8 AVRIL 1990, OUTBACK, AUSTRALIE.

« Timae Moira Mecklenbach. Avec un H. » C'est avec un enthousiasme non dissimulé que Isaac Mecklenbach, un australien trente trois ans, peintre dans le bâtiment annonça le nom de son nourrisson à une employée de mairie assise derrière son bureau. Ladite employée releva des yeux vers l'homme, étonnée. Sa mâchoire se referma sur son chewing-gum parfumé à la fraise. Elle arqua un sourcil avant de baisser sur la feuille jaunie. Cette feuille avait été arrachée d'un bloc note prévu à cet effet, les coins étaient légèrement abimée par la poigne peu délicate de la secrétaire. La femme aux cheveux blonds décolorés par de nombreuses colorations saisi un crayon pour noter sur le papier. « Eh, c'est un prénom de garçon ou de fille ça ? Va falloir me l'écrire parce que j'ai rien compris en fait. » Isaac fit une moue surprise et s'assit sur la chaise bancale en face de...Kelly. Kelly était la secrétaire de la mairie. A vrai dire, Isaac avait vécu toute sa vie jusqu'à présent à Outback, ce petit village australien, et aussi loin que remontent ses souvenirs, Kelly a toujours travaillé à la mairie. Son cynisme et sa façon de ne jamais rire faisaient parti du patrimoine d'Outback. Isaac ne s'étonnerait même pas de voir des japonais débarquer pour la prendre en photo. « Oui oui, c'est une petite fille. C'est Irlandais. Enfin le nom de famille c'est australien...Parce que moi je suis australien...Oui oui, Elle est née il y a deux jours. J'aurais du venir avant mais je ne pouvais pas la laisser toute seule, elle est vraiment adorable. Par contre je crois qu'elle s'ra rousse...Mais elle a deux petits yeux tous verts magnifique....Ah euh oui, le prénom. Timae. » Voyant toujours la moue dubitative de l'employée, Isaac pris les devant et marqua sur les papiers les prénoms de son enfant, il repoussa du bout des doigts la feuille à ladite Kelly. Cette dernière le fit signer ce qu'il y avait a signer avant de le raccompagner un peu sèchement à la porte. « J'espère qu'elle en aura du caractère pour supporter un nom pareil, Isaac. »

JANVIER 1993, ADÉLAÏDE, AUSTRALIE.

« Mae..ma chérie, essaie manger un peu quand même...» La voix d'Agnes Mecklenbach devint de plus en plus imposante. Définitivement, la petite rousse âgée de trois ans à peine refusait catégoriquement d'avaler la moindre bouffée du plat courgette/jambons/sauce aux légumes du soleil acheté avec amour par sa mère dans le premier super marché discount au coin de la rue. Non, Timae, trois ans, ne voulait pas de ça. « J'en reviens pas, elle est carrément  capricieuse cette gamine. » Isaac, son père, qui entendit les remarques désobligeantes de sa femme à l'égard de leur fille descendit en vitesse dans la cuisine qui faisait également office de pièce à vivre. Le père pris la place d'Agnes avec, comme à son habitude dès qu'il s'approchait de sa fille, un sourire gaga accroché aux lèvres. Le père se saisi de la cuillère et la pointa devant sa bouche de la gamine. Cette dernière le broncha pas, on pourrait même déceler un air hautain sur son visage enfantin. « J'attends. J'attends juste. » La petite fille regarda avec de grands yeux la cuillerée peu ragoutante que lui tendait son père. Après de longues secondes, la rouquine avança la tête vers la cuillère et referma sa bouche dessus. Soudainement, son nez à saigner abondamment sans raisons apparentes. « Isaac, c'est la deuxième fois aujourd'hui...Je ne comprends pas ce qu'il lui arrive. » A la vue de son propre sang, l'enfant se mis à pleurer et ne s'arrêta plus jusqu'à temps qu'elle soit dans les bras de son père du le canapé, un mouchoir vissé dans la narine droite. « Moi non plus je ne comprends pas » souffla doucement Isaac, concentré sur son enfant endormi dans ses bras. « La chose la plus étrange c'est qu'elle continue de saigner sans la moindre raison...Je pense qu'il faudrait consulter Isaac. » Un rire mi-amusé mi-anxieux s'échappa de la gorge de monsieur Mecklebach alors qu'il relevait le regard sur sa femme. La mine nettement moins amusée de la mère de sa fille, son sourire s’assombrit. « Tu dis n'importe quoi Agnes...Elle n'a rien...» Isaac n'était pas habitué à de tels responsabilités. Oui, vrai, il était à l'aube de la quarantaine mais à par sa femme et sa fille, rien ne s'était invité à l'improviste dans sa vie. De même pour Agnes, elle avait rencontré Isaac il y a une dizaine d'années dans leur immeuble. Entre eux, l'histoire était simple...Après avoir fait plus ample connaissance, ils s'étaient mis ensemble. Un appartement, des revenus certes mais une ambiance où régnait la bonne humeur. Alors...voir leur enfant de trois ans, le fruit de leur amour qu'ils avaient mis tant de temps à concevoir, soit sujette à de tels saignements comme ceux-ci et répétitifs qui plus est, c'était la fin du monde. Isaac essayait de retirer le mouchoir du nez de son enfant le sang repris son cheminement jusqu'à le bas de la mâchoire de la petite fille.

