Eclairé par la petite lumière de bureau, la main sur le front il relisait sa plaidoirie pour demain. Voilà bientôt trois heures qu’il était derrière son bureau, son assistante avait quitté le cabinet lui souhaitant une bonne soirée et il avait été salué il y a une heure par le vigile qui surveillait l’ensemble des bâtiments dont celui de maître Harper. Sa plaidoirie était bonne, bien tournée et il aurait dû éteindre la lumière et se saisir de sa veste pour rentrer chez lui retrouver sa femme et ses enfants. Il ne pouvait pas, pas depuis qu’il avait ouvert son courrier dans la matinée et qu’il avait vu cette lettre. Il était la nouvelle victime du corbeau, une de plus. Noah était anxieux. Il se laissa tomber dans le fond de son fauteuil, posa son regard sur un cadre posé sur son bureau où on apercevait les quatre enfants de Noah. Il ferma ses yeux quelques instants glissant ses deux mains dans ses cheveux déjà en bataille. Il resta ainsi quelques instants, dans le calme, seul avec ses pensées, ses doutes et ses peurs. L’avocat finit par quitter son bureau, prenant sous son bras sa mallette et quelques dossiers qui lui serviraient de livre de chevet. Il monta à bord de sa voiture, posant tout côté passager avant de quitter le parking souterrain et rouler en direction de chez lui. C’était son intention pourtant il ne tourna pas à l’angle de la rue et ne prit pas non plus la seconde sortie pour se donner une seconde chance de rejoindre le quartier. Il prit en direction du centre-ville, prit place sur un parking et observa le bar qui se trouvait devant lui. Noah n’avait pas envie de boire, il n’était pas en crise mais il avait besoin de se trouver face à cet établissement, de penser à tout ceci, cette dépendance, le malheur autour de lui à cause de son alcoolisme, il avait besoin de voir qu’aujourd’hui ça allait mieux, que tout s’arrangeait et que plus jamais il ne passerait le pas de cette porte. Il se sentait seul. Il était pourtant entouré de ses enfants, sa mère, sa femme et de Leah. Il avait des collègues avec qui le courant passait bien, il avait Aleksey qui était de retour en ville mais il avait ses problèmes et Noah ne se voyait pas débarquer chez lui pour raconter les siens. Il n’avait pas de confident, il n’en avait pas eu besoin par le passé parce qu’il avait eu à ses côtés Sophia. Elle était morte et il avait perdu sa confidente, jusqu’au jour où en débarquant dans cette ville il avait trouvé une amie, une oreille attentive, retrouvant une complicité qu’il lui avait tant manqué durant les dernières années. Il avait perdu cette femme, cette amie. Neela, n’était plus celle à qui il pouvait se confier, elle n’était plus celle qui l’écoutait, le conseiller et ne le jugeait pas. Il avait brisé son cœur et brisé leur amitié. Il avait perdu tellement. Pourtant il se trouvait à présent devant chez elle, au volant de sa voiture la route avait défilé naturellement et il s’était stationné devant chez elle. Ça lui semblait logique. Ça ne l’était pas et il resta à l’intérieur comprenant qu’il ne pouvait pas sonner, lui sourire et lui dire qu’il avait besoin de parler. Cela ne pouvait pas être aussi simple, pas avec Neela. Pourtant quelques minutes après il claqua la portière et avança vers chez la jeune femme, glissant ses mains dans les postes de son pantalon. Une fois devant la porte, il toqua préférant cela à la sonnette car leur fille devait dormir. D’ailleurs quelle heure était-il exactement ? Il posa son regard sur sa montre découvrant qu’il était près de vingt-deux heures et qu’il débarquait vraiment à l’improviste. La porte s’ouvrit « Bonsoir… je suis désolé si je te dérange » il aurait du réfléchir plus longtemps, faire demi-tour et la laisser tranquille. « Est-ce que je peux rentrer ? ».

