Agitant mes pieds, je gesticulais sur mon siège, les mains moites et la nuque tendue. Fixant les affiches sur les murs de la salle d'attente, je ne pouvais m'empêcher de me sentir nerveuse. Qu'est-ce que je foutais ici de toute manière?! Qu'est-ce que j'attendais pour me lever et me tirer rapidos?! J'étais complètement perdue, c'est vrai, mais quand même pas au point de faire ce que je m'apprêtais pourtant à faire. J'avais besoin de me ressaisir, de prendre un bon bol d'air frais ou de me mettre un peu d'eau sur le visage histoire de me calmer. Mais avant tout, il fallait que je bouge mes fesses de ma chaise, que je me lève et que je prenne la direction de la sortie. Je restais encore quelques secondes à fixer le mur, à fixer les gens assis près de moi aussi, je me demandais ce qu'il se passait dans leur tête à eux. Je me demandais s'ils pouvaient lire la panique dans mon regard, se doutaient-ils que j'étais sur le point de tout abandonner et de faire demi tour. Cette idée en avait été une mauvaise dès le départ et au fond je le savais, de toute façon je n'aurais jamais pu faire ça, même en étant au bout du rouleau. Je n'étais pas assez courageuse pour m'y résoudre, et puis je n'en avais pas envie non plus. C'était aussi simple que ça. Prise d'une énième bouffée de chaleur, j'étouffais dans cette salle d'attente qui me paraissait de plus en plus minuscule, je me saisissais brusquement de mon sac posé à mes pieds et partis rapidement sans dire un mot. J'avais tout juste eu le temps d'apercevoir la secrétaire lever le bout de son nez de son bureau, des filles comme moi elle devait en voir défiler des dizaines par jour non? Peu importe, je ne pouvais pas rester et je n'avais de compte à rendre à personne. C'était même tout l'inverse, c'était le genre d'histoire à vous amenez encore plus de soucis que vous n'en aviez déjà et pour moi ce n'était pas vraiment le moment d'en rajouter! La coupe était bien pleine à l'heure qu'il est, une merde de plus et j'allais vraiment péter un plomb. Voilà que je courrais presque dans les couloirs de l'hôpital, il fallait que je rejoigne le hall d'entrée le plus vite possible. De l'air, rien que de l'air. Lorsque je sentis le vent glisser sur ma peau je pris une profonde inspiration en portant ma main sur mon ventre, j'avais vraiment eu la sensation de manquer de m'étouffer à l'instant même, pourtant rien ne m'empêchait de respirer normalement hormis mon niveau de stress qui était sans doute à son apogée. La tête inclinée vers le bas, je fixais à présent mes pieds tout en respirant fort, j'avais une sale envie de pleurer, encore, mais j'étais trop fatiguée pour ça pour l'instant. En fait, j'aurais surtout voulu quelqu'un avec moi pour me tenir la main ou me serrer dans ses bras, mais j'étais seule et je ne savais pas qui appeler parce que dernièrement c'était comme ça que tout se déroulait. J'avais éloigné pas mal de monde de ma vie, plus ou moins volontairement, je ne pouvais donc m'en prendre qu'à moi-même si la solitude commençait à me ronger. En fait la seule et unique personne que je pouvais imaginer à mes côtés à cet instant précis était aussi la personne qui devait le plus me haïr sur cette Terre. Je relevais la tête en repoussant mes cheveux en arrière avec mes mains. Le teint pâle, un air malade sur le visage, j'avais beau m'être maquillée ce matin, je ne devais pas être terrible à voir. Il fallait que je retourne à l'intérieur pour passer aux toilettes, j'en profiterais peut-être pour aller jeter un oeil à la cafétéria. Peut-être aurais-je le plaisir de croiser Emma, ou Lissa, ou même Marissa, puisque soyons clair, c'était elle que je voulais auprès de moi, mais il n'était pas certain qu'elle tienne à me voir. Pourquoi aurait-elle envie de m'aider alors que moi je n'avais pas su la soutenir lorsqu'elle s'était présentée à ma porte en pleine détresse après avoir quitté son mari? Je n'avais pas été la meilleure des soeurs dernièrement, j'avais même fait pire qu'Emma je crois et pour Marissa j'étais tout simplement une traitresse bonne à jeter en pâture aux lions ou à quiconque aurait plaisir à m'étriper avant dans me réduire en miettes. Je comprenais tout à fait cela, mais ça ne changeait rien au fait que c'était à mon tour d'avoir besoin d'elle et une part de moi pensait qu'il y avait peut-être une minuscule petite chance pour qu'elle me prenne dans ses bras si jamais j'arrivais à lui expliquer la situation. Je rêvais, mais j'aurais quand même tout donné pour parler à ma soeur. Rien que d'y songer, j'en avais mal au ventre. Je fis volte face, croisant des médecins et des infirmières sortis pour fumer, aucun d'eux ne faisait parti de mes connaissances, je me précipitais à nouveau à l'intérieur pour rejoindre les wc pour dames.

En voyant mon reflet dans le miroir, je me pinçais la lèvre. En fait, même si j'étais palôte, j'avais plutôt bonne allure en comparaison à ces dernières semaines. Il faut bien dire que j'avais commencé à me reprendre en mains et j'avais mis le laisser-aller de côté. Ma manucure était impeccable, mes cheveux soyeux et doux, mon sourire brillant, ma tenue sophistiquée et mon maquillage parfait. J'aurais presque pu paraitre comme mon ancienne moi. M'approchant des lavabos, je fis couler de l'eau sur mes mains pendant quelques secondes. Je n'allais pas m'asperger avec puisque je ne portais aucun produit waterproof, mais je continuais surtout de me fixer dans le miroir. J'étais comme hypnotisée par mon regard, il était différent de d'habitude. Et alors que j'avais la pose d'une fille en pleine séance de narcissisme profond, quelqu'un entra dans la pièce et me fis cesser de me laver (plus ou moins) les mains. Reprenant mes esprits, je passais par le sèche-mains avant de sortir dans la précipitation. Une idée m'était venue entre temps, il fallait absolument que je trouve Emma. Errant pendant un moment dans les couloirs j'espérais un message de sa part, je venais de lui envoyer un sms pour qu'elle me rejoigne dans le hall, mais si par malheur ma soeur était occupée avec un patient, c'était fichu. En sentant mon portable vibrer entre mes doigts, je compris rapidement que c'était mon jour de chance. "J'arrive" était tout ce qu'elle avait répondu. Trois minutes et quarante cinq secondes plus tard je pu l'apercevoir dans le couloir face à