C'était un de ces soirs où je repensais à Nathan Gray, un des ces soirs où je déprimais et où j'aurais préféré m'enfiler quelques verres plutôt que de travailler jusqu'à 23h00 et des poussières, à servir des clients au vocabulaire limité à : « Ma jolie ». Je détestais que l'on m'appelât ainsi, cela avait le don de me mettre en colère, seulement ce soir-là ça me faisait encore bien plus déprimer.
Alors je faisais mon travail machinalement, ne cessant de me répéter que je devais arrêter de m'apitoyer sur mon sort, que ça remontait à bien trop longtemps. Mais voilà, je n'y arrivais tout simplement pas. Trop de souvenirs, trop de sentiments, si forts qu'ils m'avaient dévastée. Pourquoi avions-nous rompu, d'abord ? Parce que je n'aimais pas cette de vie de groupie logeant dans la caravane de son copain et de ses potes ?

En ce sens, il est vrai que j'avais eu raison de rompre. Cette vie n'était définitivement pas faite pour moi, et ne le serait jamais. Et puis Nathan devenait trop possessif, jaloux, et chaque fois il finissait par se défouler sur moi. Il m'avait même giflée. Fort.
Bien sûr, je lui avais pardonné (avec beaucoup d'efforts et d'inspirations), après tout j'étais incapable d'en vouloir bien longtemps à Nathan. Mais il avait fallu que je me détache de lui, alors que nous allions si bien ensemble... vraiment, tout le monde nous le disait et au lit, je dois avouer que je ne m'ennuyais jamais.
Euh... oubliez ce que je viens de dire.

Ah ! Tant pis, c'est fait, et ce depuis des années, et je ne reviendrais pas en arrière (quoique...). Je remis le masque, ce visage de jeune fille parfaite, innocente et pleine de gentillesse qui ignore les clients aux mains baladeuses et ne pense qu'à son avenir.
Mon avenir ? Je savais quelle était ma passion, je la pratiquais chaque jour et pas seulement à l'université, mais de là à en faire un métier... Non, vraiment, j'étais trop indécise. Rien d'autre ne me plaisait : je ne savais pas me servir d'un pinceau (mais si vous voulez des gribouillages magnifiques c'est par ici) et la médecine m'ennuyait profondément, d'ailleurs je n'étais pas du tout amatrice de sciences. Quant au droit, non, merci, sans façon. Je n'avais aucun tact, je m'énervais trop vite, et je ne défendrais jamais, jamais un criminel. Voilà pourquoi les études de droit n'étaient pas faites pour moi.
Il ne restait plus beaucoup de choix, après cela.

Oui, vraiment, cette soirée finirait avec un verre ou deux, c'était sûr. Mais, je me le promis, je serais seule et chez moi, et je ne sortirais pour rien au monde, pas même Nathan Gray. Ce nom revenait décidément de plus en plus souvent.
Et enfin (oh, dieux ! je savais que tu ne m'avais pas oubliée), j'eus ma distraction de la soirée, sous la forme d'un jeune serveur qui me faisait beaucoup rire et qui m'inspirait de la sympathie (bien qu'il ne soit pas un ange, si vous voyez ce que je veux dire). Lorsqu'il m'interpella, mon sourire fut sincère alors que je me tournais vers lui.