Sujet: He knows I'm gonna stay - Solal Mer 24 Juil 2013 - 23:43
He knows I'm gonna stay.
Le van est toujours en panne, chaque tentatives de réparation se conclue par un échec. Le désespoir s’empare de moi, j'ai l'impression d'être coincé dans un piège tendu par je ne sais quel démon se trouvant six pieds sous terre. Ca fait plusieurs jours que je navigue entre le van et la mer, sortant de ce secteur exclusivement pour aller à la chasse à l'homme de temps à autre. Aujourd'hui le van est bien tranquille. Personne ne se chamaille, personne ne hurle pour communiquer alors qu'ils sont côte à côte. J'en profite pour fouiller dans les affaires que papa avait laissé dans le vieux tas de féraille, souriant à la vue des photos de ma mère et lui en vacance dans ce même van, qui, à l'époque, était flambant neuf. Une photographie m'intrigue plus que d'autres. Sur une petite photo polaroïde se trouve mon père, sa vieille guitare à la main en train de chanter dans la rue, comme s'il avait besoin d'argent. Je grimasse et tourne la photo à la recherche d'une explication... Que je ne tarde pas à trouver. " Il nous manquait quelques pièces pour nous payer un café... Alors tu t'es mis à chanter. Grâce à toi nous avons eu nos deux petits cafés et quelques sous en plus pour payer le carburant du van. Ce que tu as préféré dans tout ça, c'est le sourire des gens qui t'écoutaient chanter.
Tu me manques, reviens vite. "
L'écriture de ma mère ornait le dos de la petite photo. Passé un moment mes parents avaient dû se séparer car mon père avait du travail à faire à l'autre bout de l'Espagne, loin de ma mère. Ils étaient jeunes et amoureux. Cette idée me fait doucement soupirer, attendrit. Je continue à fixer cette photo avant de hausser les sourcils. J'ai encore cette guitare. Papa me l'a offerte à mes quatorze ans. Elle est là, dans le van, hier encore j'en jouait au bord de l'eau. Et si... Et si je faisais comme lui? Et si je jouais au pauvre gars qui a besoin de tune pour vivre? Après tout c'est en partie la vérité et l'idée de partager ma passion pour la musique avec des inconnus réchauffe mon cœur d'artiste. Ni une ni deux je vais chercher la guitare qui se trouve dans son étui en cuir avant de partir pour la ville. Une fois dans une rue piétonne assez fréquentée je sors la guitare de son étui, l'accordant légèrement avant de me mettre à jouer un petit mélodie lambda tout en cherchant quel morceau je pourrais bien interpréter. Finalement je me lance dans un pur cliché pour un petit patelin de Californie. Les premiers accords d'une version plus moderne de California Dreamin' s'échappe de ma guitare. Les gens ne semblent pas encore reconnaitre cette chanson phare des années soixante. Et les paroles arrivent.
"All the leaves are brown and the sky is grey..."
Le rythme différent de la chanson originale, ma voix grave et suave ponctué par mon accent espagnol ne laisse pas les gens indifférents. Ça marche, à croire que papa m'a refilé cette particularité qui lui a toujours été propre. Celle d'arriver à capter et surtout captiver les gens en peu de temps avec un rien. Si certaines personnes continuent leur chemin sans prêter attention à ma petite représentation, d'autres s'arrêtant, entonnent cet "hymne" timidement. Pour la première fois depuis de nombreux jours un sourire franc se dessine sur mes lèvres tendis que le me promène entre les passants tout en continuant chanter et jouer de la guitare. A la fin de la chanson quelques personnes applaudissent,d'autres s'en vont tendis que certaines fouillent frénétiquement dans leur sac à la recherche d'une petite pièce à m'offrir. Je me prend au jeu, ouvrant l’étui de ma guitare donnant ainsi l'occasion au gens de me laisser un petit quelque chose en récompense de ce petit moment passé dans la Californie oubliée des années soixante. Mon attention se porte alors sur un homme se trouvant non loin de moi. Tiens, il est bien typé celui-là. Mexicain? Naaan... Italien... Mon Dieu, non quelle horreur. Allez savoir pourquoi, mais je me persuade que ce mec est espagnol. Je lui souris, sourire de tombeur au passage, il est pas si dégueu que ça ce mec. "¿ Un pequeño esfuerzo, señor?"
Je remercie une nouvelle personne qui vient de déposer une petit epièce dans l'étui de la guitare. Finalement ce n'est pas si mal ici... A cet instant je me dis que j'aimerais bien rester. Juste pour ça. La vie, les gens, les sourires, le paysage... Et les beaux étrangers.
