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| Dis moi, maman, elle était comment ? | |
| Auteur | Message |
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| Sujet: Dis moi, maman, elle était comment ? Mer 27 Mar 2013 - 1:06 | |
| Depuis quelques jours maintenant, Liam avait cette étrange impression d'être redevenu ce petit garçon à la tête blonde. Enfant, il n'avait jamais pu vraiment prendre de décisions seul. Liam n'avait eu de cesse de demander l'avis du grand-frère. Il avait eu besoin d'être épaulé et soutenue, certainement pour compenser la perte de sa mère et l'absence de son père. Néanmoins aujourd'hui, il ne s'agissait pas de décisions. Partie d'assez bonne heure ce matin-là, Liam s'était dirigé vers l'hôpital avec une certaine énergie, prêt à recevoir le plus de patients possible. Aujourd'hui, il le ressentait, était un jour avec. Il se sentait d'humeur joueuse et n'avait qu'une envie, lancer de petits défis à Leena, la jeune chirurgienne fraîchement débarquée dans l'hôpital. Liam était devenu en quelque sorte son mentor. Il avait pour rôle de la guider au sein du service et de lui apprendre les ficelles du métier. Et ce dernier avait découvert en cette charmante demoiselle, une âme compétitrice, dissimulée dans un bien joli corps... La matinée ce passa parfaitement bien. Leena toujours aussi joyeuse ne déçut pas Liam et ces derniers eurent tout à loisir de se taquiner comme ils aimaient à le faire. Cependant, la journée prit une tout autre tournure vers les trois heures de l'après-midi. Rentrez dans le printemps et vous pouvez être sûr et certain que les naissances se font plus nombreuses. On dit bien que le printemps est une renaissance après tout. Bref, tout cela pour dire que la maternité de l'établissement hospitalier gagné en activité plus les jours passaient. Alors qu'une femme était en train de donner la vie, Liam essayait d'en sauver une autre (ou tout du moins de la stabiliser pour quelques années). Ce patient était certainement le cas le plus intéressant aux yeux du médecin. Double pontage coronarien et récidive qui plus est. Pour être tout à fait honnête, Liam ne comprenait pas comment l'homme assit face à lui était toujours en vie. Généralement les récidives ne laissent guère de choix quand à la destinée de la personne. Elles sont souvent fatales et quand par miracle, le patient survit, il en ressort avec de graves séquelles. Bien évidemment que très peu de travail lui était encore accordé et le traitement à vie était plutôt lourd à supporter et présentait des effets secondaires peu désirables. Avouons-le, c'était ce genre de patients qu'aimait Liam. Sans eux, il pourrait mettre la clé sous la porte. Lui ce qu'il aimait par dessus tout, c'était les défis. Ce patient, à ses yeux, n'était plus réellement un patient. Il s'était transformé en un challenge, qui coûte que coûte, se devait d'être résolu. Ce casse tête naturel excitait le médecin au plus haut point et plus rien n'importait à ses yeux, même pas vraiment la guérison de la personne lui faisant face. Alors qu'il raccompagnait le patient à la porte tout en lui serrant la main, son bip sonna. Le sortant de la poche de sa blouse blanche, il vit qu'il était demandé au service maternité. Ne comprenant pas la raison de cet appel, il alla au second étage, plus dans l'optique de prévenir de l'erreur commise que d'apporter une quelconque aide. « Excusez-moi... » « Ah ! Docteur Wilde vous voilà enfin... » « Non non attendez. Vous avez dû faire erreur... Je n'ai rien à faire dans ce service. » « Docteur une de nos patiente est morte... » « En quoi cela me concerne-t-il ? » « Elle est morte d'une crise cardiaque suite à l'accouchement.. » Le sang de Liam ne fit qu'un tour dans son corps. « Je... Je... » Malgré la retenue qu'il essayait d'avoir, il ne pût s'empêcher de devenir blanc comme un linge. « Vous savez bien vous servir d'un défibrillateur non ? » « Bien sûr Docteur mais... » « Mais maintenant qu'elle est morte vous voulez que j'en fasse quoi ? » Liam s'en le vouloir, commençait à s’énerver, même s'il s'agissait plus d'excitation que d'énervement. Malgré toute sa mauvaise volonté, la sage femme l'emmena dans la chambre, où le mari, une petite fille dans les bras, observait le corps de son épouse. En voyant cette scène, Liam crut faire un malaise. « Ce n'est pas à moi de constater le décès, je... S'il vous plaît faites-moi sortir d'ici. » « C'est moi qui ai fait demander un cardiologue. » Liam Wilde regarda le père de famille d'un air ahuri. « Je veux savoir pourquoi ma femme est morte. » « Tout simplement parce que son cœur n'a pas tenu le coup. » L'inconnu ricana froidement. « Réponse facile pour un des meilleurs cardiologues de cet hôpital. » « Que voulez-vous que je vous dise de plus ? Elle a perdu trop de sang, le cœur n'était plus irrigué convenablement... Et puis je n'y ai pas assisté moi à cet accouchement.» Cinq minutes longues et douloureuses passèrent, sans que Liam ne put quitter cette pièce. Lorsqu'il remonta à son bureau, il ordonna à sa secrétaire d'annuler tous ses rendez-vous et sortit de cet enfer. Lorsqu'il se retrouva à côté de sa voiture, sur le parking de l'hôpital, il avait cette étrange impression que ses poumons pesaient des tonnes. Ses respirations et expirations étaient douloureuses et son cœur battait la chamade. Une fois installé dans la décapotable, il ne sût guère vraiment où aller. Tout ce qui lui vient à l'esprit fût Heath. Regardant sa montre, Liam ne pouvait trouver son frère qu'à un endroit à cette heure-ci. Son pub... Cela tombait très bien. Il en profiterait pour boire et oublier son chagrin et sa culpabilité.
Dix minutes lui suffirent pour parcourir la ville et mettre les pieds dans le pub de son frère. Lorsqu'il le vit derrière son comptoir, servant une pinte à un client apparemment habitué des lieux, il sentit une certaine légèreté s'emparer de lui. Ne sachant par quel miracle il était arrivé ici sans incident, il s'approcha du comptoir, le teint livide et le regard plutôt effrayé. Malgré cette sensation de bien être, il n'arrivait pas à cacher l'horreur qui se dessinait sur ses traits. S'asseyant sur un tabouret il sourit tant bien que mal à son frère et se mit à lui parler en premier, pour ne pas directement enclencher la discussion sur son état. « Comment vas-tu grand-frère ? »
Dernière édition par Liam B. Wilde le Sam 27 Avr 2013 - 21:41, édité 2 fois |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Mer 27 Mar 2013 - 20:31 | |
| Heath & Liam Wilde « Dis-moi, maman, elle était comment? » Il y avait des matins où, assis avec son café et sa cigarette devant la baie vitrée, les yeux de Heath Wilde tombaient sur l'une de ses motos. Il avait toujours, immédiatement, un sourire étrange qui tenait à la fois de l'amertume et du soulagement. Les mois horribles passés il y a trois longues années lui revenaient en mémoire - le choc brut contre la carrosserie, la douleur, le visage d'un Liam défiguré par la peur, les jours alité, puis ceux en fauteuil roulant, la crise cardiaque de leur père. A y repenser, c'était vrai qu'il avait peut-être vécu l'enfer - mais l'enfer avait été nécessaire pour se reconstruire. Il n'avait jamais été tout à fait bien dans sa tête - trop de pertes, trop de responsabilités, trop tôt. Aujourd'hui, il était plus ou moins serein. Il avait un emploi qui lui plaisait, même si sa nouvelle orientation professionnelle avait déclenché la pure stupeur de ses proches. Il menait toujours un train de vie légèrement absurde, mais au moins avait drastiquement réduit les doses des substances qu'il absorbait. Oui, voilà - il était peut-être prêt à grandir un peu. Et le plus important dans tout ça, c'est qu'il se sentait à nouveau les épaules pour avancer dans la vie. Et il pouvait à nouveau soutenir Liam. Envers et contre tout, sans craindre d'être un fardeau lui-même. Ce matin-là était l'un de ces jours, où il était à la fois mélancolique et serein. Il passa l'une de ses vieilles vestes de costume, attrapa son casque, les clés de la moto en question, fila vers son pub. Dieu merci, l'un de ses collègues l'avait déjà ouvert - sinon, avec sa facheuse tendance à ne pas quitter son lit avant onze heures du matin, l'endroit serait déjà en faillite. Il décrocha un large sourire à une jolie jeune