moi. Je lui couru pratiquement dessus sans attendre qu'elle arrive à ma hauteur. "Emma! J'ai besoin de ton portable, c'est urgent!" Prise de court, je lui arrachais son téléphone des mains pour taper un texto et l'envoyer à notre autre soeur. Mon aînée qui se tenait encore à côté de moi ne devait rien comprendre à ce que j'étais en train de faire, d'ailleurs j'aurais quand même pu prendre la peine de la saluer plus chaleureusement, mais j'étais tellement dans l'optique de contacter Marissa que je n'arrivais pas à penser à autre chose. Les circonstances étaient telles que je n'étais pas réellement moi-même, et ça je crois qu'Emma pouvait le comprendre. En lui rendant son téléphone, j'essayais quand même de lui sourire, et puis je déposais un bisou sur sa joue. "Merci. " Sans prévenir, j'enroulais mes bras autour de son cou pour lui faire un rapide câlin. J'étais tellement heureuse de l'avoir là pour moi, j'aurais voulu que ce soit suffisant, j'aurais voulu pouvoir me contenter d'Emma mais la vérité c'est que malgré la promesse que je lui avais faite de ne jamais plus l'exclure de ma relation pourtant très exclusive avec Marissa, je ne pouvais pas expliquer mon lien avec notre autre soeur. J'avais besoin de voir et de parler à Marissa maintenant, et personne, pas même Emma, ne pouvait combler le vide que son absence dans ma vie laissait dans la mienne. Relâchant mon étreinte, je haussais simplement les épaules. "Je crois qu'il est temps pour moi d'aller m'excuser. L'idiote que je suis aurait déjà dû le faire il y a longtemps." Mon coeur battait à cent à l'heure. Je venais de proposer à Marissa de me rejoindre pour une petite balade sur la plage après le boulot. Le truc c'est que je lui avais demandé cela en prétendant être Emma, il fallait bien ça pour l'attirer jusqu'à moi. Le portable de ma soeur se mit à bipper, Marissa était d'accord, elle disait même que ça lui ferait du bien. J'eu un frisson en lisant ces quelques mots parce qu'en réalité c'était la première fois qu'elle m'adressait la parole depuis notre violente dispute, même si elle ne s'en doutait pas, ça me faisait de l'effet. Elle allait me tuer lorsqu'elle se rendrait compte du piège que je venais de lui tendre, mais au fond je voulais juste qu'on se retrouve pour s'expliquer, j'avais des choses à lui dire et elle en aurait sans doute à m'en dire aussi… ou peut-être pas. Je me devais au moins de lui présenter mes excuses, j'avais agis très égoïstement et maintenant je devais arrêter mon petit manège, j'avais trop besoin d'elle pour continuer de prétendre le contraire."Je te raconterai tout, promis. Encore merci Emma." Embrassant à nouveau ma soeur, je la laissais repartir et de mon côté j'avais encore quelques heures à tuer avant le moment fatidique.

Après être repassée chez moi pour nourrir Sparrow, j'avais bouquiné sans vraiment être concentrée. J'avais bien dû passer deux heures sur seulement une vingtaine de pages. Ridicule! Je ne cessais de m'imaginer ce qui allait se passer avec Marissa, l'appréhension était bel et bien là et j'étais tout bonnement incapable de rester en place. Pour faire passer le temps un peu plus vite, j'avais astiqué l'appart' de fond en comble, quitte même à passer l'aspirateur deux fois dans chaque pièce. Vers dix neuf heures, j'attrapais finalement mes clés de voiture. Dix minutes plus tard je me tenais face à l'océan, les pieds couverts de sable, les cheveux au vent, j'avais une boule au ventre. Me retournant quelques fois pour vérifier que ma soeur ne se tenait pas derrière moi, l'attente me sembla durer une éternité. Finalement, j'aperçu sa voiture sur le parking de la plage qui était plus ou moins déserte, pour un beau soir comme celui-ci, il n'y avait pas foule en tous cas. Me cachant un peu derrière un couple de jeune, je l'observais descendre de son véhicule et arriver sur la plage en elle-même. Lorsqu'elle avança de quelques pas encore, et que je la vis se saisir de son téléphone sans doute pour prévenir Emma de son arrivée, je me décidais finalement à me montrer. Elle me tournait le dos… Plus stressée que jamais de parler à ma soeur, je m'approchais d'elle sans faire de bruit. Je pris une profonde, très très profonde inspiration avant de prononcer son prénom. "Marissa…"Elle fit volte face et je crus mourir à cet instant. Je m'attendais à être foudroyée ou quelque chose du genre, vraiment, je m'attendais à me prendre une gifle ou à ce qu'elle se jette sur moi pour m'étouffer avec du sable, mais en fait j'avais surtout envie de pleurer. Certes nous n'étions pas réconciliées, nous n'avions même pas encore commencé à parler et d'ailleurs rien ne me garantissait qu'elle allait accepter de rester pour écouter ce que j'avais à dire, mais le simple fait de la voir, de presque pouvoir la sentir même, j'étais comme soulagée. Elle me manquait tellement, je n'avais pas de mot pour expliquer à quel point j'avais besoin d'elle et à quel point je m'en voulais pour tout ce que j'avais pu faire et dire. Je ne savais pas si tout ceci avait encore de l'importance pour elle, je l'espérais de tout mon coeur, Marissa et Leah c'est pour la vie non? Même si j'avais commis l'impardonnable, même si j'avais été minable, je voulais croire qu'une part d'elle continuait de m'aimer. Quelque part j'espérais surtout que son instinct de grande soeur reprendrait le dessus sur tout le reste, qu'au nom de la famille elle saurait trouver en elle la force d'écouter et d'accepter ma demande de pardon. "Je t'en prie, ne pars pas avant que l'on ne se soit parlé!" Je m'empressais de la supplier de rester et si j'avais pu je me serais même jetée à ses pieds pour qu'elle ne fasse pas un seul pas en direction de sa voiture. "Désolée d'avoir utilisé Emma pour te faire venir ici … Mais il fallait que je te parle…." J'essayais de rester brave, je ne voulais pas pleurer même si ce n'était pas l'envie qui manquait, je ne pouvais pas lui faire ça, et puis je voulais qu'elle m'écoute, si je laissais mes émotions prendre le dessus elle allait être encore plus exaspérée et j'allais foutre en l'air toutes mes chances de vraiment lui parler à coeur ouvert. "Je t'en supplie Marissa, ça ne prendra pas longtemps et ensuite libre à toi de partir ou de faire ce que tu veux." Pour la première fois depuis longtemps je plongeais mon regard dans le sien.