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Sujet: Re: He knows I'm gonna stay - Solal Jeu 25 Juil 2013 - 2:05
Alejandro & Solal
(he knows i'm gonna stay)
«Solal, pour ton mariage, il FAUT qu’on fasse du feijoada.» Rose avait lâché ça au téléphone. Comme une bombe. Alors que Solal, qui s’attendait à tout sauf à ça, savourait tranquillement sa salade-tomate-olives. Il en avait recraché une pauvre olive, et avait calmement expliqué à sa soeur que non ils n’allaient pas faire de feijoada. Parce qu’il y avait de la viande dedans, mais genre beaucoup de viande. Et qu’il était encore et toujours végétalien, bon sang! ça faisait vingt ans qu’il était végétalien, ce n’était pas pour cautionner la mort de porcs innocents le jour le plus important de sa vie. Il savait pourquoi elle avait proposé ça. Tes racines, Solal, gnagnagna. Le feijoada? C’était le sommet de la malbouffe pour un végétalien brésilien. Quel genre de personne pouvait bien faire mijoter de pauvres haricots dans des morceaux de cadavre de porc, et, comme si ça ne suffisait pas, y ajouter des saucisses et du boeuf?! Alors ok, il voulait bien que ça soit un plat national. Mais là... non. Alors, peut-être bien que ses arrières-grands-parents (paix à leurs âmes) allaient se retourner dans leur tombe le jour où leur descendance allait faire un repas de mariage sans la moindre trâce de feijoada, mais il ne pouvait pas cautionner le meurtre de masse. Du tout. Ce qu’il ne savait pas au moment de cette discussion incongrue avec sa petite soeur, c’est que cette journée allait être placée sous le signe du Brésil. Et de combien ses racines étaient apparemment décidées à hanter sa vie d’américain. Il adorait ses racines - mais elles se rappelaient souvent à lui de façons incongrues. Par exemple... quand ses élèves de primaire avaient décidé de lui demander de leur donner des cours de salsa aux horaires d’EPS - selon une logique bizarre qui voulait qu’il soit nécessairement un habitué des Carnavals de Rio. Ou quand une de ses ex-petites-amies lui avait demandé si le fait qu’il soit brésilien d’origine et qu’il parle couramment portugais avait quelque chose à voir avec son système pileux. Enfin... les clichés avaient la vie dure. Et jour après jour, il se rendait compte qu’il avait véritablement une tête d’hispanique. Soit. Le feijoada, donc. Rose lui avait sorti cette énormité téléphonique alors qu’il prenait son repas à la pause de midi de son école. Puis il avait repris les cours, en s’efforçant de ne pas penser combien de porcs et de boeufs le Brésil avait bien pu mettre à mort. Puis en se jurant de lutter pour diminuer ce nombre de mises à morts sordides. Puis à se rappeler les bons souvenirs qu’il avait de quelques vacances passées là-bas, et à se dire qu’il pourrait peut-être limiter le feijoada... aux haricots? Et que le goût pourrait parfaitement être reproduit avec quelques artifices à base de soja. Et enfin, la journée s’était achevée. Il en était arrivé au point où il s’était rendu compte qu’il avait toujours rêvé d’aller faire le carnaval de Rio - et n’en avait juste jamais eu l’occasion. Ce train de pensée s’était poursuivi alors qu’il allumait une cigarette, et faisait son bout de chemin dans la rue. Le soleil était brûlant, mais il aimait cette saison - elle avait quelque chose d’assommant, donc d’apaisant. C’était un bon prétexte pour errer dans les rues, clope au bec, lunettes de soleil sur le nez. Le portrait aurait été complet s’il avait eu la compagnie de son chien - mais il était heureux comme ça, à profiter de la chaleur et de sa ville. Il faisait son bout de chemin dans une rue piétonne, quand il entendit quelque chose qui était fort peu habituel à Huntington Beach. Un chanteur des rues? Très peu typique de la population généralement ultra-guindée de la ville - dont ses parents faisaient partie, d’ailleurs. James aurait adoré ce genre de truc, par contre. Piqué par la curiosité, et aussi parce qu’il avait bien évidemment reconnu les paroles de la chanson, il décida de stationner pour un moment. Au moins le temps de finir sa cigarette. Il laissa alors ses pensées vagabonder à nouveau vers ce repas de mariage et les obligatoires références au pays d’origine des Moran - quand il fut coupé net par l’étrange impression qu’on s’adressait à lui. Il haussa un sourcil. Bon, il devait être honnête, il n’avait pas compris un mot de ce qu’on venait de lui dire. Mais sur le coup, il mit ça sur le fait qu’il était en train de penser à quelque chose d’autre, et que l'inattention faisait parfois de gros dégâts sur la compréhension. Ce qu’il avait cru saisir, par contre, c’est qu’on ne venait pas du tout de lui parler en anglais. Plutôt dans une langue hispanique. Et comme il était en train de penser à ses racines... ça ne fit aucun doute dans son cerveau, on venait de lui parler en portugais. Alors... il répondit en portugais. «Perdão, eu não escute», dit-il précipitamment. Puis il percuta que l’homme qui venait de lui parler, tout en grand sourire, était aussi celui qui venait d’égayer sa journée par concert inopiné. Solal fourra une main dans sa poche, jusqu’à en extraire des dollars qui traînaient et les déposer dans l’étui de sa guitare. Il reprit, avec un large sourire: «Isto você era quem jogou? Era realmente bom. E trabalho bastante inédito para Huntington Beach». Sauf qu’à en juger la tête que tirait son interlocuteur, il était prêt à parier qu’il avait commis une légère erreur de jugement en pensant que le monde entier était plus ou moins brésilien.
