Sujet: Thousand Miles l Eli&Luka Mer 19 Fév 2014 - 21:56
C’était un sentiment vraiment étrange que celui de n’être plus seul au monde. Luka y pensait alors qu’il remontait l’allée principale du centre commercial. Deux mains plongées dans les poches avant de son blouson, il tripotait nerveusement les quelques billets au fin fond de l’une d’entre elle. Il avait un peu mal au crâne. Les évènements s’étaient enchaînés vite, très vite. Il avait quitté la Russie après avoir touché le fond du gouffre, fait des heures et des heures d’avion à l’aide d’un billet payé par une illustre inconnue, le tout pour apprendre que l’adresse que la même illustre inconnue lui avait donnée était en réalité celle de son père biologique. Qui l’avait accueilli chez lui. Contre toute attente. Et qui n’était pas un pourri - contre toute attente aussi. Toujours était-il que… qu’il était fatigué. Réellement fatigué. Le genre d’épuisement total qui vous donne l’envie de vous allonger dans un coin et de laisser le temps passer, un peu, sans vous. Mais il n’avait pas le choix. Parce qu’il n’était plus seul au monde. Son père s’appelait Aleksey. Un grand type, baraqué, qui dieu merci parlait aussi bien russe que lui. Prêt à l’aider. Il n’avait pas les réponses à toutes les questions, mais il était tout ce qu’il lui restait de famille. Là où la plupart des hommes auraient claqué la porte, il l’avait ouverte en grand et avait dit ces mots « si je suis ton père, alors tu es ici chez toi ». L’argent au fin fond de sa poche? Un signe, un peu con et très matériel certes mais un signe tout de même, qu’il n’était plus tout seul. Parce qu’il s’agissait là de quoi faire en sorte que la maison de cet homme soit aussi un peu la sienne. Plutôt positif, quand on y pensait. Le fait qu’il devait parler anglais à tous les commerçants alors qu’il n’avait utilisé que le russe pendant ce qui lui semblait des siècles? Tout de suite beaucoup moins positif. Et puis, il ne savait pas quoi acheter. Il avait vécu des années sans rien. Juste le strict nécessaire. Et le peu de choses dont il pouvait avoir besoin… Hum. Il avait vécu un échec cuisant alors qu’il tentait d’acheter un DVD un peu plus tôt, incapable de retrouver le nom du film dans la langue de Shakespeare - et plutôt lucide quant aux chances pour que son interlocuteur parle couramment russe. Aleksey - il ne s’était toujours pas résolu à appeler cet homme « papa », et peut-être qu’il n’y parviendrait jamais - lui avait bien proposé de l’accompagné, mais il l’avait farouchement refusé. Il ne serait pas un assisté. Jamais. Il finirait bien par se réhabituer à la langue anglaise - il n’y avait rien d’insurmontable là-dedans, si? L’allée principale du centre commercial, donc. Il n’avait presque pas de paquets au bras, toujours les deux tiers de l’argent dans sa poche, et pourtant cela devait faire bien une heure qu’il traînait ici. Ses yeux traînaient sur les portes des magasins, étudiant scrupuleusement toutes les propositions d’emplois - il n’allait pas vivre jusqu’à la fin de ses jours aux crochets d’Aleksey St-James non plus, merci bien. Mais bien vite il se rappelait qu’un véritable contrat tiendrait probablement de l’utopie jusqu’à ce qu’il soit à nouveau capable de parler un anglais correct. Ce n’était pas tous les jours que la clientèle russe prenait d’assaut les boutiques de la ville de Huntington Beach, Californie après tout - il fallait être lucide. Il avait l’impression atroce d’être un tigre en cage, tournant en rond sur ces trois étages de boutiques, sans avoir l’envie de rentrer dans certaines, sans avoir les mots pour rentrer dans d’autres. En somme, il était coincé. Misérablement coincé. Et il se sentait comme un étranger - ce