JUIN 1995, ECOLE MATERNELLE PUBLIQUE, ADELAIDE, AUSTRALIE..

« Timae...Tu ne continues pas ton masque indien pour le carnaval ? » demanda de sa petite voix fluette mademoiselle Meriwether,  l’institutrice remplaçante de Timae. La petite rousse aux cheveux longs en bataille secoua la tête, visiblement très contrariée. La gamine enfouit ses mains dans les poches de sa salopette en jeans bien trop grande pour elle et baissa les yeux sur un morceau de carton découpé assez aléatoirement et peu décoratif. De cette fameuse décoration, il ne restait que des coquillages par ci par là, les autres avaient été arrachés et laissait place à une trace de colle glue. « On me l'a cassé. » L'institutrice fronça les sourcils, perplexe. Monsieur Monrose, le professeur qui enseignait normalement l'avait prévenue, la petite Meriwether, que Timae Mecklenbach n'était pas comme tous les autres élèves, elle était plus renfermée que les autres. Son travail était impressionnant pour une petite fille que cinq ans, ses dessins avaient le dons de bluffer tous ses professeurs. Non seulement ils étaient beaux artistiquement mais Timae utilisait des techniques qu'un enfant de son âge n'était, normalement pas, capable. Comme le compas ou l'équerre pour ses formes géométriques. Mais surtout, Monieur Monrose avait mise en garde Mademoiselle Meriwether sur une chose,  Timae était très loin d'être la coqueluche de ses camarades de classe. La remplaçante n'avait pas compris les choses de la sorte, elle pensait que Timae était à l'écart de l'agitation permanente de la classe mais jamais elle n'aurait envisagé que des enfants, de cinq ans seulement, auraient pu détruire le travail d'une petite fille qui semblait aussi innocente que Timae. « Bon, alors  ne t'en fais pas ma puce, tu vas faire autre chose d'accord ? » La petite fille regarda sa maitresse avec de grands yeux expressifs, comme si elle retenait en elle toute la peine du monde. Timae tenta, de sa petite main blanche,  de repousser sa chevelure rousse indomptable. Devant le mutisme de la petite fille, l'institutrice lui pris la main pour l'emmener dans une pièce, loin des autres pour lui donner une grande feuille à dessins et des grosses pastels. « Je peux avoir un compas s'il vous plait ? Et de la peinture avec des pinceaux, je préfère pour dessiner. S'il vous plait. »  Un sourire impressionné se dessina sur les lèvres rosées de la jeune institutrice. Sourire qui s'estompa aussitôt lorsqu'elle vit une goute de sang s'échapper de l'oreille gauche de la petite fille, puis une autre.

JANVIER 1996, CABINET DU MEDECIN GORDON, ADELAIDE, AUSTRALIE.

