient passées toutes ces années.

Elle avait mal au ventre. Ses yeux la brulait, le sol était gelé, sa respiration se faisait laborieuse, mais surtout, elle avait mal au ventre. Elle avait envie que ça s’arrête, que tout s’arrête. Elle entendit à peine Daniel se lever et s’adresser à elle. « Je suis désolé… je peux pas. » Sa voix s’était brisée. Il ne semblait pas en meilleure posture qu’elle. Elle leva la tête pour le regarder, mais lui ne la regardait pas. Ou plus. Peut-être était-il maintenant répugné par l’image qu’elle renvoyait. « Je suis désolé », répéta-t-il avant de lui tourner le dos et, le visage enfoui dans ses mains, de quitter la cuisine. C’était quoi le plan, il allait dormir dans le canapé, et ils allaient en reparler le lendemain au détour de leur dressing ou autour d’un bon café ? Il allait l’aider à choisir ses Louboutin du jour comme si de rien n’était ? Ses Louboutin… elle ne comprenait toujours pas. Elle ne comprenait pas pourquoi il l’avait rendu heureuse alors qu’elle n’était qu’un alibi, une décoration sans grande importance. Quelques mois auparavant, ils se la coulaient douce en Italie, se promettant monts et merveilles. Pour lui, elle avait abandonné le rêve d’être mère, et pour lui, elle aurait volontiers tout abandonné s’il lui avait demandé. Mais lui… elle ne voulait pas le laisser partir. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas…

La porte d’entrée claqua dans un bruit sourd. Elle se redressa, hoquetant de surprise. Elle ne pouvait plus bouger. Il l’avait quittée, il n’y avait plus de débat à avoir, plus de café à boire, plus de Louboutin à choisir. Il était parti. Il l’avait laissée seule. Il les avait laissés seuls. Et elle allait se pisser dessus. Elle avait envie de l’insulter, de lui courir après et de le traiter de tous les noms. Tremblante, elle se força à se relever pour retrouver son portable, posé négligemment dans l’entrée à un moment où elle s’était simplement attendue à partager un moment avec son époux. Elle frissonnait, c’en était ridicule. Ses jambes flageolaient, et elle finit par s’asseoir sur les marches de l’escalier. Ses mains avaient du mal à répondre à ses ordres. Elles étaient raides, tremblantes. Il n’y avait qu’une personne qu’elle avait envie d’appeler. Elle ne réfléchit pas davantage. Portant son téléphone à son oreille, Beth attendit, paralysée, d’entendre le son de sa voix. « Eden… tu es avec Faith ? Eden… » Et elle fondit à nouveau en larmes. « Eden, j’ai besoin de toi… » Elle marqua une pause hésitante. « Att-- » Elle lâcha son portable sur la marche d’escalier pour se ruer vers les toilettes les plus proches. Après avoir re-décoré sa cuvette de beaux morceaux de salade non digérés, Beth se laissa tomber contre le mur de la pièce, haletante. Par un réflexe étrange, elle posa sa main sur son ventre. Il les avait laissés seuls…
{la fin}

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