Louise était débordée par le travail depuis qu’elle était installée à Huntington Beach. Un mois s’était déjà écoulé depuis le lancement de sa quotidienne, qui avait fini par décoller et gagner en audience malgré des débuts difficiles faute de notoriété. Elle n’avait pas de vie sociale depuis qu’elle était ici, elle qui était pourtant très fêtarde passait son temps à préparer ses sujets d’émissions et faire des recherches sur internet pour découvrir de nouvelles inspirations. Ca ne lui déplaisait pas, au contraire, elle faisait ce qu’elle aimait comme elle l’avait toujours fait depuis le début de sa carrière de mannequin, jusqu’à aujourd’hui où elle s’était sentie prête à entreprendre un peu plus dans ce lancement de programme TV. Elle avait beaucoup travaillé et aussi comploté pour en arriver là, mais rien ne l’éloignait de ses objectifs. Louise pouvait être très gentille mais elle était aussi ambitieuse et n’hésitait pas à écraser qui se trouvait sur sa route. Ce côté vindicatif ne lui avait encore jamais fait défaut, bien au contraire.

Assise sur son fauteuil en cuir, caressant son bureau en ébène du bout des doigts, elle avait le regard dans le vide. Elle était perdue dans ses pensées. Elle avait fini sa journée, elle l’avait décidé du moins. Décidé de ne pas travailler jusqu’à minuit, elle avait assez donné et méritait un peu de repos. Ce soir, elle voulait évacuer le stress accumulé durant ce long mois de travail acharné, sortir, voir du beau monde et en bonne compagnie. Changeant seulement son top pour un autre plus échancré après avoir fait une retouche maquillage, elle se dirigea vers l’ascenseur de son bel appartement. Comme tous les immeubles standings, elle disposait d’un garage où stationné sa Maserati 4 portes.  Louise appréciait ce petit caprice qu’elle s’était fait pour fêter son nouveau départ dans le monde professionnel car sa voiture était archi luxueuse mais n’était pas tape à l’œil. Seulement du raffinement, comme dans lequel elle avait été éduquée petit à Paris.  Elle se gara devant chez Lorelai Daniels, une amie et collaboratrice de longue date, qui l’avait épaulé dans son installation à Huntington Beach. C’était bien la seule adresse qu’elle connaissait ici, mis à part le centre commercial et le studio où elle enregistrait son émission, étant plus souvent en déplacement sur Los Angeles pour ses reportages.

- Tu m’invites à dîner ? dit-elle la bouche en cœur lorsque Lorelai ouvrit la porte.

Elle tendait une bouteille de vin avec une moue boudeuse en guise de soudoiement.

Incruste chez Lorelai

louise rosenfeld — lorelai daniels

Assise dans mon salon, un verre de vin dans la main, je relisais le programme de la semaine. Quand on dirige une émission, il est logique de préparer certaines choses. Revoir les informations concernant certains invités, préparés les questions, les blagues… Généralement, j'improvisais. Aussi étonnant que cela puisse paraître, mes émissions n'étaient que rapidement mises en place. Pour le reste, je faisais comme toujours : je faisais sourire et rire en étant tout simplement moi-même. J'avais tendance à lire à travers les regards, à comprendre quand un sujet pouvait plaire et quand un sujet pouvait être difficile. Le but de mon émission, c'était la promo, mais pas seulement. J'arrivais à faire parler mes invités de façon totalement libre. Avec moi, ils étaient à l'aise, tranquille. Je n'étais pas contre parler de sujets sensible, mais je les prévenais. Nous n'abordions jamais les sujets qu'ils ne voulaient pas. Je refusais d'être le genre de présentatrice qui cherche la gloire grâce aux potins. Je pense que c'est ce qui explique mon succès. L'ambiance, le naturel. Le sérieux parfois. Il y a eu des moments forts, des stars qui se sont effondrées en larmes, d'autres qui n'ont jamais autant fait rire. Un grand magazine avait surnommé mon émission : découvrir le vrai visage des stars. J'avais tout vu, tout fait. Et continuez était une chose incroyable. J'étais à l'aise à l'écran, à l'aise à discuter.