« Tout le monde va bien » s’empressa-t-il de dire, il ne voulait pas l’inquiéter, il n’avait pas pensé que sa venue tardive générerait de l’inquiétude chez la jeune femme. Il n’avait pas réfléchit. Tout simplement. Il entra à l’intérieur, il ne voulait pas l’importuner et ne comptait pas tourner autour du pot. Alors qu’il avançait à l’intérieur il finit par s’arrêter, ne sachant pas vraiment s’il pouvait se rendre au salon ou si elle allait lui montrer la porte dans cinq minutes. « Je suis désolé de venir à cette heure-ci, de m’inviter de la sorte et de t’obliger d’une certaine manière à m’écouter… je sais que je n’en ai pas le droit. » Qui était-il pour elle à présent ? « Par le passé c’était toujours vers toi que je me tournais… ce lien je l’ai perdu par ma faute, et je ne suis pas là pour refaire toute l’histoire… c’est juste que… bizarrement je suis venue ici… tu es la seule à qui je peux me confier. » Il avala difficilement sa salive, l’observant. « C’est égoïste de ma part » Noah reprit la parole rapidement, il voulait que ça sorte, il voulait lui dire ce qui se passait parce qu’elle finirait peut-être par lui demander de sortir et il voulait avoir l’occasion de se confier. « Je suis sa nouvelle victime… au corbeau. » Noah avait reçu une lettre par le passé mais pas en tant que victime, Neela en avait été une. A présent c’était au tour de l’avocat, il savait que son secret finirait par exploser, qu’une personne voir plusieurs seraient mises au courant de son secret, il ne voulait pas que sa mère soit avertie de cette histoire, il ne voulait pas que sa femme sache la vérité… Il voulait protéger tout le monde et il n’y avait qu’à une seule personne qu’il avait envie de le dire. « Si tu ne veux pas que j’aille plus loin, si tu veux pas avoir à m’écouter davantage, si tu ne veux pas être mêlée à cette histoire… je le comprendrais… je sais que je ne devrais pas venir ici, que je ne devrais pas te demander de l’aide… » Neela avait toujours été une confidente exemplaire, c’était une personne capable de se taire, d’écouter, de guider, de réconforter et de ne jamais trahir quiconque. Peu de personne en était capable, peu d’amis réussissaient à garder un secret pour eux. Si Noah était là ce soir devant elle, c’était parce qu’elle était la seule à pouvoir l’écouter réellement, qu’elle était la seule capable à dire la vérité, celle qui peut blesser mais qui fait du bien ou qui fait avancer.

« Volontiers » Noah se sentait comme soulagé de pouvoir rester un moment avec la jeune femme, elle était prête à l’écouter et c’était une bonne chose car il n’y avait qu’auprès d’elle qu’il voulait se confier. Pourquoi Neela ? Parce qu’elle avait été son amie avant de devenir sa petite amie puis la femme à qui il avait fait du mal. Avant ils étaient amis, et avant Noah avait toujours eu une vraie confiance en elle se sentant toujours écouté et conseillé de façon juste. Parce que Neela n’était pas connue pour dire ce que les autres voulaient entendre, elle donnait son avis, qu’il plaise ou non parce qu’elle était juste. Il prit place, se sentant tendu, ce qu’il avait à avouer à la jeune femme était difficile, difficile parce qu’il l’avait caché en lui depuis de nombreuses années au point d’oublier ce qui s’était passé ce jour-là. « Je ne sais pas pourquoi mais mon cerveau a mis de côté un passage de ma vie, j’avais presque oublié ce qui s’était passé jusqu’à ce qu’elle revienne d’entre les morts. » Il marqua une pause, observant la tasse de thé « Personne ne le sait Neela mais depuis son retour mystérieux j’ai mené mon enquête, avec l’aide d’un détective privé j’ai tenté de comprendre ce qui s’était passé… j’ai décidé il y a quelques semaines de brûler tout ce que j’avais récolté, m’interdisant d’enquêter sur ma femme, m’interdisant de salir ce bonheur, cette chance qu’on nous donnait. » Noah n’était pas un homme à croire à un retour miraculeux, il n’était pas un homme facile à berner mais il s’interdisait de penser que la femme qui passait ses nuits à côtés de lui était une menteuse. « Son retour est une bénédiction mais son retour signifie aussi que mes actions passées sont des erreurs à présent… je ne peux plus mentir, je ne peux plus empêcher ces images de revenir à moi. » Il posa ses coudes, glissa ses mains deux mains dans ses cheveux prenant une profonde inspiration avant de relever sa tête et poser son regard sur l’Indienne. « Quand Sophia est morte je me suis promis de la venger… et j’ai réussi. » il marqua une pause avant de reprendre et mettre fin à ce secret « J’ai retrouvé chaque personne qui était lié à son assassinat, je les aie tué un par un… j’ai obtenu de l’aide de mecs franchement louches mais qui comprenaient ma soif de vengeance parce qu’ils avaient eu cette même soif en perdant l’un des leur. Ils ont tué ma femme, la mère de mon fils et j’ai pris leur vie pour me venger » il eut un rire nerveux, rempli d’amertume et de tristesse « elle est en vie… personne ne l’a tué » il posa ses mains sur ses lèvres, se sentant tremblant, il n’en avait jamais parlé à personne depuis toutes ces années.

