Noah avait beau être de retour, ce n’est pas pour autant que la situation semblait vouloir s’améliorer. Au premier coup d’œil, son visage semblait avoir pris dix ans tellement il était marqué et pourtant, je ne l’avais jamais trouvé plus immature que ce soir-là. Jamais auparavant je ne l’avais vu agir comme il l’avait faite. Je le connaissais comme un père responsable et conscient de ses actes or il n’en était rien. Désormais, il agissait tel un gamin qui veut ouvrir en premier son cadeau le matin de Noël. En fait, non, il agissait comme si tout lui était dû. C’est à l’aurore que mon réveil m’extirpa de mon sommeil, s’accompagnant d’un mal de tête intense. Un de plus dirais-je. Jamie ne serait pas là aujourd’hui, logeant depuis hier chez un ami. Quant à Noah, je n’étais même pas sûre qu’il ait passé la nuit ici, ni même s’il comptait passer ou non dans la journée. Moi qui avais pour habitude de vivre dans un monde planifié et organisé, il n’en fallait pas moins pour me déstabiliser complètement. Je descendis non sans peine jusqu’à la cuisine, encore en peignoir, pour faire couler mon café. A l’époque, j’avais pour habitude de le mettre en route, ensuite de m’apprêter et puis seulement d’avoir l’occasion de le déguster. De nos jours, le café coule en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, et on ne se brûle même pas les lèvres en décidant de le consommer automatiquement. L’arôme une fois dégusté, je me sentis un peu mieux, bien que persuadée que ce n’était qu’un effet d’impression seulement. Je remontai ensuite à l’étage pour me préparer. Il devait être un peu plus de six heures quand je sortis de la maison et me dirigeai vers le marché local. Depuis toujours, mon frigo n’avait été rempli que de produits frais achetés sur des marchés. J’étais peut-être de la vieille école, mais je méprisais pas mal les supermarchés. Certes, ils avaient un côté pratique, dont celui de ne pas devoir se lever à l’aube pour s’y rendre, mais pour moi, ses avantages s’arrêtaient là. Ne prenons même pas la peine de parler des plats tout préparés. Rien de tel que de bons produits frais pour se remplir l’estomac comme il se doit.
Je rentrai chez moi en milieu de matinée et ne fus pas surprise de ne pas y retrouver mon fils. Espérant simplement que son absence ne soit que passagère, et non longue de plusieurs mois comme elle avait déjà pu l’être. Je m’affairai à tout ranger dans le frigo, le plat à fruits et les placards quand mon téléphone portable vibra dans ma poche. Comme vous le savez déjà, je ne fais pas mon âge quand il s’agit d’utiliser les nouvelles technologies, c’est pourquoi je répondis aisément à mon correspondant, qui n’était autre qu’Adam, que sa venue me dérangeait aucunement et qu’il était le bienvenu avec son neveu cette après-midi. Je lâchai un soupir de soulagement en envoyant le message. Revoir Adam ne pouvait que me faire le plus grand bien. Il serait comme un petit vent de fraicheur dans toute cette histoire. Je me sentais aussi proche de lui que je l’étais avec chacun de mes enfants. J’arrivais facilement à discuter et même à m’ouvrir avec lui. Et c’est vrai qu’avec toute cette histoire, à force de tout garder pour moi, j’allais finir par exploser. Il devait bien y avoir quelqu’un à qui je pouvais raconter la vérité, non ?
Le pauvre, à aucun moment je n’avais envie de l’ennuyer avec mes histoires, et puis peut-être même avait-il lui aussi ses propres soucis. A force de me torturer l’esprit encore une fois, mon mal de tête revint, et ce n’est que quand la sonnette d’entrée retentit qu’il sembla se dissiper. Je tombai alors sur le beau et doux visage d’Adam « Oh Adam, tu m’as tellement manqué ! » lui fis-je remarquer avec mon entrain naturel avant de le serrer contre moi. Je n’avais pas manqué de remarquer non-plus le petit bout, haut comme trois pommes, qui se tenait à ses côtés. Je me baissai pour être à sa hauteur et l’embrassai quand il s’approcha de moi « Bonjour Noa, c’est un beau prénom que tu as dis-moi ! » lui dis-je tout en tentant de lui renvoyer le signe qu’il m’avait fait « Mon Dieu, j’espère ne pas avoir dit quelque chose d’autre. » Effectivement, mon geste était maladroit, je n’y connaissais rien, et si ça se trouve, il suffisait d’être cinq centimètres de travers pour que le signe signifie tout à fait autre chose. Je les invitai ensuite à entrer et nous installer à l’ombre de la terrasse. « Oh ça va, enfin … pour la situation. » lui répondis-je accompagné d’un clin d’œil. « Il est revenu et depuis, je ne sais pas où il a filé. Ça ne s’est pas bien passé pour être sincère mais après tout, je ne vois pas à quoi je m’attendais d’autre. » Je fis la moue avant de saisir la carafe de citronnade fraiche que j’avais préparée pour leur venue et en servis trois verres. « Et toi, comment tu vas ? Qu’est-ce que tu es devenu depuis tout ce temps ? » lui demandais-je tout en lui passant son verre et celui de son neveu.