qui était stupide en somme, parce qu’il était un étranger partout, même en Russie. Rester ici était un moindre mal. Puisqu’il y avait Aleksey - le seul dans ce monde qui partageait son sang. Nerveusement, il extirpa son portable de sa poche et composa le numéro de son père, géniteur, logeur, enfin de son quelqu’un. A nouveau, il ressentit cette espèce de soulagement brut à l’idée de pouvoir parler russe à nouveau, alors qu’il s’appuyait contre l’un des murs de la galerie marchande. Le lieu était bondé. Des gens emmitouflés dans des grands manteaux. A priori, c’était l’hiver - mais il ne croyait qu’à moitié à cette espèce de légende urbaine qui voulait que l’hiver existe en Californie, habitué aux nuits sans fin et aux épaisses tempêtes de neige de son pays natal. D’ailleurs, une autre raison pour les gens de le regarder de travers - le fait qu’il ne portait en tout et pour tout sur son t-shirt qu’un simple blouson. Eeenfin. Une tonalité, puis une autre, et la voix de l’autre homme s’éleva enfin. Les yeux toujours perdus dans la contemplation de la foule, il annonça, goûtant le plaisir de connaître tous les mots qu’il employait, qu’il rentrerait bientôt à la maison. La maison, disait-il prudemment, comme pour établir une distance. Il était encore trop loin du moment où il serait prêt de qualifier cet endroit de « notre maison ». Mais il n’était plus seul au monde. Aleksey acquiesça, et Luka finit par raccrocher, plonger à nouveau son téléphone dans sa poche. La vie avait continué autour de lui. Ce fort brouhaha - en anglais, qu’il ne comprenait qu’à demi. Mais tout à coup un regard s’accrocha au sien, et il sentit soudain son souffle se couper, sa gorge se nouer. Eloïse. C’était Eloïse.
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Sujet: Re: Thousand Miles l Eli&Luka Mer 19 Fév 2014 - 23:40
eloïse & luka
Elle entendait les voix autour d’elle, c’était joyeux, il y avait des rires. Parfois même le sien se joignait aux autres. Elle les voyait tous, ses amis assis autour de la table. Certains de longues dates, d’autres des valeurs ajoutés au fil des ans par un tel ou un tel… Mais tous étaient là, bien réel, à discuter, rire, échanger. Eloïse était au milieu de la bande, souriante et d’apparence attentive mais en réalité n’arrivait à elle que des brides de certaines conversations, le reste n’était finalement que du bruit. C’était toujours comme ça. Eli’ se joignait aux autres, mais elle n’était pas réellement présente avec eux. Il y avait toujours le moment des retrouvailles qu’elle appréciait. Il fallait dire quand même, que ses amis, elle y tenait vraiment ! C’était des gens qu’elle aimait, et les retrouver était toujours un bon moment. Mais au bout d’un moment, elle lâchait prise. Consciente que quelque chose lui manquait pour être complète, et vivre pleinement chaque instant. Alors tout devenait lointain et flou, elle s’éteignait, se déconnectait, et n’attendait plus que le moment du départ, presser de rentrer dans son petit cocon où elle pourrait se laisser aller. Mais pour l’instant, elle continuait de sourire, adressant quelques rires quand elle sentait que les autres allaient le faire. C’était un exercice qu’elle avait apprit à pratiquer depuis son retour du Pérou, quand elle avait repris ses études de droit. Lentement, elle prit quelques gorgés de son café et écouta rapidement ce qu’il se disait afin de lancer une petite boutade. Ses amis rires de bon cœur, elle se replongea dans son fort intérieur pour quelques instants encore. C’était fou, de ne pas avoir le courage d’affronter la réalité, mais asser de finesse pour faire semblant ! Heureusement, il y avait des jours sans, mais des jours avec, notamment quand son frère était là.