femme en terrasse - on ne se refait pas -, puis salua consciencieusement chaque employé d'une accolade. L'endroit était encore peu animé, à croire que la population de Huntington Beach n'était pas du genre à boire de la bière en fin de matinée? Tant pis, il s'en servit une lui-même, et papillonna de coin en recoin en se posant des questions hautement philosophiques: le jukebox, il irait pas mieux là-bas? Est-ce que ça serait hautement irresponsable de troquer sa bière pour un whisky alors qu'il était tout juste l'heure du repas? Est-ce que ça serait vraiment immoral d'aller draguer l'étudiante qu'il avait aperçu en terrasse? Sauf que rien qu'à la pensée de ces deux dernières questions, il sentait déjà le regard moralisateur de son frère peser sur lui. Sort de ma tête, petit con. Il repassa bientôt derrière le bar, comme l'un de ses grands habitués venait d'apparaître. Simon Jenkis, ancien militaire, qui a priori avait lui aussi subit un sale accident récemment, et avait tendance à noyer la chose dans la boisson. Parfait, Heath adorait parler à des jeunes projections de lui-même! Il lui servit une pinte, et entra en grandes discussions avec le jeune homme, oubliant momentanément qu'il était théoriquement le patron de ce pub & que ça serait peut-être pas mal de bosser de temps en temps. Les minutes passèrent, puis les dizaines de minutes, où il resservait machinalement le garçon, avec un ratio de bières offertes d'environs une sur deux. Insouciant, toujours, il laissa le temps filer jusqu'au début de l'après-midi. Il jetait de temps à autres un regard vers la porte alors qu'elle s'ouvrait, emplissant l'établissement d'étudiants. Il éprouvait parfois une certaine fierté à l'idée qu'il avait bel et bien réussi à cesser de manipuler des masses d'argent pour se recentrer sur le contact humain - pendant sa carrière, il avait du enterrer l'homme extraverti qu'il était ordinairement. Sauf que lorsqu'il leva une nouvelle fois les yeux vers la porte, alors qu'il servait une nouvelle bière, son regard tomba avec stupeur sur Liam. Il jeta un oeil vers sa montre - trois heures et demi? C'était pas l'horaire où il sauvait des vies, ça, théoriquement? Et puis même, ce n'était pas comme si son frère était du genre à débarquer ici - il avait plus ou moins eu l'exclusivité du gène gros buveur des Wilde. Ce qui le choqua surtout, c'était l'expression de celui-ci. Ses traits tirés. Il l'avait rarement vu ainsi - sauf peut-être durant les mois qu'ils avaient passés à vivre ensemble après la mort de leur père. Aussitôt il fut submergé par son instinct de grand frère, et ne put que lever les yeux au ciel quand Liam, venant à sa rencontre, lui demanda comment il allait. Comme si cela avait une quelconque importance. Il tendit sa main vers le visage de son cadet, frotta du pouce le coin de son oeil pour tenter d'en effacer le pli soucieux. "On s'en fout. Qu'est-ce qui va pas?". Il avait toujours lu en Liam comme dans un livre ouvert - c'était son boulot en tant qu'aîné, et au regard de leur enfance il pouvait même dire que c'était son boulot en tant que père. Sauf que voir Liam dans cet état avait toujours eu l'effet pervers de l'angoisser terriblement.
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Jeu 28 Mar 2013 - 9:41 | |
| Lorsqu'il poussa la porte, il ne suffit guère de temps à Liam pour ressentir l'ambiance british à l'état pur. Toutes ces effluves de bières blondes et brunes emplissaient le pub à merveille et ce mélange d'odeurs n'était en rien désagréable. La musique semblait faire corps avec les voix des habitués des lieux et le médecin aurait pu apprécier cette atmosphère, si quelques minutes auparavant, il n'avait pas été horrifié par la mort d'une toute jeune mère de famille. Néanmoins, tout ce qu'il désirait apprécier maintenant, c'était le goût subtil d'un bon whisky irlandais. Lorsque Heath caressa légèrement le coin de l'oeil de Liam, ce dernier aperçut le regard ahuri du pilier de bar assis au comptoir. Il fallait dire aussi qu'il était plutôt étrange, quand on ne connaissait pas personnellement Heath Wilde, de le voir agir de la sorte, surtout envers un autre homme. Mais après tout, qui à Huntington Beach ne connaissait pas la famille Wilde et notamment les frères, dignes héritiers de ce père mort il y a trois ans ? Quand bien même cela pouvait choquer ce parfait inconnu, Liam s'en moquait éperdument. Après tout pour lui, tout cela était naturel. Combien de fois Heath, plus jeune, avait prit son cadet dans ses bras pour calmer ses pleurs après un cauchemar ? « On s'en fout. Qu'est-ce qui va pas ? » La voix de l’aîné sortit le plus jeune de ses rêveries et Liam soupira fortement et secoua la tête en signe de négation. « Dis, tu n'as pas un truc plus fort que tes bières par hasard ? Comme un Whisky par exemple ? » Tout en lui servant son verre, Heath ne le quitta pas des yeux. Liam soupirait de plus en plus et baissa légèrement le son de sa voix. « C'est... Il y a juste eu une perte à l'hôpital. Je veux dire... » Liam regarda intensément son frère dans les yeux et but cul sec son verre, tout en le plaçant de nouveau face à Heath, signe qu'il devait de nouveau le remplir. « En fait juste après un rendez-vous, j'ai entendu mon bip sonner. Et là, j'ai regardé et j'ai vu que ça venait du service maternité. Je ne comprenais pas pourquoi on me demandait là-bas. Je suis tout de même descendu au second étage, mais plus dans l'idée de leur dire qu'ils avaient fait erreur. Et là une infirmière m'ordonne presque de la suivre et... » La main droite de Liam, posée sur le comptoir tremblait légèrement, tendit que de son autre main, il se frottait la cuisse avec anxiété. « J'ai... Je l'ai vu... Le corps sans vie de cette femme et... » Les yeux de Liam se remplirent de larmes prêtes à couler sur ses joues. « Et il était là... Le visage meurtrit par la douleur, mais en essayant de tenir bon, son bébé tout juste né dans ses bras... Elle est morte Heath... Elle ne pourra jamais dire à sa fille qu'elle l'aime, lui dire qu'elle est fière d'elle, que...» Le frère cadet laissa un lourd silence s'installer avant de reprendre. « Pourquoi est-ce que j'ai fait ça ? Je ne voulais pas tu sais... J'aimerais tellement connaître maman... » Toutes ces paroles sombrées dans l'oublie depuis 39 ans surgirent avec tant de facilité et de détresse que cela surpris Liam lui-même. Jamais au grand jamais, il ne s'était confié de la sorte à son aîné. Peut-être plus par honte que par tristesse, il n'en savait rien, mais ce sujet était devenu un peu tabou. Ne se sentant que trop coupable, Liam était devenue rapidement muet au sujet de sa matriarche, le poids de sa conscience déjà assez lourd pour un petit garçon de quatre ans. « Depuis que je peux comprendre que je l'ai tué, je m'en veux Heath... Ça ne devrait pas exister. Un enfant ne devrait pas pouvoir faire cela à sa mère... J'en ai marre de me sentir coupable et de penser à tout ce que j'ai raté avec elle... » Levant les yeux au ciel, il se frotta le front nerveusement. « Excuse-moi, je ne parle que de moi, je ne pense qu'à moi... Mais toi aussi tu n'as rien vécu avec elle par ma faute. Je ne sais même pas si tu te souviens d'elle. Tu n'avais que trois ans après tout... »
Dernière édition par Liam B. Wilde le Lun 8 Avr 2013 - 23:03, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Jeu 28 Mar 2013 - 18:20 | |