Me penchant sur le programme que j'avais posé sur la table, je rayais quelques lignes. J'ajoutais ensuite quelques notes, quelques suggestions, que je ne verrais pas la suite avec mon équipe. Il fallait notamment que je voie tout ça avec mon producteur en chef. Finissant mon verre, je me dirige vers la cuisine. Je ne m'étais pas rendu compte du temps que j'avais passé à finir de relire tout ça et maintenant, je commençais sérieusement à avoir faim. Ce soir Kira dormait chez une amie – elle avait sauté sur l'occasion depuis notre retour. New York ne lui plaisait pas. Je le savais, je n'étais pas aveugle. Retrouver ses camarades lui faisait un bien fou. Je ne crois pas être une mauvaise mère, mais je sais qu'elle finira par comprendre que les vraies opportunités se trouvent à New York et non ici. De toute façon, elle était sous ma responsabilité. Elle allait s'habituer à ce nouveau train de vie.

En remarquant qu'il n'y avait rien de bien intéressant dans mon frigo – je ne suis pas une cuisinière – je finis par arracher le post-it collé au frigo. Le numéro noté dessus était celui d'un traiteur que j'affectionnais tout particulièrement. Mais avant de pouvoir composer le numéro, une petite sonnerie à l'entrée m'alerte. Je traverse donc tout le salon pour me diriger vers le petit dispositif de protection. Je reconnut rapidement la voiture qui attendait d'entrer. Louise était là. J'active donc le portail pour qu'elle puisse se garer et je poste le téléphone fixe dans un coin pour ouvrir la porte d'entrée.

« - Le timing est parfait, petit Lou. » Je la laisse entrer, plutôt contente a l'idée de ne pas passer ma soirée seule. « - Et puis tu sais que je ne refuse jamais une bonne bouteille. » J'attrape la bouteille dont je lis tout de suite le nom. Satisfaite, je referme la porte de l'entrée. J'avais beaucoup d'appréciation pour Louise. Outre le fait qu'elle a été l'une de mes meilleures modèles – et qu'elle continuait parfois à me donner cette exclusivité. – j'appréciais son ambition et sa force de caractère. Elle n'était pas comme les autres mannequins. Elle avait compris que la vie lui réservait d'autres possibilités, d'autres opportunités. Et elle fonçait. Elle y arrivait bien jusqu'ici, ce qui me rendait assez fière. « - De quoi tu as envie, je m'apprêtais à appeler le traiteur. »

Un sourire ravi se dessina sur les lèvres de Louise lorsque Lorelai l’invita à entrer. Elle s’était pointée chez son amie sans réellement savoir si celle-ci était disponible pour la soirée ou non, connaissant la notoriété de Lorelai à Huntington Beach, c’était une chance qu’elle ne soit pas en vadrouille à faire des mondanités. Bien sûr, même si Lorelai était la seule personne qu’elle connaissait - ou du moins avec qui elle avait envie de passer la soirée -, Louise aurait pu passer son ennui en tentant de rencontrer de nouvelle personne mais elle avait toujours été trop orgueilleuse pour aller dans une soirée seule … Sérieusement, quel genre de personne faisait ça ? Sûrement pas une Parisienne pure et dure. L’ancien top était enchanté à l’idée de passer la soirée avec Lorelai et espérait bien que celle-ci l’emmène dans un lieu cool en ville pour rencontrer du monde.

Louise était assez difficile en terme de nourriture, non pas car elle n’aimait rien, au contraire elle aimait quasiment tout ce qui était comestible, mais ses valeurs et son éthique l’empêchait de manger n’importe quoi, que ce soit pour sa ligne ou pour son intérêt pour la cause animale. Elle avait arrêtait de manger de la viande blanche et rouge depuis bien longtemps, cela faisait que quelques temps qu’elle avait cessé de manger du poisson, elle ne mangeait pas de fruit de mer ayant été élevée dans la tradition juive et songeait presque à arrêter de consommer du lait et des œufs. A devenir végétalienne en somme, enfin « vegan » pour être dans l’ère du temps. Surtout depuis qu’elle avait vu une vidéo de sensibilisation sur les conditions de vie des vaches laitières. Même si quand elle était seule, elle ne peinait pas à se tenir à son dictat alimentaire, elle en rougissait un peu lorsqu’elle était en société et avait toujours l’impression de passer pour une chieuse finie au moment où il s’agissait de commander à manger.