Qu'est-ce qui était le plus difficile, son mouvement de recul en me voyant ou l'incroyable froideur qui se dégageait d'elle à mon égard? L'un et l'autre était insupportable pour moi. C'est comme si elle installait une barrière entre nous, ou plutôt un épais mur de glace… Evidement que cela me faisait mal, c'était comme se prendre un pieux en plein coeur, mais je l'avais tout de même bien mérité. Elle avait tous les droits d'être en colère, de me haïr et de ne pas vouloir m'écouter… Moi aussi j'avais cru un moment avoir le droit d'être fâchée et puis j'ai réalisé qu'en réalité je n'avais fait que récolter ce que j'avais semer, par conséquent, je n'avais pas le droit d'en vouloir à Marissa, même si elle avait eu des mots affreusement blessants à mon égard, même si elle m'avait fait souffrir comme rarement j'avais souffert parce qu'au final, je restais celle qui lui avait fait le plus de tord. Non seulement j'avais couché avec Ethan, mais en plus je ne l'avais pas soutenu dans sa séparation avec Eden et pour une soeur c'est un geste impardonnable. Elle a toujours été celle que je faisais passer avant tout, avant moi-même aussi et c'est plutôt un exploit quand on me connait, mais pour une raison X ce soir-là j'avais pris la défense d'un autre, je m'étais placée dans le camps adverse et ce n'était plus à ses côtés que je me tenais mais plutôt face à elle dans un affront incroyable. Si on m'avait un jour dit que Marissa et moi aurions une telle dispute je n'en aurais pas cru un mot. D'ailleurs, il y a quelques années de cela, si on m'avait dit que je choisirais Eden face à Marissa j'aurais trouvé cela ridicule et impensable. Lorsqu'il est arrivé dans la famille je le haïssais mais voilà qu'à présent il était comme le frère que je n'avais jamais eu et j'avais choisi de prendre parti pour lui plutôt que suivre Marissa, comme je le faisais toujours pourtant. Quand on se sent trahi il est plutôt légitime de s'emporter et de laisser les mots dépasser notre véritable pensée, c'est ce que je me répétais pour me rassurer. J'avais déjà rejoué la scène de notre dispute des centaines de fois dans ma tête, c'était une véritable torture. En y repensant, je n'arrivais pas à me reconnaitre, c'est comme si j'avais été une personne complètement différente sur le moment, ce n'était pas moi… Je n'avais pas pu tourner le dos à Marissa, ni lui faire volontairement du mal, ni utiliser son fils mort pour la blesser, ni être cruelle au point de la faire pleurer. Je m'en voulais à un point inimaginable, mon comportement avait été plutôt ignoble et au final de l'avoir fait souffrir autant, cela s'était retourné contre moi car à présent je ressentais une douleur perçante à la simple prononciation de son prénom. Pourquoi avais-je fait ce que j'avais fait ce soir-là? Pourquoi ne m'étais-je pas contentée de la serrer dans mes bras pour la consoler, lui dire que tout allait bien se passer, qu'Eden saurait s'en remettre et qu'ils pourront continuer à vivre, même l'un sans l'autre. Pourquoi étais-je aujourd'hui capable de trouver les mots justes que j'aurais dû lui souffler à ce moment-là? Je ne cherche pas à me trouver d'excuses, croyez-moi, mais il est vrai que j'ai connu des semaines très sombres après mon agression. Il y a eu une accumulation de tout un tas de choses, des sentiments refoulés, des angoisses terribles, des peurs inavouées, et je n'ai pas supporté. C'était tellement plus simple de repousser Marissa plutôt que d'accepter de la voir souffrir elle aussi alors que moi-même j'étais au plus bas. J'ai été d'un égoïsme sans nom, j'aurais voulu être assez forte pour nous deux mais la vérité c'est que je n'aurais pas pu prendre encore plus sur moi. Mes épaules portaient déjà un poids trop lourd et les histoires compliquées de Marissa étaient la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase.

Marissa n'avait envie ni de m'écouter, ni de me parler, et encore moins de me voir. Elle ne se forçait même pas pour faire semblant, elle était tellement distante, je n'avais pas été habituée à entretenir de telles relations avec elle. C'est dingue comme on peut aimer quelqu'un tellement fort et lui faire autant de mal. Je pouvais maintenant admirer le résultat de mes bêtises, car oui, j'étais la seule et unique responsable de tout ceci. Je ne pouvais même pas blâmer Ethan pour le coup parce que le soir de notre dispute il n'y avait personne d'autre qu'elle et moi et qu'au contraire de moi elle était seulement venu chercher du réconfort là où moi je n'avais cessé de me défouler. Je n'ai jamais été un ange, ce n'est pas un secret, pas même pour Marissa, mais c'était la première fois que j'avais craché mon venin sur elle. La première et la dernière fois aussi, je me l'étais promis et puisqu'elle venait de me dire de parler maintenant pour en finir au plus vite, j'allais le lui promettre à elle aussi. "Je suis désolée." C'était plutôt simplet pour commencer mais je n'allais pas m'arrêter là. "Je sais que je t'ai fait du mal, tout ce que je t'ai dit… et ce que j'ai fait avec Ethan… " J'avalais difficilement en disant cela, surtout je prenais mon temps pour m'exprimer, articulant chaque mot avec précision, je ne voulais pas la brusquer et surtout il était important que j'utilise les bon mots, les bonnes tournures de phrases… Un faux pas et elle partirais comme une fusée, je ne voulais pas l'énerver d'avantage, je voulais l'adoucir, qu'elle fasse tomber le masque de reine des glaces qu'elle avait mis à la seconde où ses yeux s'étaient posés sur moi. "J'ai toujours su qu'il t'aimait et … je crois qu'au fond je me doutais que c'était réciproque et pourtant ça ne m'a pas empêché de faire ce que j'ai fait… " Je ne savais pas s'il fallait que je dise clairement ce que lui et moi avions fait, de toute façon elle le savait aussi bien que moi, mais je ne savais pas si l'entendre à nouveau serait un motif d'énervement ou si ça ne lui ferait ni chaud ni froid. D'un autre côté je craignais que de ne pas dire clairement "j'ai couché avec Ethan" et d'utiliser une expression bizarre du genre "la chose que j'ai faite avec Ethan" finisse pas l'agacer aussi. Je n'essayais absolument pas de minimaliser ce que nous avions fait, surtout pas maintenant, mais j'avais l'impression de marcher sur des oeufs face à Marissa.  "J'ai été égoïste et cruelle envers toi. Il n'y a pas une seconde où je ne me demande pas pourquoi j'ai agis comme ça… J'ai tourné et retourné tout ça dans ma tête tellement de fois Marissa, et je n'arrive pas à me trouver d'excuse valable." Je baissais la tête. "Il n'y en a pas." Prenant une profonde inspiration, je relevais les yeux vers elle. "Il n'y a rien qui t'oblige à accepter mes excuses, mais je te les présente malgré tout." La boule qui s'était logée dans mon ventre remonta jusqu'à ma gorge, je la sentais grossir rendant mon élocution plus difficile. Marquant une pause, je finis par tousser un peu pour faire partir cette désagréable sensation. "La vérité c'est que j'ai fait la plus grosse erreur de ma vie et que je n'ai même pas d'explication à te donner. J'étais mal ce soir-là, en colère contre tout et contre tout le monde et je n'ai pas su voir que tu avais besoin de moi… Ou plutôt, je l'ai vu mais je n'ai pas su répondre à tes attentes. Je ne sais pas pourquoi, ni même comment j'ai trouvé en moi autant de colère pour te blesser à ce point là… J'aimerais avoir quelque chose de plus développé à te dire mais je n'ai pas grand chose d'autre à rajouter." Qu'est-ce que je pouvais lui dire d'autre? Que j'avais simplement eu envie de la voir souffrir et que sur le coup j'avais eu la sensation de prendre du plaisir à faire tout ça. Même si c'était vrai, je n'avais pas d'explication à lui fournir, j'étais moi-même abasourdie face à l'aplomb dont j'avais fait preuve dans cette dispute monumentale et historique pour nous. "Marissa…" Je baissais à nouveau les yeux au sol parce que je savais que si je continuais sur cette voie j'allais finir avec un air de petit chiot et pour le coup je n'étais pas du tout persuadée que cela aurait un quelconque impact et même si cela en avait un ce ne serait sans doute pas celui escompté. "Du fond du coeur… je suis désolée pour tout." En vrai, j'avais envie d'hurler, de lui hurler que je l'aimais plus que de raison parce qu'elle était ma soeur de sang, de coeur et d'âme, et qu'elle me manquait et que ma vie sans elle c'était comme une pizza sans fromage, un hamburger sans viande, un vélo sans guidon, un lit sans matela, un été sans soleil, un film romantique sans happy ending, bref vous avez compris le message, elle laissait un grand vide en moi et dans mon existence. Je haussais finalement les épaules et plutôt que d'hurler, je lui dis calmement : "Tu me manques." Petite pause pour ajouter un côté dramatique au truc.. et puis pour lui laisser assimiler tout ça aussi. "Je sais que je n'ai pas le droit de te dire ça alors que moi-même je n'ai pas su être là pour toi mais .. j'ai besoin de toi Marissa. Tu es et tu as toujours été mon pilier, sans toi c'est comme dire à un aveugle d'avancer sans sa canne, je n'arrêtes pas de me taper dans les meubles et de tomber et je n'ai plus personne pour me relever et tous les jours ça me rappelle à quel point toi et moi on a toujours été proche, à quel point je ne peux pas vivre sans le soutient de ma grande soeur, sans tes conseils, tes remontrances aussi… Quand je m'égards du droit chemin c'est toi qui m'y remet et sans toi à mes côtés je fais n'importe quoi. La preuve… on s'est éloignée un peu et j'ai tout foutu en l'air à la première occasion." Je secouais la tête. "Je sais que je n'ai pas le droit de te demander d'être là pour moi, mais je te le demande quand même parce que j'espère qu'au fond de toi tu trouveras un jour la force de me pardonner et de m'aimer à nouveau. "

Sa rancoeur était palpable, elle me haïssait, je pouvais le lire dans ses yeux. Jamais auparavant je n'avais eu affaire à ce regard, j'avais déjà pu voir la colère dans les yeux de ma soeur, l'agacement aussi, mais c'était la première fois (ou plutôt la seconde si on compte le soir où tout à commencé à déraper entre nous) que je voyais le dégoût. J'avais envie de la secouer, de lui dire qu'elle n'avait pas le droit de ma haïr, pas le droit de ne plus jamais me traiter comme sa soeur, pas le droit de ne pas me pardonner, mais au fond j'aurais eu tord. Elle a tous les droits de ressentir ce qu'elle ressent, et moi je ne peux être qu'impuissante face à tout cela, j'ai moi-même provoqué ses émotions en elle… On récolte ce que l'on sème. En temps normal elle m'aurait dit que j'étais une garce sur le ton de la plaisanterie, et je lui aurais répondu en riant que j'avais eu un très bon professeur, autrement dit, qu'elle m'avait tout appris. Sauf que là, elle ne rigolait pas, elle le pensait vraiment et si d'habitude j'aimais bien prendre ce genre de phrase comme un compliment, aujourd'hui je ressentais surtout un pincement au coeur. Je n'étais pas venue ici dans le but d'avoir une nouvelle dispute avec elle, je n'allais pas prendre la peine de répondre quoi que ce soit, il fallait juste qu'elle accepte de m'écouter et qu'elle comprenne vraiment ce que je voulais lui dire. J'essayais surtout d'être honnête et peut-être que j'étais un peu maladroite en faisait cela mais mes intentions étaient loin d'être mauvaises. Tout le long de mon petit discours, de mes explications si on pouvait utiliser ce mot vraiment, elle n'avait pas rajouter quoi que ce soit d'autre, restant silencieuse, elle avait parfois des petites réactions, elle montrait son agacement, son désaccord, ou sa colère, je ne sais pas trop, mais elle réagissait tout de même, preuve qu'elle écoutait ce que j'avais à dire. C'était déjà ça… Comme à mon habitude je n'avais pas fait court, les minutes me semblèrent si longues alors que j'essayais de reconquérir ma soeur, je l'observais tout en restant concentrée sur les idées que j'avais à lui exposer, ce que j'avais voulu lui dire depuis des jours déjà, ce que je n'avais cessé de me ressasser encore et encore… Quand mon tour de parler prit fin, j'avais la gorge serrée, une boule dans le ventre toujours bien présente, angoissée comme jamais… Certes, lui dire tout cela m'avait quelque part soulagée mais j'appréhendais tellement sa réaction. Qu'allait-elle dire, faire, ou ne pas faire? Que se passait-il dans sa tête à l'instant présent? Qu'est-ce qu'elle pouvait bien ressentir? Plus les interrogations s'accumulaient dans mon esprit, plus j'avais la sensation que ça allait exploser, je voulais des réponses, mais je ne me sentais pas en droit de pouvoir exiger quelque chose. J'aurais voulu la supplier de me soulager, de tirer un trait sur tout ça, de revenir en arrière peut-être… Mais ces solutions, je le savais bien, n'étaient et ne demeureraient que de douces utopies. On ne revient jamais en arrière dans la vie, ce serait beaucoup trop simple de pouvoir remonter le temps et de corriger ses erreurs. La seule chose qu'on peut faire c'est partir de ces dites erreurs et avancer à nouveau dans la vie en prenant garde à ne plus commettre les mêmes bêtises, celle-ci croyez-moi, je ne suis pas prête de la refaire. On avait déjà tellement souffert toutes les deux que je ne pourrais jamais en supporter d'avantage, lui faire du mal encore une fois me briserais à jamais. Quand elle souffre, je souffre aussi et ça me bouffe de savoir que je suis responsable d'une partie de son malêtre. Je m'étais promis de ne pas pleurer mais de son côté elle ne semblait pas capable de se contenir. J'aurais voulu la serrer contre moi, ne plus jamais être la responsable de ses larmes, mais au lieu de cela je restais figée sur place, le coeur lourd, je n'osais rien dire de plus. Mon temps de parole était terminé mais le sien ne faisait que commencer. La première chose qu'elle aborda fut le soir de sa venue chez moi… Je le revois encore avec Faith dans les bras, elle venait de quitter Eden, elle avait besoin de moi, de mon soutient, d'une épaule sur laquelle pleurer, et au lieu de l'aider et de lui assurer que je serais toujours là pour elle, j'ai pris la défense de mon beau-frère. Pourquoi? Je ne sais pas… Sur le coup j'ai ressentis de la colère, voir Marissa claquer la porte de chez elle au nez de l'homme qu'elle avait toujours présenté comme l'homme de sa vie, ça n'avait pas de sens à mes yeux, moi qui était une ratée sentimentalement parlant, je lui en voulais de faire ça, de détruire sa famille mais je n'avais pas compris… Non, je n'avais pas