La demoiselle se retrouvait dans une situation particulièrement gênante, d'un côté, elle se devait de se faire pardonner sa maladresse, et de l'autre, elle tentait désespérément de retenir les monstres qu'elle tenait maladroitement en laisse, la collision semblait les avoir agité, le plus petit, Bellay, appuyait ses pattes avant sur la jambe de l'inconnue, remuant la queue en aboyant de sa voix aigue sur elle ... Kath tira légèrement sur la laisse en soupirant, non seulement, ils avaient renversé la demoiselle, mais en plus de ça, ils continuaient de lui tourner autour. Dans l'immédiat, la brune aurait souhaité envoyer ses chiens quelques kilomètres plus loin en leur gueulant dessus une bonne fois pour toute ... Mais bon, ils étaient encore jeunes, ce n'était pas vraiment de leur faute, si ? Lorsqu'ils se mirent enfin assis, elle put retrouver le calme qu'elle désirait tant, portant finalement son attention sur la demoiselle qu'elle venait de renverser : une jolie brunette qui semblait tout aussi gênée qu'elle, souriant à cette réaction, elle replaça quelques mèches de ses cheveux derrière son oreille, baissant un peu les yeux, soulagée que la demoiselle ne lui en veuille pas plus que ça !

Lui avait-elle ôté son envie de café ? Katherina haussa légèrement les épaules à sa demande de chocolat chaud, elle n'était pas du genre à contester les avis des gens, mais honnêtement, qui préférait un chocolat chaud à un bon café de cette roulotte ?

Peut importe, elle lança un petit « Pas de soucis, je vous ramène ça ! » Avant de repartir en direction de la file d'attentes, plus aussi longue qu'auparavant. Une fois le café et le chocolat commandé, elle repartit en direction de la brunette qui attendait un peu plus loin, veillant à ce qu'elle n'est aucune tâche de café sur elle ... C'était compréhensible, peut-être avait-elle un rendez-vous important après et que la tâche de café ferait ... Tâche ? Quand je vous disais que ses blagues ne faisaient rire qu'elle ... Enfin bref. Elle lui tendit finalement avec un sourire polie, précisant qu'elle devait faire attention parce qu'il était particulièrement brûlant. Une fois Katherina s'était brûlée en voulant boire son café trop vite, croyez-moi qu'elle a souffert de sa bêtise pendant plusieurs jours, pourquoi personne ne lui avait dit qu'une langue était aussi fragile ? Contente que sa main se libère enfin, elle put reprendre normalement ses chiens en laisse et ainsi avoir plus de contrôle sur eux, en particulier sur le gros, la plupart des personnes étaient effrayée par sa carrure, un gros chien comme ça qui a la bougeotte ça fait changer de trottoir.

« Pas de quoi ! C'est normal après tout, c'est ma faute si vous ne pouvez pas goûter aux merveilleux cafés du coin. »
Elle semblait légèrement gênée puis aborda finalement un sourire amusé, finalement le café renversé pouvait se transformer en occasion de rencontrer d'autres gens, non ? La demoiselle avait l'air particulièrement gentille, timide, plus calme que Katherina.

« Katherina, et vous ? » Les chiens commençaient a vraiment avoir la bougeotte, ils s'agitaient pour montrer à la demoiselle qu'ils n'attendaient qu'une seule chose : pouvoir courir dans le parc, se rouler dans l'herbe et surtout se salir ... Elle soupira légèrement avant de lancer un petit regard désolée à la jeune femme : « Ça vous dit un petit tour dans le parc ? Pour continuer la discussion pendant que les deux monstres se dégourdiront les pattes ? » Elle n'était pas vraiment du genre à inviter quelqu'un à faire un tour pour discuter, mais étant donner que la femme avait engagé une sorte de conversation, elle n'allait pas simplement lui répondre et partir vaquer à ses occupations ...

Et puis, finalement, c'était aussi l'occasion pour elle de parler à quelqu'un d'autre qu'à ses chiens.

Tant bien que mal, elle tentait de ramener ses chiens au pied, mais vous voyez, des petits teigneux comme ça, on a du mal à les garder en place. Peut-être que Juliette leur faisait bonne impression parce qu'ils voulaient absolument lui tourner au tour ... Mais bon, il ne fallait pas un bac+10 pour comprendre que ses réactions étaient forcés et qu'elle voulait surtout qu'ils s'éloignent d'elle. Bref, tirant de toutes ses forces sur les laisses, elle parvint finalement à les ramener vers elle et les calmer un peu, c'était un peu comme des enfants, il suffisait de gueuler un bon et puis, pouf, plus rien.

Elle venait donc tout juste d'emménager, c'était donc pour ça que sa tête ne lui disait rien, Kath connaissait une bonne partie de la ville, quand on grandit ici, on croise toujours les mêmes têtes, on reconnait les personnes avec qui on a grandi et celles qui viennent d'arriver. Juliette était nouvelle, sans doute perdue ? Après tout, l'intégration dans une ville où la plupart des gens se connaissent ce n'est pas toujours aussi simple, d'autant plus qu'elle avait l'air particulièrement réservée, timide, repliée sur elle-même.

« Tant mieux alors, ce sera un peu l'occasion de découvrir. »

Un petit guide touristique, quoi de mieux ? Elle donnait l'impression d'avoir envie de parler, envie de faire connaissance, après tout ... Pourquoi pas ? Même si, finalement, ce n'était pas totalement son genre d'entrer si facilement dans une conversation et d'être capable de la tenir un moment, vous voyez, Kath, c'était plutôt le genre de fille à accepter de parler pour une courte durée, moyennant 5 minutes, et puis finalement, estimer que tout a été dit et prendre ses jambes à son cou, parce qu'elle n'a plus rien à faire ici. C'était ce genre de comportement qui lui valait sa solitude, parce qu'elle en avait rien à faire des gens, de ce qu'ils pouvaient penser, ce qu'ils avaient à dire, finalement tout ce qui comptait, c'était sa petite personne. Mais, aujourd'hui, c'était un peu différent, peut être parce qu'elle était dans un jour de bonté et qu'elle ressentait ce besoin de parler à une personne dotée de parole, parce que les chiens et les murs ça va cinq minutes.

« Depuis toute petite en fait, je suis née et j'ai grandi ici. »
Quelle tristesse quand l'endroit où vous avez grandi devient le seul que vous ne pouvez plus supporter, les mêmes têtes, les mêmes endroits, les mêmes fêtes, toujours la même chose, toujours la même hantise, toujours...

Lorsqu'elle tourna la tête vers Juliette, elle sentit que son expression avait changé, elle sentait une forme de tristesse, quelque chose de bizarre. Est-ce qu'elle se sentait mal ? Elle ne présentait aucun signe d'un futur malaise, est-ce que Kath avait dit quelque chose de mal ? « Quelque chose ne va pas ? » Et puis, dans sa vision, apparut la mignonne petite fille qui lui provoqua un haut-le-cœur, parce qu'elle avait ce que Kath n'avait jamais eu : un père aimant, un père qui l'emmenait au parc, le simple fait qu'elle puisse avoir un père lui donnait la nausée. Elle se stoppa un peu, net, sur le coup, prétextant la peur que les chiens se mettent à leur courir après, mais au fond d'elle, tout ce qu'elle souhaitait, c'était éviter cette vision nauséabonde, ce dégoût ...