"Pardon, je n'écoutais pas". "C'était vous qui jouiez? C'était vraiment bon. Et plutôt rare à Huntington Beach"
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Sujet: Re: He knows I'm gonna stay - Solal Jeu 25 Juil 2013 - 11:27
He knows I'm gonna stay.
Le mec a l'air ailleurs. Il ne m'écoute pas ce qui a tendance à légèrement me faire tiquer. Je commence à détourner le regard quand j’entends enfin un charabia s'échapper de ses lèvres. Bordel, il parle quelle langue ce mec?! Je tourne vivement les yeux vers lui, complétement perdu. Je l'écoute, mais ne comprend rien. Ça sonne drôlement mal tout ce qu'il dit, la langue est tout juste agréable à écouter et tout ce qu'il y a de plus... Étrange. Il n'y a que quelques langues dans ce genre dans le monde, l'allemand, le russe, l'arabe et... Le portugais. Merde. Ce mec parle portugais. Pourtant il a une tête d'espagnol à mes yeux. Peut-être qu'il n'est pas du Portugal, autant il vient du Brésil ou de je ne sais où... Brésil?! J'ai bien pensé Brésil? Mais les brésiliens sont tous.... Fabuleux, si vous voyez ce que je veux dire. Un large sourire se dessine sur mes lèvres tendis que je le regarde déposer de la monnaie dans l'étui de la guitare.
" ¡ Pero tu habla portugues! Lo siento, te tomé por español. "
Ben bravo, me voilà incapable de lui parler en anglais alors que je vois que la conversation n'avancera jamais si je ne fais l'effort de parler une autre langue. Je lève les yeux au ciel, un peu triste de ne pouvoir parler ma langue maternelle avec qui que ce soit ici. Les seuls moments où je parle c'est au téléphone avec mes frères quand ces derniers viennent prendre des nouvelles de moi pour soulager leur conscience. Ils pensent qu'un coup de fil de temps à autre m'aide à supporter la disparition de papa, à combattre mes vieux démons et surtout à m'apporter le réconfort dont j'ai besoin. C'est totalement faux, mais je suis bien trop gentil pour leur faire remarquer. Ce mec, aussi typé soit-il a été pendant quelques secondes pour moi une opportunité de me sortir de cet anglais que j’entends depuis bien trop longtemps. Et encore, si nous pouvons appeler ça de l'anglais. We don't speak the same americano, devrais-je dire. " Pardon, je disais que je te t'ai pris pour un espagnol. J'ai eu du mal à comprendre tout ce que tu me racontais et il n'y a que le portugais en langue latine qui me trouble autant! Merci pour la monnaie, ça aidera un pauvre artiste à payer une pièce pour son vieux van déglingué!"
Je m'agenouille au-dessus de mon étui, comptant l'argent que je me suis fait, le sourire aux lèvres quand un mec passe lentement devant moi, lâchant un "clochard" assez audible pour me faire sortir de mes gonds. Ahhh, le sang chaud espagnol, lui je ne suis jamais arrivé à m'en dépatouiller. Je me redresse et tape du pied assez fort pour que le gars se retourne, étonné de me voir réagir ainsi.
" T'as envie de te prendre le manche de ma guitare dans le cul, enfoiré?!"