compris que j'étais totalement à côté de la plaque. Pourquoi m'accrocher à ce mariage qui n'était même pas le miens et que j'avais d'ailleurs eu du mal à accepter au départ? Je ne sais pas. Vraiment, je n'en sais rien…. Tout est tellement brouillon dans mon esprit, je n'ai pas de réponses à ces questions et peut-être que je n'en aurais jamais, et très franchement je ne sais pas si ça compte de toute façon. Je laissais Marissa continuer, elle parlait de son fils, du fait qu'elle s'était sentie trahie, enchainant un flot de reproches que j'acceptais sans broncher parce que je savais qu'elle avait raison et que j'avais merdé. Fin de l'histoire. Lorsqu'elle aborda ma nuit avec Ethan, je dû prendre plusieurs longues inspirations, j'avais l'impression de manquer d'air, de suffoquer peut-être… Non, d'agoniser même! Elle me faisait réaliser l'ampleur de la chose, je le savais déjà que ce que j'avais fait était horrible mais l'entendre à nouveau et l'entendre clairement de sa bouche, elle ravivait la culpabilité qui me rongeait déjà. Elle allait me haïr encore plus avec que j'avais à lui dire, comment pouvais-je espérer obtenir son pardon alors que la trahison allait bientôt prendre un tout autre tournant… Si seulement elle savait… Marissa pleurait déjà tellement que je ne voulais plus ouvrir la bouche, je savais que les mots qui allaient en sortir dans les minutes à venir allaient être encore plus durs à entendre pour elle, je sentais que tout était en train de monter en moi, un peu comme une envie de vomir, j'avais la nausée, et ce n'était pas mon petit déjeuner que j'allais recracher mais un secret que j'avais pris soin de garder pour moi depuis plusieurs semaines et qui devenait de plus en plus lourd à porter, un secret que je n'arrivais plus à contenir à l'intérieur… Quelque chose que j'aurais voulu partager avec elle si la situation avait été différente mais pour le coup j'aurais préféré ne jamais avoir à lui dire cela… Secouant la tête légèrement, j'essayais de chasser tout ceci le plus loin possible dans mon esprit, il fallait que ça attende encore un peu. Marissa n'avait pas fini, j'avais perdu le fil de la conversation pendant quelques secondes alors que j'avais senti la panique m'envahir. Mon regard s'illumina presque en l'entendant dire que moi aussi je lui manquais. Pour la première fois depuis qu'elle s'était retournée pour me faire face, j'apercevais une petite lueur d'espoir se profiler à l'horizon. Peut-être que tout n'était pas perdu… "Je n'aurais jamais dû faire et dire tout ça… Marissa, je n'ai jamais voulu utiliser la mort de ton fils contre toi, j'ai vu la douleur que tu as expérimenté après ta grossesse, et cette grossesse d'ailleurs je l'avais vécu avec toi, toute la famille l'a vécu avec toi… Je me voyais déjà avec ce petit trésor et je suis sûre qu'il aurait été fantastique, le meilleur neveux et fils au monde. J'ai pleuré avec toi et je t'ai consolé durant des semaines. Je croyais que c'était suffisant… Et quand j'ai eu mes propres problèmes j'ai commencé à ne plus pouvoir voir autre chose que ce qui m'arrivait à moi, j'aurais voulu être là pour toi mais je n'ai pas pu, je n'ai pas su… J'ai été une soeur déplorable, je le sais mais ce n'était pas moi. Je sais que c'est facile à dire maintenant mais c'est vrai. Cette fille que tu as vu ce soir-là ce n'était pas moi. Ce n'était pas Leah. Après ton départ, je me suis regardée dans le miroir et c'est à peine si je me suis reconnue. J'aurais voulu voir ça avant de commettre l'irréparable avec toi mais malheureusement ça n'a pas été le cas, je me suis rendue compte de mon aveuglement trop tard et maintenant j'en paye le prix. J'ai mérité ce qui m'arrive et tout ce qui m'est arrivé avant…" J'ai toujours eu une existence plutôt paisible quand on y pense, pas vraiment de grands drames dans ma vie, mais le peu qu'il y a eu et surtout récemment, c'est moi qui l'ai provoqué. Cela a commencé avec l'agression, j'aurais dû voir que les commentaires de menaces n'étaient pas anodins, j'aurais dû les signaler, prévenir la police ou mes proches, je n'aurais jamais dû les prendre à la légère… Mon aventure d'un soir avec Ethan, là aussi c'est moi qui avait cherché à le séduire, et la nuit où Marissa est venue chez moi, j'ai tout fait pour la faire fuir. Je ne pouvais pas blâmer qui que ce soit d'autre à part moi-même. Secouant la tête, je repris en prenant garde à bien respirer, je ne pouvais pas me laisser submerger à nouveau par mes émotions… "Ne me pardonnes pas tout de suite… Tu ne pourras pas… " Un Mississippi. "Je ne te demande pas de me pardonner en un claquement de doigts…. Je t'ai trahi et je ne mérite pas que tu me rendes les choses faciles." Deux Mississippi. "Je ne peux pas effacer ce que j'ai fait mais je peux essayer de regagner ta confiance… Je sais que ce ne sera pas simple, tu as tous les droits de m'en faire baver. Mais je t'en supplie, laisse-moi une chance de me racheter." Trois Mississippi. "J'ai dit que j'allais être honnête avec toi… Jusque là je l'ai été… Il y a autre chose que tu dois savoir avant de prendre ta décision… Une chose qui va peser dans la balance… " Quatre Mississippi. "Tu vas me haïr." Cinq Mississippi. "Je ne sais pas comment te le dire Marissa… Je…" Incapable de compter un autre Mississippi, la seule chose qui parvenait pourtant à me garder concentrée et calme, cette fois ça ne marchait pas. Le problème était trop gros, je ne pouvais pas lui cacher d'avantage… Et je ne pouvais pas non plus espérer qu'elle me pardonne avant de lui avoir dit. Cela n'aurait aucun sens… Ça reviendrait à lui mentir à nouveau et je savais qu'elle ne le supporterait pas."Je…" Merde Leah! Vraiment merde! Regarde dans quel pétrin tu t'es mise idiote! Tu vas la perdre pour toujours cette fois… Elle va te détester pour de vrai et toute once d'espoir va disparaitre. Tu vas la faire pleurer encore, tu vas lui faire du mal. Tais-toi… ne lui dis rien! cette foutue voix dans ma tête qui me torture et me tient à la gorge. J'étouffe. Il faut que ça sorte, que je lui dise… À l'intérieur de moi c'est pire que le feux d'artifice du quatorze juillet, j'ai l'impression de devenir folle, c'est sans doute vraie, je suis tiraillée par tout ces sentiments qui me parcourent et me déchirent. J'ai envie de la retrouver, d'être à nouveau sa petite soeur, celle qu'elle chérie et protège, celle à qui elle se confie, celle sur qui elle compte pour la réconforter en retour… Mais comment puis-je espérer cela d'elle après tout ce que je lui ai déjà fait endurer et avec ce que je m'apprête à ajouter dans l'équation. Je ne peux pas m'empêcher de penser: je t'en supplie Marissa arrête de pleurer, je t'en supplie, ne pleure plus, plus jamais! Excuse moi pour tout ce qui s'est passé et tout ce qui va venir. Excuse moi de te faire souffrir et d'être une soeur indigne. Pardonne-moi. Je t'en supplie. Par pitié. Pardonne-moi. J'aurais dû lui dire ça, lui dire aussi que je l'aime plus que tout… Mais au lieu des supplications, ce sont ces mots-là qui sont sortis de ma bouche: "Je suis enceinte. Ethan est peut-être le père. Pardon." C'était sorti comme un automatisme, d'ailleurs on aurait dit un robot. J'avais envie d'hurler, de me jeter dans le sable et d'en bouffer jusqu'à en