Ca ne faisait pas si longtemps que ça que j'étais rentrée à l'école. J'étais passée dans une classe supérieure, comme une grande et je crois que mon papa en était fier. Du moins j'espérais. J'aimais bien aller à l'école. Je préférais ça aux cours par correspondance. J'avais fait la connaissance d'autres enfants il y a de cela deux ans. Au début c'était compliqué, j'avais pas l'habitude de me retrouver toute la journée dans une classe avec des gens que je ne connaissais pas, mais vite, cet endroit est devenu familier. Peut-être pas comme la maison, mais ça ne me dérangeait plus d'y aller. Là-bas, j'avais des copines: on jouait à l'élastique, on jouait même à cache cache dans la cour de récréation et parfois on jouait avec nos poupées. Je préférais quand même les grandes vacances, parce que je passais plus de temps avec mon papa. Comme j'étais en congé, lui, il travaillait moins sachant très bien que m'obliger à passer la journée avec Leana était un vrai calvaire. J'aimais pas cette dame, j'avais l'impression qu'elle voulait me séparer de mon papa, ou prendre ma place. Je ne voulais pas qu'elle prenne ma place de n°1 dans sa vie et pourtant, parfois j'avais l'impression que c'était le cas. J'avais pas non plus envie de la connaitre, je voulais juste qu'elle s'en aille. Après, je ne passais pas non plus mon temps à lui mener la vie dure, je restais dans mon coin, je jouais avec mes barbies ou encore avec Gigi. Parfois elle s'approchait de moi, elle voulait me parler, elle voulait s'occuper de moi, mais c'était pas ma maman et je ne l'aimais pas: j'hésitais pas à le lui rappeler.

Aujourd'hui, c'était une journée spéciale. On allait visiter un musée avec l'école. J'aimais pas trop les musées d'histoires des hommes. Je ne comprenais pas trop et puis c'était tellement ennuyeux... A ce musée, j'y ai vu des hommes presque tout nus, avec du tapis sur eux et des poils d'animaux. C'était vraiment pas beau. En fait, on aurait dit des singes qui avaient évolué en homme. Après ça, on y avait vu des animaux que je n'avais jamais vu dans un zoo. Apparemment, c'était des dinosaures. La dame nous a expliqué que ces animaux n'existaient plus, mais que c'étaient les premiers à avoir vécu sur la terre. Décidément, quand je les regardais j'étais contente qu'ils soient tous morts. Je préférais les chiens ou les chats, sauf que mon papa n'en voulait pas. Sur le moment, je songeais à lui demander à nouveau, tout à l'heure. Oui! Je vais lui demander pour avoir un chien! A ce musée, on était aussi passé en dessous d'un squelette de baleine suspendu au plafond afin de se rendre compte de la taille de cet animal. Décidément, j'avais l'impression d'être une puce à côté de ce truc. D'ailleurs, c'était tellement gros, que ça me faisait peur. En y réfléchissant, j'avais peur d'aller me baigner à la plage  maintenant. Peut-être que j'allais y rencontrer une baleine? je fronçais les sourcils à cette idée et, avec ma classe et mon instituteur, me dirigeais vers la boutique de souvenir. C'était nul, ça, par contre. On ne pouvait rien acheter sans argent et par contre on nous mettait l'eau à la bouche en nous emmenant là. Je me dirigeais vers les peluches, parce que c'était ce que je préférais. Je m'agenouillais par terre afin de regarder celles se trouvant tout en bas sans prêter attention au reste de la classe. Ils étaient tous en train de partir sans que je ne remarque quoique ce soit. Une dizaine de minutes plus tard, en me relevant sur mes deux jambes, je cherchais après mes petits camarades. Personne. J'étais toute seule. Je me dirigeais vers la caissière et tentant tant bien que mal d'arriver à sa hauteur en me mettant sur la pointe des pieds.

- "Madame? J'ai perdu ma classe. Vous ne savez pas où ils sont?"

- "Ah non, désolée princesse, vas voir un peu plus loin. J'ai du boulot"

Je grimaçais et, sac à mon dos je partais toute penaude à la recherche de mes copains de classe. Pour le moment, ça ne m'inquiétait pas trop, je supposais qu'ils étaient un peu plus loin. Je marchais en direction de la sortie et une fois sur la rue, dehors. Pas d'enfant, pas de monsieur Solal, que des adultes que je ne connaissais pas. Je ne savais pas par où aller, je ne connaissais pas l'endroit, j'étais trop petite et visiblement j'étais perdue. Je sentais l'angoisse qui montait en moi. Et si je devais rester ici tout le temps? Et si je ne rentrais jamais chez moi? Et si mon papa ne se rendait pas compte de mon absence? J'allais dormir où? J'avais pas d'argent, je savais à peine compter. J'avançais à l'aveugle, ne sachant pas où aller. Je passais devant un magasin où des dessins se trouvaient sur la vitrine. Apparemment, c'était de la peinture sur corps, mais c'était très joli. Une jeune dame se trouvait à l'intérieur. Elle avait l'air gentille. J'eus un léger moment d'hésitation, mais quand je pensais au fait que j'étais toute seule ici, j'étais obligée de demander de l'aide. Je poussais tant bien que mal la porte assez dure pour mon poids plume et entrait à l'intérieur de la boutique, réajustant mon sac à dos par la même occasion. Je m'avançais vers elle et lui demandais de l'aide d'une voix hésitante et à peine audible.