Cette simple question, posée sur un ton des plus enflammé, certes, suffis au mec pour prendre ses jambes à son cou. Ahhh, les blanbecs fils à papa ricains... Tout ce qui m'énerve. Je grogne et m'agenouille à nouveau devant l'étui pour continuer mes comptes. Je redeviens rapidement doux comme un agneau, la colère s'envolant à la vue de la petite cagnotte que je me suis faite. " Ça fait longtemps que t'es ici? D'ailleurs, tu viens d'où? Il y a pas mal de pays où le portugais est la langue la plus utilisée."
Moi? Culotté de le tutoyer ainsi alors qu'il doit avoir dix ans de plus que moi? Peut-être, sans parler de mes questions peut-être trop indiscrètes. Qu'importe. Ce mec additionne tout ce qui me pousse à la curiosité, c'est à dire le fait d'être pas mal foutu, être typé de façon à me rappeler un minimum mon pays... Puis j'aime bien les vieux en ce moment. Enfin, les vieux, dix à tout casser en plus, ce n'est pas être vieux? ... Si? Malgré tout je ne suis pas d'humeur à faire du rentre dedans aujourd'hui, bien que cet homme soit une cible parfaite. Non, je pense que je vais plutôt passer la soirée à jouer de la guitare et chanter dans les rues de la ville à la place de me trouver un bon plan cul. Je fini par ranger ma guitare avec délicatesse dans son étui avant de refermer ce dernière, reportant mon attention sur l'homme.
" Pour une première, c'est pas mal. Vingt dollars pour une chanson... Si à chaque chansons je gagne autant je pense que je vais rapidement pouvoir réparer ce vieux van... "
Je me redresse enfin, passant l’étui en bandoulière dans mon dos avant de m'ébouriffer les cheveux, une légère brise qui annonce une soirée fraîche venant caresser mon visage. Je soupire doucement, un peu de fraîcheur ne fait pas de mal après une journée aussi assommante que celle-ci. Au bout de plusieurs minutes je me décide enfin à tendre ma main à l'homme, lui offrant mon plus beau sourire au passage.
" Alejandro."
Dis-je simplement, attendant qu'il vienne serrer ma main... A moins que ça ne se fasse pas ici... Oh puis tant pis, s'il le faut j'irais la chercher par moi-même sa main, quitte à passer pour un dingo.
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Sujet: Re: He knows I'm gonna stay - Solal Dim 28 Juil 2013 - 22:20
Alejandro & Solal
(he knows i'm gonna stay)
C’était pas une question de rivalité ou de racisme quelconque, du tout. Il n’avait rien contre les espagnols, les mexicains, les argentins, & tout ce gang de pays d’Amérique du Sud qui dansait le flamenco. Ils étaient juste extrêmement rares dans le coin. Et sa journée avait été tellement peuplée par le Brésil, par des références au Brésil, par des interrogations sur le Brésil... bref, non, il n’avait pas songé un instant que cet homme en face de lui puisse quoi que ce soit d’autre que brésilien. A tout autre moment de sa vie, il aurait pu reconnaître que oui, le portugais est une langue bizarre, que oui, il doit y avoir une personne sur vingt dans ce monde capable de le comprendre, alors que oui, la réaction de pure surprise de l’autre homme était normale. Mais là, à ce moment, tout de suite, non, cela ne l’avait pas effleuré. Et la révélation prit la forme d’une phrase en espagnol qui était courte, donc logiquement élémentaire, et à laquelle il ne comprit pas un traitre mot. De l’espagnol, putain. Il jeta un oeil stupéfié à ce type, par dessus ses lunettes de soleil. Bah merde. C’était vraiment une langue bizarre - peut-être parce que, contrairement à la majorité des gens, il était plus habitué à entendre le portugais que l’espagnol. Mais il trouvait que ça manquait de... tout? De courbe, de sensualité, de familiarité. Il voyait un peu ça comme une mauvaise parodie de sa propre langue, avec des mots communs mais aussi des tas de sons qui n’avaient RIEN à voir avec la choucroute. Bref, l’espagnol était un voisin qu’il ne comprenait pas. Mais Solal aimait bien s’entendre avec ses voisins. Alors il eut un grand rire quand l’autre homme apporta enfin la traduction de ce qu’il venait de dire. «Et tu peux pas imaginer combien l’espagnol me trouble. Espagnol d’Espagne, Mexique, Argentine, d’ailleurs?» C’est vrai ça! Ils étaient trop nombreux. Des espagnols, il y en avait fourrés partout, et un peu sur tous les