- On mange végétarien ? proposa Louise avec une moue enfantine suivie d’un petit sourire en coin, gênée de poser ses conditions après s’être incrusté. Enfin comme tu veux, personnellement je mourrai pour du guacamole.

Elle passa sa main dans les cheveux et se laisser choir dans l’un des sofas de son amie.

Incruste chez Lorelai

louise rosenfeld — lorelai daniels

Louise avait de la chance, parce que pour une fois, je n’avais pas de plan. Pas de choses précises de prévus. J’aurais pu. J’avais toujours une invitation pour les fêtes les plus importantes de la ville et même mon absence n’avait pas changé ça. Je n’avais simplement pas eu envie. Il faut dire que le train de vie avait beau être plus lent ici, je voulais aussi me reposer. Prendre du temps pour moi, c’était essentiel. Mais la présence du jeune mannequin ne me dérangeait pas finalement. C’était même l’inverse. C’était dommage qu’elle ait arrêté sa carrière, elle était douée. Heureusement pour moi, j’avais encore un peu son « exclusivité » sur le marché. Maintenant que j’y pensais, que je décide de passer ma soirée seule et dans mon coin, c’était normal. Je me noyais sous le boulot et je connais cette endroit par cœur. Par contre, ce n’était pas le cas de la petite Louise. Elle devrait sortir, rencontrer d’autres personnes, fréquenter les riches californiens. Je suis certaine qu’elle allait y trouver son bonheur et très vite. Ce n’était qu’une question de temps, sans doute.

En attendant, bouteille à la main, j’observais l’étiquette. J’en profite pour prévenir Louise que j’étais sur le point d’appeler mon traiteur, pour manger quelques choses. Ensuite, j’improviserait. Louise devait sortir, découvrir la ville. « - Non, non, ça me va. J’ai bien envie de ces choses-là… au rizotto. Des falafels ! » J’en avais goûté lors de l’ouverture d’un restaurant Vegan en plein New York. Beaucoup de stars avaient été invités pour l’occasion et ceux aux mozzarellas m’avaient complétement séduites. Ça avec une petite salade, ça sonnait bien. Lorelai attrapa deux verres et les posas sur la table basse avant de s’asseoir à son tour. « - Tu vas bien ? La ville te plait ? » Tout en parlant, je cherche dans mes tiroirs un tire-bouchon, mais aussi le petit catalogue de mon traiteur pour qu’on regarde ce qu’on peut commander. Même si parfois j’improvise et que je demande tout et n’importe quoi, je sais qu’il y a certaines choses qu’ils ne peuvent pas faire. Tout dépend des saisons, de ce qu’ils ont.

Je trouve d’abord le petit catalogue, le dernier que j’avais trouvé dans mes courriels à mon retour, et je le tend à Louise. « - Tiens, je te laisse regarder ce qu’ils proposent. » Puis je prends la bouteille et m’occupe du bouchon. C’est toujours pénible à faire, mais j’avais pris le coup de main depuis le temps. « - On devrait sortir après, ça te tente ? J’ai des endroits assez sympas pour s’amuser. » Je lui offre un sourire ravie. Puissant. Puis la bouteille est enfin ouverte. Je pose le bouchon dans un coin et sert un peu de vin à Louise puis à moi. Je remplie le verre aux tiers, comme une pro.

« - Je suis tombé sur ton émission la dernière fois, enfin c’est plutôt Kira qui est resté devant alors que je lui avais interdit d’allumer la télé. Ce n’est pas mal. » Je lève mon verre vers elle. « - Je me demande pourquoi je n’ai jamais pensé à faire d’émission dans le genre. Mes apparitions dans Fashion Police chez E!, c’était cool, mais c’est tellement plus la même chose depuis la mort de Joan, paix à son âme. En tout cas, j'ai bien aimé. Je trouvais déjà l'idée cool quand tu t'étais lancés, mais tu évolues bien je trouve. »