« Avez vous des antécédents familiaux ? Toutes sortes confondus, du diabète, des cancers, de la tension ? » En choeur, monsieur et madame Mecklenbach répondirent un "non" sûrs d'eux au médecin. Non, il n'y avait jamais eu aucun antécédents familiaux, même du côté de leurs parents à eux, rien. Pas la moindre trace de cancers, de diabète ou de tension. Quelque part, les deux parents auraient sans doute préféré qu'il y en ait. Cela aurait pu – en parti – expliquer les maux de leur de fille de six ans. Timae, depuis qu'elle était scolarisée avait cette fâcheuse tendance à se replier sur elle au point de disparaitre dans la foule. Or tout cela, ses parents l'ignoraient. Non, Timae chez elle était un véritable petit ange, au caractère bien trempé certes mais adorable avec l'ensemble de sa famille. Ce n'était que le matin, au moment de partir pour l'école que son sourire s'assombrissait brutalement pour ne réapparaitre le soir, une fois chez elle. C'est après un appel téléphone de la directrice quelque peu perturbée de la petite fille que ses parents comprirent que quelque chose ne tournait pas rond. « Et elle est comment à l'école ? Elle a des amis, ça se passe comment ? Est-elle bien intégrée à son groupe ? Des difficultés scolaire ? » Les parents de Timae auraient préféré pouvoir démentir toutes les questions posées par le médecin. Oui, la petite Timae avait de nombreuses difficultés scolaire, Malheureusement pour eux ce n'était pas le cas. Au fur et à mesure que le médecin continuait de parler, Isaac et Agnes se rendaient compte de la gravité de la situation. Ni lui ni elle n'étaient capable de décrocher le moindre mot, beaucoup trop abasourdis par ce que leur disait Dr. Gordon, par la réalité de ces mots. Le petit nuage sur lequel ils avaient l'habitude de voyager se transformait peu à peu en pluie. « Vous m'aviez dit qu'elle avait du mal à vous regarder dans les yeux parfois ? Bon...je vais vous laisser une brochure sur l'autisme d'accord, vous reviendrez la semaine prochaine. C'est d'accord ? » Isaac lâcha la main de sa femme pour la poser sur sa bouche, sous le choc. Agnes, bien plus lucide fronça les sourcils. Contrairement à ce que beaucoup pouvaient croire, Agnes Mecklenbach, de son nom de jeune fille Gillies,  n'était pas aussi idiote. Certes elle n'avait pas fait de grandes études mais elle n'en avait pas besoin. Son intelligence ne se définissait pas au nombre de diplômes accrochés aux murs. Et elle était assez futée pour comprendre que le médecin ne savait pas ce qu'il faisait. « Non non monsieur, je sais ce qu'est l'autisme. Et ce n'est pas du tout Timae. A la base on venait vous parler de ces saignements réguliers. » Avant que le médecin n'ait eut le temps de dire quelque chose, Isaac pris la parole plus violemment que Agnes ne l'aurait imaginé. « Non arrête. Je sais que c'est difficile mais on va avoir besoin d'être soudés et les saignements ce ne sont rien, ça arrive à tout le monde. »

MARS 2002, PUBLIC MIDDLESCHOOL , EAST ARNHEM, AUSTRALIE.