continents. Quoique - il était à peu près certains qu’ils pensaient la même chose de l’ensemble des portugais & affiliés. Cependant, il eut un semblant de réponse à l’interrogation qu’il avait formulé en voyant l’autre homme littéralement péter un plomb sur un passant - qui par ailleurs l’avait bien mérité, au sens où il avait proféré une remarque fort peu élégante. Solal ne put s’empêcher de pousser un nouveau, léger rire. «Est-ce que je tombe dans les clichés si je présume que tu viens directement d’Espagne, à ce que tu viens de faire?» Les vrais espagnols - une espèce à part entière, notamment reconnaissable à leur langage fleuri et leur délicatesse à toute épreuve. Ironie. Oui. Mais les clichés ne collaient pas toujours, il était bien placé pour le savoir - il n’avait pas tout du brésilien type, comme l’avait prouvé sa mésaventure téléphonique avec sa jeune soeur quelques heures plus tôt. Et pourtant, c’est avec un sourire flamboyant aux lèvres qu’il annonça - «Je suis né ici. Mes grands-parents sont brésiliens, par contre. Ce qui fait de nous des rivaux héréditaires, oui.» Parce que si ses grands-parents étaient brésiliens, par extension, il l’était aussi. Par habitude. Par culture, surtout. Parce qu’il avait grandi avec le souvenir de ces origines, toujours présent, parfois un peu envahissant - et pas seulement parce qu’il avait appris à parler couramment portugais. C’était étrange, comme rencontre. Incongru. Ca n’avait vraiment pas lieu d’être. D’abord, parce que Solal était loin d’être quelqu’un de sociable par nature et que les personnes qui venaient spontanément à sa rencontre ne courraient pas les rues. Ensuite, parce qu’ils n’étaient apparemment pas du tout le même genre de personne. Pas seulement parce que leurs lointains ancêtres aimaient bien se la jouer frères ennemis, ou qu’ils avaient quoi? dix ans d’écart? mais aussi parce que apparemment ce type vivait dans un van et chantait dans la rue pour encaisser un peu d’argent - on était à mille lieux du responsable professeur des écoles, fiancé, qu’était Solal Moran. Mais l’un des traits principaux du caractère de ce dernier était que, pour peu qu’on vienne le chercher, il se laisse entraîner facilement. Alors il ne se fit pas prier pour serrer la main qu’on lui tendait, et il décrocha à nouveau un sourire. «Solal», répondit-il après avoir enregistré que l’autre homme s’appelait Alejandro - l’espagnol type, oui, a priori. Alors que du côté de «Solal», on avait vu nettement plus brésilien. Tant pis. Malgré ça, a priori, il portait ses origines inscrites sur son visage. Il ne se laissa pas longtemps aller à ces pensées - bien vite, il reprit, avec toute ces curiosité sincère qu’il n’avait rien à envier à ses tout jeunes élèves: «Nouveau en ville? C’est pas souvent qu’on voit jouer de la musique dans les rues de HB. Tu vis sérieusement dans un van? Roadtripeur?» Il ne portait pas une once de jugement - d’ailleurs, il n’en portait quasiment jamais. Son meilleur ami, James, n’avait rien à envier à cet homme dans le genre bohème & vas y que je disparais pendant quelques temps sur les routes - même s’il l’imaginait difficilement pousser la chansonnette pour survivre. Dans l’ensemble, Solal était quelqu’un d’extrêmement pur. Presque naïf. Au point d’engager une telle discussion avec un illustre inconnu sans se méfier une seconde.
Je souris à sa question sur mes origines. Je me souviens que pendant longtemps en étant gamin je m'amusais à dire que ma famille était d'Argentine. Pourquoi? "Parce que je suis aussi fort que le Che!" était l'excuse imparable que j'avais à l'école pour qu'on me laisse tranquille. Mes références? Oui, déjà peu subtiles à l'époque, je l'accorde. Je m'apprête à répondre à la question que m'a posé mon interlocuteur quand un connard s'amuse à m'insulter. Mon sang ne fait qu'un tour. Je vois rouge. Tape du pied Aljandr et gueule comme un putois, ça fait toujours effet. Le mec s'en va, je soupire et me remet dans mes comptes, oubliant la question qu'on m'avait posé avant d'être sorti de mes pensées par le rire de l'homme. " Oui, je suis espagnol. Je suis né à Barcelone, ça fait de moi un Catalan... Y a pas plus sanguins que nous. C'est pas un cliché ça mon vieux, c'est juste bien connaître les espagnols."
