En entrant chez lui -ou plutôt chez Neela, mais c'était aussi chez eux depuis quelques mois-, Louis soupira. La maison était étonnement vide. Aucun bruit ne sortait de la cuisine, là où Neela aimait bien cuisiner des bons petits plats ; Louis adorait ça. Le salon et la salle à manger n'étaient pas bruyants non plus ; Maya n'était pas en train de jouer ou de pleurer. Et il n'entendait nullement son père non plus. Il n'aimait pas ça. Il détestait entendre ce silence dans cette maison. Alors, abandonné à lui-même, Louis balança son sac dans le hall d'entrée, peu soucieux de la remarque que son père lui avait faite quelques jours plus tôt. Il enleva -oui, il les enleva bien- ses chaussures, et alla directement à la cuisine. Là, il y a trouva un petit mot, griffonné par son père, et par Neela.

Le prenant dans sa main droite, Louis attrapa de la gauche la bouteille d'eau. Aussitôt, il lut les quelques mots. L'hôpital avait appelé son père en urgence, et Neela avait rajouté qu'elle avait du partir chercher Maya chez sa nounou. Nul doute qu'elle allait discuté avec elle. Lorsqu'il aperçut sur la table un paquet de gâteaux, Louis ne put s'empêcher qu'il avait eu raison de se dire ça ; Si Neela avait pensé à son estomac, c'est qu'elle avait du se dire qu'elle rentrerait plus tard.
Le gamin prit le paquet, et mangea quelques gâteaux. Ils étaient très bons. Le temps qu'il goûte, Louis eut l'idée de sortir. Il faisait relativement beau, et comme personne n'était là pour le surveiller, il pouvait très bien profiter de ce temps libre pour aller vérifier ce que Jamie et lui avaient remarqué ; deux pâtés de maison plus loin, la jeune Kate sortirait avec un mec d'au moins trente ans de plus qu'elle.

Il hésita une seconde ; il fallait qu'il prévienne Jamie. Il tenta alors de se souvenir ce que son ami lui avait dit. Se rendant compte qu'il ne pourrait pas compter sur lui, Louis soupira encore. Aujourd'hui il n'avait vraiment pas de chance, personne n'était là pour lui.

N'empêche que c'était l'occasion de le faire !

Aussitôt pensé, aussitôt fait ! Le jeune Stark se leva de sa chaise, remit en vitesse son manteau, ses chaussures, et fila dehors, sans fermer à clef la porte d'entrée.  Il n'avait pas pris le temps d'aller chercher son sac avec tout son attirail de détective dedans ; de toute façon, ça ne servait à rien, le papy était tellement vieux que Louis pourrait facilement voir chacun de ses gestes. L'enfant se mit à courir à toute vitesse, et s'arrêta net en arrivant près d'une maison. Là, devant la maison des voisins, un groupe était attroupé. Il pesta. C'était de là qu'il pouvait facilement aller voir ce qui se passait à l'intérieur de la maison. C'est alors qu'il eut l'idée de passer par derrière, d'escalader la haie du voisin, d'entrer dans son jardin, et d'escalader de nouveau la haie pour arriver chez la jeune femme qu'il voulait espionner. C'était risqué, il le savait. Un chien pouvait se trouver dans le terrain. Des gens pouvaient être en train de discuter et de boire une petite bière tranquille. Mais il n'avait pas le choix ; il fallait qu'il fasse ça, sinon il ne saurait jamais se Kate sort avec un mec qui pourrait être son papy.

Il fit quelques pas et s'arrêta net, frustré. Devant lui se trouvait un bébé : Kira. Parfois Louis se demandait si cette gamine n'avait pas un don. Il lui arrivait très souvent de la croiser quand il avait besoin d'être seul, prêt à faire quelque chose de grand. Comme là. Alors, il soupira et lui demanda. « Ta sieste est finie ? » Louis adorait lui rappeler quand ils se croisaient qu'elle n'était qu'une gamine. Après tout, c'était vrai. Elle était petite. Très petite. Elle n'était même pas au collège ! Et en plus, elle pleurait facilement. Il n'avait pas du tout envie de l'avoir dans ses pâtes aujourd'hui -comme tous les jours d'ailleurs-. Pour éviter qu'elle ne le suive, Louis prit le devant et demanda alors, histoire de lui trouver quelque chose à faire. « Je crois bien que j'ai vu ta baby-sitter un peu plus loin là-haut qui t'appelait. » Il mentait évidement. Mais il ne voulait pas du tout l'avoir auprès de lui ! Il avait une mission à accomplir, et avec ce bébé avec lui, il ne pourrait rien faire.