crever. Je voulais me mettre à courir et ne plus jamais m'arrêter, fuir jusqu'à ce que tout s'écroule autour de moi, jusqu'à ce que la réalité s'efface, jusqu'à ce j'oublis qu'elle existe et que j'existe aussi, que je lui ai fait du mal et que je lui en fait encore, courir jusqu'à ce que je ne ressente plus rien, que toutes mes émotions soient mortes, qu'il n'y ait plus de larmes à force d'avoir déjà trop pleuré, courir jusqu'à en perdre le souffle, jusqu'à ne plus rien savoir, ne plus connaitre qui que ce soit, ne plus aimer personne, ne plus jamais avoir à lui faire face, ne plus affronter son regard rempli de déception et d'amertume. Vous ne pouvez pas comprendre. Vous ne le pourrez jamais… Elle et moi ça a toujours été fusionnelle, à mes yeux la décevoir c'est bien pire que tout et la perdre à cause de mes erreurs c'est comme la voir mourir. On m'arrache une part de moi, on sépare des âmes soeurs, ça fait mal et il n'y a rien qui pourrait réparer ça en dehors de ses bras autour de moi. Oui, si elle me prenait dans ses bras comme avant, tout s'envolerait, il n'y aurait plus qu'elle et moi et tout irait bien mais je ne pouvais pas compter sur ça. Je n'étais pas en plein cauchemar, je n'allais pas me réveiller dans mon lit d'enfant avec Emma et Marissa pour me réveiller et me calmer, nous n'étions plus des petites filles et ma soeur avait raison, il ne s'agissait plus d'histoire de chaussure ou de jouets de piqués… On parlait de sentiments… J'avais merdé et c'était tout ce qu'il avait à dire. Maintenant j'étais enceinte et ce bébé avait cinquante pour cent de risques d'être celui d'Ethan et cinquante pour cent de chances d'être celui de Noah. Evidement ces probabilités n'allaient sans doute pas la faire me haïr qu'à moitié, j'attendais un enfant alors qu'elle avait perdu le sien il y a quelques mois de cela et qui plus est il était peut-être celui de l'homme qu'elle aime. J'avais beau espérer qu'une part d'elle serait heureuse pour moi, je m'attendais surtout à ce qu'elle me saute à la gorge pour me faire bouffer du sable. "Je suis désolée." finis-je par conclure.

Si j'avais été un chien mes oreilles se seraient redressées sur ma tête en entendant Marissa reprendre la parole. Mais puisque je n'étais pas un gentil toutou (et attention au premier qui ose me dire que je suis une chienne), je me contentais de montrer ma surprise et mon attention en relevant la tête vers ma soeur, les yeux grands ouverts et les sourcils légèrement froncés. Pour la première fois depuis le début de cette conversation j'avais l'impression qu'elle ne me haïssait pas. Elle était prête à remettre la faute sur elle, comme si on allait se battre pour savoir qui était la véritable responsable de tout ce carnage, c'était inutile. Peut-être que ce qu'elle disait n'était pas complètement faux, il y avait sans doute une part de vrai dans le fait que j'aurais aimé qu'elle soit plus présente pour moi, mais étant donné sa propre situation, je ne pouvais pas non plus la blâmer, je savais qu'elle avait ses propres soucis, celle qui avait vraiment bousillé tout c'était moi et moi uniquement. Elle pourrait dire tout ce qu'elle voulait pour me consoler ou me faire me sentir mieux cela ne changerait rien au fait que je m'étais auto-sabotée, que j'avais saboté notre relation aussi. Peut-être bien que tout ceci avait affaire avec mon inconscient, mais malgré tout je ne trouvais pas que cela excusait tout, d'ailleurs Marissa l'admettait volontier elle-même. Et l'entendre dire tout ceci, comme si elle était véritablement sur le point de me pardonner, j'avais envie d'hurler parce que je savais que la suite n'allait pas lui plaire. J'aurais tellement voulu qu'on s'en tienne à cela, que la discussion n'aille pas plus loin, que ni elle, ni moi n'ayons à rajouter quoi que ce soit mais je me devais d'être complètement honnête avec elle. Pour pouvoir à nouveau montrer patte blanche, j'allais d'abord devoir extraire le venin hors de mon système, autrement dit plus de mensonge, surtout pas avec Marissa. Même si j'avais une trouille bleue de lui avouer mon dernier secret, il fallait qu'il sorte. Quand elle déclara que personne ne méritait ce que j'avais vécu, je ne pu m'empêcher de regarder ailleurs pour ne pas croiser son regard. Les mots blessants que nous nous étions balancés à la figure l'autre soir me revenaient en tête, je me demandais quand même comment nous pourrions les oublier… Ni elle, ni moi ne les pensions vraiment, certes, mais le mal était fait et je n'étais même pas sûre que le temps fasse son effet et que le souvenir de cette nuit-là s'efface entièrement. Je craignais que cela reste dans un coin de nos têtes à toutes les deux et qu'à la moindre dispute l'une de nous le ramène sur le tapis. Que se passerait-il si Marissa et moi n'étions jamais capable de redevenir ce que nous étions? Je n'arrivais pas à l'imaginer et pourtant je savais qu'après tout cela rien ne serait plus jamais pareil. J'étais incapable de rajouter quoi que ce soit à ce qu'elle venait de dire, je ne voyais pas quoi lui répondre. Merci m'aurait semblé un peu inapproprié, mais je ne voulais pas non plus la contredire, elle allait de toute façon vite comprendre qu'elle avait tord. Je n'avais pas la force de rentrer dans un débat, surtout pas celui-ci.

Amusant comme on était passé des cris et larmes à une conversation calme. Le calme avant la véritable tempête! J'avais envie de profiter de ces quelques secondes où Marissa pouvait à nouveau tolérer ma présence. J'avais l'impression de la toucher du bout du doigt, de presque la voir me revenir mais évidement je n'allais pas laisser cela arriver avant de lui avoir tout dit. Il valait mieux qu'elle continue de me haïr plutôt qu'elle me pardonne pour me haïr à nouveau. J'essayais à présent de lui expliquer la situation, je sentais que le grand moment allait arriver, l'échéance approchait. Je ne pouvais plus reculer. J'aperçu un timide sourire se glisser sur ses lèvres, c'était comme un coup de poignard en plein coeur, la voir à nouveau sourire en sachant que d'ici quelques instant j'allais provoquer de nouvelles larmes, de nouveaux cris… Et moi dans tout cela? J'arrivais, comme par miracle, à me contenir. Je n'avais pas versé une larme jusqu'à présent et même si ce n'était pas l'envie qui me manquait, j'étais déterminée à continuer sur cette voie. Alors que j'hésitais, son impatience grandissait, évidement, je la faisais languir. Quand finalement les mots furent sortis de ma bouche, j'avais tellement tout imaginé dans ma tête que j'avais vraiment eu la sensation de parler sans vraiment parler. Un peu comme une impression de ne pas être dans mon corps, comme si j'étais spectatrice de toute la scène, c'était étrange, mais sans doute pour me protéger, j'avais ressenti le besoin de me mettre en mode automate. Tout me semblait surréel, encore quelques semaines en arrière je n'aurais jamais pensé lui dire que j'étais enceinte et encore moi que le père de cet enfant était possiblement son meilleur ami, ex-petit ami et nouvel amant, un garçon qu'elle avait aimé des années durant et qu'elle aimait toujours visiblement, un garçon que j'avais d'ailleurs très bien connu dès ma petite enfance. Si ce n'était pas aussi dramatique j'aurais pu en rire.