Deux heures plus tard, et après un second café, la petite troupe se dispersa. L’une de ses amies l’embrassa affectueusement sur la joue, l’un des jeunes hommes lui effleura le dos en lui jetant un regard explicite. Mais cela ne lui faisait ni chaud ni froid. Elle était encore éteinte, en quelque sorte ! Et elle trépignait de rentrer chez elle, de téléphoner à son frère, afin de ressentir un peu de joie, et de rire ‘pour de vrai’. Aujourd’hui était un jour sans, Eloïse n’avait pas envie de se forcer. Elle laissa cependant ses amis partir avant elle, pour gouter au calme éphémère de la solitude et envoyer un texto à sa mère, toujours pas remise du déménagement (qui datait pourtant de quelques mois maintenant !) de sa fille dans un appartement en solitaire. Il n’y avait pas une grande distance qui les séparait, mais sa mère était devenue des plus envahissantes… Puis elle rassembla ses affaires, jeta quelques pièces en guise de pourboire et sortir du café. Elle parcourut quelques mètres, flânant devant les vitrines des boutiques. Il y avait un monde fou, comme toujours ! Mais la fréquentation aussi bien que son envie de rentrer chez elle ne l’empêcha pas de s’arrêter devant une vitrine, pour observer une belle écharpe rouge. D’un air un peu absent, elle la détailla, se mordit la lèvre d’envie mais finalement, tourna les talons. Et c’est là qu’elle croisa un regard étonnant, qu’elle fixa l’espace de deux secondes avant de reconnaitre. Car au départ, elle ne voyait que ces deux grands yeux, à l’éclat enfantin mais aussi teinté de quelque chose de plus farouche. Presque immédiatement, elle le reconnut. Luka ! Luka… Le choc fut tel qu’elle sentit ses jambes se dérober sous elle et son cœur se rétracter violemment.
C’était lui, il était là ! A quelques mètres d’elle seulement ! Elle eut du mal à retenir un cri, manqua presque de s’effondrer. Un passant eut le réflexe de l’aider à se redresser mais elle le rejeta. Jusque là, elle n’avait pas quitté le jeune homme du regard mais était incapable de faire un pas vers lui. C’était impossible… trop douloureux. Peut être finalement tournait elle folle ! Eloïse fut alors prise d’une violente nausée, et elle fut contrainte de s’assoir sur un banc, tremblant de tous ses membres. Elle plaqua une main sur sa bouche, et tenta vainement de refouler ses larmes. De l’autre côté du passage, il était toujours là… il était là. Alors qu’elle le pensait partit à jamais, mort peut être même… Était-il vraiment possible que se soit lui ?
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Sujet: Re: Thousand Miles l Eli&Luka Jeu 20 Fév 2014 - 20:05
Eloïse. C’était Eloïse. Et soudain il était transporté à des kilomètres de là. Et soudain la foule n’était plus américaine, mais russe, slave, puissante, la foule de son pays. Et soudain il se sentait intensément, presque violemment chez lui. Dans sa mémoire, cette fille était restée associée aux jours heureux. A l’époque où tout allait parfaitement bien - quand le monde ne s’était pas encore écroulé. Avant la mort. Avant la rue, aussi. A l’époque où il pouvait croire qu’il aurait des lendemains heureux, et une belle vie. Il n’avait pas cherché à la revoir après ce jour où tout avait changé. Il l’aurait voulu. Mais à l’époque, il savait surtout qu’il devait se cacher. Il était bouffé par la peur - l’angoisse de mourir lui aussi, mais par dessus tout celle de perdre Eloïse comme il avait bien pu perdre sa mère. Comment lutter contre les représailles? Elles étaient aveugles, sournoises, invisibles, elles étaient faites pour frapper là où cela faisait le plus mal. Il avait coupé les ponts. C’était cela, que l’on appelait le moindre mal - il devait s’assurer qu’elle resterait en vie, et tant pis si cela était bien trop dramatique comme pensée pour un garçon de son âge. Tant pis aussi s’il avait passé les années suivantes hanté par son souvenir, et par le sentiment horrible qu’il ne la verrait plus jamais. Sauf que le destin en avait décidé autrement. C’était elle. C’était bien elle. Elle n’avait pas beaucoup changé. Peut-être un peu amaigrie - à peine. Mais au milieu de ce décor, dans ce pays