| Heath & Liam Wilde « Dis-moi, maman, elle était comment? » C'était vrai. Voir Liam soucieux lui brisait le coeur. Ils avaient toujours formé une cellule familiale très étroite tous les deux - chacun étant très légèrement inadapté social à sa manière, ils s'étaient complétés, avaient noué un lien fraternel d'une profondeur inédite. Prendre son frère dans ses bras, scruter son visage pour y trouver la moindre trace de fatigue, tout cela tenait pour lui de la plus grande des banalités. Il y repensa alors que son frère secouait lentement la tête à sa question: toute sa vie avait tourné autour de Liam. Très jeune déjà, à l'âge où l'on n'a d'autre soucis que jouer à la guerre et dénicher des tablettes de chocolat dans le placard, il s'était fixé la mission de s'occuper de ce tout petit machin blond qui hurlait dans les bras de leur nourrice. Lui-même n'en menait pas large, pourtant. Ce que Liam n'a jamais su, c'est que, enfant, quand il se retrouvait seul dans sa chambre, il pleurait sans discontinuer la mort de sa mère. Mais Liam était plus petit. Plus vulnérable. L'insouciance qu'il s'était construit alors, et qui durait encore à l'heure d'aujourd'hui, était un mécanisme complexe destiné à être un grand frère modèle, assez fort pour deux. Quelqu'un qui ne craquerait plus jamais. Il eut un air surpris lorsque Liam en vint à lui demander un whisky. Bien sûr qu'il en avait - il conservait quelques grands crus dans sa propre maison, il était hors de question qu'il prive son propre bar de sa boisson favorite. Il ouvrit la bouche pour répliquer à grands renforts de "il est trois heures de l'après-midi! Tu me reproches toujours de boire trop tôt!", mais la referma sans avoir proféré la moindre parole en remarquant à nouveau sa mine défaite. Alors il attrapa une bouteille de Bushmills, un verre, pour le lui servir sec, cas de force majeure oblige. Ces gestes lui étaient parfaitement naturels et lui permettaient de garder son regard sur Liam, qui se décomposait à vue d'oeil. Son propre coeur commençait à se serrer, au rythme des soupirs de son cadet. « C'est... Il y a juste eu une perte à l'hôpital. Je veux dire... ». Tout le corps de Heath se raidit tout à coup. Son frère le regardait dans les yeux, avec un air de pure détresse. Il avait personnellement de très mauvais souvenirs des hôpitaux: sa propre réaction violente quand il avait repris conscience après son accident, mais aussi un vague sentiment de malaise, plus flou. Il avait trois ans à la mort de sa mère, autant dire qu'il ne restait pas grand chose de cette époque dans sa mémoire. Mais Aaron Wilde, tout en délicatesse, lui avait tout raconté par le menu, histoire de "faire de lui un homme" - depuis, il croyait se souvenir qu'il avait eu très peur quand on lui avait simplement dit que sa mère ne reviendrait jamais. Ces deux choses lui suffirent à reprendre le verre vide de Liam sans discuter pour le remplir, et s'en servir un à lui-même au passage. Peut-être que ça l'aiderait à rester digne dans cette discussion. Le bar autour d'eux n'existait même plus. D'autres clients s'étaient approchés du comptoir dans l'espoir de passer commande et jetaient des regards appuyés sur lui pour attirer son attention de barman, mais il n'en avait pas grand chose à faire. Il était conscient qu'il devait avoir un air de sérieux désarmant tandis que son frère lui racontait sa journée. Il vida son propre verre, et quand il le reposa sur le comptoir ses yeux tombèrent sur la main de son frère. Tremblante. Il eut alors un atroce pressentiment, et déglutit difficilement. Il fallait avouer que Liam avait très vite été un homme froid, parfois un peu impassible - moins devant lui, bien sûr, mais il ne laissait jamais sa façade de dignité se craqueler dans un lieu public. « J'ai... Je l'ai vu... Le corps sans vie de cette femme et... ». Il ferma les yeux sur le coup, pour ne pas visualiser la scène. Quand il les rouvrit, il vit les larmes qui menaçaient de déborder de ceux de Liam, et cette vision lui brisa proprement le coeur. Il posa sa main sur celle de son frère, et jeta un regard noir à l'un de ses collègues barmans qui venait de hausser un sourcil circonspect. La situation pouvait prêter à confusion, c'était vrai - Liam ne venait pas souvent dans ce pub, et avait été moins médiatisé que son frère. Mais ils avaient toujours été extrêmement tactiles. C'était nécessaire, quand on n'avait pas de famille. Il remplit à nouveau son propre verre, compléta celui de Liam, comme pour l'enjoindre à continuer. Et il continua. Et la situation qu'il avait dû affronter était cruellement semblable à la leur. Il finit par détourner le regard, tentant de se recomposer un visage parfaitement neutre, n'y arrivant pas tout à fait. Ils n'avaient jamais parlé de Maman. Jamais. Lui-même n'en aurait pas été capable, lorsqu'ils étaient plus jeunes. La blessure ne s'était jamais refermée - une enfance passée sans mère, avec un père proprement ignoble, ça laisse des séquelles, des milliers de séquelles qu'il avait tenté d'éviter à son frère. Mais le travail avait été imparfait, a priori il ne pouvait qu'être imparfait. Il savait que l'orientation professionnelle de son frère avait tout à voir avec la culpabilité. C'était évident. Mais l'entendre dire qu'il ne voulait pas la tuer, qu'il avait assassiné sa propre mère, qu'il n'en pouvait plus de s'en vouloir, c'était comme une série de coups de poignard dans le coeur qui lui rappelaient combien il avait pleuré sur les photos de sa mère, comment ses maîtresses d'école prenaient toujours grand soin d'éviter la question fatidique du "Et toi, Heath, elle fait quoi ta maman?". Quand Liam en vint de parler de lui, s'excusant presque de l'avoir privé de sa mère, il resserra brutalement la prise de sa main et secoua la tête. Est-ce que c'était juste une impression, où toutes ses forces étaient en train de le quitter? "T'as..." Il eut un temps de pause, réunit ses mots. "T'as vraiment pas le droit de dire ça, Liam. T'es mon frangin, pas une espèce de meurtrier." Il releva les yeux vers son cadet, esquissa un léger sourire, quoiqu'un peu triste. "T'es le dernier à accuser. Je t'en ai jamais voulu. Dans cette histoire, tu fais partie des victimes. Comme maman et comme moi." Il inspira profondément - jamais il ne mettrait son père dans le panier des victimes, ce n'était pas comme s'il avait vraiment été aimant et fidèle envers sa femme. "Il paraît que quand je suis né, tout ne s'est pas passé comme prévu non plus. Elle connaissait les risques. Elle t'a voulu, Liam - et regarde l'homme que tu es devenu." Il n'avait jamais été objectif quand il s'agissait de son frère - mais ce qu'il savait, c'est qu'il était grand, beau, talentueux, et que quand il le regardait il éprouvait un mélange absurde d'admiration et de fierté. "Elle serait fière de toi. Comme moi je suis fier de toi. T'étais juste un bébé, Liam. C'est son coeur qui a lâché, et toi tu es devenu ce genre d'homme qui lutte pour que ça n'arrive pas à d'autres." |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Lun 1 Avr 2013 - 23:08 | |
| Lorsque Liam demanda à son frère un Whisky, il vit que Heath allait rétorquer quelque chose. Ne connaissant que trop le bonhomme, il se doutait qu'il allait lui reprocher qu'il était trop tôt pour ce genre de boissons et qu'il était le premier à reprocher à Heath de boire trop tôt. Malgré son état des plus grotesques, le médecin s'aperçut que son frère se servait également un verre. Dès que l'un des frères n'allait pas bien, l'autre copiait l'état psychologique du second pour certainement mieux le comprendre et pouvoir ainsi le réconforter plus facilement. Alors que Liam racontait sa journée et son état d'âme à son frère, il s'aperçut que des clients s'étaient approchés du comptoir, dans l'espoir de se faire servir une bière. Mais Heath, que bien trop absorbé par le bien-être de son jeune frère, n'en avait que faire. Il avait complètement fait abstraction de son propre pub et de ses clients. Plus rien ne comptait pour lui en cet instant présent. Plus les paroles de Liam étaient déballées, plus Heath semblait comprendre ce qu'il s'était passé. Lorsque le plus jeune des deux indiqua qu'il avait vu le corps d'une jeune femme sans vie, l'aîné ferma les yeux, essayant de ne pas s'imaginer la scène que le médecin avait dû supporter. Sentant la main de Heath sur la sienne, il sentit un réconfort envahir son cœur et cela lui rappelait son enfance, lorsqu'il n'allait pas bien. Suite à la fin du récit, Heath détourna son regard, essayant de se reprendre, tandis que Liam finissait son second verre de Whisky. Reposant l'objet cylindrique sur le comptoir en bois, le médecin essaya de détecter sur le visage de son frère ce que ce dernier pouvait bien penser à l'instant présent. Néanmoins, tout ce qu'il arrivait à discerner était un mélange entre la retenue et l'horreur de la scène, tout du moins du souvenir que cela leur procurait à eux deux. Pour être tout à fait franc, Liam ne savait absolument pas ce que pensait son frère à ce sujet. Aucune discussion sérieuse n'avait été entreprise et il ne pouvait dire si Heath se souvenait de leur matriarche. En y réfléchissant bien, il était quasi-impossible que l'aîné se souvienne