« Timae, je peux savoir pourquoi tu as encore rendu copie blanche ? De toutes façons, tu ne fais que ça ces derniers temps. Donc, Timae Mecklenbach pour la quatrième fois de la semaine, zéro. » Monsieur Castalos fit tomber la copie blanche, barrée d'un long trait rouge, indicateur de l'énervement de son professeur. Timae, impassible, ne prêta pas attention aux chuchotements derrières elles. Aux petites remarques lancées par ses grandes blondes déjà maquillées qui n'avaient pour but que de la blesser. Ces filles profitaient d'un zéro de la part de la pré-adolescente pour critiquer tout ce qu'elles pouvaient. Cette tignasse rousse bouclée indisciplinée, Mae n'avait jamais réussi à obtenir ce qu'elle voulait d'elle. Donc, cela passait de ses cheveux à son appareil dentaire en passant par sa peau parsemée de boutons d'acnés. La nature n'avait pas gâté Timae. « Tu ne vas pas aller loin, Mecklenbeurk ! » Ce surnom, elle l'entendait une dizaine de fois par jour. Et partout. C'était la deuxième fois qu'elle changeait d'école en deux ans. A croire que les enfants étaient dépourvus de toute d'originalité. De plus, tous les autres étaient déjà âgé de quinze ans, des adolescents. Mais Timae, suite à l'acharnement de sa mère auprès des médecins avait réussi à prendre un rendez vous avec un spécialiste qui avait fait passé une batterie de tests à la petite fille et qui ont révélés pas la suite que la petite fille avait un Q.I au dessus de la moyenne. Cela n'avait aucun rapport avec l'autisme, comme l'avait prédit Agnes. Cet événement avait séparé ses parents. La timidité et la mauvaise humeur permanente de leur fille, ils ne se ressemblaient plus sur rien. Ils n'arrivaient plus à s'entendre sur l'éducation à donner à l'heure fille. Depuis donc quelques mois, Timae vivait la semaine avec sa mère et un week-end sur deux avec Isaac. Et sans vraiment comprendre ce qu'il lui arrivait, Timae sauta deux classes. Elle se retrouvait donc au milieu d'adolescents alors qu'elle était encore une petite fille. Peu importe les écoles, c'était toujours la même chose. La petite intello moche avec quelques kilos en plus, des boutons, des cheveux grossièrement attaché en une queue de cheval. A l'exception d'une ou deux personnes, Timae passait ses journées seule. Les mains dans ses poches, un livre sur les genoux. L’échappatoire de la rousse. Elle se perdait et abandonnait tous ses problèmes dans de grands récits. Chaque livre pour elle était un nouveau moyen de découvrir, de s'évader. Au fond de la cour, les « Mecklenbeurk » semblaient très loin.    

JUIN 2005, PUBLIC HIGH SCHOOL, EAST ARNHEM, AUSTRALIE.

« Tu veux aller à la fête de fin  d'année avec moi Timae ? » Le coeur de la jeune femme se mit à battre la chamade. Chris, LE garçon sur lequel elle craquait depuis des années. Ce garçon avec lequel elle s'imaginait danser secrètement. Lui en personne, il lui demandait d'être sa cavalière. « Euh, oui...oui avec plaisir. » Timae voyait déjà tout, la robe, la coiffure, absolument tout. Jamais elle n'avait autant sourit qu'à ce moment présent. « J'déconnais Mecklenbeurk, loser. » Et les amis se Chris se mirent à rire. Tout le monde ria.

JULLIET 2006, NEW DHELI, INDE.

Meilleure de sa promotion. Timae avait été la meilleure de sa promotion à ses examens. Rien n'était plus satisfaisant que de voir la mine déconfite de tous les élèves qui lui faisaient du mal quand Monsieur le proviseur l'a félicité pour ses brillants résultats. En cadeau, ses parents avaient économisés pendant ses trois ans de lycée, tous les mois, en mettant deux cent euros de côtés, pour lui payer un voyage là où elle le rêvait, l'Inde. C'est très impressionnée par cette grande ville qu'était New Dehli que Timae avait posé le pied sur le sol Indien. Voilà maintenant deux semaines déjà qu'elle était arrivée et avait fait la connaissance d'une jeune indienne, Sala. Sala était une brillante jeune femme un peu plus âgée que Timae issue d'une si grande famille que l'on ne savait plus dissossier les cousins, des frères, des oncles. C'est Sala qui est venue vers Mae quand elle était seule dans un café, dans le centre de Dehli.  Sans vraiment savoir pourquoi, le courant était passé parfaitement. Des points communs oui, et beaucoup de différences malgré tout. L'amitié saisonnière qui unissait Sala et Timae était basée sur ça, des compléments. Timae, à son départ pour l'Inde était toujours cette adolescente renfermée sur elle même avec un manque cruel de confiance en elle. Malgré sa réussite aux examens, elle restait toujours dans le vague de ce qu'elle allait faire, une fois retournée en France. Sala quant à elle était bien plus libérale, avec de grandes idées sur la politique, sur la société, sur le monde en général. En plus de ça, depuis des années, Sala, de son plein gré, avait rejoint l'église bouddhiste. Cette dernière entraina Mae dans les lieux de cultes pour lui faire partager ses convictions, sa façon de vivre. A la surprise général, ceci produit un électrochoc chez l'Australienne. La tolérance, le calme, la confiance en soi, tout cela semblait bien étrangers pour Timae. Sala  et ses amis ont passé deux mois  à s'acharner sur elle jusqu'à temps qu'elle reconnaisse que oui, elle avait de qualités, que oui, elle était jolie et intelligente.  Sala était loin d'être le genre de fille à vivre recluse par rapport à la société. Elle s'est empressée de refaire – et ce sans l'accord de Timae – la garde robe de son amie, la faire passer chez le coiffeur également. La métamorphose accomplie, elle était méconnaissable. Et tout le monde se retournait dans les rues où elle passait. Au fur et à mesure de ses visites avec Sala, elle a fini par adopter ce genre de pratique. Au point de se considérer comme elle, bouddhiste. Mais rien n'était excessif dans son comportement. Elle était même plutôt laxiste. Elle ne s'imposait aucune contrainte. En réalité, c'est  la communauté qui l'a fait prendre conscience qu'elle avait du potentiel et qu'elle ne devait pas se faire écraser pour les autres. C'était devenue une magnifique femme pleine d'ambition qui retourna en Australie pour débuter les études qu'elle désirait.