Un immense sourire se dessine sur mes lèvres tendis que je ferme l'étui de ma guitare. A lui de répondre à ma question et sa réponse me surprend. Alors comme ça il est né ici. Wow, c'est pour ça qu'il n'a pas d'accent peut-être... Quelle chance. Il ne roule pas ses "r" comme un connard au moins, pas comme moi. Son histoire de rivalité me fait éclater de rire. Oh mon Dieu. Il pense encore à ces vieilles histoires à la con qui opposent les espagnols aux portugais... Et à tout ce qui parlait portugais. Je me souviens encore de mon grand-père qui se disputais avec un voisin à lui, un portugais. Ils passaient des journées entières à s'engueuler avant de s'inviter à boire un verre le soir. Les meilleurs amis-ennemis au monde ces deux là. " Les portugais nous appelaient "les voleurs de poulet" et si je le sais c'est à cause du voisin à mon grand-père qui appelaient mon père et mes oncles "les futurs voleurs de poulets". Mais aujourd'hui ça c'est perdu et il n'y a plus de rivalité... Ce qui fait de nous des personnes avec un lourd passé génétique. On va dire ça comme ça!"
Je me décide à lui tendre la main, me présentent enfin après avoir parler de nos fantastiques gènes de poilus qui se sont disputés pendant de longues années pour un oui ou pour un non. Il me serre enfin la main. Solal. Solal... Ca me renvois directement à mon passé. Flash back éclair. Je pense à cet idiot qui a partagé parisienne pendant quelques temps. Je revois encore Ange me tendre ce putain de bouquin en affirmant que "Le mec de ce livre est captivant". Il m'avait alors offert le livre "Solal" écrit par Albert Cohen. Ce flash back étant terminé je me rend compte que je tiens encore la main de ce mec dans la mienne. Je la lâche précipitamment, maudissant mon passé intérieurement.
" Solal...Sympa comme prénom."
Dis-je simplement en souriant, ayant envie d'oublier rapidement ce fichu bouquin. La question que Solal me pose me fait sourire. Je ne m'imaginais pas il y a de ça une dizaine de mois que je serais un espèce de nomade du futur, à traverser le pays dans un van en compagnie d'un groupe d'hommes et de femmes plus différents les uns que les autres, mais tous à la recherche de la même chose sans doute. A la recherche du bonheur.
" Ouais je suis ici depuis quelques semaines avec le petit peuple du van. Oui, je vis vraiment dans un van. Mes potes et moi on traverses le pays dans le vieux tas de boulons qui appartenait à mon père, mais on est tombé en panne. Du coup je met mes dons de musicien au service des passants qui ont l'air d'apprécier les troubadours de mon genre. Si j'avais l'argent je ferais bien une petite exposition de mes peintures et photographies histoire d'en vendre quelques unes ... Si j'avais l'argent pour louer la salle d'expo'. "
Je glisse une main dans ma poche, en sortant un paquet de cigarette... Désespérément vide. Je grogne et le serre entre mon poing avant de lever les yeux vers Solal, forcent un sourire pour cacher mon désespoir.
" Et toi tu as tout l'air d'un businessman... Ou quelque chose du genre... T'es un intellectuel, non? "
Un sourire se dessine sur mes lèvres en m'approchant un peu de Solal. Me voilà obligé de lever un peu la tête vers lui pour pouvoir le regarder. Bordel, j'avais pas remarqué qu'il faisait bien une tête de plus que moi. Un léger grognement s'échappe de mes lèvres, le seul complexe de ma vie s’empare à nouveau de moi. Si seulement j'avais eu la chance de mes frères, moi aussi je ferai près d'un bon mètre quatre-vingt-dix... Et pas mon petit mètre soixante-dix neuf digne d'un ado. J'essaie malgré tout de reprendre mon assurance, bien que déstabilisée par cette différence de taille qui commence déjà à m'énerver. " Tu es donc né ici... Ca te branches de me montrer un peu les quartier et les petits coins sympas de la ville où j'aurais le plus de chance de me faire des sous en jouant de la guitare? A moins que tu n'aies pas le temps, ce que je comprendrais bien sur."
Et hop, un nouveau sourire. Tout passe avec le sourire...Normalement!