de quelque chose. Il lui en restait peut-être des bribes... Mais perdre sa mère alors que vous n'avez que trois ans n'est pas la meilleure des périodes pour s'en souvenir. Resserrant davantage la poigne de sa main, Heath tira son cadet de sa rêverie. « T'as vraiment pas le droit de dire ça, Liam. T'es mon frangin, pas une espèce de meurtrier. » Expirant bruyamment comme pour expulser quelque chose de gênant, Liam fronça les sourcils. Devant l'état de son frère, Heath lui esquissa un léger sourire, qui n'eut guère de réponse. « T'es le dernier à accuser. Je t'en ai jamais voulu. Dans cette histoire, tu fais partie des victimes. Comme maman et comme moi. » « Tu crois vraiment que... Que papa est fautif ? Je sais qu'il n'a jamais été là pour nous. Je ne le nie pas mais... Après tout je pense qu'il a dû aimer maman... » Liam repensa à la réputation de Don Juan de son géniteur. Nombre de femmes pouvait se vanter d'avoir fait partie de ses conquêtes et Liam soupira davantage. « Laisse tomber... S'il l'aurait aimé il... Je peux pas lui jeter la pierre non plus. Comment lui reprocher d'être allé voir à droite et à gauche alors que je suis pareil ? Alors que j'ai trompé ma femme quand on était mariés ? On a pas été souhaités... » Ce fut le seul constat que pu tirer Liam de la situation. La peur voire l'abandon se lisait dans le regard du plus jeune des Wilde. « Il paraît que quand je suis né, tout ne s'est pas passé comme prévu non plus. » « Est-ce que tu sais si elle m'a désiré ? Ou si c'est un accident ? » Liam s'était mis à regarder intensément son frère dans les yeux. « Je veux savoir Heath... Est-ce qu'elle a décidé d'arrêter après toi ? » « Elle connaissait les risques. Elle t'a voulu, Liam - et regarde l'homme que tu es devenu. » « Si je suis devenu comme ça c'est grâce à toi Heath... Je ne le dois qu'à toi. Maman n'a rien fait pour mon éducation et ma stabilité. » Liam fut effrayé par le ton de reproche qu'accentuait sa voix. « Non je... Je ne lui en veux pas à elle... » A cet instant précis, il donnait plus l'impression de se parler à lui-même qu'à quelqu'un d'autre. « Elle serait fière de toi. Comme moi je suis fier de toi. T'étais juste un bébé, Liam. C'est son cœur qui a lâché, et toi tu es devenu ce genre d'homme qui lutte pour que ça n'arrive pas à d'autres. » « Comment... Comment peux-tu ne pas m'en vouloir ? Je t'ai enlevé ta mère. Tu... Même si tu ne dois pas t'en souvenir, tu as passé des moments avec elle. Elle s'est occupée de toi, te parlait, te prenait dans ses bras... Est-ce que tu m'en as voulu ? Est-ce que tu m'en veux ? Comment as-tu fais pour t'occuper de moi, de ton sale frère qui t'a prit la seule personne qui t'aimait dans cette famille ? »Liam laissa un silence s'installer, laissant ainsi la possibilité à l’ainé de tout assimiler. « Tu as compris tellement vite. Dans le sens ou part ma faute tu as grandi trop vite, tu as accepté la voie que traçait papa pour toi tout en te privant de tes rêves... Et tout ça pour quoi ? Pour moi... J'avais une nourrice, c'était suffisant. Je ne critique pas ton geste et toutes ces années de protection, de joie que tu m'as et que tu m'apportes. Je veux juste dire que tout ce qui t'es arrivé jusqu'à maintenant c'est de ma faute. Tu aurais pu ne pas avoir cet accident de moto, tu aurais pu ne pas sombrer dans les drogues si tu n'étais pas devenu l'homme que papa t'a fait devenir et tout ça par ma faute... Pour mon bien-être... Heath... Est-ce que tu te rends compte que tu te détruis rien que pour mon bonheur ? » De sa main libre, Liam serrait fortement le verre contenant quelques minutes auparavant le whisky. Ce dernier n'allait pas longtemps tenir sous la pression de ses doigts.
Dernière édition par Liam B. Wilde le Lun 8 Avr 2013 - 23:04, édité 1 fois |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Mar 2 Avr 2013 - 21:28 | |
| Heath & Liam Wilde « Dis-moi, maman, elle était comment? » Il y avait toujours eu un mimétisme étrange entre les deux frères. Quand Liam souriait, Heath souriait. Quand Liam était triste, Heath le suivait presque immédiatement, tout en s'accrochant fermement à sa dignité de grand frère histoire de les sortir tous les deux de cette situation. Comme une co-dépendance étrange. On pouvait dire ce que l'on voulait de Heath - qu'il était hautement stupide, qu'il ferait mieux de se faire greffer un cerveau, mais il avait toujours été capable d'empathie - et ce au grand dam de certaines des relations amoureuses passées de son jeune frère qui avaient quelques fois jalousé ce duo étrange, intense et malhabile. Ils se comprenaient mieux que personne. Aujourd'hui peut-être plus que jamais, alors qu'ils évoquaient pour la toute première fois les circonstances de la mort de leur mère: toute leur histoire commune découlait effectivement de cet évènement. Il ne pouvait pas dire qu'il n'avait jamais essayé d'imaginer ce qu'aurait été leur vie sans le drame, si tout s'était bien passé lors de l'accouchement. Mais c'étaient bien trop de questions qui alors lui venaient à l'esprit, et il arrivait vite à une impasse. Est-ce que Liam aurait été Liam? Est-ce que Heath aurait été lui-même? Il avait parfois même l'impression étrange qu'ils n'auraient jamais forgé de véritable lien. Il avait l'intime certitude que leur père aurait été pire encore, il les aurait poussé sans scrupule à la concurrence histoire d'élire à terme son grand héritier. Sauf qu'il ne pouvait pas imaginer une vie sans ce rapport étrange qui l'unissait à Liam. Cela revenait pour lui à imaginer se séparer de son frère dans leur vie actuelle - et alors il savait qu'il deviendrait fou. Papa, fautif? Certainement. Ses lèvres se serrèrent étroitement pour ne pas dévoiler ce qu'il pensait réellement de leur paternel. Pour Heath, Aaron Wilde n'avait jamais été beaucoup plus qu'un géniteur. Il n'avait jamais rien fait de plus généreux que lui imposer son prénom, fardeau énorme s'il en est, et lui léguer un empire qui avait proprement failli le tuer. Non, il n'y avait rien d'admirable à être le fils Wilde. Combien de femmes, ex-conquêtes du patriarche, lui avaient jeté un regard compatissant lourd de "Tu sais, j'ai eu des relations plus qu'amicales avec Mr Wilde"? C'avait été également une lutte de tous les instants pour être à sa hauteur dans le monde des affaires, pour enfiler son costume bien trop grand. Alors qu'il était adolescent, il y avait également eu ce moment étrange où sa grand-mère maternelle lui avait avoué qu'elle songeait sérieusement que Aaron n'avait jamais aimé sa femme. Son propre père avait été pour lui une longue suite de déceptions. Alors oui, peut-être que tous les deux n'avaient pas été souhaités par cette homme-là, marié par intérêt et par vanité - mais il avait l'intime certitude qu'ils avaient été au moins souhaités par leur mère. Le mariage de Liam? Certes, il avait été vaguement désastreux. Mais il avait vu son frère douter. Il savait qu'il avait aimé cette femme - même si lui-même avait toujours eu un vague mépris pour cette nouvelle Madame Wilde. Sauf que aujourd'hui, ce n'était pas juste une crise de conscience à propos d'éventuelles ressemblances avec le père Wilde - chose qu'il avait toujours trouvé d'ailleurs proprement ridicule. A priori, c'était à leur relation même en tant que frère de venir sur le tapis. Le visage fermé, tout en se reservant un verre plein de whisky pur, il écoutait Liam. Entendre parler de sa propre relation avec sa mère lui retournait le ventre. De Madame Wilde, il n'avait gardé qu'une vague impression de bien-être. Même pas une voix. Et puis des photos d'un nourrisson dans les bras d'une très jolie femme, d'un blond cendré semblable à celui de son frère, qui avaient très mal supporté des années tenues dans les petits poings d'un enfant. Et puis il y avait eu Liam, et avec Liam le bonheur de voir un enfant grandir aussi heureux que possible. Au milieu... non, il n'avait pas le souvenir d'avoir été en colère. Il avait toujours pris la vie comme elle venait, pour ne pas souffrir. C'était pris dans une course infernale et inconsciente qu'il avait abusé de l'alcool, de la cocaïne, puis de la vitesse, jusqu'au crash. Mais le rôle de Liam dans tout ça...? Il eut un grand rire, assez déplacé dans ce contexte. "Mais tu m'as vu, Liam? T'es bien la seule