qu’il ne connaissait pas encore, c’était comme la découvrir à nouveau. Et soudain, il eut peur. Non pas de ces représailles et de ses vieilles angoisses, il était en sécurité à Huntington Beach - mais peur qu’elle le haïsse. Peur qu’elle lise sur son visage les années passées au fond du gouffre, aussi. Peur qu’elle ait peur. Aussi stupide que cela puisse paraître. Après tout, combien de chance sur un million pour que leurs regards se croisent par hasard, à des milliers et des milliers de kilomètres de Moscou et de ces lieux où s’était déroulée leur histoire? Luka n’avait jamais vraiment cru au destin. Après ce que la vie lui avait infligé, injustement, c’était plutôt légitime après tout. Mais voilà qu’en moins d’un an lui étaient apportés sur un plateau son père et cette femme qu’il n’avait jamais réussi à oublier… Et toutes ses belles certitudes, soudain, étaient mises à mal. Il n’osait pas s’avancer vers elle. Comme si elle avait été un animal, tout petit animal, susceptible de s’enfuir. Il eut un geste brutal, comme un réflexe primaire, quand elle manqua de basculer et qu’un passant la redressa - et puis à nouveau, il se rétablit et resta immobile. Du bout des lèvres il tenta un mot: « Eloïse? » Comme s’il n’était pas certain encore - et pourtant, il n’y avait plus l’ombre d’un doute. Ce simple prénom ramena une foule de souvenirs. Leur rencontre. La manière dont elle avait tenté, des semaines et des semaines durant, de corriger la façon dont son accent déformait ces quelques syllabes. La dernière fois qu’il l’avait vue. Aussi. Il avait prononcé ce prénom alors qu’elle s’éloignait - et elle l’avait rejoint, s’était nichée dans ses bras. Le moment de pur bonheur avant qu’il ne prenne ce train, avant qu’il ne pousse la porte de la maison de famille, avant que sa vie ne bascule, toute entière. Il était heureux, si heureux à cette sublime époque d’ignorance. Ils se regardaient. Leurs regards ne se quittaient pas, au travers de la foule - comme dans une mauvaise comédie sentimentale, ils étaient figés, stupéfaits, et ils s’en foutaient de ce monde qui continuait à tourner autour d’eux, parce que leur monde venait de basculer. C’était cliché à souhait, mais tant pis. C’était, à cet instant, plus ou moins la vérité. Il ne savait pas vraiment quoi faire. S’approcher d’elle, hausser les épaules, et sortir un truc con comme « hé ouais, surprise, je suis encore en vie? ». Moyen. Vraiment moyen. Parce qu’il se doutait bien de ce qu’elle avait pu croire à son sujet. Tout Moscou avait dû le penser mort. Il l’avait été - plus ou moins. C’était bien pour cela qu’il s’était construit une toute nouvelle identité, comme pour signifier à ceux qui avaient tué sa mère qu’il n’y avait plus personne à tuer ici. Cela ne faisait que quelques semaines qu’il avait adopté à nouveau la peau de Luka - Luka Alekseyevich Novikov. Et seule la découverte de son père avait été capable de le convaincre de faire une telle chose. Son père et l’Amérique - terre mythique, terre de sécurité, où il était venu trouver asile. Il coupa le contact de leurs regards en premier - pour baisser les yeux, presque de honte. Et les premiers mots qui franchirent ses lèvres furent dans cet anglais très bancal que Eloïse elle-même avait longtemps tenté d’améliorer: « Je suis désolé. ». L’essentiel était là. Il n’avait pas été responsable de tout - mais elle méritait des excuses pour le silence, des excuses pour l’incapacité de Luka à trouver une solution pour la prévenir. Il porta une main à son propre visage - parce qu’il avait peur de s’approcher de la jeune femme, de toucher le sien, malgré le besoin brûlant qu’il en ressentait. « Je suis désolé pour… (il se haïssait, tellement, quand il butait sur les mots ainsi) le silence, et pour tout ce temps. Mais c’est bien moi. Et je suis là. » Et tout à coup il se disait que peut-être qu’il serait mieux de repartir. Elle devait le haïr. Elle aurait probablement raison de le haïr, même! Et qui était-il pour la déranger? Pour lui imposer sa vue tous les jours? En attendant, elle était libre de lui poser toutes les questions du monde. Il était prêt à lui répondre.