Kira s’ennuyait profondément, elle était dans le salon de sa villa. Elle regardait la télé mais ne tenait pas vraiment place. C’était Marcel qui s’occupait d’elle aujourd’hui, sa mère travaillait comme souvent. Samy dormait profondément sur le tapis du salon au grand damne de Kira qui aurait aimé jouer avec son chien. Mais elle ne voulait pas le réveiller alors qu’il était si mignon quand il dormait et puis Marcel lui avait dit que c’était un bébé et qu’il avait besoin de beaucoup de sommeil. Elle était un coup allongé sur le canapé, puis assis puis debout en équilibre sur le dossier. Elle éteignit la télé parce que finalement elle ne voulait plus la regarder. Elle alla dans la cuisine et dit à Marcel : « J’ai faim Marcel ! » La petite fille avait bien compris que l’homme à tout faire de sa mère accédait au moindre de ses caprices et elle le faisait souvent tourné en bourrique. L’homme lui demanda alors : « Et que veux-tu manger ? » Kira réfléchit, elle voulait manger quelques choses de sucré ça c’était sûr. En même temps c’était l’heure du goûter alors rien de plus normal. Elle finit par répondre : « Des gaufres au nutella s’il te plait ! » Voilà elle voulait des gaufres avec pleins de nutella. Elle s’assit sur une chaise en attendant que Marcel lui serve ses gaufres. Elle ne tenait toujours pas en place et gesticula sur sa chaise jusqu’à ce que Marcel pause enfin les gaufres devant elle. Elle afficha un grand sourire et croqua dans une de ses gaufres. C’était délicieux. En quelques minutes son goûter fut engloutit et elle retourna dans le salon pour voir si Samy dormait toujours. Et par malchance son chien dormait encore, alors elle colla son nez à la fenêtre pour voir ce qu’il se passait dehors. Peut-être que ce serait plus intéressant que ce qu’il se passait à l’intérieur de la villa. C’est comme ça qu’elle apperçu Louis dans la rue. L’idée de le suivre ne mit pas longtemps à germer dans son esprit, elle attrapa son blouson dans l’entrée et cria pour que Marcel l’entende : « Je vais jouer dehors ! » Bon en théorie elle n’avait pas le droit de sortir du jardin mais bon Marcel n’en saurait rien du tout.

Kira se mit donc en marche pour suivre Louis, elle n’avait pas beaucoup de mal puisqu’il avançait lentement. Puis a un moment il décida de faire demi-tour et mais Kira n’eut pas le temps de se cacher elle tomba nez à nez avec lui. Louis lui dit alors : « Ta sieste est finie ? » Elle fronça les sourcils, elle détestait quand il insinuait qu’elle était un bébé. Pourtant la dernière fois elle lui avait mis un coup de pied parce qu’il avait osé dire qu’elle était un bébé. Et elle était capable de recommencer, Kira n’était pas du genre à avoir peur des plus grand qu’elle. Elle répondit lui lançant le regard le plus noir qu’elle pouvait : « Je fais pas de sieste imbécile ! » Oui oui elle venait bien de le traiter d’imbécile et n’avait aucune crainte de représailles. Kira regardait toujours Louis et lui demanda : « Tu fais quoi ? Tu allais où ? » Oui elle était curieuse de savoir ce qu’il faisait ici et où il allait parce qu’elle voulait aller avec lui. Elle s’ennuyait à mourir seule chez elle et embêter Louis allait lui passer le temps. Louis lui dit alors : « Je crois bien que j'ai vu ta baby-sitter un peu plus loin là-haut qui t'appelait. » Kira leva les yeux aux ciels, elle n’était pas si bête que ça. Déjà ce n’est pas sa Baby Sitter qui la gardait aujourd’hui c’était Marcel et celui-ci était dans la villa elle le savait très bien. Elle répondit : « C'est pas bien de mentir ! » Elle avait toujours les sourcils froncé, Louis était très énervant quand il le voulait. Elle ajouta : « C’est pas ma baby-sitter qui me garde aujourd’hui c’est Marcel et il est à la maison avec Samy. » Oui Samy son chiot Retrievers d’Ecosse qui allait bientôt avoir 1 an et dont Kira était complètement dingue. Habituellement il l’a suivait partout mais elle n’avait pas eu le cœur de le réveiller, il était trop mignon quand il dormait. Elle regarda Louis avec un petit regard déterminé et lui dit : « Je veux venir avec toi ! » Ça ressemblait plus à un ordre qu’autre chose, et oui la petite était une graine de dirigeante. Bon il y avait peu de chance que ça fonctionne avec Louis, mais elle pouvait toujours essayer. De toute façon elle le suivrait même s’il ne le voulait pas.