personne sur cette terre à me faire garder contact avec la réalité. Même sans toi, j'aurais été aux prises avec Papa. Je serais devenu la même personne, mais sans avoir eu le choix. Peut-être même que j'aurais été pire. Il m'aurait forcé à reprendre son empire. Ouvre les yeux, Liam. Sans toi je serais mort. Mon train de vie aurait eu ma peau. La seule question, ç'aurait été de savoir si j'aurais été tué par la coke ou par l'alcool". Oui - il avait un regard assez lucide sur ce qu'il était devenu. Et il savait qu'une part de lui était encore accro. Mais le regard de Liam, cette espèce de terreur brute juste après son accident... C'était la seule chose qui lui avait donné la force de lutter. "Et puis tu pleurais tout le temps quand tu étais avec cette femme. Comme si tu savais déjà. J'ai pas eu le temps de t'en vouloir, t'étais ma seule famille, et moi j'avais pas la force de supporter la mort de maman tout seul. T'étais pas un sale petit frère, t'étais juste mon petit frère, et tu l'es toujours. J'avais autant besoin de toi que toi de moi. Toutes mes décisions, je les ai prises parce que j'aurais pas supporté de te laisser seul." Il n'aimait pas se confier - du tout. C'était comme renverser les rôles. Pendant toute sa tirade, il avait conservé un visage étroitement fermé, quoique sans jamais lâcher la main de son cadet. Il s'était juste servi un autre verre -encore- entre temps. Par réflexe. "Je suis peut-être légèrement déséquilibré, mais au moins grâce à toi je suis pas devenu fou." A nouveau il esquissa un sourire - infime, mais un sourire tout de même. |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Lun 8 Avr 2013 - 22:51 | |
| Malgré son état plus que pitoyable, Liam ne pouvait s'empêcher d'analyser les moindres faits et gestes de son aîné. La moindre mimique de son visage était analysée et ses paroles passées au peigne fin. La discussion en était que trop importante pour mettre ce genre de détails à la trappe. C'est comme cela qu'il vit le rictus que son frère fit apparaître sur ses lèvres lorsque Liam parla de leur père. A dire vrai, ni pour Heath, ni pour Liam, leur géniteur n'avait été un véritable père. Tout ce que ce dernier leur avait légué, c'était une partie de ces gênes et son argent. Combien de fois durant son adolescence, Liam s'était prit à se demander s'il était bien le fils de sa mère. Après tout, qu'est-ce qui prouvait au médecin que sa génitrice était réellement bien sa mère. Il ne l'avait jamais connu et lorsqu'elle avait perdu la vie, Heath n'avait que trois ans. Et si depuis le début leur père leur avait menti ? Si Liam n'était en fait pas le frère direct de Heath... ? Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était plus posé ce genre de questions douloureuses et cela lui brisa le cœur. La tristesse même la terreur se lût dans le regard du cadet. Déglutissant difficilement, il n'osa pas dire à voix haute tout ce qu'il pensait. Il savait très bien ce que lui dirait son frère à propos de toutes ces pensées sordides qui lui envahissait l'esprit. Tout simplement que tout ceci était bidon. Et au fond il n'avait pas tort. Alors que Liam repensait à ces questions d'adolescent, le rire franc de son aîné le surpris. « Mais tu m'as vu, Liam ? T'es bien la seule personne sur cette terre à me faire garder contact avec la réalité. Même sans toi, j'aurais été aux prises avec Papa. Je serais devenu la même personne, mais sans avoir eu le choix. Peut-être même que j'aurais été pire. Il m'aurait forcé à reprendre son empire. Ouvre les yeux, Liam. Sans toi je serais mort. Mon train de vie aurait eu ma peau. La seule question, ç'aurait été de savoir si j'aurais été tué par la coke ou par l'alcool". » « Mouais... Je ne suis pas si sûr que toi à ce sujet. » Certes, Liam avait énormément mis en garde Heath sur les dangers de l'alcool et de la drogue. Néanmoins, il n'avait guère l'impression que ses paroles avaient eu un quelconque effet. Peut-être avait-il minimisé la catastrophe, mais il n'avait pu arrêté définitivement son grand-frère d'en consommer. Liam le savait parfaitement. Si Heath était devenu l'homme qu'il est aujourd'hui, ce n'était pas vraiment grâce à lui. Cet accident de moto qu'il avait eu en percutant la voiture de Joan lui avait ouvert les yeux. Si cette femme n'avait pas été là, Heath Wilde serait certainement toujours aux prises des drogues et de l'alcool. Soupirant et remuant la tête, le visage de Liam se ferma. « Je n'ai rien fait Heath. Si tu n'avais pas eu cet accident de moto, tu n'aurais pas ouvert les yeux. Tu serais toujours le même homme qu'avant. J'ai peut-être empêché une plus grosse catastrophe, mais en aucun cas je ne t'ai aidé... Alors que toi oui... Et pour ça, je te jalouse un peu. Dans le sens où je te respecte tellement de m'avoir empêché de devenir comme papa, de me dire qu'il ne fallait pas que je fasse de conneries, que je ne devais pas toucher à la drogue etc. Et cela a marché. Je n'ai jamais dévié du chemin que tu as tracé pour moi. Pour ma part, j'avais l'impression que tout ce que je te disais pour te sortir de là, n'était que du vent. J'aurai voulu t'éviter cet accident. J'aurai été fière de me dire que mon frère s'en soit sorti grâce à moi et non grâce à une voiture en panne en plein milieu de la route... » « Je suis peut-être légèrement déséquilibré, mais au moins grâce à toi je suis pas devenu fou. » Heath n'avait pas tort et Liam le savait. Comment l'aîné serait-il devenu s'il n'avait pas eu la responsabilité de son cadet ? Aurait-il mal tourné ? En y réfléchissant bien, serait-il devenu aussi froid et insociable comme l'est Liam ? Inspirant fortement, il analysa le sourire qui lui était destiné. « J'ai l'impression d'avoir prit les mauvais côtés de papa. Au niveau du caractère je parle. Je suis plutôt froid et guère sociable. J'aime à garder mes petits secrets, mis à part à toi... Pourquoi n'avons-nous pas le même caractère ? J'entends par là que c'est toi qui m'a élevé, que l'on a grandi ensemble. J'aurai dû être à ton image. Et pourtant nous sommes tellement opposés sur ce point... » Sentant la honte s'emparer de lui, Liam baissa littéralement la tête sur le comptoir, n'osant plus faire face au regard du plus âgé des Wilde. « Je dois t'avouer quelque chose Heath. Quelque chose qui vient de me revenir en mémoire, alors que je n'y pensais plus depuis la fin de l'adolescence. J'ai besoin de t'en parler, de connaître ton avis, même si je me doute déjà de ta réponse. » Ses doigts s'étaient remis à jouer nerveusement avec son verre de Whisky à présent vide. « Je ne sais pas pourquoi, mais durant mon adolescence, je me suis mis à douter. Je te regardais, je me regardais, et je n'avais pas l'impression de voir de points communs entre nous. Alors, j'en suis venu à me demander si... Si j'étais bel et bien ton frère... » Liam releva subitement la tête. « C'était débile de ma part je le sais très bien. Je m'en suis tellement voulu d'avoir de telles pensées, mais c'était plus fort que moi. Après tout, qu'est-ce qui nous affirme que papa nous a toujours dit la vérité ? Quand maman est morte tu n'avais que trois ans. Ce qui veut dire que tu ne te souviens de rien et ne parlons pas pour moi. Il aurait très bien pût mentir du début à la fin. » Ne pouvant tenir plus longtemps, il se leva d'un bond et se précipita à l'extérieur, profitant ainsi de l'air pur et vivifiant, espérant pouvoir récupérer tout contrôle de lui-même. |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Mer 10 Avr 2013 - 20:04 | |