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Sujet: Re: Thousand Miles l Eli&Luka Sam 22 Fév 2014 - 8:25
eloïse & luka
Eloïse ét ait complètement perdue… depuis trois ans. Depuis qu’il était monté dans ce train, et qu’elle ne l’avait jamais revu. Encore aujourd’hui, elle repensait sans cesse à ces derniers instants passés avec lui. Est-ce qu’il avait eut une attitude différente ? Qui aurait pu présager qu’il l’abandonnerait ? Au fil du temps, les images s’étaient un peu atténuées. A force de ce les repasser en tête, on fini par les réinventer, et finalement, les souvenirs ne sont plus vraiment ce que l’on a vécu. On y ajoute des intentions, des mots qui n’y était pas, des attitudes fictives. Et puis à la fin, c’est comme être hanté par un mauvais rêve. Plutôt un véritable cauchemar, dans le cas d’Eloïse. Elle qui avait pourtant passé quelques épreuves dans sa vie, constatait qu’en faite, elle n’avait encore jamais connu la souffrance. Du moins, pas comme elle l’avait vécu, une fois réalisé le fait que Luka ne reviendrait pas… Pour finir, les instants de bonheur avait quelque peu désertés ses souvenirs même si en réalité elle les refoulait volontairement, afin de ne pas replonger sans cesse dans la mélancolie.
Mais aujourd’hui, elle se trouvait en face de lui et c’était douloureux. Eloïse ne savait pas quoi dire, elle était dépossédée de ses moyens comme de ses pensées. Ne subsistaient que la douleur et le choc, qui l’avait forcé à s’assoir sur un banc. Il y avait tant d’émotion en elle, que s’en était insupportable. Comment pouvait-il osé apparaitre comme ça ? Comment pouvait-il ? Pourquoi ? C’était comme… de la rage. Une telle colère qu’Eloïse ne se souvenait pas avoir déjà éprouvé un sentiment si violent. Il lui avait fait tellement de mal ! Oui, maintenant qu’il était vivant, elle pouvait le dire : il lui avait fait du mal… et pas seulement à elle. A son bébé aussi. C’était sa faute ! A lui seul ! Il l’avait laissé sur le bord de la route… toute seule. Et pourquoi ? Pour rien, puisqu’il était vivant… La confusion la rendait presque folle. Mais quelque part, il y avait la joie. Le bonheur pur de le savoir vivant, de le voir en chair et en os. L’envie de le toucher, sentir son odeur, contempler son visage, si doux… de revenir en arrière et d’être simplement celle qu’elle était avant. Heureuse et passionnée.