26 OCTOBRE 2006, ROCKHAMPTON, AUSTRALIE.

« Han, t'as pu venir !  » Mae sourit et adressa un baiser sur la joue à son ami Ray. Un mois. Un mois qu'ils ne s'étaient pas vus à cause des examens de la rousse. Ray et Mae se connaissaient de puis peu or une amitié s'était déjà liée entre eux. Ray avait été l'un des premiers à accueillir Mae dans son cercle d'amis à son arrivée en ville. C'est avec une joie peu contrôlée qu'elle le pris dans ses bras pour le saluer. « Eh, tu m'étouffes là ! » Riant légèrement, la rouquine replaça une mèche de cheveux avant d'aller dire bonsoir au reste des personnes. Maintenant qu'une partie de ses examens étaient finis, elle allait pouvoir profiter des soirées organisées par ses amis. La soirée était partie pour être une soirée simple, quelques amis, de la musiques et des boissons. Elle l'aurait été si elle n'avait pas vu cet homme.

APPEL ENTRE MAE ET SALA, 2007.

« Et c'est quoi son nom déjà ? »« Listz...tu es désespérante Sala, je te l'ai répété un million de fois. C'est polonais. Listz Lewkovics. » « Ma petite rouquine en couple....Vas-y explique moi tout tout tout tout. » « Je ne vois pas vraiment ce que je peux dire tu sais hein...On s'est vus la première fois quand j'étais à une fête chez un nouvel ami Ray, je t'ai déjà parlé de Ray. Enfin bref. Et Listz était à sa soirée. Pas étonnant puisque c'est son frère jumeau. Mais...je ne saurais pas t'expliquer, Listz ne ressemble en rien à son frère. Son regard n'est pas le même, tu vois ce que je veux dire. Pour moi il ne lui ressemble pas, c'est différent. Son regard, je te dis, il y a quelque chose dans son regard. Peu importe. Je l'ai trouvé fascinant dès que je l'ai vu. Sa posture, sa façon de parler. On a parlé, pas grand chose. Je dois dire que mon regard était accroché à ses lèvres. Et ça ne m'était jamais, jamais arrivée. Je me suis sentie seule au monde avec lui. Mais après la soirée, je n'ai pas cherché de le recontacter. Mais, pas hasard, et vraiment par hasard, je l'ai recroisé environ six mois après cette fameuse soirée. Et on a recommencé à parler. Et j'ai recommencé à regarder ses lèvres bouger au fur et à mesure que notre conversation avançait. On a donc pris un café. On parlait de tout, vraiment de tout. D'économie à de chaussures, d'art et de mangues en passant par l'orage et la chimie. Plus j'apprenais à le connaitre, plus je le trouvais intéressant et intelligent. Quoi que un peu froid parfois, il était vraiment adorable avec moi. Je ne sais pas pourquoi d'ailleurs, pourquoi moi.  Après ce rendez-vous là, on s'est revus encore une fois, pareil dans un café très sympa à Rockhampton. Et puis avant même qu'on ait vraiment commencé à parler, on s'est embrassés.» « T'as l'air bien accro oui. »

IL Y A UNE SEMAINE, 2013, HUNTINGTON BEACH.