| «Mouais... Je ne suis pas si sûr que toi à ce sujet...». Heath haussa un sourcil, quitta des yeux le fond de son verre de whisky pour retourner au visage de son frère. Il y lisait quelque chose qui ressemblait étrangement à de la terreur - une ombre qui lui rappelait à la fois le soir de son accident et toutes ces nuits où il avait rejoint Liam enfant aux prises avec ses cauchemars. Il n’était pas sûr à ce sujet? Alors de toutes évidences il n’était pas dans sa tête aux moments où il se retrouvait seul devant son rail de cocaïne, un billet roulé en un tube étroit entre ses doigts. A chaque fois, c’était une lutte à mort entre son amour pour son frère et le manque. C’avaient été une suite infernale de pensées douloureuses, qui lui rappelaient que le monde des affaires & l’inconscience avaient fait de lui un aîné indigne. Quelqu’un qui n’était même plus fichu d’être le modèle fort qu’il avait toujours imaginé devoir être pour Liam. Plusieurs fois, cette pensée avait retenu sa main. Mais c’était sans compter l’effet pervers de la drogue. Peu à peu, il était devenu incapable de lutter contre la honte et la conscience de sa propre faiblesse - la cocaïne, c’était ce sentiment pervers mais salvateur de toute puissance. Et il était tombé. Mais toujours la pensée de son petit frère adoré avait atténué la violence de sa chute. L’overdose, il ne l’avait vécue que dans ses cauchemars, quoiqu’avec une acuité extrême. Il repensait à ces cauchemars alors que Liam développait sa pensée. C’était vrai, il y avait eu l’accident de moto. Le grand déclencheur, comme on dit. Il faut dire que c’est plutôt efficace, comme thérapie, de se manger une carrosserie en pleine vitesse, d’être opéré en catastrophe, et de passer des semaines de sevrage forcé dans un lit d’hôpital. Après l’accident, ses rêves étaient devenus plus horribles encore - l’air de l’hôpital, probablement. L’impression de mourir dévoré par la drogue avait été doublé d’une douleur ardente et de la violente réaction de son frère alors qu’il était allongé sur le bitume. Il regrettait, souvent. Regrettait d’avoir été obligé d’en passer par là pour se rendre compte quelle loque humaine il était en train de devenir, regretté d’avoir fait à son frère adoré cette peur suprême. Et puis il y avait eu Joan, ensuite, pour l’aider à ne plus songer à reprendre sa consommation précédente. L’alcool était resté, à moindre dose. La cocaïne était devenue occasionnelle. C’était un réseau de pensées extrêmement complexe, entre l’accident, son amour pour son frère, et le fait d’éprouver des sentiments amoureux pour la toute première fois. Mais le genre de réseau de pensée qui, quoique fragile, vous sort un junkie de la zone rouge. Alors il refusait de croire que Liam n’avait pas eu une très large part dans cette désintoxication extrême. Tout ce qu’il avait bien pu faire pour lui avait été payé et rendu par cette manière étrange dont le plus jeune des Wilde lui avait sauvé la vie - sur le terrain en lui assurant des premiers soins, puis en existant, tout simplement. Et si Liam n’avait rien pu faire avant l’accident... il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même d’avoir été un tel crétin. Par un fil étrange de la pensée de Liam, la discussion passa soudain au caractère de celui-ci, à ses liens avec leur père. «Je suis plutôt froid et guère sociable» - oui, bon, ça, il fallait bien l’avouer. Heath était quant à lui extrêmement expansif, bruyant, un peu déplacé parfois - mais c’était ce qu’on appelle un équilibre parfait, non? Pas pour son frère, a priori: «Pourquoi n’avons-nous pas le même caractère? J’entends par là que c’est toi qui m’a élevé, que l’on a grandi ensemble. J’aurais dû être à ton image. Et pourtant nous sommes tellement opposés sur ce point...». Il eut un léger sourire - Dieu merci, Liam ne lui ressemblait pas sur le plan du caractère, il ne se rendait même pas compte des emmerdes qu’il pouvait s’attirer dans la vie de tous les jours. Son aisance vaguement puérile ne plaisait pas à tout le monde. Mais Liam ne semblait pas trouver la chose aussi drôle que lui - il baissa la tête, et Heath pencha un peu la sienne sur le côté. «J’ai lutté, Liam. Beaucoup. Pour pas que tu deviennes comme moi. Pour que tu sois quelqu’un de bien. Pour que tu ailles loin. Je suis devenu comme ça à cause de la pression, à cause de notre père, et parce que tu avais mal et que je passais mon temps à vouloir te faire sourire. Tu avais encore plus de problèmes que moi - la culpabilité, le fait qu’on était seuls. Il fallait que je te soutienne, et, plus encore, que je te rende heureux. On a chacun eu notre façon de lutter, on a chacun eu nos problèmes. Toi, c’était maman. Moi, c’était le besoin de te rendre heureux et de relâcher la pression.» Mais la discussion devait aller encore plus loin. Avec stupeur, il entendit son cadet prononcer des mots qui le glacèrent tout entier: «J’en suis venu à me demander si... Si j’étais bel et bien ton frère». A entendre la voix brisée de Liam, à voir ce regard d'angoisse pure qu'il haïssait tant, Heath resta quelques secondes pétrifié. Il n'avait jamais soupçonné que des horreurs telles aient pu ne serait-ce que traverser l'esprit de son frère. Parce que c'était son frangin, la chair de sa chair, celui à qui il se devait d'épargner tous les doutes. Surtout de telles aberrations. Il fixait le visage de Liam avec des yeux ronds: «Qu’est-ce qui nous affirme que papa nous a toujours dit la vérité? Quand maman est morte tu n’avais que trois ans. Ce qui veut dire que tu ne te souviens de rien et ne parlons pas de moi. Il aurait très bien pu mentir du début à la fin». Il serra les poings, si fort qu’il sentit ses ongles entamer dangereusement sa peau pendant que Liam bondissait hors du bar. Dans un long soupir, il passa ses mains sur son visage. Son souffle était court, son coeur douloureux. Il mit plusieurs secondes, les yeux fermés, à se recomposer un visage neutre. Quand il les rouvrit enfin, ce fut pour voir la silhouette de son frère, immobile sur le trottoir, à la porte du bar. Sans perdre plus de temps en réflexion, il quitta l’arrière du comptoir pour se faufiler entre les clients jusqu’à la sortie - ne prêtant même pas attention à l’air de pure stupeur que lui jeta un de ses collègues. Comme s’il en avait quelque chose à foutre de son bar dans l’immédiat. C’était Liam avant tout, depuis toujours. Liam, son cadet, sa vie, qu’il prit dans ses bras sans plus de réflexion. Posant d’office son menton sur l’épaule de son frère, il marmonna avec un sourire de pure dérision: «Tu dis ça parce que je suis tout petit?». Pas le moment pour faire de l’humour? Certes. Il resserra sa prise sur le grand corps de Liam - est-ce qu’il tremblait? «Tu te rends même pas compte combien tu ressembles à maman. Tout le monde le disait, quand on était enfants. Ca saute aux yeux, sur toutes les photos. Vous avez les mêmes yeux. Même vos visages se ressemblent. Quant à moi... je suppose que tous les portraits de maman et moi témoignent suffisamment en faveur de notre ADN commun. Notre père étant trop fier pour reconnaître des enfants qui ne seraient pas les siens propres, je crois qu’on peut affirmer sans trop de marge d’erreur que nous sommes effectivement frères.» Il y eut un temps de silence, après lequel il ajouta en soupirant: «Et n’essaye plus jamais de foutre en l’air notre seul point de repère. Ok?» - ferme, mais sans colère. Toute sa vie avait été fondée sur le fait que Liam était son petit frère. En témoignent leurs deux initiales, tatouées sur sa cheville, comme un symbole de la force de leur lien. Bien sûr, ils avaient leurs différences. Mais qui n’en avait pas? Ils n’étaient pas la même personne après tout. |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Lun 15 Avr 2013 - 22:52 | |
| La légère brise de vent qui s'était levée depuis quelques jours à présent, s'engouffrait dans la veste noire de Liam et semblait jouer avec cette dernière. Bien rapidement, l'homme sentit une pression contre son corps et ne put s'empêcher de prendre également Heath dans ses bras. A l'heure qu'il était, le médecin se moquait éperdument du regard des autres. « Tu dis ça parce que je suis tout petit? » Un léger rire sortis de la bouche de Liam et il regarda le visage de son frère posé sur son épaule. « Tu te rends même pas compte combien tu ressembles à maman. Tout le monde le disait, quand on était enfants. Ça saute aux yeux, sur toutes les photos. Vous avez les mêmes yeux. Même vos visages se ressemblent. Quant à moi... je suppose que tous les portraits de maman et moi témoignent suffisamment en faveur de notre ADN commun. Notre père étant trop fier pour reconnaître des enfants qui ne seraient pas les siens propres, je crois qu’on peut affirmer sans trop de marge d’erreur que nous sommes effectivement frères. » Sur ce pont-ci, Heath avait raison à cent pour cent. Ces quelques phrases permirent à Liam de se ressaisir quelque peu et de reprendre une certaine froideur, qui n'était en rien destiné à son frère. « Et n’essaye plus jamais de foutre en l’air notre seul point de