La différence entre bien connaître les espagnols et souligner les clichés? Il eut un rire. Ca lui rappelait étrangement sa curieuse journée, et tous les clichés sur les brésiliens qu’il avait bien pu se remémorer à partir de là. Alors il pouvait mettre ses sourcils sur le compte du «bien connaître tous les pays liés au Portugal»? Peut-être. Après tout, il n’avait aucun complexe par rapport à eux, c’était peut-être l’appel irrépressible des ancêtres. Pendant une seconde, il ne put s’empêcher de se demander s’il ne pourrait pas se découvrir un extraordinaire déhanché digne de Rio s’il se donnait la peine de sortir un peu plus dans les bars. Quoique... il n’était pas aussi sûr que cela de vouloir se découvrir une véritable caricature du pays d’origine de sa famille. Il secoua brièvement la tête, d’amusement, en entendant la remarque de l’autre homme à propos des voleurs de poulets. Totalement le genre de chose qu’il aurait pu dire quand il était encore tout môme, qu’il avait découvert son histoire familiale, et qu’il s’était pendant un temps targué outrageusement de son propre patrimoine génétique. Malgré des éléments évidents qui limitaient leur influence directe sur sa vie. Absence d’accent. Et son prénom, également, très peu brésilien en soi. Solal... «Littéraire, le prénom. Mais je le vis plutôt bien.», répondit-il à la remarque comme quoi celui-ci était «sympa». Il considérait généralement qu’il s’en était plutôt bien sorti. C’était à la fois curieusement original et passe-partout - associé à aucune culture en particulier. Pas comme son propre deuxième prénom, ce «Rafael» qui n’aurait certainement pas manqué de le rattacher à toutes les cultures hispaniques. Ou le «Rose» de sa soeur, qui gardait un côté très grande époque, robes et flanelles et dragées au sucre. «Moins connoté que le tien en tous cas», finit-il par ajouter après ces pensées & un léger rire. «Cela dit ça a un côté globe-trotter qui en jette. Ca et l’accent. Le mien est totalement absent quand je parle anglais. C’est dommage. Pratique pour pas passer pour un danseur de samba égaré, mais un peu dommage aussi». Il haussa les épaules. Ouais, c’était contradictoire. Mais parfois, il trouvait ça un peu dommage de ne pas être un peu plus proche de ses racines. C’était en partie pour cela qu’il avait appris à parler portugais couramment - et non pas seulement à le baragouiner comme il le faisait parfois, enfant, à la maison. Et puis il perdait tout le côté «immigré/voyageur de choc». Chose que, a priori, Alejandro était totalement! Il le regardait, médusé, alors qu’il donnait plus de détail sur les conditions de son arrivée à Huntington Beach & sa vie actuelle. Grâce à son flegme naturel, il pouvait se targuer de n’être que très rarement impressionné - et donc, encore moins d’en avoir l’air. Pourtant, c’était le cas à cet instant. Probablement la toute petite part de son être qui était parfois prise de l’envie de prendre la route, de quitter son quotidien, de quitter cette ville qu’il avait toujours connu pour prendre de nouvelle chose - elle n’était que minime, mais elle existait bien. Là. Quelque part. Bien cachée derrière la part dominante, celle du Solal rangé, attaché à ses habitudes, qui aimait sa vie tranquille. Mais à cet instant, il ne put s’empêcher de laisser s’échapper un «Wow.» - puis d’ajouter en riant encore: «Je suis désolé, je vais pas pouvoir te donner plus de fric pour ça pour ton expo. Même si je serais curieux de voir ça à vrai dire.» Quoi? Il l’était vraiment! Ce mec avait véritablement un truc unique. Original. Même si a priori il se faisait beaucoup d’idée sur Solal. «Un... oula non, je suis pas du tout un businessman. Ca explique peut-être pourquoi je peux pas financer l’expo? Plus ou moins un intellectuel. Je suis professeur des écoles.» Et même qu’il avait ce sourire ridicule, de l’homme qui est exagérément fier d’exercer le «plus beau métier du monde», soi-disant, après «maman» et «acteur». Quoi? Il aimait vraiment son job. Il ne gagnait pas forcément des fortunes, mais il se sentait utile et mine de rien il était très attaché à cette bande de morveux - même s’ils lui en faisaient parfois voir de toutes les couleurs. «Alors je connais tout les gamins du coin, et leurs parents. Donc ouais, je suis brésilien, mais je suis aussi le plus pur et dur habitant de Huntington Beach.» Vrai: il ne pouvait pas aller acheter une baguette de pain sans qu’on le salue cinq ou six fois - un peu comme la Belle au début de la Belle et la Bête... image stupide. «Je peux te faire visiter. C’est pas un soucis. Pas trop longtemps par contre. Ma fiancée finit le boulot dans... (il vérifia sa montre) une heure? C’est le temps qu’il faut pour faire un tour rapide des endroits intéressants du centre ville. A toi de voir.» Et puis, il ne refusait jamais rien à qui le demandait poliment. C’était le côté de lui qui avait été extrêmement bien élevé. Et puis ce type était plus ou moins l’un de ses très lointains cousins hispaniques. Diantre.