Certains jours, Louis prétendait qu'il n'avait pas de chance. Pour une personne lambda qui rencontrerait Pacey ou Louis pour la première fois, cette impression serait réaliste. Nulle doute que toute personne empathique pourrait plaindre ce père et ce fils qui vivent seuls, sans femme ou maman. Nulle doute aussi que cette personne serait encore plus attristée en apprenant ce qui était arrivé à celle qui aurait du jouer ces rôles. Mais pour Louis, ça, ce n'était pas de la malchance, c'était juste le destin. Le destin avait voulu qu'il n'ait pas de maman. Le destin avait voulu  que Pacey n'ait pas de femme. La malchance n'avait rien à voir là-dedans.
Dans l'esprit de Louis, la malchance, c'était simplement ne pas faire ses devoirs et que le prof le découvre. La malchance, c'était aussi dire un mensonge qui ne dure que quelques minutes, achevé par une vérité qui ne tarda pas à exploser. La malchance, c'était par exemple vouloir passer une soirée avec son père tranquille et découvrir que celui-ci avait du partir au travail. La malchance, c'était aussi vouloir faire quelque chose et se retrouver avec des bâtons dans les roues ; et son bâton, à cet instant précis, s'appelait Kira.

N'y avait-il rien de plus malchanceux que de vouloir espionner quelqu'un et se retrouver avec un bébé pleureur dans les pattes ? Kira était une gamine, une enfant qui n'était pas plus haute que trois pommes. Même si Louis était plus grand qu'elle, même si il était désolé pour elle et son histoire, même si au fond il l'aimait bien cette petite, il n'avait aucune envie de l'avoir à ses côtés. Elle allait gâcher ses plans. Elle allait pleurer comme la dernière fois. Elle allait tout foutre en l'air. Et pire, ils risquaient d'être découverts.

Alors, évidemment, Louis essaya de la faire fuir. Mais c'est qu'elle était tenace cette petite ! A sa réflexion sur la sieste, la gamine avait froncé les sourcils. Les yeux de Louis s'étaient posés sur elle, guettant le moindre geste de sa part. Bien qu'il n'avait pas peur de la petite, il se souvenait qu'une fois, elle lui avait mis un coup de pied dans le tibia après qu'il eut insinué qu'elle n'était qu'un bébé.
« Je fais pas de sieste imbécile ! » Imbécile ? En entendant ce mot, et en voyant son regard -noir-, Louis ne put s'empêcher de sourire. Il n'était pas le genre d'ado à se prendre la tête avec des insultes -encore moins quand ces insultes venaient d'une liliputienne-. « Tu devrais. Tu serais sûrement moins pénible ! »
Il n'avait aucune idée si dormir rendait les gens moins grognons, mais en tout cas, ça semblait être le cas avec Maya. Quand la petite n'avait pas dormi depuis un moment, elle était grognon, elle qui d'habitude était plutôt bonne vivante.  Alors, il imaginait que c'était la même chose pour Kira. Puis au moins, si elle partait faire sa sieste, elle le laisserait tranquille...

« Tu fais quoi ? Tu allais où ? » En plus d'être pénible, elle le questionnait. Et il n'avait strictement aucune envie de lui répondre. Il se contenta de lui mentir ; pour lui dire que sa nounou la cherchait. La gamine n'était pas dupe; elle leva les yeux au ciel. « C'est pas bien de mentir ! » Ah ouais ? Il s'en moquait. La moralité n'était pas ce que Louis préférait. « C’est pas ma baby-sitter qui me garde aujourd’hui c’est Marcel et il est à la maison avec Samy. » Génial.. Louis soupira. En fait, il n'avait jamais trop compris la vie de Kira. Il savait qu'elle n'avait plus de parents, du moins plus de vrais parents. Mais il était toujours perdu quand la petite lui parlait. Un coup, elle avait une nounou, un autre coup, c'était Marcel, et là, elle rajoutait un Samy. Il mit quelques secondes avant de comprendre qu'elle parlait de son chiot ; il devait le reconnaître, cette bête était belle.  « Je veux venir avec toi ! » Son ton était strict ; comme si elle croyait en lançant cet ordre que Louis allait l'écouter.

Le jeune soupira encore une fois. « Ce que je vais faire là, on n'a pas le droit de le faire normalement. Si mentir te pose problème, je te conseille de repartir voir Marcel et Samy tout de suite. » En disant ces mots, Louis espérait surtout faire peur à la petite. Même si passer au dessus des haies ou portails pour aller espionner quelqu'un n'était pas très correct, ce n'était pas si dramatique. Mais il ne tenait pas à avoir Kira derrière lui. « De toute façon, t'es une trouillarde.. Tu vas te mettre à pleurer.. » fit-il. Il lui jeta un dernier coup d'oeil avant de la contourner pour continuer sa route. Il n'allait quand même pas rester auprès d'elle !