Aussi idiot que cela puisse paraitre, elle n’avait jamais pensé à ce qu’elle aurait pu lui dire en pareil circonstance. Elle avait été trop mièvre sans doute, pour préféré le croire mort plutôt que de la savoir volontairement parti en la laissant derrière lui. Ces dernières années avaient été asser dur comme ça, pour en plus s’infliger l’idée qu’elle avait été jetée, facilement, par un homme qu’elle aimait comme une folle et qu’elle avait toujours cru sincère. « Je suis désolé. » Il n’en fallait pas plus pour qu’elle éclate en sanglot, qu’elle tentait de retenir malgré tout. Cette voix… assimilé au bonheur des mois passés à l’écouter. C’était fou, tout ce qu’une simple voix pouvait ramener en vous comme émotions, comme souvenirs. Tous les petits moments passés ensemble, parfois si insignifiants ou même, qui semblait sans réel importance prenait alors une dimension toute autre. Finalement, il avait fallut attendre de rencontrer Luka pour qu’Eloïse soit entière. « Je suis désolé pour… le silence, et pour tout ce temps. Mais c’est bien moi. Et je suis là. » Elle se sentait mal. Elle ne comprenait pas, elle vouait comprendre mais n’arrivait pas étouffer sa colère pour prendre réellement conscience de la chance qui lui était donné de comprendre enfin pourquoi elle souffrait depuis trois ans. Eloïse ne l’avait pas lâché du regard depuis le début, même quand il avait baissé les yeux. Elle le reconnaissait et pourtant, il y avait quelque chose… de moins léger, de moins facétieux. Il avait changé, sans doute autant qu’elle… Quand bien même, ce qu’elle entendait lui était insupportable. « Tait-toi !! » Elle avait presque craché ses mots, et ne se reconnaissait pas dans le ton qu’elle avait employé. Sans doute était-ce la colère, la douleur qui parlait à sa place et s’exprimait enfin. Si elle en avait eut la force, sans doute se serait elle levé pour le giflé. Jamais encore elle n’avait eut un tel geste pour qui que se soit, même pas pour son frère (c’est dire !) mais elle l’aurait fait sans peine. Elle sentait son corps trembler et trembler encore, sans se retenir, et se fichait pas mal des passants qui les observaient, souvent moqueurs devant une telle scène croustillante à souhait pour les voyeurs. « J’arrive pas à la croire… c’est un cauchemar ! Je croyais que tu étais mort ! Mais en faites… tu… m’as… » Abandonné. Elle ferma ses paumes sur ses yeux pour cacher ses larmes un instant.
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Sujet: Re: Thousand Miles l Eli&Luka Sam 22 Fév 2014 - 23:03
Comment expliquer des années entière de silence? Luka était une personne lucide, il savait qu’elle ne le croirait pas. Bien sûr, des rumeurs avaient couru, plus terribles les unes que les autres, et elles étaient même plus plausibles que la réalité. Il aurait dû être mort. La logique la plus élémentaire aurait voulu qu’il soit mort. S’il ne s’était pas caché, s’il n’avait pas coupé les ponts, s’il ne s’était pas, pendant un temps, fait passer pour un autre, il l’aurait même sûrement été. Mais la vérité? Qu’il avait attendu dans la grande maison, seul, que la police arrive? Qu’il s’était retrouvé seul, orphelin, dépouillé de tout l’argent de sa famille, obligé de renoncer à sa vie, obligé de vivre dans la rue, de survivre? C’était beaucoup trop romanesque, absurde, et il s’était résolu au fait que personne ne pourrait jamais vraiment le croire. Est-ce qu’il avait réellement envie de tout lui dire, aussi? Le choc brut, dans ses yeux, lui vrillait le coeur. Est-ce que la pitié ne serait pas pire encore? Elle s’était assise. Non, ce n’était pas le bon mot - elle s’était plutôt laissée tomber sur le banc le plus proche. Et lui il était là, à peut-être deux mètres d’elle - hagard, fatigué, perdu, aussi. Il avait prononcé quelques mots sur un ton hésitant, de son anglais bancal. Tout ce qu’il avait toujours rêvé de lui dire, combien elle lui manquait, combien la vie avait été ignoble, combien