« Je déteste ce chat, je déteste ce chat je le déteste. Je vais le couper en morceaux et en faire des nems. » Pesta Mae contre le chat de son petit ami, l'adoré, le paresseux, l'insupportable et gros Cacahuète. Encore la jeune femme appréciait la compagnie des chats, encore celui là lui faisait perdre toute patience. Il trainait toujours dans ses pattes, refusait qu'elle l'approche, l'horreur. Timae savait bien qu'ils auraient du laisser ce sac à puce en Australie. Mais non, Listz avait tenu à le garder. Voilà maintenant quelques années qu'ils s'étaient tous deux installés en Californie...enfin trois, avec cacahuète. Et en plus de ça, ce matin là, elle devait transporter un sac de 5kg de croquettes jusqu'à chez elle, sans l'aide de personne, en plus de ses courses et en talons. Alors que le pot de moutarde manqua de s'écraser au sol, elle entendit une voix inconnue. « Laissez, je vais vous aider. » Relevant les yeux vivement vers l'homme qui venait de lui parler, elle se pétrifia. Des cernes, des vêtements trop grands, les traits tirés et ce sentiment étrange qu'il n'était pas d'ici. Bizarrement, Timae se trouvait à la fois rassurée et terrifiée. Il avait débarqué de nulle part, comme ça. La jeune femme regarda autour d'elle avant de prendre l'air le plus naturel possible. « Je ne vous ai jamais vu dans les parages, vous êtes nouveaux dans le coin ? » Une question banale pour reprendre ses esprits. Sans crier garde, l'homme qui ne devait pas être beaucoup plus âgé qu'elle, plongea son regard dans le sien. Timae manqua de lâcher ses paquets. Elle était tiraillée entre l'envie de refermer la porte derrière elle ou de rester à lui parler. Un drôle de sentiment. « Je suis arrivé hier soir, au fait, je m’appelle Seth. » La rouquine ne releva pas ces informations, son cerveau était ailleurs. Elle tentait, tant bien que de mal, de déchiffrer cette sensation qui lui prenait les tripes, qui lui faisait battre le cœur encore plus rapidement. « Enchanté Seth et on est arrivé. Merci pour le coup de main. » Sans comprendre pourquoi, ses lèvres se retrouvèrent à quelques centimètres de celles de ce Seth. Elle recula d'un pas, visiblement très déstabilisée par ce qui venait de se passer. Mae fronça les sourcils à nouveau, replongeant dans se regard dans le but d'y chercher des informations. « Je… je crois que je vais rentrer. » L'homme se recula aussitôt que Mae eut dit sa phrase. « Bien sur, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. » Elle se racla la gorge, un sourire sur les lèvres. Repris ses sacs en main avant de le saluer. « Non, vous ne me dérangez pas du tout Seth. Merci encore pour m’avoir aidé avec les sacs. » Mais alors qu'elle s’apprêtait à rentrer pour de bon, l'homme revint aussitôt. Elle sentit son coeur rater un battement à nouveau alors qu'il s'approchait de plus en plus. « Demain, dix huit heures, un café, pourquoi pas un repas après ça ? S’il vous plait, ne me dites pas non, je ne suis qu’un pauvre nouveau en ville qui aurait bien besoin d’un coup de main pour s’intégrer. » Que devait-elle répondre ? Et Listz ? Non, Listz n'avait aucun rapport avec ça. De plus il avait été particulièrement désagréable avec elle ces dernières temps. Mais devait-elle accepter ? Oui. Cela ne faisait pas l'ombre d'un doute, elle brûlait d'impatience de ce rendez vous.