Sa réaction ne se fit pas attendre, Marissa n'était pas du genre à intérioriser, elle devait exploser et en particulier après une telle annonce. Quelque part il valait mieux qu'elle s'énerve, qu'elle me hurle dessus, qu'elle me… BAM. Elle avait été plus rapide que mes pensées. Pour la seconde fois en quelques jours, ma soeur venait de me gifler. Si on suit le dicton "jamais deux sans trois" j'avais intérêt à être prête à en reprendre une autre d'ici peu. Contrairement à la première qu'elle m'avait mise, celle-ci je l'attendais. Je restais immobile tandis que Marissa, prise d'une rage folle, mais qui n'avait pas encore complètement était exprimée, se dirigeait vers les vagues. Pendant un quart de seconde je me demandais si elle n'allait pas se noyer ou faire un truc désespéré du genre, mais elle se stoppa et je repris mes esprits. Je l'avais senti passer celle-là, on ne peut pas dire que ma soeur y soit allée de main morte, sans mauvais jeu de mot. Comme la dernière fois, ma joue chauffait suite à la violence du choc, mais il n'était toujours pas question de pleurer. Non. Je n'en avais pas le droit! Elle se tourna vers moi pour reprendre la parole et cette fois la colère était belle et bien présente dans le ton de sa voix. Je respirais calmement et je me demandais en même temps comment j'arrivais à rester aussi peu réactive face à sa détresse, à sa colère, à ses mots qui venaient tour à tour me frapper eux aussi. Elle pleurait à chaude larmes, et ce n'est pas avant d'avoir complètement fini de parler qu'elle se laissa tomber au sol. Je restais toujours immobile. Le vent balaya mes cheveux, et je devais me concentrer pour ne pas me laisser submerger. Je la fixais sur le sol, le visage neutre, je ne laissais pas une seule émotions filtrer, pas parce que je ne ressentais rien mais parce que je savais que si je me mettais à pleurer maintenant je serais incapable de m'arrêter et ce n'était pas Marissa qui allait finir noyée dans le Pacifique, mais moi. Mordillant ma lèvre inférieur, je pris une profonde inspiration. Elle continuait de pleurer. Je m'approchais alors de ma soeur, et sans la prévenir je venais l'entourer de mes bras. Accroupie à ses côtés, j'avais passé mes bras dans son dos et refermé mon étreinte juste au dessus de son coeur. Elle pouvait se débattre si elle le voulait mais je ne comptais pas lâcher. Je ne pouvais pas lâcher. Jamais. "Je t'aime. Je t'aime tellement que je pourrais en crever." lui chuchotais-je presque. C'était tellement douloureux de lui dire cela en la regardant souffrir à ce point. "Je ne peux pas faire ça sans toi. Je t'en supplie. Je sais que c'est horrible ce que je te demande mais, j'ai besoin de toi. Cris, pleure, gifle-moi, mais ne me repousse pas." Je n'avais pas tout dit, il fallait que je lui explique clairement qu'Ethan n'était peut-être (sans doute) pas le père de mon enfant, que je lui parle de l'autre homme, et qu'elle sache aussi que je n'ai aucune vue sur son compagnon à elle. Je savais que le pardon allait être difficile à acquérir avec tout cela mais il fallait absolument qu'elle me laisse une chance et cette fois je ne comptais pas la laisser rester des jours et des jours loin de moi, je n'allais pas lui donner le choix. Il fallait que je répare mes erreurs. "Puisque c'est moi qui t'aie brisé, je t'en prie…" Je serrais un peu plus fort, l'empêchant de se débattre, mon visage si près du sien… "Laisse moi t'aider à te relever." Et je relâchais tout. Me relevant doucement, je lui laissais le temps d'assimiler quelques instants avant de lui tendre la main. Elle avait le choix de la prendre ou de ne pas la prendre. Mais qu'elle le veuille ou non, je ne comptais aller nul part sans elle.

Au diable le reste du monde, je me fichais bien qu'on puisse nous regarder, les gens pouvaient penser ce qu'ils voulaient de la situation, personne ne savait rien au fond. Je n'avais que faire des regards de travers, des petits coups de coudes échangés pour attirer l'attention d'un ami qui n'aurait pas encore remarqué la fille qui cri comme une enragée et l'autre qui la serre dans ses bras. Marissa avait le droit d'hurler si elle le voulait, elle avait le droit de tout laisser s'échapper, d'évacuer ses émotions, de les laisser filer. Elle avait le droit de se débattre, de me repousser, de me dire non. Tout ce qui m'importait c'était que maintenant j'étais là et je ne voulais plus jamais la laisser tomber. Plus elle se débattait et plus je m'accrochais. Je restais muette, qu'est-ce que je pouvais bien ajouter que je n'avais pas déjà dit? Elle savait tout à présent et je n'avais plus rien à faire en dehors de me montrer présente, de lui faire comprendre que je ne comptais plus la trahir mais que au contraire je voulais prendre la voix de la rédemption. Il fallait qu'elle me pardonne, je ne lui demandais pas d'oublier toutes mes erreurs en un claquement de doigts mais je tenais tellement à ce qu'elle voit ma volonté. Je ferai tout ce qu'il y en mon pouvoir pour que ma soeur trouve en elle la force de faire table rase du passé. Je priais intérieurement pour que notre relation ne s'en trouve pas trop amochée, je ne pourrais pas supporter de ne plus être aussi proche d'elle. C'était plus fort que moi, avec Marissa c'était fusionnel ou rien. Il n'y avait pas de juste milieu, c'était tout dans l'excès. Quand j'étais petite je chantais à tue-tête et en boucle "You're the best friend that I ever had. I've been with you such a long time you're my sunshine and I want you to know my feelings are true, I really love you. You're my best friend", cette chanson de Queen a bien dû en agacer plus d'un à la maison, je ne suis pas sûre mais ma mère a sans doute dû s'acheter des boule quies par dizaines. Quoi qu'il en soit j'ai toujours été obsédée par Marissa, littéralement. En étant la petite dernière de la famille, je détestais que mes soeurs ainées fassent des choses que je n'avais pas encore le droit ou la capacité de faire, je mettais toute mon énergie à les imiter toutes les deux, quitte à les agacer, surtout Emma. L'écart entre Emma et moi était relativement important, quand je n'étais encore qu'une petite fille, elle entrait déjà dans l'adolescence ce qui fait aussi qu'en grandissant je préférais plus l'embêter qu'autre chose. Avec Marissa c'était différent, on allait à la même école, on se ressemblait beaucoup physiquement et mentalement et on ne se disputait pas beaucoup en dehors des broutilles du quotidien. On avait cette connexion indescriptible et inexplicable. Son avis m'importait beaucoup, son jugement aussi. Elle