repère. Ok? » Les dernières paroles de Heath brisèrent le silence qu'ils avaient laissé s'installer entre-eux. « T'en fais pas va. Jamais je ne ferai une telle chose. » Heath et Liam avaient tout deux grandit dans le même « cocon familial » et pourtant ils avaient évolué dans deux mondes bien différents. Ces univers n'étaient en rien compatibles entre-eux et Liam se demandait encore parfois par quel miracle il s'entendait si bien avec son frère aîné. Était-ce cet amour que Heath avait du obligatoirement lui donner pour que je jeune Wilde grandisse plutôt normalement ? Était-ce là un signe de la part de Liam pour récompenser tous les efforts passés de son frère ? Bref quelque chose les unissait, quelque chose de si fort qu'eux-mêmes ne le comprenait pas réellement. On aurait pu penser tout bêtement au fameux lien fraternel, mais c'était plus fort que cela. Combien de frères ou de sœurs sont en froid alors que ce lien entre-eux existe ? La fraternité ne fait pas tout... Le lien du sang n'est qu'une infime partie de ce qui lie les fils Wilde. Quelque chose de bien plus profond les unie. Leur différence d'âge plutôt basse ? La perte de leur mère ? L'abandon du père ? Ou encore ce trop plein d'amour qu'ils s'étaient mutuellement refilé ? Il s'agissait certainement d'un amalgame de toutes ces solutions et cela convenait parfaitement au médecin. Liam ne s'en voulait que trop souvent d'avoir prit tous les bons côtés. Ni drogues, alcool ou héritage paternel trop lourd à porter pour de maigres épaules. Étant le second, le dernier des Wilde s'en était plutôt bien sorti. Aucune pression ne lui avait été mise et il avait pu faire de son désir d'avenir, son rêve. « J’ai lutté, Liam. Beaucoup. Pour pas que tu deviennes comme moi. Pour que tu sois quelqu’un de bien. Pour que tu ailles loin. Je suis devenu comme ça à cause de la pression, à cause de notre père, et parce que tu avais mal et que je passais mon temps à vouloir te faire sourire. Tu avais encore plus de problèmes que moi - la culpabilité, le fait qu’on était seuls. Il fallait que je te soutienne, et, plus encore, que je te rende heureux. On a chacun eu notre façon de lutter, on a chacun eu nos problèmes. Toi, c’était maman. Moi, c’était le besoin de te rendre heureux et de relâcher la pression. » « Mais... Si tu es devenu comme ça, si tu es tombé dans les travers des drogues et de l'alcool, ça veut dire que tu n'as pas eu ce qu'il te fallait durant l'enfance. Moi non plus je n'ai pas tout eu. Dans le sens où l'amour parental nous a été enlevé, je n'ai pas mal tourné pour autant car tu as été là pour moi. Mais si toi tu as prit le mauvais chemin c'est que l'on t'a privé de tout et pourtant j'étais présent. Certes plus jeune, en ayant mit du temps à comprendre que tu étais mon frère et non mon père. Pendant une période, lorsque j'étais vraiment jeune, je te respectais si fort que cette relation fraternelle n'avait pas l'air d'exister, mais je t'aimais... Est-ce que je t'ai enlevé quelque chose ou ne t'ai-je pas donné assez d'amour ou que sais-je pour que tu te sois tourné vers cette vie de débauche entre guillemets ? En t'écoutant, j'ai l'impression d'avoir mal fait quelque chose, d'avoir raté un truc qui aurait pu me permettre de t'aider davantage. En fait... » Liam s'arrêta net et regarda le ciel qui se dressait au-dessus d'eux à présent. « En fait j'aimerai faire pour toi tout ce que tu as fait pour moi. Je veux en faire autant... Et même si tu me prouves le contraire, je n'ai pas cette impression de faire autant que toi. C'est comme si toi tu me faisais vivre, moi je te fais survivre... Je trouve cela complètement différent et moins avantageux pour moi. » Haussant les épaules, il grimaça légèrement. « Je ne sais guère comment exprimer ce que je ressens... Je me sens restreint, comme si quelque chose ou quelqu'un m'empêchait d'en faire plus à ton sujet. Comprends que je te dois tout Heath. Mon caractère, mon travail, mes études, ma situation plus qu'aisée. Tu m'as fait ouvrir les yeux sur tant de choses qui auraient pu tout gâcher. Mon mariage forcé et mes choix qui en découlaient... Tu as toujours étais là pour me construire. Moi je suis là pour te soutenir ou t'épauler. J'ai juste l'impression de seconder. Heath Wilde s'est construit tout seul, sans l'aide de son frère, car il ne pouvait pas prendre exemple sur le cadet. » |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Jeu 18 Avr 2013 - 0:38 | |
| Quand Liam prit Heath dans ses bras, ce dernier se détendit tout entier. Il s'était toujours senti chez lui quand son frère l'enlaçait - c'était là sa maison, sa famille, bien plus que la villa sur Presidente Drive, bien plus même que le manoir des Wilde où il avait grandi. Il n'y avait que Liam, il n'y avait toujours eu que Liam. Il en était même venu à tatouer ses initiales, et pourtant il n'était même pas ivre. Quelque part, il avait toujours senti qu'il avait un besoin impérieux de la présence de ce gamin qu'il avait élevé, même une fois tous les deux parvenus à l'âge adulte. Peut-être qu'il était désespérément fragile, mais il s'écroulerait s'ils venaient à se séparer. Il était le seul en qui il pouvait compter en toutes circonstances - même ivre mort, même proche de l'overdose -, et sans scrupule aucun il lui avait livré toute sa confiance. Sans son petit frère, toutes ses provocations, tout l'entrain qu'il mettait à vivre au plus fort pour profiter de chaque instant n'aurait plus de sens. Il était son pilier. Et peut-être même sa colonne vertébrale. Alors quand il entendit la voix de celui-ci prononcer sereinement, comme il l'avait toujours fait: « T'en fais pas va. Jamais je ne ferai une telle chose. », il eut un sourire de profonde satisfaction. Parfois, en regardant en arrière sur ce qu'il avait fait de sa vie, il se rendait compte que sa seule fierté était d'avoir fait du tout petit bébé qu'était Liam Wilde un homme bien, sur lequel il pouvait se reposer et grâce auquel il pourrait avancer. Il dénoua enfin leur étreinte, et avec un air de grand sérieux qu'il n'adoptait que dans son costume de grand frère, il entreprit de remettre en ordre la chemise et la veste de Liam, lissant les plis du dos de sa main. Les sourcils froncés dans sa concentration, il finit par remettre soigneusement son col en place, et satisfait du résultat eut un nouveau sourire en posant sa main sur son épaule: "Quoiqu'il arrive, tu resteras mon petit frère et la personne au monde qui compte le plus pour moi. Compris?". Il le pensait sincèrement. Aussi loin qu'il s'en souvienne, Liam et lui n'avaient jamais été réellement en conflits. Ils avaient toujours été d'une sincérité absolue l'un envers l'autre, et même ivre mort, lorsque son frère lui reprochait les dérives de ses consommations il avait toujours pu sentir un amour profond dans chacune de ses paroles qui l'empêchait de s'enflammer à son tour. Il ne pouvait.. juste pas s'enflammer contre lui, parce qu'il avait toujours senti qu'au fond Liam avait raison et luttait pour son bien. Il était le seul coupable, le seul trop stupide pour ne pas l'écouter. Pour toutes ces raisons, il leva vers lui un regard surpris quand son frère s'épancha enfin sur ce qu'il avait pensé durant ces périodes difficiles. « Mais... Si tu es devenu comme ça, si tu es tombé dans les travers des drogues et de l'alcool, ça veut dire que tu n'as pas eu ce qu'il te fallait durant l'enfance. Moi non plus je n'ai pas tout eu. Dans le sens où l'amour parental nous a été enlevé, je n'ai pas mal tourné pour autant car tu as été là pour moi. Mais si toi tu as prit le mauvais chemin c'est que l'on t'a privé de tout et pourtant j'étais présent. Certes plus jeune, en ayant mit du temps à comprendre que tu étais mon frère et non mon père. Pendant une période, lorsque j'étais vraiment jeune, je te respectais si fort que cette relation fraternelle n'avait pas l'air d'exister, mais je t'aimais... Est-ce que je t'ai enlevé quelque chose ou ne t'ai-je pas donné assez d'amour ou que sais-je pour que tu te sois tourné vers cette vie de débauche entre guillemets ? En t'écoutant, j'ai l'impression d'avoir mal fait quelque chose, d'avoir raté un truc qui aurait pu me permettre de t'aider davantage. En fait... ». Avec stupeur, il vit son frère lever les yeux à son tour pour regarder le ciel. Sa