il avait attendu cet instant, combien il l’avait redouté aussi… toutes ces choses lui brûlaient les lèvres. Mais elle avait presque craché, d’un coup, ces deux mots - « tais-toi! ». Alors il les gardait pour lui. Enfermées, à l’intérieur. Il avait cru que son coeur était devenu froid, au fil des années passées dans la rue. Mais un premier coup était venu se porter à ce bloc de glace - la découverte de l’identité de son père, le fait qu’il l’accepte à ses côtés. Le deuxième coup? Il était advenu il y a quelques minutes à peine. Il pensait s’être endurci. Physiquement, en tous cas, c’était le cas - il avait perdu sa naïveté, perdu cette espèce de candeur dans son regard, perdu tout ce qui avait bien pu à une époque faire de lui un enfant. Mais a priori, il n’était pas devenu aussi fort que cela. Parce qu’il lui suffisait de regarder Eloïse, de voir comment elle-même semblait à la fois si différente et si semblable, fragile et pourtant une femme, pour sentir que son coeur se serrait douloureusement. Les gens devaient les prendre pour des fous, à se regarder ainsi. Quelque part entre la peur. La colère. Les regrets. Il allait ouvrir la bouche à nouveau, tenter de dire quelque chose même si elle le le lui avait presque formellement interdit, mais elle le devança - confirma ce qu’il pensait. Elle l’avait cru mort. Mais aussi, elle pensait que c’était là un cauchemar. Un cauchemar… Elle porta ses mains à ses yeux, et soudain il réalisa qu’elle pleurait - enfin il parvint à rompre l’espace qui les séparait. Il eut alors ce réflexe qu’elle ne lui pardonnerait peut-être pas. Avec une extrême douceur, il se saisit de ses deux poignets pour les éloigner, déposé un baiser sur son front. Aussitôt il eut une espèce d’émotion violente, à réaliser ainsi, directement, qu’elle était bien là et bien vivante. « Je suis désolé. Je… j’aurais voulu revenir. Je te jure. J’aurais voulu revenir. » Commença-t-il doucement. Pendant un instant, il se demanda s’il ne valait pas mieux partir - si elle entendrait même ce qu’il pourrait lui dire. Il n’était pas dupe, elle ne lui pardonnerait pas. Mais peut-être qu’à cet instant elle était même trop en état de choc pour le comprendre. Peut-être qu’elle préfèrerait se retrouver seule, très, très loin de lui. C’était même presque certain. Mais il avait peur. Malgré tout. Peur de gâcher sa seule et unique chance de lui expliquer. Le seul heureux hasard. Et puis tout à coup il s’entendit dire: « Je peux expliquer. ». Malgré tous les doutes qu’il avait sur ce propos, et tout le manque de crédibilité de la pure vérité. Comme s’il ne supportait pas de garder le silence devant elle, et ne supportait pas de la savoir dans l’erreur. « Je suis pas venu pour te déranger. je savais même pas que tu vivais ici. Mais je peux tout t’expliquer. Si tu veux. » Si elle voulait bien l’entendre. Parce que certes, il n’était pas venu en ayant à l’idée qu’il la verrait. Tout n’avait été qu’un vaste, impossible hasard - une espèce de mauvaise blague du destin. Mais il y avait une chose dont il était certain. Il ne pouvait plus vivre en l’ignorant. Plus vivre en l’évitant. « J’étais mort. A peu de choses près, j’étais mort. Mais maintenant je suis en sécurité. Je suis avec mon père. » Il y eut un temps de silence. Il pouvait tout expliquer, oui, parce que même s’il ne connaissait pas encore réellement Aleksey, il savait une chose - c’en était fini de fuir, fini d’avoir peur. A présent, il pouvait mettre des mots sur son passé sans craindre que celui-ci ne le rattrape vraiment. A présent, il pouvait se permettre de dire, même de cet anglais hésitant, déformé par son accent: « Tu m’as manqué. » Et tant pis si elle allait probablement le fuir. Tant pis si elle allait probablement hurler. Tant pis si plus rien ne serait jamais comme avant - il y avait longtemps qu’il avait ce besoin de prononcer ces mots, qui pourtant après trois ans d’absence avaient quelque chose de dérisoire.