Enquêter dans le dos de sa femme ce n’était pas quelque chose de normal, personne n’avait à faire une telle chose mais le retour de Sophia était un vrai mystère. Comment pouvait-on être déclaré mort, disparaître durant des années et revenir un jour comme par miracle ? Il avait enterré sa femme, il avait signé des papiers indiquant clairement que le corps de Sophia avait subi des impacts de balle, il avait vu l’heure de son décès, une tombe portait son nom… pourtant elle était à ses côtés. Ce décès avait causé la perte de Noah, il était devenu alcoolique, avait fait du mal à son fils, à sa mère, et son comportement avec Neela et Leah étaient également la conséquence de ce décès qui était faux… difficile à encaisser !

La réaction de Neela était une réaction somme toute normal, vu la situation. Noah n’était pas né tueur, ce n’était pas un malade qui aimait faire du mal aux autres, qui aimait prendre la vie d’autrui. Noah avait perdu sa femme, l’amour de sa vie, sa raison d’être et face à cette assassinat il avait réagi sous l’esprit de vengeance. Combien étaient-ils comme lui ? A avoir perdu un enfant, un conjoint, un parent. Ne pouvant plus fermer l’œil parce qu’un malade était libre et pouvait à nouveau tuer par simple plaisir. Combien étaient-ils à devoir faire justice eux même ? La vengeance n’était pas la solution, la vengeance n’aidait pas mais la vengeance était juste parce qu’elle enlevait la vie de celui qui avait osé la prendre. Posant sa main sur sa tête alors qu’une orange venait de le percuter, peut-être que c’était mieux qu’une gifle ! Il grimaça mais ne broncha pas. « Ces mecs-là ne vont jamais en prison Neela ! » Ténor du barreau ou pas, les hommes comme celui qui avait gâché sa vie n’allait jamais en prison. « J’ai refusé de le défendre et il a tué ma femme ! » il se sentait toujours haineux lorsqu’il repensait à cet homme, un mafieux de New-York qui avait voulu Noah comme avocat, ce dernier avait refusé, n’aidant jamais les criminels, c’était un principe, ce principe lui avait valu une voiture brulée, un cabinet vandalisé puis le décès de sa femme… alors non ces mecs-là ne pourrissaient pas en prison. « Personne ne peut comprendre mon geste hormis ceux qui comme moi ont vu leur proche quitter ce monde parce qu’un salopard trouvait cela amusant ! Je voulais venger ma femme, elle a été abattu comme un chien en pleine rue, ils l’ont laissé se vider de son sang, tu imagines ce que tu ressens en apprenant cela ? Ils devaient payer. » Mais Sophia était en vie. « Elle était morte, un putain de légiste a rendu un dossier, c’était ma femme dans ce cercueil. » il secoua la tête « Comment pouvais-je imaginer une seule seconde que la personne dans ce cercueil n’était pas ma femme ? » Ils avaient tué des hommes qui n’avaient pas tué sa femme, des hommes dangereux mais qui n’étaient pas coupable du meurtre de Sophia. « Depuis son retour je pense à ce que j’ai fait. » il marqua une pause, observant ses deux mains, des mains d’assassin. « J’ai presque regretté qu’elle soit en vie. » C’était dit. Il n’y avait qu’à Neela qu’il pouvait le dire.