pouvait me mener à la baguette, j'étais presque plus obéissante avec elle qu'avec mes parents. Au fond, je crois qu'elle aimait bien jouer ce rôle de modèle pour moi. En tous cas elle ne s'en plaignait pas vraiment. Je la mettais sur un piédestal et presque personne n'y trouvait rien à redire, surtout pas nous deux. Jusqu'à aujourd'hui je ne l'avais jamais laissé tomber une seule fois, je ne l'avais jamais trahi. En fait, cela ne me serait même pas venu à l'esprit mais maintenant le mal était fait et je ne pouvais rien faire d'autre que lui demander de m'excuser. La voir aussi triste et désemparée me rendait folle, je détestais l'idée d'être responsable de son état. Quelque part, j'avais toujours l'impression que j'allais me réveiller d'un moment à l'autre et réaliser que tout ceci n'avait été qu'un mauvais rêve. Moi, Leah Stewart, je ne pouvais pas avoir couché avec Ethan Meyers. C'était impossible… Et pourtant, les jours continuent de passer et je ne me réveille toujours pas. Alors la voir sur la plage en train de pleurer face à moi, je ne pouvais rien faire d'autre que la prendre dans mes bras et la serrer fort. Et après un moment à l'entourer de me étreinte, je m'étais décidée à me relever pour lui tendre la main et l'aider à son tour à se retrouver sur ses deux pieds. Je n'attendais qu'une chose, qu'elle attrape ma main et que tout cela cesse. Lorsque je vis ses yeux se lever vers moi, je ressentis une sorte de pincement au coeur. Ma soeur était magnifique, mais la voir pleurer me faisait du mal. Sa main s'empara finalement de la mienne, le simple fait d'entrer en contact avec elle me coupait le souffle. Je la sentais revenir vers moi même si je ne voulais surtout pas crier victoire trop vite. Elle pouvait prendre tout son temps. Marissa ne perdit pas une seconde, à peine était-elle debout qu'elle me prit par surprise en venant se coller à moi. Cette fois c'était elle qui me donnait un câlin et je ne comptais certainement pas la repousser même si je ne m'étais pas attendu à une effusion d'affection venant d'elle. Un léger sourire se faufila sur mes lèvres. J'étais sincèrement heureuse à cet instant précis. Ni elle, ni moi n'osions bouger, on restait ainsi dans les bras l'une de l'autre, sans dire un mot. Tout ce que je ressentais c'était de l'amour. L'amour d'une soeur pour une autre, l'amour d'une famille qui se retrouve et se reconstruit. Elle était à nouveau à moi. Mais tout ne pouvait pas être aussi simple… Marissa relâcha notre étreinte pour reprendre la parole, son regard ne se détachant pas du mien. Pour une fois, ce n'était pas moi qui allait faire un grand discours, je me contentais de l'écouter en lui accordant toute mon attention. Elle acceptait de me donner une seconde chance, elle ne me promettait pas de miracle, le temps fera son effet, mais au moins elle était d'accord pour tenter de mettre tout cela derrière nous et pour aller de l'avant. "Merci." lui dis-je simplement mais le plus sincèrement possible. Il n'y avait pas une once de moi-même qui n'était pas reconnaissante envers Marissa de m'accorder cette seconde chance. "Je ne veux plus jamais te décevoir, ni te faire de mal! Plus jamais…" J'avais bien conscience que pour elle ma grossesse ne serait pas facile à vivre. Pourtant, elle m'en avait déjà parlé tellement de fois… Les choses n'auraient jamais dû se passer comme cela. Je n'avais pas prévu de tomber enceinte maintenant, qu'il s'agisse d'Ethan ou de Noah, ce bébé était définitivement une surprise pour moi, même si évidement j'avais joué avec le feu en couchant avec deux hommes différents sans prendre mes précautions. Mais je refusais de parler d'une erreur. Aucun bébé n'est une erreur. J'avais eu la chance de naitre dans une famille aimante qui m'avait toujours soutenue et qui avait toujours fait en sorte que je ne manque de rien et surtout pas d'amour, je ne voulais pas que les choses soient différentes pour mon enfant. A partir du moment où j'avais pris connaissance de son existence, il était hors de question de m'en séparer ou de le regretter. Même si toute l'histoire autour de ce bébé s'annonçait compliquée, je m'en fichais. Il ne manquera de rien et il sera heureux, ce n'était pas discutable. "Je ne te demande pas de sauter de joie Marissa, je sais que la situation est… délicate. Mais je ne peux pas non plus te dire que je regrette d'être enceinte." Je baissais les yeux, je ne voulais pas lui faire du mal mais je tenais à être honnête avec elle. Je remuais légèrement mon pied dans le sable dans un va-et-viens nerveux. "Je l'aime déjà, tu sais…" ajoutais-je les yeux toujours rivés sur le sol. Jusqu'à présent je n'avais pas versé une seule larme mais rien que d'avoir pu dire cela à voix haute à quelqu'un d'autre que moi-même, et l'avoir dit à Marissa qui plus est, je sentais les émotions monter en moi. J'avais la gorge serrée et la voix tremblante quand je repris la parole: "J'espère que toi aussi tu arriveras à l'aimer un jour." Tout comme moi j'aimais Faith et plus récemment Lilou, et Samuel aussi. Chacun de mes neveux et nièces, mort ou vivant, adopté ou pas, possède une place très spéciale dans mon coeur. Attendant quelques secondes qui me parurent être une éternité, j'ajoutais plus posément "J'aimerais te parler de Noah… Il est le second potentiel futur papa. Je n'ai jamais vraiment eu l'occasion de te parler de lui. Mais j'aimerais aussi que tu me parles de toi Marissa. Ces derniers jours passés sans te parler, sans savoir comment tu allais ou ce qui se passait dans ta vie, c'était difficile. Ça n'a pas duré des mois, je le sais bien mais ça m'a semblé tellement long! Est-ce que tu as revu Eden? Et Ethan?" J'avais un milliard de questions, des interrogations sans réponse, je voulais rattraper le temps perdu et savoir où ma soeur en était exactement. "On est pas obligé d'en parler tout de suite mais je veux que tu saches que ta vie m'intéresse toujours autant et je te promets de faire de mon mieux pour te soutenir à partir de maintenant, quelque soit tes choix. Je veux juste que tu sois heureuse…" Et même si je voulais lui montrer mon soutient, je ne pouvais m'empêcher de penser que ce bonheur elle ne pouvait pas l'obtenir loin d'Eden. Imaginer Marissa avec un autre c'était presque contre-nature. Quand j'avais quinze ans, j'aurais pu vous jurer que Marissa et Ethan allaient finir ensemble mais depuis de l'eau avait coulé sous les ponts et pour moi Eden s'imposait comme une évidence. Ils avaient déjà traversé tant d'épreuves, je ne pouvais pas croire que leurs chemins allaient se séparer ici…