gorge se noua. Merde, Liam, ne pleure pas ou je vais pleurer aussi, et on va avoir l'air cons sur le trottoir, pensa-t-il en son fort intérieur. Et puis... il n'avait jamais éprouvé la moindre frustration par rapport à son lien avec son frère. Ses dérives... il avait pris la faute sur lui, comme un grand. Il savait qu'il avait été un abruti. Qu'il avait été faible - peut-être un peu trop fantasque pour résister aux tentations néfastes du grand monde. « Tu m'as fait ouvrir les yeux sur tant de choses qui auraient pu tout gâcher. Mon mariage forcé et mes choix qui en découlaient... Tu as toujours étais là pour me construire. Moi je suis là pour te soutenir ou t'épauler. J'ai juste l'impression de seconder. Heath Wilde s'est construit tout seul, sans l'aide de son frère, car il ne pouvait pas prendre exemple sur le cadet. » Lorsque Liam prononça ces mots, il détourna le regard, luttant pour mettre en place le flot de pensées qui s'envahissait. Enfin, il eut un soupir, esquissa un sourire: "Tu peux pas t'en vouloir du fait que je suis un pauvre abruti. Quand j'ai commencé à bosser avec notre père, j'étais jeune. Très jeune. J'étais complètement irresponsable quand il ne s'agissait pas de m'occuper de toi, et le reste du temps un mioche immature qui ne pensait qu'à se faire remarquer. Alors quand on m'a proposé de l'alcool dans les dîners d'affaire, j'ai dit oui. Quand on m'a proposé de la cocaïne, j'ai dit oui. Je savais juste pas ce que je faisais, et quand je m'en suis rendu compte j'étais déjà accro. Ca n'a rien à voir avec toi, rien. Tout ce que tu pouvais faire c'était m'empêcher d'arriver à des doses mortelles, et tu l'as fait." Il y eut un silence - il passa sa main sur son front, pour se reprendre, et exprima enfin ce qu'il n'avait jamais osé dire: "Je m'en voulais. Constamment. Tu me donnais tout ce que tu pouvais pour que je sorte du trou, et j'y arrivais simplement pas. Une fois redescendu je me rendais compte que j'étais vraiment un frère de merde, que la vie avait été injuste avec nous, et ça me mettait dans des états tels que je recommençais. J'étais juste un toxico. Et avec ton boulot, tu es bien placé pour savoir qu'avec toute la volonté du monde on ne peut pas aider un toxico. Alors, je t'en supplie, ne t'en veux pas pour ça." Bon sang, cette discussion le faisait se sentir tellement... mal. Il se força à rire, dissimula sa nervosité, se raccrocha à la première perche: "Et ta femme était une immonde garce, ne me remercie pas pour ça, te prévenir était la moindre chose que je pouvais faire pour l'humanité et pour ma propre santé mentale.". Il avait toujours été comme ça. Liam le savait. Il se raccrochait à la première connerie à dire pour reconstruire son masque de grand acteur et pour oublier pour un instant tout ce qui le tourmentait. Il jouait le rôle de l'absolue confiance en lui - et de l'absolue bêtise - pour dissimuler ses failles. Seul Liam avait toujours vu clair dans son jeu, puisqu'il avait été témoin de la construction, au fil des années, de ce personnage là. Désinvolte, irresponsable, envahissant. Il haussa les épaules. "Ou alors j'aurais pu l'enterrer dans le jardin, mais je pense que tu m'en aurais un peu voulu." |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? Sam 27 Avr 2013 - 21:38 | |
| Lorsque Heath se recula légèrement de Liam, ce dernier put voir un air qu'il ne connaissait que trop bien sur le visage de son aîné. Pour être tout à fait honnête, même si le médecin avait l'habitude ou tout du moins, avait eu l'habitude de voir cet air sérieux sur le visage de son frère, il ne pouvait s'empêcher de se dire à quel point ce visage grave ne lui allait pas. C'était comme s'il s'agissait d'une chose complètement surnaturelle. Le plus âgé des Wilde avait toujours utilisé cet air en la seule compagnie de Liam. Il ne savait guère se comporter sérieusement en dehors de la seule cellule familiale qui lui restait, c'est à dire son cadet. En compagnie des autres, Heath était un tout autre homme, beaucoup plus extravertie et surtout beaucoup plus naïf. Il était ce bon vivant profitant de tout ce qui lui donnait la vie et il ne se souciait guère d'être respectable ou non. Seul face à son frère, il se devait de paraître plus sérieux qu'il n'était. Il avait ce besoin irréversible de toujours montrer à son frère, qu'il était là et que c'était toujours à lui de prendre les choses en mains. De ce fait, Liam se laissa faire lorsque Heath entreprit de lisser les plis de sa chemise et de sa veste. Souriant de le voir autant concentré sur le col, il fut sortie de ses pensées par la voix de Heath. « Quoiqu'il arrive, tu resteras mon petit frère et la personne au monde qui compte le plus pour moi. Compris ? » L'aîné posa sa main sur l'épaule du plus jeune et ce dernier, conservant toujours son sourire, se répéta la phrase de son frère des dizaines de fois dans sa tête. Il ne pouvait s'empêcher de penser à ce qu'il avait fait cette nuit-là, il y a de cela trois ans. Lui qui était redevable à vie à son frère, savait pertinemment qu'il avait détruit quelque chose. Si jamais Heath apprenait la vérité un jour ou l'autre, un lien se casserait. La confiance ne serait plus là et cela terrifiait le chirurgien. Il essaya de se vider l'esprit et de penser à l'instant présent. « Tu peux pas t'en vouloir du fait que je suis un pauvre abruti. Quand j'ai commencé à bosser avec notre père, j'étais jeune. Très jeune. J'étais complètement irresponsable quand il ne s'agissait pas de m'occuper de toi, et le reste du temps un mioche immature qui ne pensait qu'à se faire remarquer. Alors quand on m'a proposé de l'alcool dans les dîners d'affaire, j'ai dit oui. Quand on m'a proposé de la cocaïne, j'ai dit oui. Je savais juste pas ce que je faisais, et quand je m'en suis rendu compte j'étais déjà accro. Ça n'a rien à voir avec toi, rien. Tout ce que tu pouvais faire c'était m'empêcher d'arriver à des doses mortelles, et tu l'as fait. » Le sourire de Heath réchauffa le cœur du cadet, mais il ne sourit pas pour autant. « Jamais je ne t'aurai laissé atteindre de telles doses. Tu sais Heath, je ne te l'ai jamais dit, mais parfois la nuit, je me réveillait en sursaut. Je rêvais que l'on m'appelait pour m'annoncer une terrible nouvelle. Je t'imaginais ayant fait une overdose et je n'arrivais plus à m'endormir. » Le silence que laissa s'installer Heath rendit mal à l'aise le chirurgien, mais il essaya de ne rien lui montrer. « Je m'en voulais. Constamment. Tu me donnais tout ce que tu pouvais pour que je sorte du trou, et j'y arrivais simplement pas. Une fois redescendu je me rendais compte que j'étais vraiment un frère de merde, que la vie avait été injuste avec nous, et ça me mettait dans des états tels que je recommençais. J'étais juste un toxico. Et avec ton boulot, tu es bien placé pour savoir qu'avec toute la volonté du monde on ne peut pas aider un toxico. Alors, je t'en supplie, ne t'en veux pas pour ça. » « Pffff ne dis pas n'importe. Tu veux me faire croire que toi tu es un frère de merde ? Comment peux-tu penser ça ? Rien que de savoir que tu m'as élevé et que j'ai pu devenir chirurgien comme je désirais implique le fait que tu n'es pas un frère de merde. » Le rire nerveux de Heath ne calma pas le médecin, qui fronça les sourcils. « Et ta femme était une immonde garce, ne me remercie pas pour ça, te prévenir était la moindre chose que je pouvais faire pour l'humanité et pour ma propre santé mentale. » Souriant en coin, il prononça d'une petite voix. « Ouais... Tu sais, je vais être honnête avec toi. Si elle n'avait pas essayé de gâcher mes études de médecine et si elle ne t'avait pas détesté, j'aurai pu l'aimer. Vraiment... Je suis désolée que tu entendes ça, mais Abby est mon genre de femmes. » « Ou alors j'aurais pu l'enterrer dans le jardin, mais je pense que tu m'en aurais un peu voulu. » « T'es bête Heath... Je pense que oui je t'aurai fait un peu la gueule. Mais pas longtemps. Je ne peux pas rester fâché contre toi. » Il se mit à rire et reprit son frère dans ses bras en lui tapotant la nuque. « Bon allez serre moi une bière, une vraie. Une irlandaise, bien noire. » |
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| Sujet: Re: Dis moi, maman, elle était comment ? | |
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