- "Bonjour madame. J'ai perdu ma classe et je ne sais pas comment je peux retourner chez moi. Vous pouvez m'aider s'il vous plait?"

J'osais à peine la regarder, je ne me sentais pas vraiment à l'aise, j'espérais juste qu'elle puisse me venir en aide. Mon visage s'attristait de plus en plus rien qu'à l'idée que je pourrais, ne plus retourner chez moi et surtout, ne plus revoir mon papa.

Je venais d'entrer dans le magasin de dessin-sur-corps d'une madame. Je ne la connaissais pas, je ne l'avais même jamais vu, mais elle m'inspirait confiance, elle. Peut-être qu'elle allait accepter de m'aider? Je lui expliquais mon problème avec une voix à peine audible. A mon grand soulagement, la jeune dame acceptait. Elle s'agenouillait face à moi de sorte à ce qu'on se trouve plus ou moins à la même taille ce qui me rassurait. Etre haute comme trois pommes, ca n'a aucun avantage et en plus, ça ne rassure pas devant ces grandes personnes. Mon papa me disait souvent de ne pas parler aux inconnus, mais ici j'avais pas vraiment le choix. Fallait bien que je trouve une alternative pour rentrer chez moi. Je ne savais même pas si je vivais loin d'ici ou pas. Lorsque la dame me rassurait en me disant qu'elle était la meilleure, je souriais. Au moins, j'étais sure de retrouver ma maison et mon papa avec elle. Soudain, une question me taraudait.

Vous aidez souvent les petites filles comme moi?

Si c'était le cas, je ne voulais plus jamais mettre les pieds dans cette ville! Ca voudrait dire que beaucoup d'enfants se perdait et donc, que c'était pas un endroit sûr. Je me rendais compte qu'on était jamais vraiment en sécurité et ce, même avec son instituteur. Finalement, le seul avec qui je l'étais vraiment, ça devait être mon papa. La prochaine fois que j'irai au musée, ca sera avec lui et personne d'autre. Ah si, peut-être avec sa copine, mais j'espère pas. Je regardais la jeune femme se redresser avant de me proposer quelque chose à boire. Je souriais d'autant plus. Elle était vraiment rassurante, c'était apaisant. Je portais un doigt devant ma bouche et réfléchissait à ce que je préférais comme boisson.

Mmmmh... J'aimerais un jus d'orange s'il vous plait!

Suite à ça, l'inconnue se trouvant face à moi se présentait. Elle s'appelait Mia. C'était tout ce que je retenais. Les noms de famille, je ne m'en sortais jamais avec. Etait-ce possible que même un nom de famille mette à l'aise à ce point-là? Pour moi, Mia était un prénom de petite fille, de jeune personne, de fille gentille. J'étais certes naïve, mais je ne pouvais pas vraiment faire autrement. C'était de mon âge.Tous les enfants de mon âge était naïfs, pourtant parfois j'y travaillais, j'essayais de ne pas croire tout ce qu'on me disait, mais c'était plus fort que moi. Je lui souriais toujours autant avant de me présenter à mon tour avec un timbre de voix plus rassuré.

Moi je m'appelle Ella Dickens et j'ai 8 ans!

J'aimais bien préciser mon âge, parce que j'étais fière d'avoir déjà 8 ans. C'était grand et après l'hiver, j'allais avoir 9 ans. Bientôt, on arrêtera de me prendre pour un bébé et je pourrai bientôt aller me promener toute seule. Je pourrai aller dormir plus tard aussi et je ne devrai pas tout le temps demander la permission à mon papa. Elle retournait derrière son "bureau" et ensuite, me posait une autre question. Si j'habitais à Huntington beach. Ca! je savais que oui. J'avais même une maison à Presidente Drive. Je réfléchissais un instant avant de répondre à la dénommée Mia.

Mmmh. Oui. Je vis avec mon papa et sa madame à Presidente Drive. C'est tout ce que je sais. Ah non! Mon papa mets des gens en prison. C'est ça son métier et son prénom c'est Elias.

Je haussais les épaules, déçue de ne pas pouvoir lui en dire un peu plus sur ma situation. Je ne connaissais pas le numéro de mon papa, je ne savais pas comment s'appelait l'endroit où il travaillait étant donné qu'il disait tout le temps "bureau". Une fois, quand je lui avais demandé ce qu'il faisait comme métier, il m'avait répondu qu'il mettait les méchantes personnes en prison pour les punir. Voilà, c'était tout ce que je savais. J'observais l'endroit où je me trouvais. C'était vraiment bizarre. Il y avait un siège comme chez le dentiste, mais pourtant, il y avait des photos avec de la peinture sur la peau. Je fronçais les sourcils avant de m'adresser à la dame.

Et vous, votre métier c'est quoi? vous coloriez sur la peau des gens?