" Dommage n'est même pas le bon mot. Avec un bon petit accent on arrive à faire pas mal de choses comme trouver un travail dans un restaurant espagnol, se faire offrir une portion de paella... Emballer des mecs qui ont besoin d'un peu de piments dans leur vie de couple maussade avec leur petite copine écervelée. Il faut que tu cultives ton accent, c'est important! "
Je ricane doucement en levant les yeux vers Solal, lui accordant un magnifique sourire de Don Juan et ce bien malgré moi. Le regard que Solal me lance me fais doucement sourire. Apparemment ce n'est pas tous les jours qu'un petit latino se la joue globe-trotteur échoué dans une ville de Californie, son petit "wow" en atteste.
" Wow wow wow mec, je ne t'ai jamais demandé plus d'argent, ne te fais pas de soucis pour ça. Pour ce qui est de mes peintures et mes photographies c'est avec plaisir que je te les présenterais. T'auras cas passer au van un de ces quatre, tu seras le bienvenue. "
Un nouveau sourire se dessine sur mes lèvres alors que Solal m'explique qu'il est professeur. Tiens, ça lui va drôlement bien ce job aussi, bien que je l'imaginais bien mallette à la main en train de courir après le métro de bon matin, la cravate tâchée par le café qu'il se serait renversé dessus en courant dans la station de métro. Ahhhh, quelle belle imagination pleine de clichée. C'est fou ce que ce mec a l'air heureux de faire ce job. Devoir se coltiner des gamins à longueur de journée... Un véritable cauchemars pour certains, apparemment le paradis pour lui. Il ajoute connaitre tous les gamins et les parent du coin, Solal est fier d'être de cette ville et ça ne me fais que plus sourire. Qu'il est agréable de voir quelqu'un aussi fier et heureux de ce qu'il fait dans la vie. Parfois j'aimerais être un mec dans le genre de Solal. Avoir un job sympa, une routine sympa elle aussi et surtout quelqu'un qui m'attend à la maison. Quoi? Je prends mes rêves pour des réalités? C'est pas faux, mais je n'arrêterais surement pas de rêver de si tôt, ne voulant pas rendre réel le "tu n'as pas d'avenir" que ma mère se tue encore à me dire quand je l'ai au téléphone. " C'est une chance d'être aussi heureux dans sa vie professionnelle. Prend soin de ta situation, elle est précieuse. "
Lui dis-je d'une voix douce qui m'est assez rare. Il est tout aussi rare de m'entendre parler avec autant de sagesse, mais quand quelquechose me tiens à coeur je ne peux m'empêche de le garder pour moi. Toute sagesse s'envole quand Solal me dit être assez précé à cause de sa fiancé. Ohhhhh, monsieur a une fiancé. Que c'est mignon. Un rire s'échappe de de mes lèvres. Pffff... Une fiancée. Pauvre homme. Etre tenu par les bijoux de famille par une bonne femme, c'est bien ce qu'il a de pire au monde à mes yeux et je sais de quoi je parle.
" Oui, ne faisons pas tarder ta douce... "
Soufflais-je avant de lui faire un petit clin d’œil, me rapportant ainsi indirectement aux hommes en couples dont je parlais un peu plus tôt. Je donne une petite tape amicale dans le dos de Solal avant de me mettre à le suivre sagement, regardant les bâtiments et les passants défiler.
" J'avais une autre idée de la Californie. Nous, pauvres petit européens, voyons cet état comme un lieu de fête, le berceau de la joie de vivre et pour le peu que je vois c'est tout autre chose. Les gens me regardaient avec drôle d'air quand j'ai commencé à jouer de la guitare. Peut-être que je n'ai pas choisi le bon endroit, la bonne heure, je ne sais pas. En tout cas pour l'instant je ne suis pas déçu par ce que je vois, mais surpris."
Les mots sortent naturellement, j'ai sans doute besoin d'une oreille pour écouter ce que j'ai à dire sur cette ville. Je sors alors une cigarette de ma poche, la portant à mes lèvres avant de l'allumer.
" Mais après une visite guidée avec un homme aussi agréable que toi devrait m'aider à changer d'avis, monsieur le professeur."